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Le sujet ne traitant pas de scalpage ni de lock-out, vous pouvez passer votre chemin.

Par touanou le 18/6/2002 à 3:24:55 (#1675771)

Oh, il n'y a pas si longtemps que c'est arrivé... Dix ans, vingt ans peut-être... peu importe, après tout ! Mais laissez-moi vous raconter.


Ca faisait déjà bien longtemps que Sire Touanou possédait deux, trois lopins de terre ainsi qu'un bout de vigne à WindHowl. Il payait Epidor, un paysan, et sa femme, pour s'en occuper, trois fois l'an, d'une bourse remplie d'or. Ce n'était pas un mauvais bougre. Il parlait fort, il sentait fort, mais il payait bien.
Seulement voilà, pour son malheur, le terrain était très mauvais. Mal exposé, tout d'abord. Et puis la terre était mauvaise, trop sèche, malgré les efforts d'Epidor et de sa famille. Le raisin était de mauvaise qualité, et il était impossible d'en tirer quoi que ce soit, ou de l'exploiter pour en faire du vin. Pour parachever le tout, même la gelée d'hiver s'y mettait avant l'heure, et la plantation était vraiment décevante. Touanou, fort heureusement, n'avait nullement besoin des revenus de ces terres pour s'assurer un train de vie décent ; confortable, même.

Derrière la palissade qui entourait les champs et marquait les différentes propriétés, on apercevait la vigne de la veuve Fregond. La Grosse Fregond, l'appelait-on. Les gens l'aimaient bien, sans l'aimer plus qu'il ne faut. Elle vivait là depuis des temps immémoriaux, et personne n'aurait su trop dire depuis quand on la voyait habillée de noir pour aller tirer l'eau du puits, en signe de veuvage. Parlant peu, réfugiée dans sa modeste cabane, elle semblait appartenir à la terre et aux champs plutot qu'à la population du petit hameau. Elle n'avait jamais eu une vie facile, disait-on. On l'aimait bien, la Grosse Fregond.
Elle se rendait utile en rendant de petits services ; elle raccommodait les robes et les tuniques, et savait rempailler les chaises.
Son carré de vigne, en tout cas, était le plus beau qu'on puisse voir à des lieues à la ronde. Sans que personne ne sache pourquoi, le raisin était beau, luisant, et juteux tout à la fois. Les grappes, généreuses, d'une belle couleur et d'un goût savoureux, faisaient l'admiration des paysans du hameau. Pourtant, nul ne s'occupait de cette plantation ; c'est à peine si la veuve Fregond prenait le temps d'arracher les mauvaises herbes quand son dos ne lui faisait pas trop mal.

Evidemment, Touanou était, dès le début, fort perplexe. Comment se faisait-il que, d'un côté de cette maudite palissade, le raisin soit si peu propice à l'élaboration d'un grand cru, alors que de l'autre côté, chez la veuve Fregond, il poussait de façon naturelle ?
Il envisagea tout d'abord une malédiction Sylienne, ou un mauvais tour des Druides ; mais, après de longues et infructueuses expertises de ses amis mages, rien ne semblait indiquer la présence d'artifices ou de sortilèges.
Plus le temps passait, plus l'affaire de la vigne torturait l'esprit de Touanou, qui, peu à peu, se surprenait à ne plus songer qu'à ça, et à voir toutes ses pensées ramenées malgré lui à ce carré de terre. Après quelques années, commençant à ressentir les effets de cette obsession sur son humeur et même dans son travail, se décida à aller voir la veuve Fregond.

La vieille le reçut poliment dans sa petite cabane, et Touanou lui exposa son point de vue : puisqu'elle ne tirait aucun profit de sa vigne, et qu'elle était dans la besoin, pourquoi ne pas la lui céder en échange d'une coquette somme d'argent ?
Le refus de la vieille femme fut poli, mais catégorique. Les promesses et les offres de l'autre n'ébranlèrent pas sa détermination ; elle ne se séparerait de sa vigne que le jour où Artherk la rappellerait à lui, et pas avant.
Touanou revint la voir souvent, sans toujours évoquer le sujet de la plantation directement, mais avec toujours cette arrière-pensée en tête, à chacune de ses visites. Et elle, de le recevoir, toujours aussi poliment, toujours aussi humblement, lui proposant de s'asseoir de partager son maigre repas, mais sans jamais céder d'un pouce sur le sujet de la vigne.

Touanou, en lui-même, était furieux. Il arrêta du jour au lendemain de rendre visite à la veuve Fregond, et essaya d'oublier toute l'histoire, sans succès. Sans en parler à personne, il se faisait du mauvais sang au sujet de cette triste affaire, et, la retournant sans cesse dans sa tête, il en vint à n'en plus dormir, et à parfois en perdre le manger (mais pas le boire.) Après quelques verres de bière, on pouvait le surprendre à se parler à lui-même, et à tenir des propos incohérents au sujet de "cette diablesse, cette vieille catin vérolée de Fregond, qui a une vigne et qui ne la mérite pas"
Ainsi se passèrent plusieurs mois, sans que Touanou trouve de solution à ses problèmes.

Puis, un matin d'automne, se levant de bonne heure (aux alentours de midi), on put voir Touanou sortir de l'auberge, vêtu de son plus beau costume et son beau chapeau gris. L'air guilleret, le teint rose, il se rendit à la fontaine pour se raffraichir, puis se diriger, une bouteille dans chaque main, vers la cabane de la veuve Fregond.
"Bonjour, ma chère amie. Puis-je entrer ? dit Touanou, s'engouffrant dans la petite cabane vétuste.
- Bien sûr. J'allions r'mettre un peu d'purée d'pois à chauffer, j'attendions point de visite, té !, s'empressa de répondre la vieille, ne sachant déjà où donner de la tête, désorientée par cette visite inattendue.
- Allons allons, je ne veux pas vous importuner. Je venais pour me faire pardonner d'avoir été si longtemps sans donner signe de vie ; c'est pourquoi, je vous ai apporté un petit cadeau...
- J'pouvions point accepter, Monseigneur, parce que j'suis point sotte. J'sais bien qu'vous en voulez à ma terre, et ma terre, j'peux point vous la donner, ni vous la vendre.
- Vous vous méprenez, la mère ! Toute cette histoire de vigne, à bien y repenser, est une lubie, en laquelle j'avais fondé de vains espoirs, et dont maintenant toute la folie m'apparait. Oublions cette triste aventure, voulez-vous, et trinquez avec moi à notre amitié !
Rougissant, la vieille Fregond tenta de résister. Elle avait encore beaucoup de travail pour la journée, et elle ne buvait jamais.
- Vous ne pouvez pas refuser quand c'est offert de si bon coeur ; par ailleurs, ce n'est pas un vin ordinaire, mais une des liqueurs les plus fines que l'on trouve en Althea. Vous pouvez vous fier à un connaisseur, assura Touanou.
Fregond finit par se laisser convaincre, et fut surprise par le goût exceptionnel de la liqueur, qui était, en effet, de fort bonne qualité, et la réchauffa doucement.
"Ca ravigote, n'est-ce pas ? Vous ne trouverez pas meilleur en nos contrées."
Il la resservit de nombreuses fois, et ils discutèrent jusqu'au soir. Au moment de partir, remarquant les yeux brillants te le teint rouge de la mère Fregond, Touanou lui proposa de revenir la semaine suivante, avec toute une caisse, cette fois-ci, remplie de liqueurs, en guise de cadeau de leur amitié retrouvée.

L'autre refusa farouchement au début, mais, lorsqu'elle vit Touanou, la semaine suivante, ouvrir une caisse d'un air joyeux sous ses yeux, elle ne put s'empêcher de goûter un verre, puis deux, en compagnie du greffier. Tard le soir, même après le départ de son hôte, mi honteuse, mi gaie, elle resta assise devant sa table de bois, et continua à boire en silence.

Touanou, maintenant, venait plus rarement à la cabane, mais continuait à faire livrer chaque semaine des caisses de vin, de liqueur, et d'alcools divers. La veuve Fregond, elle, changea progressivement au cours de l'automne. On la voyait plus rarement, elle ne sortait plus de chez elle que pour cueillir des racines et puiser de l'eau ; une fois ou deux, le père Promaque la retrouva à la tombée de la nuit, du côté des murailles, ivre-morte, serrant une bouteille contre elle et ne tenant à peine sur ses jambes. Hagarde, un filet de bave coulant sur le menton de sa bouche édentée, elle n'arrivait plus à retrouver le chemin pour rentrer chez elle.

Les gens évitaient de la croiser ; des rumeurs couraient, disant qu'elle n'avait plus de travail, personne ne lui confiant plus son linge pour le porter au lavoir, ou ses enfants à garder. Le raisin, cependant, continuait à pousser dans son carré de vigne, plus beau que jamais. Ni Sire Touanou, ni personne d'autre ne venait maintenant lui rendre visite dans sa cabane qui aurait pu sembler laissée à l'abandon. Elle n'ouvrait plus sa porte de bois, à la tombée de la nuit, que pour trainer à l'intérieur les caisses d'alcool qui continuaient à lui être livrées chaque semaine.

Et puis, vous comprenez, ça n'a pas étonné grand'monde quand, un jour d'hiver -je crois bien qu'il neigeait -, on a vu le gars Morrandh trainer dans sa charrette à bras le corps de la veuve Fregond, recouvert d'un drap sale, jusqu'au cimetière.
Et ce jour-là, le jour de l'enterrement, en allant chez le notaire pour les formalités, vis-à-vis du carré de la vigne de la veuve, Sire Touanou portait son beau chapeau gris. Et je crois bien qu'il sifflait "Le temps des cerises".

Par Una Mag Mell le 18/6/2002 à 7:15:27 (#1676022)

*Suffoquée*

Par Missmite le 18/6/2002 à 9:47:24 (#1676443)

Bien joué ! je naurais pas fait mieux !

Par Landri MdS le 18/6/2002 à 10:32:55 (#1676654)

Vieux brigand!

Par Aaria le 18/6/2002 à 11:02:57 (#1676843)

*Adore*

Aaria,
Fan de ;)

Par Enthymion le 18/6/2002 à 11:03:47 (#1676855)

Arf ! la voilà la vérité... Sacripant ! tu m'as devancé pour le lopin de terre !

*furieux* :enerve:

Par Saphir MM Silyn le 18/6/2002 à 11:10:59 (#1676899)

Chapeau bas, tout simplement magnifique.

Saphir, agréablement surpris par chaque parole de Sir Touanou !

Par Felomes le 18/6/2002 à 12:19:52 (#1677335)

*Trouverait, s'il était au courant de cette histoire, cela parfaitement choquant, sordide, ou même, disons le mot, abominable*

Par Corwin d Ambre le 18/6/2002 à 12:30:12 (#1677409)

Toujours aussi agréable à lire.

Par Mutterrein le 18/6/2002 à 12:31:48 (#1677422)

*pense que Touanou devrait être scalper et lock-outer pour avoir fait ça*

Par Gust d Eryn le 18/6/2002 à 13:09:53 (#1677637)

Moralité:
Sire Touanou tuerait père et mère contre une bouteille de meilleure facture.

Par Ezechiel-CD GR le 18/6/2002 à 13:46:20 (#1677830)

C'est immonde!

Par Thoral Mazul le 18/6/2002 à 16:12:44 (#1678755)

Vous, mon brave, avez du sang de fidèle de Shim Boo dans les veines, c'est moi qui vous le dit!

Bravo!

heureusement

Par LePinpin le 18/6/2002 à 17:00:47 (#1679019)

que mon perso ne sait pas ça, sinon il considérait le "noble sire touanou" comme un rustre, parvenu, un faquin de la pire espèce et ne ferait que cracher dédaigneusement à son passage...


Mais tout à fait entre nous, ça, c'est une histoire qui se tient, y compris en terme de "timing", vu l'age du perso Touanou... (age par rapport au temps de jeu, touanou n'est pas né il y a deux semaines ;)

UnPinpin *choqué*

Par Varth de Sith le 18/6/2002 à 20:19:08 (#1680157)

Toujours aussi bon Touanou.

LJD

Waou...

Par Loki Acewin le 18/6/2002 à 21:22:33 (#1680559)

Magnifique.
Mais sordide.




Loki, qui a bien aimé, malgré cela.

Par BuBuK lE gUeDiN le 18/6/2002 à 22:28:51 (#1681023)

que mon perso ne sait pas ça, sinon il considérait le "noble sire touanou" comme un rustre, parvenu, un faquin de la pire espèce et ne ferait que cracher dédaigneusement à son passage...


Ah il y a une autre maniere de le considerer ?

Conte completement amoral. Je ne vois pas comment cet immondice peut être toléré sur un forum tel que celui-ci. Je retourne a mes posts ou chacun s'etrille dans les règles de l'art au sujet de scalps, locks, AFK, vols bugs du newbie; où l'on y trouve un VRAI débat d'idée. Messieurs les moderateurs je ne vous felicite pas; surtout vous Felomes qui critiquâtes mais ne fîtes rien.

Nubuk scandalisé

Par Sophocle le 19/6/2002 à 0:21:42 (#1681662)

Très beau conte, macabre à souhait, délicieusement dramatique. Une chute un peu prévisible ? En tout cas, une éloquence simple qui fait mouche. Un bijou à offrir en exemple à tous les corrupteurs et prétendus experts en coups tordus.

Un critique non masqué

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