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Les enfants de la nuit

Par Shaarila le 1/6/2002 à 0:39:00 (#1565734)

Récits précédents
• L'engeance de Caern-Sidhe
• Un pilier de feu

Aucun mouvement apparent dans la grande bâtisse, aucune réaction audible ou visible quand elle frappa sur la porte décolorée par les intempéries, d'abord doucement puis un peu plus fort. Toujours rien. Elle finit par tenter de pousser le battant, qui s'ouvrit en résistant un peu, les gonds émettant un grinçement à réveiller les morts. Bien qu'il fasse encore clair dehors en ce début de soirée estivale toutes les fenêtres semblaient avoir été aveuglées de planches ou de lourds rideaux et il lui fallut un petit moment pour s'accoutumer à la pénombre.
Un frôlement derrière elle et la porte se referma.
- Qui est là ?
Une main saisit son avant-bras et l'invita à avancer.
- Je veux voir Kalastor.
La main la tira de l'avant sans ménagements, et toujours sans un mot. Elle déboucha presque aussitôt dans une autre pièce, sentant plus qu'elle ne les voyait la présence d'autres individus qui l'entourèrent, deux d'entre eux la tenant en place pendant qu'on la fouillait. Une main couvrant le bas de son visage pour étouffer les protestations naissantes puis la relâchant.
- Ne criez pas personne ne viendra.
Elle sentit qu'on lui ôtait sa bourse, qu'on la fouillait... le fourreau de dague le long d'une de ses jambes -vide depuis le combat contre les rats sous le temple-. Un tissu sombre et poussiéreux fut abattu sur sa tête, la plongeant dans l'obscurité complète. Elle discerna tout juste la flamme de la torche que l'un alluma, sans doute pour examiner le contenu de son escarcelle songea-t-elle en entendant le maigre tintement des quelques pièces filant entre des doigts habiles.
- En supposant qu'il soit ici tu lui veux quoi à Kalastor, pour le demander dans toute la ville avec autant de discrétion qu'un drake en furie...
Une voix de femme cette fois-ci, qui se fit d'une cajôlerie sinistre.
- ... et traîner dans des endroits où une jolie jeune fille sans défense ne devrait vraiment pas s'aventurer seule ? Bah, au pire je suppose que nous pourrons toujours demander une... récompense raisonnable... pour avoir protégé la chère enfant dans la panique...
Une troisième voix intervint :
- Pas de rançon pour celle-là, elle vient d'Ombreleau. Plus pierre sur pierre là-bas.
- Je vois. Elle a intérêt à avoir de la famille autre part alors... mais sommes nous bêtes si elle en avait elle ne serait sans doute pas venue ici n'est-ce pas ?
Des rires fusèrent.

Par Shaarila le 1/6/2002 à 0:41:16 (#1565743)

- Je dois parler à Kalastor. Il sait où est ma mère. Enfin il peut m'aider à la retrouver.
- Elle s'appelle comment ? Et qui t'a dit de demander à Kalastor ?
- Mon père adoptif... la dernière fois qu'il l'a vue elle lui a dit que si un jour je souhaitais la retrouver... Kalastor à Lighthaven saurait où elle était allée ensuite. Et... je ne sais plus comment elle s'appelait.
Aucune image, aucun nom attachés à ces souvenirs transmis pendant ces instants d'agonie, juste une voix de femme feignant l'indifférence avec un succès presque total... il y avait autre chose aussi mais quoi ? Impatience... chagrin... colère ?
La femme parla à nouveau.
- Nous allons t'enmener le voir si tu y tiens... Mais peut-être que tu ferais mieux de repartir, peut-être que ce que tu pourrais apprendre ici te déplaira tellement que tu regretteras de ne pas avoir simplement ignoré qu'elle existait et de ne pas t'être débrouillée seule. Rares sont ceux qui entrent dans notre famille la tête haute et la gardent ainsi, ou la gardent tout court.
- Je veux juste savoir qui elle est. Je ne veux pas son aide ni la vôtre sauf pour savoir où elle est. Avec un arc et des flêches je chasse assez bien pour subvenir à mes besoins l'année durant s'il le faut.
Une main suivit la musculature des bras de la jeune fille. Ce n'était pas de la fanfarronade totale même si pour dire vrai elle n'avait jamais réellement dépendu de ses talents de chasseresse pour s'alimenter. Son père avait su faire naître et entretenir son goût pour le grand air, les traques déjouant les mille ruses du gibier, la mise à mort la plus rapide et élégante possible à travers le raffinement quotidien et sans relâche de leurs talents d'archerie.
- Comme tu veux. Viens.
On la promena à travers tant de pièces, vers le haut et vers le bas de tant d'escaliers qu'elle aurait été bien incapable de dire où elle se trouvait finalement... mais sans doute sous terre ou près d'un cours d'eau à en juger par la relative fraîcheur et humidité de l'air. L'odeur et les craquements d'un feu, puis la lumière des flammes l'aveuglèrent presque quand on ôta l'étoffe qui couvrait sa tête. Elle était debout à une extrémité d'une longue table, une personne derrière elle. Deux personnes étaient installées de part et d'autre de la table à son autre extrémité, près du feu. Celle à gauche était installée de travers dans un grand fauteuil, les pieds sur la table en compagnie d'une coupe sale et de plusieurs pichets, l'autre complètement encapuchonnée affairée à faire reluire une impressionnante collection de dagues de jet ouvragées posées en éventail devant lui, ou elle. Une voix passablement émêchée monta de l'homme de gauche.
- Sa mère est venue me voir il y a... onze ans ? Et je suis sensé me souvenir de ce que j'en ai fait. Par les bourses d'Artherk tu crois que je tiens un foutu registre de tous les traine-misères qui passent dans la ville et choisissent de s'adonner à certaines des activités... que nous protégons... ? Nan, tout dans la caboche et... elle me fait mal...
L'homme assis en face, du moins d'après le son Shaarila pensa que c'était un homme, ricana sans pitié. Le malaise de la personne qui se tenait derrière la visiteuse indiquait que cet état ne devait pas être habituel... Peut-être l'alcool avait-il été un moyen de noyer le raz-de-marée mental provoqué par le reveil des dragons, tout comme le nettoyage maniaque de ses lames par l'autre. Shaarila insista :
- Ce n'était pas une miséreuse et elle semblait penser que même après de nombreuses années vous sauriez.
- Tu as quelque chose ? Un nom ? Un colifichet qu'elle t'a laissé en souvenir, n'importe quoi ?
- Non.
L'homme ivre gémit, porta les mains à ses tempes et sembla se désintéresser d'elle, captivé par la danse de la lumière et des ombres au plafond. L'encapuchonné lui fit signe d'approcher et sifflota doucement en voyant de plus près son visage.
- Elle avait raison. Mais je ne crois pas que nous te dirons tout de suite où elle est allée... ça en révèlerait plus sur notre compte que je ne suis prêt à laisser savoir à quelqu'un sur qui nous n'avons pas prise. Nous rendrais-tu quelques services pour prouver ta bonne foi ?

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