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La voie des Lys [Part I] (par Serenade, de Feyd-ehlan)
Par Yodavid le 19/2/2002 à 23:03:01 (#979375)
La lune mobserve dun il attendri, elle qui est la gardienne inavouée de nos plus intimes secrets. Avec une lenteur calculée, elle croît et décroît au rythme des saisons dont la Nature, cette force implacable que même les hommes nont jamais réussi à maîtriser, a forgé les cycles depuis la nuit des temps.
Je marche présentement dans LightHaven sous les yeux interrogateurs des badauds insomniaques que la nuit a gentiment pris sous ses ailes. Jempoigne mon petit arc que le temps et surtout mes maigres possessions ont renforcé de plaques de cuivre pour mes propres protections.
Lhomme qui me suit depuis un petit moment na rien dun débutant. Il se meut avec une telle précision que jai eu peine à le déceler. Mais des années de méditation et de pratique mont permis de lapercevoir dans le reflet dune fenêtre ouverte. Pour le moment, il se cache derrière le bâtiment que je viens de dépasser. Il porte un capuchon qui couvre en partie son visage. Il paraît connaître lart de se dissimuler, les brumes nocturnes ne faisant que renforcer ses tentatives.
Malheureusement pour lui, moi non plus, je ne suis plus une débutante. Vivre seule pendant si longtemps apporte la méfiance nécessaire à la survie.
Il progresse à pas lents
Il se débrouille bien mais Sélène apporte à Ses enfants bien plus. Il est aisé dapprendre le camouflage nocturne, mais pas sa philosophie. Je ne fais pas que vivre la nuit, je ne fais quun avec elle. Cette sombre compagne virevolte autour de moi, partout où mes pieds me mènent. Du moins cest comme cela que je le perçois. Jai appris à mesurer mes dires sur cette déesse dont je chéris chacun des actes, mais que je connais si peu en fin de compte.
De façon inopinée, je me mets à courir vers la Tour des Mages. Maintenant, il sait que je sais, mais il prend le risque de me suivre. Je contourne une maison et reprends la direction de la fontaine. Jentends ses pas lourds, le son typique des bottes cloutées que nombre de mes pairs auraient jugé bien trop bruyantes
Je salue comme il se doit le noble Darkfang, dernier de sa race, qui menvoie en retour un signe de tête indifférent, si loin quil est des simples préoccupations de nous autres, les humains. Lindividu me suit toujours et je le mène enfin là où je le voulais : la crypte
Je pénètre dans ce lieu maudit où lobscurité règne en maître et se colle à vous telle la toile dune araignée. Jallume une torche et sursaute en contemplant le visage boursouflé dun mort-vivant. Une odeur de pourriture à la limite de la suffocation règne ici, mais la crypte attire régulièrement des petits aventuriers car il est dit que les prêtres aspirants ont beaucoup de chances de trouver la longue robe blanche qui les fera saffirmer dans leur nouveau rôle et quils doivent arracher à un de ces pilleurs de tombes bien gênant. Jai aussi appris que Darkfang offre une récompense pour sa mort, mais je ne connais pas bien la motivation qui le pousse à un tel acte de générosité.
Quoiquil en soit, je me dirige vers les ombres et me tiens immobile dans un coin, fixant de mes yeux verts les escaliers aux marches irrégulières, seule accès de cet endroit. Pourtant, mis à part quelques hommes et femmes sobrement vêtus, aucune trace de la présence de mon poursuivant.
- Vous me cherchez, nest-ce pas ?
Vivement, je me retourne et contemple une personne toute de noir vêtue. Sa voix est celle dune femme mais je reconnais sans peine sa silhouette. Sans esquisser le moindre geste superflue, je décoche une flèche qui se dirige droit vers la tête dun zombi qui sapproche un peu trop de notre cachette et regarde, dun air incrédule, celle-ci se détacher du corps et rouler sur le sol avec un bruit mat. Le corps, quant à lui continue une route aléatoire
- Ne vous faîtes pas plus forte que vous ne lêtes réellement, Sérénade. Votre maîtrise de larc est bon, mais il existe sur ces terres des archers bien plus compétents que votre personne.
La femme ôte sa capuche et je découvre une peu débène que jamais jusquici je navais contemplée. Ses cheveux dun noir total sont liés en petites nattes retombant sur des épaules carrées.
Elle paraît jeune, mais mon instinct me souffle que ce nest quun leurre. La surprise doit se lire sur mon visage car un sourire naît sournoisement sur les lèvres de mon interlocutrice. Il meurt tout aussi rapidement, tandis que je reprends une certaine contenance. Mon apparence enfantine ny aide pas
- Visiblement, vos connaissances dépassent largement les miennes. Vous savez qui je suis, ce que jignore moi-même, et je nai même pas eu le plaisir dentendre votre nom.
Elle rit, sa bouche souvrant sur des dents blanches, sévère contraste avec le marron sombre de sa peau. Celle-ci lui sous la faible lumière de la torche. Je triture mon arc sous leffet dun léger énervement. Voir cette femme me toiser mexaspère passablement. Je me contente néanmoins deffectuer un pas de côté et dobserver celle pour qui mon intérêt grandit mais que je perçois comme potentiellement dangereuse.
- Tu as lair plus courageuse que ce quon ma dit de toi. Votre mère peut être fière de vous.
Mes yeux sécarquillent malgré moi et mon indifférence feinte vient de voler en éclat.
- Vous
Vous la connaissez ? Où est-elle ? Et comment
?
Elle effectue un geste de la main.
- Que de questions bien inutiles auxquelles je ne répondrais pas ! Je pense quelle sera elle-même en mesure déclaircir tous ces détails si elle le souhaite. Elle a maintenant besoin de vous.
- Que croit-elle ? Elle mabandonne voilà huit ans et, tout dun coup, elle se rappelle mon existence ? Je ne limaginais pas si intéressée
- Par vous, bien sûr que si ! Elle sait chaque détail de ces huit années que vous avez vécu seule et éloignée delle. Elle pense que vous êtes aujourdhui prête à rejoindre lorganisation. Elle espère beaucoup de votre part.
- Je nen espérais pas moins delle voilà si longtemps. Depuis
Quelle est cette organisation dont vous me parlez ?
Dun mouvement ample, elle détache sa cape qui tombe sans bruit sur le sol poussiéreux. Dessous, elle cache un corsage en toile beige quelle défait prestement. De fait sa poitrine jaillit, tel un diable de sa boîte. Je constate que toute sa peau est noire.
Elle me désigne son sein gauche et je peux y entrevoir un tatouage élaboré qui en orne son contour et dont la couleur se détache particulièrement. Il sagit dun lys blanc, fleur que mes parents appréciaient beaucoup du temps où ils soccupaient encore de moi.
Dune voix monocorde elle sadresse à moi.
- Nous sommes celles quon ne voit jamais, sauf quand elles le désirent. Nous ne revendiquons nulle autre chose que profiter de linstant présent et tous ceux qui ne font pas parti des nôtres. Nous ne révélons jamais notre identité sous peine de mettre en danger lensemble des autres. Nous agissons en secret, sans que nul autre que nous et celles qui nous guident soient au courant de ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons. Nous névoluons que la nuit, pendant que les autres dorment et rêvent à de meilleurs lendemains. Nos armes : le charme et la dague aiguisée que nous dissimulons dans notre dos. Nos faiblesses : aucune. Nous ne sommes quune et chacune de nous est lalter ego des autres. Lys nous étions
Lys nous sommes
Lys nous resterons jusquà notre mort
Sur ce long discours, elle referme son corsage et réajuste sa cape noire.
- Belle interprétation. Je vois que vous avez bien appris votre texte. Vous êtes toutes aussi
dociles ?
- Si jai pris le risque de vous révéler notre existence, cest que votre mère pense que vous accepteriez ce pour quoi vous avez été entraînée. Être une Lys est votre destinée, vous ne pouvez la refuser.
- Et que me ferez-vous si je la refusais ?
- Nous ne pourrions laisser une étrangère avec de telles informations en liberté.
- Donc vous me tueriez
-
ou nous vous forcerions à entrer. A défaut, oui, nous serions obligés de commettre lacte fatal, mais votre mère préfèrerait que vous acceptiez de votre propre initiative. Nous avons beaucoup à vous offrir.
- Ma mère est très aimable de me laissez ce choix.
- Pensez-vous en avoir un quelconque ? Mais ne vous trompez pas, votre destin est de nous rejoindre.
- Il suffit ! Personne ne décidera à ma place de mes actes. Et surtout pas ce destin qui semble être votre axiome.
- Vous nêtes quun jouet depuis votre naissance. Mais vous êtes comme votre père, vous nen accepterez jamais les termes, malgré les faits. Heureusement pour lui, il naura jamais plus rien à accepter là où il est
Un poids mécrase soudainement et le monde tourne autour de moi comme si je me trouvais sur un manège qui jamais ne sarrête. Je ne peux croire les paroles prononcées par linconnue sise devant moi.
- Mon père
?
- Ooooh
en ai-je trop dit ? Elle rit.
Sans la moindre trace démotions jencoche une flèche et bande mon arc sur elle avant quelle esquisse le moindre mouvement. Elle sattendait à une telle action de ma part et me fixe dun regard neutre.
- Me tueriez-vous de sang froid ? Vous êtes courageuse jen conviens, mais le meurtre ne fait pas parti de votre répertoire. Je le sais pour vous avoir été votre ombre depuis ces années perdues.
Je ne parviens pas à prononcer le moindre mot tant mon cerveau essaie danalyser le flot dinformations qui me parvient depuis ces dix dernières minutes. Parcourir le monde en complète solitude prépare à beaucoup de choses, mais pas à cela. Je nespérais plus revoir mes parents, bien que cette idée se soit accrochée en moi pendant longtemps et voilà quune femme envoyée par ma mère se présente à moi, me dit quelle mobserve depuis mon abandon, qui en fait nétait quun vulgaire test daptitude, et mannonce quon maccepte joyeusement dans cet ordre inconnu et que mon père le refusait, ce qui a entraîné sa propre disparition. Cétait une histoire un peu dure à avaler, mais qui paraissait si alambiquées quelle pouvait nêtre que vraie. Je ne voyais personne tenter dinventer pareil mensonge. Mais je refusais dêtre la poupée de qui que ce soit, même sil sagissait de ma propre génitrice, que jai autrefois appelé maman, mais qui perd en cet instant toute crédibilité à mes yeux.
- Je ne vous tuerais certes pas, mais je connais bien dautres moyens de vous empêcher de me suivre sans pour autant vous mettre à mort.
- Je le sais bien
Mais vous nempêcherais en rien ce linéluctable.
- Rien nest inéluctable. Sauf peut-être la Mort. Mais on peut léviter bien des fois. Elle ne vous prend que lorsque vous baissez votre garde.
- Philosophie bien innocente, ma chère. Vous navez pas encore assez vécu. Vous aurez le temps de vous forger une opinion plus réaliste.
- En attendant, cest moi qui mène le jeu maintenant, alors laissez-moi tranquille et que je ne vous revoie plus. Dites à ma mère quelle vienne en personne si elle souhaite me parler et non quelle envoie lune de ses subordonnées dont les manières laissent à désirer.
- Comme vous le voudrez, mademoiselle. Elle sincline. Je vous laisse une semaine pour y réfléchir, mais je vous surveille. Si vous commettez ne serait-ce quun agissement qui compromettrait lune de nous, je serais sans pitié.
Je sens un couteau sous ma gorge et vois les contours de linconnue osciller faiblement puis disparaître. Une illusion
Elle maîtrise les arts magiques.
- Voyez-vous, je pourrais vous tuer quand bon me semble, mais votre mère ne me pardonnerais jamais cet acte. Et je préfère ne pas encourir sa colère. Je vais seulement vous laisser une semaine et pas un jour de plus pour prendre une décision qui, je le souhaite pour vous, sera positive pour les Lys. Dans le cas contraire, jaccepterais avec joie de planter cette lame dans votre petit corps le nombre de fois quil faudra pour que je naperçoive plus lonce dune vie dans vos charmants yeux.
Je laisse descendre mon arc vers le sol et déglutis avec peine, sous les assauts dune peur que je ne peux réfréner. Jamais je ne métais senti aussi furieuse et aussi faible quau moment où ses paroles sinsinuent dans mon cerveau, qui se charge den décoder toutes les implications.
La pression de la lame cesse et je la perçois à nouveau sa silhouette élancée dans mon champ de vision. Ses yeux noirs dont la pupille est indifférenciée de son iris me fixent sans sourciller. Elle est calme et détendue, ce qui me met encore plus hors de moi et qui, dans le même temps, meffraie un peu plus. Impuissante je suis face à elle.
- Je vais donc vous laisser à votre isolement et reparaîtrais devant vous dans une semaine. Dici là repensez à notre conversation.
Elle séloigne de moi, être infime incapable de faire ne serait-ce quun mouvement, puis se retourne.
- Mon nom est Lilyade. Souvenez-vous-en. Ce sera peut-être celui de votre Mort personnelle.
Elle reprend son chemin et remonte à la surface, me laissant là, sans voix, sans pensée, libre de toute attache inhérente au monde réel. Je tombe à genoux et regarde les flammes de ma torches mourir dans un crépitement sec et me mettre à la merci des ténèbres et des ses hôtes sans charme. Mais je nétais plus là. Jétais beaucoup plus haut dans le ciel, perdue au milieu du bleu uniforme. Une semaine
dici là je devais me préparer
ou attendre ma mort patiemment.
Je secoue ma tête, regagnant avec amertume les affres du monde réel. Je me relève et élague au passage un rat qui me prenait pour un cadavre puis, moi aussi, je remonte vers cette ville qui avait accueilli en son sein cette femme-enfant guidée par Sélène que je suis.
Décider de ma vie ou de ma mort
personne dautre que moi naurait à le faire. Et encore moins cette pseudo-représentante matriarcale qui mavait fait connaître ses doléances.
Ma vie prenait une tournure inattendue
mais pas inintéressante.
Liliane
Lighthaven... une citée si particulière... peut-on dire un jour la connaitre ? Elle vit, croit et chaque jour s'y passe des choses nouvelles, maintenant en éveil ceux qui comprennent, ceux qui aiment cette ville.
C'est ainsi que Liliane arpente la ville, sentant le pouls de la cité, au coeur de la nuit qui lui est chère. La course poursuite d'une jeune femme, une personne à ses trouses... le mouvement de la nuit, cette façon de bouger...
Mais bientot les personnes qui ont attiré l'attention de la prétresse sont hors de vue. Elle suit dans la direction, et arrivée pret de la fontaine elle s'étonne de ne point les trouver.
Une personne poursuivie souvent irait voir Elmert pour qu'il la defende...
Un tour rapide, quelques questions à des gens encore éveillés, la crypte semble être la destination la plus probable... aussi Liliane s'y rend... Prudente en descendant les marches de ce qu'elle appele avec humour la boutique du couturier.
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