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La voie des Lys [Part I]

Par Serenade le 19/2/2002 à 1:37:34 (#970827)

La lune m’observe d’un œil attendri, elle qui est la gardienne inavouée de nos plus intimes secrets. Avec une lenteur calculée, elle croît et décroît au rythme des saisons dont la Nature, cette force implacable que même les hommes n’ont jamais réussi à maîtriser, a forgé les cycles depuis la nuit des temps.

Je marche présentement dans LightHaven sous les yeux interrogateurs des badauds insomniaques que la nuit a gentiment pris sous ses ailes. J’empoigne mon petit arc que le temps et surtout mes maigres possessions ont renforcé de plaques de cuivre pour mes propres protections.

L’homme qui me suit depuis un petit moment n’a rien d’un débutant. Il se meut avec une telle précision que j’ai eu peine à le déceler. Mais des années de méditation et de pratique m’ont permis de l’apercevoir dans le reflet d’une fenêtre ouverte. Pour le moment, il se cache derrière le bâtiment que je viens de dépasser. Il porte un capuchon qui couvre en partie son visage. Il paraît connaître l’art de se dissimuler, les brumes nocturnes ne faisant que renforcer ses tentatives.

Malheureusement pour lui, moi non plus, je ne suis plus une débutante. Vivre seule pendant si longtemps apporte la méfiance nécessaire à la survie.

Il progresse à pas lents… Il se débrouille bien mais Sélène apporte à Ses enfants bien plus. Il est aisé d’apprendre le camouflage nocturne, mais pas sa philosophie. Je ne fais pas que vivre la nuit, je ne fais qu’un avec elle. Cette sombre compagne virevolte autour de moi, partout où mes pieds me mènent. Du moins c’est comme cela que je le perçois. J’ai appris à mesurer mes dires sur cette déesse dont je chéris chacun des actes, mais que je connais si peu en fin de compte.

De façon inopinée, je me mets à courir vers la Tour des Mages. Maintenant, il sait que je sais, mais il prend le risque de me suivre. Je contourne une maison et reprends la direction de la fontaine. J’entends ses pas lourds, le son typique des bottes cloutées que nombre de mes pairs auraient jugé bien trop bruyantes…

Je salue comme il se doit le noble Darkfang, dernier de sa race, qui m’envoie en retour un signe de tête indifférent, si loin qu’il est des simples préoccupations de nous autres, les humains. L’individu me suit toujours et je le mène enfin là où je le voulais : la crypte…

Je pénètre dans ce lieu maudit où l’obscurité règne en maître et se colle à vous telle la toile d’une araignée. J’allume une torche et sursaute en contemplant le visage boursouflé d’un mort-vivant. Une odeur de pourriture à la limite de la suffocation règne ici, mais la crypte attire régulièrement des petits aventuriers car il est dit que les prêtres aspirants ont beaucoup de chances de trouver la longue robe blanche qui les fera s’affirmer dans leur nouveau rôle et qu’ils doivent arracher à un de ces pilleurs de tombes bien gênant. J’ai aussi appris que Darkfang offre une récompense pour sa mort, mais je ne connais pas bien la motivation qui le pousse à un tel acte de générosité.

Quoiqu’il en soit, je me dirige vers les ombres et me tiens immobile dans un coin, fixant de mes yeux verts les escaliers aux marches irrégulières, seule accès de cet endroit. Pourtant, mis à part quelques hommes et femmes sobrement vêtus, aucune trace de la présence de mon poursuivant.


- Vous me cherchez, n’est-ce pas ?

Vivement, je me retourne et contemple une personne toute de noir vêtue. Sa voix est celle d’une femme mais je reconnais sans peine sa silhouette. Sans esquisser le moindre geste superflue, je décoche une flèche qui se dirige droit vers la tête d’un zombi qui s’approche un peu trop de notre cachette et regarde, d’un air incrédule, celle-ci se détacher du corps et rouler sur le sol avec un bruit mat. Le corps, quant à lui continue une route aléatoire…

- Ne vous faîtes pas plus forte que vous ne l’êtes réellement, Sérénade. Votre maîtrise de l’arc est bon, mais il existe sur ces terres des archers bien plus compétents que votre personne.

La femme ôte sa capuche et je découvre une peu d’ébène que jamais jusqu’ici je n’avais contemplée. Ses cheveux d’un noir total sont liés en petites nattes retombant sur des épaules carrées.

Elle paraît jeune, mais mon instinct me souffle que ce n’est qu’un leurre. La surprise doit se lire sur mon visage car un sourire naît sournoisement sur les lèvres de mon interlocutrice. Il meurt tout aussi rapidement, tandis que je reprends une certaine contenance. Mon apparence enfantine n’y aide pas…


- Visiblement, vos connaissances dépassent largement les miennes. Vous savez qui je suis, ce que j’ignore moi-même, et je n’ai même pas eu le plaisir d’entendre votre nom.

Elle rit, sa bouche s’ouvrant sur des dents blanches, sévère contraste avec le marron sombre de sa peau. Celle-ci lui sous la faible lumière de la torche. Je triture mon arc sous l’effet d’un léger énervement. Voir cette femme me toiser m’exaspère passablement. Je me contente néanmoins d’effectuer un pas de côté et d’observer celle pour qui mon intérêt grandit mais que je perçois comme potentiellement dangereuse.

- Tu as l’air plus courageuse que ce qu’on m’a dit de toi. Votre mère peut être fière de vous.

Mes yeux s’écarquillent malgré moi et mon indifférence feinte vient de voler en éclat.

- Vous… Vous la connaissez ? Où est-elle ? Et comment… ?

Elle effectue un geste de la main.

- Que de questions bien inutiles auxquelles je ne répondrais pas ! Je pense qu’elle sera elle-même en mesure d’éclaircir tous ces détails si elle le souhaite. Elle a maintenant besoin de vous.

- Que croit-elle ? Elle m’abandonne voilà huit ans et, tout d’un coup, elle se rappelle mon existence ? Je ne l’imaginais pas si intéressée…

- Par vous, bien sûr que si ! Elle sait chaque détail de ces huit années que vous avez vécu seule et éloignée d’elle. Elle pense que vous êtes aujourd’hui prête à rejoindre l’organisation. Elle espère beaucoup de votre part.

- Je n’en espérais pas moins d’elle voilà si longtemps. Depuis… Quelle est cette organisation dont vous me parlez ?

D’un mouvement ample, elle détache sa cape qui tombe sans bruit sur le sol poussiéreux. Dessous, elle cache un corsage en toile beige qu’elle défait prestement. De fait sa poitrine jaillit, tel un diable de sa boîte. Je constate que toute sa peau est noire.

Elle me désigne son sein gauche et je peux y entrevoir un tatouage élaboré qui en orne son contour et dont la couleur se détache particulièrement. Il s’agit d’un lys blanc, fleur que mes parents appréciaient beaucoup du temps où ils s’occupaient encore de moi.

D’une voix monocorde elle s’adresse à moi.


- Nous sommes celles qu’on ne voit jamais, sauf quand elles le désirent. Nous ne revendiquons nulle autre chose que profiter de l’instant présent et tous ceux qui ne font pas parti des nôtres. Nous ne révélons jamais notre identité sous peine de mettre en danger l’ensemble des autres. Nous agissons en secret, sans que nul autre que nous et celles qui nous guident soient au courant de ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons. Nous n’évoluons que la nuit, pendant que les autres dorment et rêvent à de meilleurs lendemains. Nos armes : le charme et la dague aiguisée que nous dissimulons dans notre dos. Nos faiblesses : aucune. Nous ne sommes qu’une et chacune de nous est l’alter ego des autres. Lys nous étions… Lys nous sommes… Lys nous resterons jusqu’à notre mort…

Sur ce long discours, elle referme son corsage et réajuste sa cape noire.

- Belle interprétation. Je vois que vous avez bien appris votre texte. Vous êtes toutes aussi… dociles ?

- Si j’ai pris le risque de vous révéler notre existence, c’est que votre mère pense que vous accepteriez ce pour quoi vous avez été entraînée. Être une Lys est votre destinée, vous ne pouvez la refuser.

- Et que me ferez-vous si je la refusais ?

- Nous ne pourrions laisser une étrangère avec de telles informations en liberté.

- Donc vous me tueriez…

- …ou nous vous forcerions à entrer. A défaut, oui, nous serions obligés de commettre l’acte fatal, mais votre mère préfèrerait que vous acceptiez de votre propre initiative. Nous avons beaucoup à vous offrir.

- Ma mère est très aimable de me laissez ce choix.

- Pensez-vous en avoir un quelconque ? Mais ne vous trompez pas, votre destin est de nous rejoindre.

- Il suffit ! Personne ne décidera à ma place de mes actes. Et surtout pas ce destin qui semble être votre axiome.

- Vous n’êtes qu’un jouet depuis votre naissance. Mais vous êtes comme votre père, vous n’en accepterez jamais les termes, malgré les faits. Heureusement pour lui, il n’aura jamais plus rien à accepter là où il est…

Un poids m’écrase soudainement et le monde tourne autour de moi comme si je me trouvais sur un manège qui jamais ne s’arrête. Je ne peux croire les paroles prononcées par l’inconnue sise devant moi.

- Mon père… ?

- Ooooh… en ai-je trop dit ? Elle rit.

Sans la moindre trace d’émotions j’encoche une flèche et bande mon arc sur elle avant qu’elle esquisse le moindre mouvement. Elle s’attendait à une telle action de ma part et me fixe d’un regard neutre.

- Me tueriez-vous de sang froid ? Vous êtes courageuse j’en conviens, mais le meurtre ne fait pas parti de votre répertoire. Je le sais pour vous avoir été votre ombre depuis ces années perdues.

Je ne parviens pas à prononcer le moindre mot tant mon cerveau essaie d’analyser le flot d’informations qui me parvient depuis ces dix dernières minutes. Parcourir le monde en complète solitude prépare à beaucoup de choses, mais pas à cela. Je n’espérais plus revoir mes parents, bien que cette idée se soit accrochée en moi pendant longtemps et voilà qu’une femme envoyée par ma mère se présente à moi, me dit qu’elle m’observe depuis mon abandon, qui en fait n’était qu’un vulgaire test d’aptitude, et m’annonce qu’on m’accepte joyeusement dans cet ordre inconnu et que mon père le refusait, ce qui a entraîné sa propre disparition. C’était une histoire un peu dure à avaler, mais qui paraissait si alambiquées qu’elle pouvait n’être que vraie. Je ne voyais personne tenter d’inventer pareil mensonge. Mais je refusais d’être la poupée de qui que ce soit, même s’il s’agissait de ma propre génitrice, que j’ai autrefois appelé maman, mais qui perd en cet instant toute crédibilité à mes yeux.

- Je ne vous tuerais certes pas, mais je connais bien d’autres moyens de vous empêcher de me suivre sans pour autant vous mettre à mort.

- Je le sais bien… Mais vous n’empêcherais en rien ce l’inéluctable.

- Rien n’est inéluctable. Sauf peut-être la Mort. Mais on peut l’éviter bien des fois. Elle ne vous prend que lorsque vous baissez votre garde.

- Philosophie bien innocente, ma chère. Vous n’avez pas encore assez vécu. Vous aurez le temps de vous forger une opinion plus réaliste.

- En attendant, c’est moi qui mène le jeu maintenant, alors laissez-moi tranquille et que je ne vous revoie plus. Dites à ma mère qu’elle vienne en personne si elle souhaite me parler et non qu’elle envoie l’une de ses subordonnées dont les manières laissent à désirer.

- Comme vous le voudrez, mademoiselle. Elle s’incline. Je vous laisse une semaine pour y réfléchir, mais je vous surveille. Si vous commettez ne serait-ce qu’un agissement qui compromettrait l’une de nous, je serais sans pitié.

Je sens un couteau sous ma gorge et vois les contours de l’inconnue osciller faiblement puis disparaître. Une illusion… Elle maîtrise les arts magiques.

- Voyez-vous, je pourrais vous tuer quand bon me semble, mais votre mère ne me pardonnerais jamais cet acte. Et je préfère ne pas encourir sa colère. Je vais seulement vous laisser une semaine et pas un jour de plus pour prendre une décision qui, je le souhaite pour vous, sera positive pour les Lys. Dans le cas contraire, j’accepterais avec joie de planter cette lame dans votre petit corps le nombre de fois qu’il faudra pour que je n’aperçoive plus l’once d’une vie dans vos charmants yeux.

Je laisse descendre mon arc vers le sol et déglutis avec peine, sous les assauts d’une peur que je ne peux réfréner. Jamais je ne m’étais senti aussi furieuse et aussi faible qu’au moment où ses paroles s’insinuent dans mon cerveau, qui se charge d’en décoder toutes les implications.

La pression de la lame cesse et je la perçois à nouveau sa silhouette élancée dans mon champ de vision. Ses yeux noirs dont la pupille est indifférenciée de son iris me fixent sans sourciller. Elle est calme et détendue, ce qui me met encore plus hors de moi et qui, dans le même temps, m’effraie un peu plus. Impuissante je suis face à elle.


- Je vais donc vous laisser à votre isolement et reparaîtrais devant vous dans une semaine. D’ici là repensez à notre conversation.

Elle s’éloigne de moi, être infime incapable de faire ne serait-ce qu’un mouvement, puis se retourne.

- Mon nom est Lilyade. Souvenez-vous-en. Ce sera peut-être celui de votre Mort personnelle.

Elle reprend son chemin et remonte à la surface, me laissant là, sans voix, sans pensée, libre de toute attache inhérente au monde réel. Je tombe à genoux et regarde les flammes de ma torches mourir dans un crépitement sec et me mettre à la merci des ténèbres et des ses hôtes sans charme. Mais je n’étais plus là. J’étais beaucoup plus haut dans le ciel, perdue au milieu du bleu uniforme. Une semaine… d’ici là je devais me préparer… ou attendre ma mort patiemment.

Je secoue ma tête, regagnant avec amertume les affres du monde réel. Je me relève et élague au passage un rat qui me prenait pour un cadavre puis, moi aussi, je remonte vers cette ville qui avait accueilli en son sein cette femme-enfant guidée par Sélène que je suis.

Décider de ma vie ou de ma mort… personne d’autre que moi n’aurait à le faire. Et encore moins cette pseudo-représentante matriarcale qui m’avait fait connaître ses doléances.
Ma vie prenait une tournure inattendue… mais pas inintéressante.

Par Vincent Tremere le 19/2/2002 à 3:15:30 (#971584)

zolie :lit: :amour:

Par Azulynn le 19/2/2002 à 6:12:08 (#972242)

Superbe :)

Par Filnor le 19/2/2002 à 9:53:08 (#972762)

:lit: :)

Par Liliane le 19/2/2002 à 11:47:31 (#973521)

Lighthaven... une citée si particulière... peut-on dire un jour la connaitre ? Elle vit, croit et chaque jour s'y passe des choses nouvelles, maintenant en éveil ceux qui comprennent, ceux qui aiment cette ville.

C'est ainsi que Liliane arpente la ville, sentant le pouls de la cité, au coeur de la nuit qui lui est chère. La course poursuite d'une jeune femme, une personne à ses trouses... le mouvement de la nuit, cette façon de bouger...

Mais bientot les personnes qui ont attiré l'attention de la prétresse sont hors de vue. Elle suit dans la direction, et arrivée pret de la fontaine elle s'étonne de ne point les trouver.

Une personne poursuivie souvent irait voir Elmert pour qu'il la defende...

Un tour rapide, quelques questions à des gens encore éveillés, la crypte semble être la destination la plus probable... aussi Liliane s'y rend... Prudente en descendant les marches de ce qu'elle appele avec humour la boutique du couturier.

Par Dias Tribal le 19/2/2002 à 13:35:48 (#974403)

Tres jolie..(regarde tes mp)

Par lana le 19/2/2002 à 15:04:37 (#975080)

:) :lit:

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