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C'était il y a longtemps...dans un autre royaume..

Par Un Solitaire le 13/2/2002 à 6:21:15 (#919262)

Il était, il y a longtemps de cela, un roi, dont on a perdu le nom, qui chassait à cheval, comme souvent, sur les terres de son royaume. Il avait avec lui toute sa cour, ses ministres, ses servants, ses pages et ses chiens.
Tous étaient après une biche qu'ils traquaient depuis le point du jour. La bête commençait à donner les signes d'une grande fatigue et ses poursuivants se réjouissaient déjà de la prise de ce superbe animal.
Ne sachant plus que faire, apeurée et lasse, la biche se réfugia dans un petit bosquet. Le roi ayant compris que la traque touchait à sa fin et ne voulant pas que ses chiens ne la déchirent, tenant à la ramener entière à son château, fit rappeler la meute, descendit de sa monture une dague à la main et entra dans le bosquet. Il savourait le plaisir de tuer lui-même le gibier qu'il avait poursuivi.
La biche s'était couchée près de la porte d'une misérable chaumière qui se tenait dans ce bois. Le roi s'approchait de la bête quand la porte de la chaumière s'ouvrit.
Une jeune femme d'une merveilleuse beauté apparut, d'un blond lumineux à rendre jaloux le soleil, les yeux d'un bleu à faire pâlir le ciel, et un corps si bien fait et si fin que jamais on n'eût rêver la chose possible.
Elle se précipita et se plaça entre la biche et le roi, qui levait précisément sa dague pour en frapper la bête.
La jeune femme, au mépris de sa vie, parla au roi, furieux, mais déjà hésitant.
- A cette heure, ou vous tuerez deux fois ou vous ne tuerez point.
Le seigneur du royaume la dévisagea.
- Ne savez-vous qui je suis ? Ne savez-vous que tout ici m'appartient, les terres comme les bêtes et que j'ai tout pouvoir sur mes sujets ? La prison vous attend si vous gênez mon mouvement.
La jeune femme ne dit rien et ne bougea pas. Les ministres, la cour et les pages du roi, ayant eux aussi pris position autour de la biche, assistaient à la scène.
Le seigneur prévint à nouveau.
- Une dernière fois, je vous le demande sous peine de vous le faire amèrement regretter, regagnez votre chaumière et laissez-moi emporter cette bête.
- Vous pourrez m'emporter avec elle, cela vous fera deux trophées, répondit calmement la jeune femme sans s'écarter davantage.
Le roi ne sut que dire ni que faire et la bête finalement s'échappa, ayant repris son souffle.

Au château et dans tout le royaume, on commenta fort l'incident et personne ne put donner une explication à la clémence de ce seigneur, habituellement si hautain et cruel, envers une simple et pauvre femme qui avait osé un geste si plein de défiance à son égard.
Le roi lui-même n'en disait mot et interdisait à quiconque d'évoquer devant lui cette histoire et cette jeune femme.
D'ailleurs personne n'y songea bientôt plus, car ce seigneur toujours plus avide de pouvoir et de conquêtes, fit envoyer ses armées guerroyer et envahir un des pays qui bordaient son royaume, causant de part et d'autres de lourdes pertes et dans ce pays, famine et désolation.
Les armées du roi remportant victoire sur victoire, on pouvait croire celui-ci au mieux de son bonheur et de son humeur. On aurait bien eût tort.
Le roi était devenu triste et pensif, et passait le plus clair de son temps assis sur son trône, sans parler ni sans manger.
Les ministres firent venir des docteurs, qui examinèrent longuement le maître du royaume, toujours silencieux, et ne parvinrent pas à lui trouver l'origine de son mal.
Une servante s'adressa toutefois à l'un d'eux, leur disant qu'elle connaissait bien, elle, la cause de la langueur du roi, et que tous les remèdes réunis ne pouvaient rien contre ce mal-là.
Alertés et intrigués, les ministres lui demandèrent de révéler ce qu'elle avait cru deviner sur l'origine de l'état passif et morose du seigneur.
- C'est l'amour, dit-elle. Le roi est éperdument amoureux, et je pense bien savoir de qui. Cet homme si arrogant, si riche et si puissant, est pourtant incapable de déclarer sa flamme à la jeune et belle femme qui l'a empêché de tuer cette biche. Sans chercher à vous offenser aucunement, toute autre femme aurait pu vous le dire. C'est le coeur...
On questionna alors, avec d'infinies précautions, le roi pour déterminer si la servante avait su deviner juste. Et celui-ci finit par avouer.
- Elle m'a troublé l'esprit. J'y pense jour et nuit. Elle est si joliment formée et son visage est si radieux de beauté, que mes pensées sont constamment dans son souvenir...
Les ministres s'étonnèrent.
- Vous êtes le roi et vous êtes sans reine. Demandez-la en mariage. Elle sera sûrement très heureuse et touchée de cette proposition, ainsi que de l'honneur que vous lui faites. Bientôt elle sera votre reine et à vos côtés. Vous serez comblé.
Le roi restait perplexe, mais se rangea à l'avis de ses ministres.
- Que l'on fasse rédiger et envoyer sur le champ ma demande à cette jeune et belle femme. Si elle accepte celle-ci, je vous couvrirais de titres, de biens et de richesses.

Les ministres firent donc quérir parmi les meilleurs poètes et écrivains du royaume enfin qu'ils mettent sur un parchemin la demande en mariage la mieux tournée qui soit. Et un messager alla porter et lire celle-ci à la jeune femme.
Un page l'accompagna, chargé de roses et d'autres fleurs magnifiques afin de les offrir à la belle en gage de l'amour du roi.
- Notre seigneur est bien prétentieux, s'empourpra-t-elle. Il vient jusque devant ma maison égorger les biches qu'il traque, et il m'envoie après de ses gens pour me demander de devenir son épouse. Gardez vos fleurs, dont je n'ai que faire, et déchirez ce parchemin dont le contenu m'insupporte.
Confus et penauds, le page et le messager retournèrent auprès du roi rapporter les paroles de la jeune femme.
En les écoutant, il se mit à verser de chaudes larmes. Mais il les renvoya tout de suite, devant délivrer un nouveau message.
Parvenus à la porte de la belle, ils s'empressèrent de lui confier la réponse de leur maître.
- Sachez, Mademoiselle, que le roi ne chassera plus désormais. Ni ici, ni ailleurs. Il vous prie de croire que son coeur n'est plus si noir que vous le pensez depuis qu'il vous a vu. Il désire vous en entretenir dès ce soir, dans son château. Il vous prouvera qu'il a changé. Vous n'aurez qu'à partager ma monture. Je vous y mènerai en sûreté.
La jeune femme leur fit transmettre au roi ce discours.
- Le coeur de votre maître est toujours le même. Il n'égorgera plus biches et cerfs. Soit. Mais pendant que nous parlons, ses armées affament et massacrent. Le beau roi que voilà ! Jamais je ne serai la reine d'un royaume qui fait couler le sang. Et jamais je ne serai l'épouse de ce roi qui en a donner l'ordre.

Les dires de la belle mirent leur destinataire dans une terrible colère.
- Cette femme, aussi belle qu'elle soit, dépasse les limites du permis. Que je renonce pour elle à mon droit de chasse ne lui suffit pas, elle veut aussi se mêler des affaires de guerre. Elle voudrait peut-être que notre royaume soit sans armes et sans armées, à la merci du premier assaillant venu ? Je déclare agir pour le bien de notre royaume. Non seulement je l'étends mais en plus je montre notre force à tous. Nul n'osera s'attaquer à nous.
Les ministres, malgré qu'ils connaissaient le coût considérable en hommes de cette guerre et la disette qui débutait au sein du royaume, n'eurent le courage de contredire le roi.
Et celui-ci, sûr de son fait, continua à faire combattre ses chevaliers et soldats pour faire reculer les frontières de son royaume.
Cependant, tout son entourage voyait bien que le seigneur dormait de plus en plus mal et que son caractère passait par de longs moments de tristesse et de mélancolie.
Un jour, il fit demander à nouveau son messager pour que celui-ci donne lecture à la jeune femme d'un troisième parchemin.
- Mademoiselle, commença-t-il, le roi veut vous prouver la bonté de son coeur et met fin sans délai à une guerre que vous croyez injuste. Le roi ne pensait qu'au bénéfice que pouvait en retirer le royaume. Car un roi se doit de penser avant tout à son royaume. Mais il se range à votre idée. Nos armées se retirent sur l'heure et un traité de paix est en préparation. Le roi vous veut la reine heureuse d'un royaume heureux. Il vous prie, il vous conjure d'accepter sa demande en mariage. Vous serez une reine influente et aimée.
La belle éclata de rire.
- Baliverne. Menteries que tout cela. Notre bon seigneur ne doit plus avoir d'or dans ses caisses. Alors il espère pouvoir transformer notre ruine en retrait pacifique...
Le messager se permis de la couper.
- Là n'est pas la vérité, il vous aime vraiment. Bien sûr, la guerre nous a coûtée. Je pense qu'au départ, elle servait son orgueil. Mais il a énormément changé depuis quelques mois. Son coeur est réellement meilleur. La vérité est qu'il ne sait plus comment faire pour vous dire son amour. Et faire surtout pour que vous l'aimiez...
La jeune femme adoucit son ton.
- Vos paroles ont les accents du vrai. Mais n'est-ce pas là une ruse pour tenter de faire plier mon coeur ? Je ne serais le dire. Je doute encore. Je revois ses yeux au moment où il voulait frapper la biche de sa dague... Je le sais capable du pire. Pas forcément du meilleur. Je suis désolé pour votre maître. Il n'aura pas ma main pour si peu. Mais je suis sûre que toutes les autres femmes du royaume seraient enchantées de cette sa proposition. Et il doit s'en trouver de bien plus belles que moi, non ?

Le roi fut désespéré par ce nouvel échec. Il errait presque sans vie dans les couloirs de son château. Il comprenait certes les paroles de la jeune femme sur son passé, mais il cherchait comment lui faire comprendre qu'il avait réellement changé.
Un matin, il fit venir un de ses ministres. Il lui enjoignit, d'une voix faible, de faire distribuer du pain et de la soupe à tous les nécessiteux, de faire construire des centaines de fontaines afin que ses sujets puissent avoir de l'eau près de là où ils habitaient, de faire assainir les rues de ses villes et de faire bâtir des hôpitaux pour soigner les maux et les blessures de tous, et en particulier des plus pauvres parmi les plus pauvres.
Dans toute la contrée, on discutait pour savoir d'où venait la soudaine bonté de ce seigneur, auparavant si dédaigneux et on commençait même à louer son nom et à prier pour sa santé, que chacun devinait déclinante, bien que peu de personnes dans le royaume en connaissent précisément la raison.

Après quelques temps, le roi fit envoyer une fois encore son messager auprès de la jeune femme.
- Mademoiselle, le roi vous prie à nouveau d'accepter sa demande en mariage.
Il vous aime. Il a changé et il a fait en sorte de vous le montrer. Mais il est bien seul sans vous et la vie le quitte peu à peu. Un mot de vous et son coeur se remettra à battre...
La belle baissa les yeux.
- Il est devenu bon, j'en conviens facilement. Mais n'est-il pas normal qu'un roi soit bon pour ses sujets et attentif au bien de son royaume ? Le roi est maintenant tel qu'il aurait toujours du être. Vous me faites comprendre que c'est grâce à moi que la compassion lui est venue dans son âme. Je ne sais, mais j'en serais flattée. Toutefois, d'autres que lui avait ce goût pour autrui bien avant que lui-même de le découvre. Il leur était naturel. Comment serais-je sûre qu'il ne retombera pas dans ces penchants pour le mal et la violence ? Mon coeur est incertain. Il ne peut encore s'attacher à son coeur.

Cette dernière réponse de la jeune femme occasionna une douleur si intense dans la poitrine du seigneur que celui-ci se mit à hurler sa souffrance. Le jour, il n'était que pleurs et gémissements et la nuit venue, ses plaintes se répandaient dans tout le château en un lugubre cortège de râles et de soupirs.
Il ne parlait plus, n'agissait plus. Et le temps passant, les ministres durent se résoudre à admettre que la bonne marche des affaires du royaume ne pouvait se faire durablement sans que celui-ci ait un roi à sa tête. Hors, il leur semblait fort que le roi avait, pour ainsi dire, perdu la sienne.
Mais gardant un secret espoir que leur seigneur oublia peu à peu cet amour sans réciproque, ils administraient aussi bien qu'ils le pouvaient ce bout de territoire désormais laissé à l'abandon par son roi.

Un après-midi pourtant, le seigneur réunit tous ces gens dans la grande salle d'assemblée, en haut du prodigieux donjon de son immense château.
- Je vois bien que mon mal vous donne de la difficulté. Il n'en sera plus ainsi. Je n'ai pas de reine, et encore moins de fils a qui transmettre mon royaume. Car j'abdique. Je ne me sens plus de conserver ma fonction. Cela sera l'ultime service que je rendrai à mes sujets, et peut-être le plus grand. Bientôt ils auront un nouveau roi. Choisissez-le entre vous. Choisissez-le bien. Pour moi, je ne veux plus rien. Ni titre, ni honneur, ni argent, ni terre. La vie fera de moi ce qu'elle voudra. Je vous laisse. Adieu.
L'assistance s'émut de ce discours. Jamais aucun roi, pour aucune raison, n'avait libéré son trône, sauf par sa mort. Et aucun texte, ni aucun accord tacite ne prévoyait un tel cas. Le roi avait certes un mal, que chacun essayait de taire devant lui mais que tout le monde savait, et tous étaient prêt à se porter à son aide, pour peu qu'il formule une demande. De plus, ce seigneur était à présent populaire, aimé et fêté. Il n'était pas question de s'en séparer maintenant qu'il était devenu bon et un bienfaiteur pour ses sujets.
Le messager prit la parole.
- Ô mon sir, confiez-moi une dernière fois la mission que vous m'avez déjà confié par le passé. Je suis assuré qu'en ce temps vos chances sont les meilleures. Un refus ne pourra plus être justifié. Votre bonheur est pour bientôt.
Le messager avait pris soin de rester dans le vague concernant sa mission afin de ne pas heurter le roi directement dans son coeur devant l'assemblée.
Le seigneur lui fut gré de cette courtoisie.
- Prends ton cheval sur l'heure. Mais si tu ne me rapportes pas une bonne nouvelle, j'abdiquerais sans contredit possible.

Le messager frappa, comme il commençait à en avoir l'habitude, à la porte de la jeune femme.
La porte s'ouvrit mais c'est la belle qui fit signe à l'homme de bien prendre en considération ce qu'elle allait lui dire.
- Ne t'épuise pas à me convaincre. Ton roi l'a déjà fait pour toi. Nous sommes dans un petit royaume et les nouvelles vont vite. J'ai apprécié le discours et le geste de ton maître et je veux bien maintenant lui parler. A une condition toutefois. Qu'il vienne par lui même jusqu'ici pour m'entretenir de son amour et de ce mariage qu'il veut avec moi.

Le messager revint donc avec l'invitation de la jeune femme au roi. Celui-ci se mit en selle sans attendre sur son cheval le plus rapide et traversa champs et villages pour rejoindre la belle. Mais le seigneur se trompa alors certainement de route et alla s'égarer au milieu d'une forêt. Il eut beau essayer de revenir sur ces traces ou de suivre des sentiers de boucherons, la forêt ne désépaississait pas et il restait perdu, entouré d'arbres hauts comme des montagnes, et sans indication sur la voie à emprunter pour sortir de ce mauvais pas.
Son cheval était fourbu et lui-même bien fatigué. Il attacha son cheval à une grosse branche et décida tard dans le soir de s'endormir au pied d'un arbre et de continuer sa route après une bonne nuit de sommeil et le grand jour revenu.
Il fut réveillé à l'aube par les hurlements d'une meute de loups qui s'approchait et les hennissements affolés de son cheval. Prenant peur à son tour, il courut vers son cheval mais deux loups lui barraient le chemin. Il prit la fuite, courant aussi vite que ses jambes le lui permettaient.
Les loups le suivaient de près et à chaque foulée, ils étaient à un doigt de lui planter leurs crocs acérés dans le mollet.
Il courut ainsi tout le long du jour, ne devant sa survie qu'à des branches basses qui gênaient les loups dans leur course ou à des fourrés qui le dissimulaient de temps à autres à la vue de la meute.
Le soir tombait déjà, quant ayant parcouru une clairière et se pensant toujours poursuivi par la meute, il reconnut le bosquet dans lequel se trouvait la chaumière où habitait la jeune femme. Le roi n'avait plus de souffle et tout son corps était endolori, mais la simple perspective de trouver un refuge à l'abri des loups, et surtout de revoir le visage de la belle, le firent redoubler d'effort vers le bosquet.
Sa surprise fut grande quand il constata que la chaumière ne se trouvait pas dans le bosquet. Il traversa et retraversa en tous sens le bosquet, il n'y voyait nul chaumière, ni maison, ni cabane, ni rien qui puisse donner lieu à une habitation.
Heureusement, les loups semblaient avoir perdu sa trace, mais encore apeuré, il guettait avec inquiétude le moindre bruit dans le bois qui aurait montré qu'ils le recherchaient toujours pour s'en faire un festin.
Néanmoins retournant sur la place exacte où aurait du se trouver la chaumière, il ne vit que branches cassées et feuilles jaunies. Comme si la chaumière n'avait été qu'une illusion ou un rêve. Son messager était pourtant venu bien des fois dans ce bosquet et avait alors trouvé et chaumière et jeune femme. Peut-être se trompait-il de bosquet ? Non. Il revoyait le chemin qu'il avait emprunté pour entrer dans le bosquet, pouvait suivre celui qu'avait tracé la biche quand il était après elle, et mettre le pied là où s'était couché la bête.
Il était absorbé dans son incompréhension quand il perçut à nouveau les hurlements de la meute. En regardant à travers les arbres, il les vit s'approcher de lui, étant toutefois encore à quelques distances. Il s'apprêtait à se remettre à courir mais il fut arrêté dans son élan par une vision soudaine.
A l'endroit précis où s'était couchée la biche qu'il poursuivait, la même biche était là, couchée, tranquille, le regardant sans bouger la tête. Etait-il en train de rêver ? Ou pire, de devenir fou ?
Pour s'en assurer, il fit quelques pas vers l'animal, qui ne s'effaroucha pas. Il étendit sa main et caressa la biche, qui se laissa faire docilement. Comment était-ce possible ? C'était absolument la même bête.
Ses émotions se bousculaient dans son coeur et ses yeux continuaient à regarder les loups commençant à se diriger vers lui, en meute et tous crocs dehors.
Il ne pouvait plus bouger, paralysé à la fois par la vue de la biche et par la vue des loups.
Il entendit alors la biche lui parler. Ou du moins ses sens troublés crurent cela, lui-même n'en étant pas certain.
- M'aimes-tu toujours ? M'aimes-tu toujours comme cela, comme je suis ?
Illusion ? Cauchemar ? Il sentait son esprit divaguer et sa conscience perdre pied.
La biche répéta.
- M'aimes-tu toujours d'amour ? Ton coeur bat-il toujours pour moi ?
Le roi s'époumona.
- Je ne crois pas à tout cela ! Tu ne parles pas ! C'est impossible !
Pendant qu'il parlait, les loups se rapprochaient dangereusement de lui.
- Ne crains rien. Je t'aime désormais. Et je te protégerai, dit encore la bête.
A ses mots, le coeur du roi chavira et ses idées laissèrent place au noir. Il tomba lourdement, inanimé, près du flanc de la bête.

Il lui sembla dans son sommeil faire une sorte de rêve, mais un rêve à aucun autre pareil, un rêve plus réel que la réalité la plus crue. Sa pauvre cervelle était-elle en train de prendre la folie de toute part ou ses yeux voyaient-ils vraiment ce qu'ils voyaient ?
La biche s'était mise à grandir, à grandir démesurément. Elle était devenue haute comme une tour et de ses pattes gigantesques, elle menaçait d'écrasement les loups qui tentaient de s'approcher de son corps gisant dans les feuilles. De ses naseaux, un souffle terrible et sonore s'échappa quand le dernier des loups s'enfuit, épouvanté par cet adversaire qui ne cessait de monter vers le ciel.

A son réveil, pourtant, la biche était toujours la même, couchée et immobile.
Il avait du dormir longtemps car il entendait le chant matinal des oiseaux dans les branches des arbres et sentait la froideur de l'air que le soleil nouveau commençait tout juste à réchauffer.
Il chercha les loups partout autour de lui, mais il n'en vit nul ombre. Son rêve aurait-il été autre chose qu'un rêve ?
Il regarda son corps. Il n'était pas blessé. Rien, pas une égratignure. C'était inexplicable, mais ce rêve ne pouvait être qu'une chimère.
En tout cas, la biche ne lui parlait plus. C'était déjà cela, se disait-il. Par contre, elle le fixait d'un air mystérieux.

Le roi se remit bientôt sur pieds et fit quelque pas pour bien se prouver à lui-même qu'il était toujours vivant et entier. La biche en fit autant, observant du coin de l'oeil le seigneur dans ses mouvements. Le roi l'observa à son tour, trouvant inhabituel le comportement de l'animal.
Cependant il fallait maintenant songer à regagner le château. Mais il ne savait quelle direction prendre. Comme si elle avait entendu s'interroger le roi, la biche avança de quelques longueurs et s'enquit de savoir si le seigneur la suivait.
Le roi était intrigué. Déjà qu'elle paraissait lui avoir parler, la bête lirait-elle en plus dans ses pensées ? Ou avait-il commencé un autre rêve ?
Après un moment de réflexion, le seigneur se décida à suivre la biche.
Et ils marchèrent ainsi une journée entière, traversant les champs sous les regards abasourdis des paysans et des paysannes qu'ils croisaient, et qui se taisaient d'étonnement devant ce spectacle insolite d'un roi et d'une biche côte à côte.
Dans les villages qu'ils parcouraient, les habitants s'immobilisaient à leur passage, frappés d'ahurissement.

Tout le long de la route, l'animal avait couvé du regard le roi et avait dirigé son pas quand il avait hésité sur le chemin à suivre. Il avait semblé au maître du royaume entendre pendant le périple la bête lui parler plusieurs fois, comme d'esprit à esprit, et sans qu'il la vit prononcer une seule parole.
En fait, le terme exact devait être plutôt coeur à coeur, car maintenant il ne pouvait s'empêcher de ressentir un profond émoi en regardant la biche et un délice certain de la savoir à côté de lui.
Cependant il n'avait jamais chercher à la toucher, ou en éprouver simplement le besoin. Le contact visuel suffisait amplement pour qu'une foule de sentiments passent désormais entre eux.

Arrivés au château, les gardes ne surent que dire mais ils écartèrent respectueusement leur lance devant le seigneur et la bête.
Parvenus à l'intérieur de la forteresse, les pages et les servants furent interpellés par le roi.
- Nourrissez cette biche comme si c'était votre propre fille et parez-la comme si c'était votre propre femme.
Ceux-ci étaient stupéfaits mais ils s'exécutèrent sans mot dire. Le roi était resté près d'eux pendant que ceux-ci s'activaient.
La bête sustentée et revêtue d'une robe de soie fine, le maître du royaume, l'accompagnant du regard, la fit monter dans la grande salle d'assemblée du château.
Là, après s'être assis sur son trône, la biche s'étant assise à ses côtés, il fit réunir tous ses gens, des plus importants ministres aux plus humbles serviteurs. Ils se demandaient tous la raison de la présence de l'animal habillé de tissus précieux auprès du roi.
- Ecoutez, leur dit-il, aujourd'hui est un jour digne de rester dans toutes les mémoires. Votre royaume a enfin sa reine.
L'assistance cherchait partout dans la salle la jeune femme dont la beauté avait été tant vantée mais ils ne la voyait point.
Devant leur étonnement, le roi durcit le ton de sa voix.
- Enfin, ne la voyez-vous pas ?
Les yeux de tous balayaient l'espace, sans comprendre ce qu'ils devaient chercher.
Le roi murmura alors.
- Ma douce reine est assise à côté de moi. On est déjà en train d'orner sa couronne de perles et de diamants.
L'assistance restait muette et comme frappée de stupeur.
Le seigneur parla encore.
- N'est-elle pas la plus belle et la plus aimable reine qu'un royaume ait connu ?
Quelqu'un dans la salle se récria néanmoins avec force, mais sans oser se montrer.
Une biche, notre reine ? Notre roi est bon pour la médecine de l'esprit... Si elle y peut encore quelque chose !
Le maître du royaume eût un hochement de tête plein de dépit.
- Pauvres fous qui ne voyez qu'avec vos yeux...
Et les ministres, les valets et les femmes de chambre s'agenouillèrent petit à petit, en signe d'allégeance devant la biche qui maintenait sa tête avec un port altier.

Par Un Solitaire le 13/2/2002 à 6:21:56 (#919263)

Les premiers temps on discuta beaucoup sur ce couple royal. Mais bientôt on ne s'en inquiéta plus, car le roi, sa bonne humeur retrouvée et avec une ardeur dans la bonté qu'on ne lui avait jamais connu, fit prospérer et embellir son royaume dans des proportions telles qu'elles devinrent légendaires dans les contrées voisines.
Les gens en arrivèrent à se réjouir, sans plus s'en étonner, de voir le roi et leur nouvelle reine-biche prendre leur repas côte à côte dans les banquets et danser ensemble quand les musiciens faisaient résonner les murs du château de leur instrument, s'emportant mutuellement dans de somptueux ballets.
L'extraordinaire était devenu leur quotidien, et leur quotidien, extraordinaire.

Par Gouly le 13/2/2002 à 12:01:59 (#920070)

Très beau :)
mais la je regrette d'avoir des cheveux noir:D
(et zou le post car il vaut la peine)

Par Eender le 13/2/2002 à 12:08:57 (#920107)

*part apprendre la compétence 'Lecture Rapide'*

:doute:

Par Yoshimo Lombra le 13/2/2002 à 12:13:40 (#920134)

*suit Eender*

:doute:

Par Menforu le 13/2/2002 à 12:14:23 (#920142)

:lit:


*replit doucement le manuscrit *

une biche..... :)

Par Eender le 13/2/2002 à 12:15:49 (#920153)

arf j'ai plus qu'un seul point de comptetence :(

Trop d'esquive peut être :doute: ?

Par Merrick Nurien le 13/2/2002 à 14:37:33 (#921157)

J'aime beaucoup, mais il me semble déjà avoir entendu cette histoire ?

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