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Pour So
Par daman le 6/2/2002 à 21:06:55 (#876120)
La commode.
Il y a quelques années est survenu dans ma vie un fait des plus étranges. Il était vers 19 heures et jattendais un ami, Jean-Luc, que javais invité à diner.
Jai fait un peu de rangement dans ma salle à manger qui me sert aussi de bureau. Il y avait là sur la table des papiers divers, des factures impayées, des journaux, et de ces publicités qui encombrent les boîtes aux lettres au point den interdire lusage normal.
Je ramassai tout cela, une main dessus, une main dessous et le posai sur la commode voisine. Cest une commode empire que je tiens de ma famille et dans laquelle je mets un peu tout. Jen étais à préparer le repas quand je me souvins que javais reçu la facture de ma consommation deau depuis au moins deux semaines.
Je la retrouvai dans le tas de papiers que javais « rangé » un peu plus tôt. Au moment de signer le T.I.P. je remarquai que mon nom était mal orthographié. On pouvait lire : Namad... de même que le mois erbmevon pour novembre... Ailleurs les lettres étaient mélangées.... cseais pour caisse. Lordinateur qui établissait les factures avait fait nimporte quoi.. Ailleurs encore, cétaient les syllabes qui étaient interverties... mmationsocon pour consommation... « Curieux », me dis-je, « jadmets volontiers quun programme informatique mélange les lettres, mais pas les phonèmes. Ce doit être luvre dun plaisantin. ». Cétait loccasion de traîner un peu pour payer...
Jean-Luc arriva peu après. Je lui montrai tout de suite ma facture, car il était de ceux qui soutiennent que les services publics ne cessent de se délabrer dannée en année. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je constatai que le document, que javais laissé dans une poche de mon jean ne portait plus trace daucune anomalie...
Mon ami me regarda bizarrement... « Tu vas bien, toi, ? » me dit-il. Je protestai. Jétais à jeun. Et parfaitement clair et en forme : la preuve, javais réussi dans laprès-midi un superbe kougelhopf, ce qui nest pas à la portée du premier venu surtout si on sinterdit lusage dun robot ménager.Il faut pétrir pendant 30 minutes au moins, ce qui suppose des dispositions, sinon le gâteau ne lève pas suffisamment et sa pâte est dense au lieu dêtre légère.
Jean-Luc considéra cela comme une preuve suffisante de ma bonne foi. Il me demanda où javais pris le papier quand javais remarqué lanomalie. Je lui indiquai la commode. Il sen approcha et me demanda la permission dexaminer les papiers...
Il sempara dune pile de publicités. Elles étaient aussi bizarres... Les objets y avaient des couleurs inhabituelles, des bijoux remplaçaient les saucisses dans une pub pour une charcuterie alors que celle pour la bijouterie sornait de jambons... Il y avait des obscénités sur un prospectus de lArmée du Salut. Mon ami, très croyant parut troublé. Il me demanda : « ça fait longtemps que tu as cette commode ? ». « Deux, trois ans....Tu crois quil y a un rapport.. ? ».
Il prit un air mystérieux : « Je ne crois rien...Passe moi une lampe de poche et aide moi à sortir tous les tiroirs. Nous allons voir sil ny a rien là-dedans.. ». Je lui apportai lobjet et peu de temps après les trois tiroirs débordant dun bric-à-brac indescriptible étaient entassés lun sur lautre à même le sol...
Il braqua le faisceau de la lampe à lintérieur de la commode. « Ohoo... Intéressant... On dirait une inscription, sur un morceau de papier...Mais cette lampe néclaire pas bien. Elle narrive même pas à éclairer jusquau fond...Il fait drôlement noir là-dedans ! En plus il y a de lécho... ! ! ».
Je proposai daller acheter de nouvelles piles pour la lampe et une pizza pour deux pendant quil tenterait de résoudre le problème. Jean-Luc accepta avec empressement. Cétait un célibataire un peu bohème. Il ne refusait jamais une invitation.
Avant de partir, je remarquai que son torse disparaissait complètement à lintérieur de la commode dans laquelle il sétait introduit, lampe à la main par louverture laissée libre du tiroir du bas et quil adoptait une posture semblable à celle dun garagiste travaillant sous une voiture. Une chose me parut tout de même inhabituelle : mon ami dordinaire si sérieux portait des chaussures de deux couleurs différentes.. « Une lubie » me dis-je et je sortis.
Quand je revins une demi-heure plus tard, il nétait plus là, ce qui me sembla étrange car il était la correction même. Quelques jours plus tard, et comme il nétait apparemment pas rentré chez lui, javertis la police de sa disparition. On minterrogea à plusieurs reprises et un inspecteur fit une enquête rapide mais le dossier fut classé faute de nouveaux éléments. Mon ami avait décidé de changer dair et était parti.
Pour ma part, je ne sais que penser mais ces derniers temps je ne fais plus la sieste dans mon salon comme par le passé car sil marrive de mendormir dans cette pièce, je fais des cauchemars et je suis immanquablement réveillé par des cris affreux. Des cris de souffrance dans lesquels il me semble bien reconnaître la voix de mon ami disparu. Ils semblent provenir de la commode.
Pour la délicate, intelligente, patiente et simplement gentille So Elsan que sans même la connaître jai appris à respecter.
Daman.
[Edit Daynos : je me suis permis de supprimer les espaces "avant" les ponctuations... Je n'ai fait aucune édition sur le texte] .Merci Daynos , je n'ai que de très vagues notions de l'art de l'imprimeur .
Par Archimage le 6/2/2002 à 21:15:28 (#876179)
Superbe.
Par Kenedha le 6/2/2002 à 21:15:48 (#876182)
Si tu en a d'autre, n'hésite pas à nous en faire profiter.
Re: Pour So
Par atamir le 6/2/2002 à 21:21:03 (#876217)
Provient du message de daman
Pour la délicate , intelligente , patiente et simplement gentille So Elsan que sans même la connaître jai appris à respecter.
*aimerai comprendre le message de cet ami qui disparai a la lumiere de la fin*
Par Perle Noire le 6/2/2002 à 21:46:40 (#876452)
*belle histoire :D*
Par lepanda le 6/2/2002 à 21:47:55 (#876465)
*regarde sa commode*
*enleve les tiroirs *
Dommage , elle est normal la mienne :( J'aurais bien voulu me cacher dedans moi :) Quoique, il l'a pas retrouvé son copain , peut etre pas une bonne idée:doute:
Par So Elsan le 6/2/2002 à 21:48:49 (#876473)
Merci Daman :)
:merci:
Par Chalia le 6/2/2002 à 21:55:46 (#876546)
Hey! Pas mal! (leger accent italien)
*Met un coup de pied a Darkan* Sisi je te jure, regarde mieux, y a de l'xp dedans :D :ange:
concurrence dans la carrière de star internationale
Par Kalter le 6/2/2002 à 21:59:34 (#876571)
Autant dans le genre littéraire que dans la joie de voir ton nom s'afficher dans ce forum.
Re: concurrence dans la carrière de star internationale
Par Kenedha le 6/2/2002 à 22:06:12 (#876625)
Provient du message de Kalter
Fantastique...
Autant dans le genre littéraire que dans la joie de voir ton nom s'afficher dans ce forum.
Mais qui est Daman?
Il a le meme nom in game?
J'dois avouer que chui intrigué là :confus:
Par WyR Areys le 6/2/2002 à 22:13:00 (#876679)
SI j'ai bien suivi , cette histoir es parti d'un post du forum :
www.goa.com
va y fair un tour tu comprendra mieu (Ya o moin 6H de lectur)
Ouah ...! Quel accueil !!!
Par daman le 6/2/2002 à 22:21:45 (#876752)
Une rencontre au clair de lune.
Le soleil sétait couché depuis quelques heures. On avait préparé le repas du soir puis le thé et discuté assis sur le toit frais de la Land Rover, à labri des scorpions et des vipères à cornes. Mon compagnon de voyage était fatigué davoir conduit tout le jour dans la chaleur torride. Il rentra dans la voiture pour dormir et je restai seul.
La lune était splendide et la plaine silencieuse et tranquille. Tout près, se dressait une mésa au sommet assez étroit sur les flancs de laquelle samoncelaient des éboulis formés de cailloux et de blocs dont certains atteignaient la taille dun homme. Sous la lumière lunaire, les roches semblaient surgies dun fusain tant les contrastes étaient vifs et les ombres obscures.
Vers le nord, le ciel, presque marine au zénith sassombrissait et les étoiles donnaient le vertige. Jaurais voulu partager cette beauté infinie.
Je descendis du toit. Lautre ronflait déjà. Je chaussai mes rangers après avoir vérifié quils ne contenaient aucun hôte indésirable et partis explorer les environs. Je parvins, en sautant de rocher en rocher malgré la lumière trompeuse à atteindre le sommet plat de léminence et je my installai confortablement. La brise portait une odeur de dherbe sèche, de poussière et de brique antique. Elle était délicieusement fraîche et discrète. Un instant, il y flotta comme un parfum de rose et de crinière. Lassociation de ces deux senteurs avait quelque chose dincongru qui me fit me tourner pour mieux sentir le vent. Un détail curieux dût attirer mon attention car je me surpris à fouiller du regard les rochers en contrebas. Un animal se tenait là, assis. Il me regardait. Cela ressemblait à un gros chacal, mais ces animaux ne se rencontrent pas si loin au sud. Je me mis à lobserver à mon tour, tentant den déterminer lespèce ou du moins de noter des détails qui permettraient de le décrire. Il resta impassible et silencieux, bien éclairé par la lune, jusquau moment où je me levai pour lexaminer sous une autre perspective. Alors il jappa, mais à mes oreilles cela fit un son humain : « Héé ! ». Il me héla ainsi trois fois. Une terreur sourde sempara de moi. Il paraissait sourire, sa gueule de carnassier me semblait sétirer jusque vers les oreilles comme sil samusait de ma frayeur. Sa tête sagita comme pour me désigner et je crus entendre : « Héé ! Viens parler ! ». Là, cen fut trop ! Mon esprit conditionné par létrangeté du paysage céda à la panique et je dévalai la colline au risque de me rompre le cou et parvins à la voiture à bout de souffle.
Là, la présence de mon compagnon endormi et le rythme paisible de sa respiration me calmèrent. Je restai un moment à tenter de mexpliquer mon expérience et finis par me convaincre que mes oreilles mavaient trahi. La nuit demeurait calme et belle et sans rien de menaçant. Honteux davoir si piteusement cédé à la terreur, je revins à mon poste dobservation, dabord par curiosité puis aussi parce que jétais furieux davoir été privé de ce que javais ressenti dagréable là haut. Cet animal aimait les nuits de pleine lune... Eh bien, il fallait quil partage celle là !
Arrivé au but de mon ascension, je constatai que la bête était partie... Je la cherchai des yeux sans trop despoir de la revoir car mon absence avait bien duré dix minutes et cest alors que dans la plaine, je vis, séloignant, une forme verticale claire et gracieuse, une femme. Elle se retourna, leva le bras droit comme pour me tendre une cruche et disparut dun coup comme happée par une ombre épaisse. Il me sembla quil y avait dans son geste une invite et comme une promesse de retour.
Plus tard, le chauffeur mis au courant fut laconique : « Djinn... ». Il me laissa à mes interrogations. Par dautres personnes, jappris que les hallucinations qui semparent la nuit de lesprit du voyageur solitaire ont ici une forme curieusement répétitive et que personne ne sen étonne plus. Une bête, une femme...Les deux créatures sont étranges pour les hommes. Elles représentent linconnu, lautre impossible à comprendre. Un esprit fatigué sinvente de semblables tourments pour échapper à la monotonie de la vie.
Jai beaucoup voyagé depuis et bâti au fil du temps dune vie devenue commune et rangée mais quand je repense à mes années de jeunesse, ce souvenir me revient à lesprit. Avec les années je lai magnifié pour lui donner le rang de légende personnelle. Quelque part, loin dans le désert une femme patiente, pour laquelle le temps nest rien, mattend.Je sais quune autre fois je verrai cette créature et que cette fois, je ne la fuirai plus.
[edit Daynos : toujours pour simplement supprimer les espaces en trop]
Par Kenedha le 6/2/2002 à 22:36:13 (#876866)
Enfin bref, je sais tjs pas le pq du comment :D
Par KlliS le 6/2/2002 à 22:40:31 (#876904)
Par Kenedha le 6/2/2002 à 22:42:29 (#876916)
Encore, stp, j'aime trop ce genre de nouvelle :D
Par arkelm le 6/2/2002 à 22:43:25 (#876926)
Par Archimage le 6/2/2002 à 22:46:56 (#876953)
Kenedha,Daman est l'un des (si ce n'est l'unique) plus grand conteurs d'histoires sur le forum de goa :)(il a le plus de post sur les forums de goa en plus :p )
Par daman le 6/2/2002 à 22:48:43 (#876966)
1) Je joue parfois à T4C sur Apo , avec le même pseudo ,mais du fait de la pullulation des pk j'en suis au niveau 2 ou 3 , je crois . Ceci est aussi dû au fait que je passe plus de temps à discuter avec des inconnu(e)s qu'à jouer vraiment .
2) Ayant eu bien des difficultés à me connecter (bien des fois ) , j'ai découvert les forum et , naturellement bavard , j'en ai profité ( "frôlant" le hors sujet par moments ) .
3) Je suis un newbie roturier absolument sans aucun titre ni compétence roleplay digne d'attention.
Pour répondre à Atamir ( je me trompe sur le pseudo ?) : la fin de mon histoire n'a rien à voir , à priori avec celle de So Elsan , mais mon ami ayant définitivement disparu , je ne pouvais la terminer autrement . D'aucuns regretteront que je sois évasif...Relisez bien So : ne l'est-elle pas aussi ?
Par Archimage le 6/2/2002 à 22:51:05 (#876978)
Et puis grace à toi daman , je sens que le forum va avoir une meilleur ambiance :)
ps:tjs pret pour t'aider dans le jeu :p
Par draltahn le 6/2/2002 à 22:55:12 (#877017)
merci So de l'avoir torturer pour le faire venir ecrire ici :p
Par kry le 6/2/2002 à 23:43:46 (#877376)
en tk c'est très rafraichissant ;) et j'ai bcp aimé tes histoires (aussi :p )
J'avais jamais remarqué que goa avec autant de forums, ça fonctionne comme ici, des habitués ? l'ambiance est la même ?
ces forums me semble moin conviviable que les notres rien qu'a leurs l'aspect noir ;)
Enfin voilà ici tu vas tu plaires aussi sans aucun doute
Par Marneus le 7/2/2002 à 10:15:30 (#878052)
J'ai failli zaper le thread en voyant la longueur des posts, honte sur moi!
Je suis bien content de m'etre attaché quand même à lire le tout jusqu'au bout...
Ce qu'il serait interessant, ce serait de voir si tes qualités litéraires (et plus particulierement orthographiques et gramaticales ;)) vont déteindre sur le forum qui en aurait bien besoin :lit:
Ceci dit, je dit pas que moi je suis parfait et que je fait pas de faute, me faites pas dire ce que j'ai pas dit
Par Elladan Araphin le 7/2/2002 à 10:34:34 (#878091)
N'hésite pas à en poster d'autres surtout. :merci:
Par daman le 7/2/2002 à 19:45:04 (#881645)
Qui connaît les collines couvertes de lentisques et d'oliviers sauvages où pousse la lavande stoechade, avare de feuilles mais si prodigue de senteurs ? Qui connaît le vent d'ouest qui habite ces terres rudes ? Qui aime le brouillard cotonneux quand il monte de la mer, le soir en été, noyant tout, les lumières, le monde, et dans lequel ne percent plus que les bêlements lointains des moutons ? Dans ce monde, il y avait, au fond de cette bergerie immense, close et douillette une voix grave qui chantait dans le soir, la voix désabusée d'unluth qui s'est tu.
Il y avait dans l'ancien monde un jeune garçon plein de gaité : Yacine aux cheveux blonds qui aimait les oiseaux
et la musique. Il séduisait les uns, les chardonnerets vifs, car il parlait leur langage, et il rêvait du plus noble des instruments, la vraie voix de l'homme : le luth. Il attrapait les uns pour pouvoir se payer l'autre. Les oiseaux ne semblaient pas lui en tenir rigueur, mais un luth, incrusté de nacre et d'ébène est coûteux et le garçon passa de longues heures dans les garrigues écrasées de soleil, où règne le vacarme assourdissant des cigales, en compagnie de son appelant, à les capturer pour réunir la somme nécessaire.
L'appelant, dans sa petite cage connaissait son travail à merveille. Au moindre mouvement dans le ciel, il lançait ses trilles, et ses congénères libres venaient se poser près de sa prison, sur les baguettes enduites de glu que le garçon disposait là. Les nouveaux captifs étaient vendus un bon prix dès le lendemain car certains préfèrent leur chant à celui des canaris.
Cela dura longtemps. Le garçon grandissait insoucieux d'aller à l'école mais son pécule augmentait moins rapidement que le prix de l'instrument. Il devint mélancolique et on le vit de moins en moins parler aux garçons de son âge.
C'est vers cette époque que Poutch vint s'installer dans le quartier. Poutch, c'était son surnom, mais personne ne l'appelait autrement, était un être fruste. Il était cantonnier et ses paumes étaient si calleuses que je l'ai déjà vu prendre des braises et les tenir dans ses mains disposées en coupe pendant un long moment sans paraître en souffrir. Ses doigts étaient arqués par l'usage permanent de la pelle et de la pioche mais une plaisanterie circulait qui attribuait cette déformation au fait que Poutch « étreignait » plus souvent que de raison, pour un homme marié du moins, une certaine partie de sa personne. Bref, il avait peu d'amis, sans doute parce qu'il était un montagnard sans affinités avec les moeurs des gens de la côte.
On commença à le voir avec le petit Yacine. Les deux étaient des solitaires. Cela ne surprit personne, puis un jour on vit le garçon exhiber un luth superbe dont il joua quasiment tout de suite, d'instinct. Il resta évasif sur la provenance de l'argent qui lui avait permis de se l'offrir, se contentant de dire qu'il l'avait eu à bon prix.
La musique entra ainsi dans nos vies. Le jeune homme s'améliora de jour en jour et curieusement, il se désintéressait de tout, oubliant même de se nourrir. Sa mère s'époumonait en vain à l'appeler au moment des repas. En revanche, il laissait son instrument pour accompagner Poutch dans les collines où les deux s'étaient découverts une passion commune dans la chasse aux chardonnerets.
Peu à peu, Poutch se mit à s'adresser à Yacine, devant nous d'une manière qui nous conforta dans l'idée qu'il était dépravé. « Hein, Yacine, tu as une peau douce... » dit-il une fois avant que quelqu'un lui intime de se taire. Une autre fois, lors d'une dispute, il nous cria : « Sans moi, l'homme sauvage, pas de luth, pas de musique ! Yacine, parle donc..! ». Yacine faisait mine de ne rien entendre mais plus d'une fois j'ai vu des larmes couler le long de ses joues quand assis sur un rocher au coeur de la pinède proche, il jouait en croyant être seul. Quels arrangements y avait-t-il donc entre ces deux là ? Quel secret partageaient-ils ?
Les complaintes du garçon devinrent graves, on aurait dit des sanglots étouffés, et il devint de plus en plus renfermé, n'adressant plus la parole à personne. Un jour, il fut trouvé mort, les traits tordus par la souffrance, couché dans les broussailles dans les collines où il passait le plus clair de son temps. Il avait avalé un poison. De la mort-aux-rats peut-être ? Je ne l'ai jamais su.
Son père brûla le luth qui joua des sons discordants alors que le bois travaillait à la chaleur, puis les cordes de l'instrument claquèrent et il se tut.
Pas vraiment du fantastique... Quoi que.. A vous de voir...
Par Avygael le 7/2/2002 à 20:23:46 (#881923)
Et puis arrete de jouez a Tout4C et continu de post :D
Par Anaxagor le 7/2/2002 à 21:21:01 (#882352)
Humeur sombre et souvenirs, désolé !
Par daman le 10/2/2002 à 5:36:45 (#897149)
Ce nétait pas sur un quai de gare
Si seulement ..
Sous les regards
accoutumés
Jai compris ton départ
Et jai pleuré .
Jai posé mes lèvres sur les tiennes
En vain
Tu restais insensible .
Jai posé mes mains sur tes seins.
Rien ny fit , tu partais .
Tu mavais dit : veille sur moi .
Et jai veillé , veillé
Jusquau premier matin
De ce maudit printemps
Que tu craignais .
Une tribu anarchique
Prolifique ,
Imbécile ,
Avait élu domicile
Dans ta poitrine
Dans ta tête
Et sous tes cils .
Et tu es partie .
Par Fire Eye le 10/2/2002 à 6:28:22 (#897182)
bravo, bravo et encore bravo !
Un rappel, un rappel !
Par daman le 10/2/2002 à 16:34:56 (#899303)
J'ai flâné au petit matin dans ses rues , à l'heure ou rosit l'horizon , sur les flots gris .
Nul bruit ..
La fraîcheur de la nuit habite les vieilles pierres que j'aime toucher . Et j'erre . Les escaliers interminables sont déserts et les rues où pointe la mer lézardent entre les maisons de guingois aux portes de bois cloutées de bronze où pend un poing . Oserai-je toquer ? Non , on ne m'ouvrira pas . La peur est là .
La mer , vieille de remugles ressassés , ne porte plus de galères et pourtant , vers l'Amirauté , je crois voir une voile .
Non, ce n'est rien . Un nuage peut-être ? Un drap à une fenêtre ?
Les squares sont mouillés de rosée . Et on dirait que le monde renaît . Lavé , pardonné , dépeuplé , tranquille enfin . Et la ville est belle sans les hommes , le matin .
Déja , les collines s'éclairent , ocres et bleues.
Le soleil monte , impitoyable et la rosée s'en va .
Une rumeur sourde nait , je dois m'en aller .
Bientôt , des millions de pas se poseront sur les pavés las , et la foule s'enchevêtrera dans les cours et les places et dans les rues . Un écheveau dément de pas , comme une toile d'araignée roulée en boule sur un insecte .
Écrasée de soleil et de cris , la petite voix de la ville se taira .
Mais , je serai parti . .
Une histoire
Par daman le 10/2/2002 à 21:13:08 (#901334)
La carte .
Il l'avait enfin ... Un très vieil atlas plié et déplié des milliers de fois avec ses Éoles joufflus soufflant sur des mers peuplées de monstres marins aux queues enroulées et aux gueules menaçantes , ses continents à peine soupçonnés que l'on s'était hasardé à peupler d'animaux qu'on aurait cru issus d'une peinture de Bosch , ses terra incognita , ses rivages soigneusement tracés bien que partiellement imaginaires et ses indigènes fiers dans leurs parures à plumes ... Un Mercator ? Non , c'était différent de cela et ce n'était pas signé .
Un vieux rêve de vieux professeur .
Bien plus que cela ! Ce rêve était né en lui bien des années auparavant , dans une petite salle de classe qui sentait la craie , le livre neuf et l'odeur délicieuse du poële à bois réchauffant les matins d'hiver . L'instituteur lui avait demandé de l'aider à accrocher la carte , une vielle mappemonde aux couleurs passées et un bref instant il avait touché , caressé , l'Indochine , la Terre Adélie , puis l'Australie afin d'assurer sa prise sur la carte en toile cirée raide alors qu'elle émettait des sons graves lorsque sa concavité se dirigeait vers le mur où la salle alternativement . Comme il avait été heureux , ce jour là ! Depuis longtemps , Il la contemplait à la dérobée , chaque fois que son travail fini , il attendait que le maître ramasse les cahiers . Et son désir de la toucher n'avait cessé de grandir jusqu'à ce jour là .
Puis les années s'étaient succédées et il avait vieilli , dans sa tête surtout .
Et là , quelques jours plus tôt , en passant devant la boutique d'un antiquaire il avait vu une carte identique et sa passion d'enfance était revenue , intacte .
Il était entré dans la boutique encombrée de casques de poilus cabossés , de statues de grès rongées par les pluies acides et récupérées on ne sait où , de colonnes de marbre disparates , de vieux cartables , d'antiques plumiers et de tout un bric-à-brac indescriptible qui s'amoncelait , des bibelots , des statuettes et des vases ébréchés .Certaines pièces , impossibles à identifier étaient posées à même le sol. Un délice de fouineur ...
Il avait longuement discuté avec l'antiquaire . Un rentier passionné qui faisait cela beaucoup plus pour retrouver son passé et échapper à son épouse que pour gagner de l'argent .
Les deux hommes s'entendirent tout de suite . Chacun reconnut en l'autre un esthète à sa manière et lui accorda d'emblée son estime . En peu de temps , ils en vinrent à bavarder comme de vieux amis qui savent éviter les sujets qui fâchent .
Comprenant sa passion , le vieil homme le dirigea vers l'arrière boutique où il rangeait les objets qui lui paraissaient exceptionnels et lui montra la carte . Il la lui offrit pour le prix qu'elle lui avait coûté . Bien plus qu'il n'oserait jamais l'avouer .
Son ex-épouse , surtout , ne devait rien savoir de cela , sinon la garde de la petite serait peut-être aussitôt remise en question : " Trop dépensier ... " , ou " trop de poussière ... Trop de désordre ! "
Où la mettrait-il , cette nouvelle acquisition ? Il ne prit pas la peine d'y réfléchir car c'était l'heure d'aller chercher sa fille à l'école ...L'heure des mamans , songea-t-il ironiquement .
Plus tard , il prit le temps d'examiner l'objet , qu'il avait posé , déplié sur la table du salon . C'était vraiment une très vieille carte sans indication de longitude ou de latitude . Ce n'était pas une carte de marine .En revanche , le bord en était recouvert d'une écriture fine , jamais la même , tantôt en caractères grecs , tantôt dans d'autres alphabets . Latin , Arabe , hébreux et même , observa-t-il après examen à la loupe , des fragments dans l'antique écriture , demeurée indéchiffrable , de Méroé .Les illustrations qui la décoraient étaient plus récentes , faites avec une encre de chine noire mais la base semblait être un parchemin où le cuir d'un animal traité pour rester souple . Si cette carte était aussi ancienne qu'il le pensait , comment se faisait-il que le cuir ait résisté au temps ? Elle avait beaucoup voyagé ,mais on en avait pris soin et beaucoup servi , mais à quoi ? A la réflexion , ce ne pouvait être qu'une copie d'une carte plus ancienne , comme les fameuses et hypothétiques cartes de Piri Raïs . Celle ci devait servir à une forme de géomancie , car elle comportait un réseau serré de lignes sinueuses qui évoqua pour lui les réseaux Hartmann que certains radiesthésistes prétendent tracer à l'aide de leurs pendules .
Le lendemain , il fut distrait toute la journée , son contentant d'exposer son cours à ses élèves sans se préoccuper davantage d'eux . A plusieurs reprises , il dû s'interrompre pour demander qu'on lui rappelle le début de la phrase qu'il était en train de dicter . Il avait aussi beaucoup baillé . Les jeunes gens échangeait des sourires de connivence auxquels il ne prit pas garde .
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Dans l'après-midi , il alla chercher Mai-Linh à l'école . Elle lui parut bizarre , distraite . Dans la voiture ,elle se décida à lui parler : " Papa...Tu n'as pas dormi ,cette nuit . Non ? ".
" Mais , pourquoi me demandes tu cela , ma chérie ? J'ai très bien dormi , au contraire . "
Elle insista : " Pourquoi tu ne veux pas me le dire ? Je t'ai très bien entendu . Et puis ton oreiller ... "
Il fut intéressé : " Qu'est-ce qu'il a mon oreiller ? Tu sais que tu n'as pas le droit de rentrer dans ma chambre .. ! "
Elle le corrigea : " Sauf quand j'ai peur ! "
" Et tu avais peur ? "
" Oui , j'ai entendu une voix bizarre . Je suis allé dans ta chambre et tu n'y étais pas , alors j'ai vu que ton oreiller n'était pas aplati comme quand tu y poses ta tête . Tu étais dans le salon . La lumière était allumée .Je n'ai pas voulu que tu me grondes alors je suis retournée dans mon lit . J'ai eu peur , Papa . "
Il y avait comme un reproche dans sa voix . Elle avait tout sorti d'un coup , aux bords des larmes ...C'était sérieux . Il eut envie de la prendre dans ses bras et de lui faire les petits bisous qu'il aimait tant , sur la peau délicieuse de son cou , mais elle était sur la banquette arrière et il conduisait . Il essaya de la rassurer : " J'avais oublié que j'avais du travail . Alors j'ai attendu que tu dormes pour le faire . Quand à la voix , c'était la télé . "
Il mentait bien . Elle parut tout à fait rassurée .
Ce soir là , elle s'endormit très vite , fatiguée par son insomnie de la nuit précédente . Il alla dans le salon . La carte était là , dépliée . En l'examinant à nouveau , il remarqua la présence de certaines inscriptions faites à l'encre bleue , en français dont il aurait juré qu'elles n'étaient pas là la veille . On pouvait y lire : " Une figurine posée sur un noeud permet de l'atteindre. " et " graisse , sang , cheveux , ongles . Substrat :pâte à modeler . " plus loin " Méroé : voir musée de de Varsovie , réserve . " .
Plus étrange était la présence , sous la carte d'une coupure du journal local . Il ne se rappelait pas s'être intéressé aux entrefilets de la presse régionale ... Il y était question du suicide d'un vieil instituteur , animateur d'un club d'archéologie local . Le papier n'avait pas encore jauni . L'article ne datait que de quelques semaines au plus . Il faudrait qu'il se renseigne sur ce point là . Il avait des collègues qui étaient engagés comme bénévoles dans des clubs locaux : ils pourraient le renseigner .
Il resta un long moment pensif , la carte dépliée devant lui . Un gémissement étouffé le tira d'une espèce de somnolence dans laquelle il était entré sans s'en apercevoir . Mai-Linh ! Il alla la voir . Elle s'était découverte , et posant une main sur son front , dans la pénombre de la chambre , il constata qu'elle était en sueur . Avait-elle de la fièvre ? A l'aide d'un thermomètre d'oreille , il vérifia sans la réveiller qu'il n'en était rien . Il la recouvrit d'un drap léger et alla se coucher .
Le lendemain , il se réveilla extrêmement fatigué , mais il se leva pour conduire la petite chez sa mère , comme chaque mercredi . Mam ( c'était le diminutif de Marie-Amélie ) ne fit pas de commentaire sur sa mine chiffonnée mais elle inspecta rapidement la petite avant de paraître satisfaite .
" Tu fais des progrès ...Quelqu'un t'aide ? " Le sous-entendu était évident .Elle attendait visiblement une réplique .Il haussa les épaules et s'en retourna vers la voiture sans répondre .
Il alla directement chez l'antiquaire et demanda à voir le propriétaire . Dans la boutique , une jeune femme lui expliqua qu'elle était l'unique propriétaire depuis des mois et ne reconnut pas le vieux monsieur qui lui avait vendu la carte à la description qu'il en donna . La femme se mit à le regarder comme s'il était dérangé et quand il ressortit , troublé , il la vit distinctement hocher la tête en levant les yeux vers le ciel . Était-il en train de devenir fou ?
Il rentra en coup de vent et alla directement dans le salon . Son stylo à encre était posé sur la carte . Il y avait de nouvelles inscriptions . " La puissance est dans le sang de l'agneau " et " Telle mère , telle fille ... Prends ton dû. " et " Tant de merveilleux voyages à venir ." .Il comprit confusément ce que pouvaient signifier les inscriptions plus anciennes et qui pouvait les avoir tracées . Une sueur froide coula entre ses omoplates et une peur terrible s'empara de lui .
Par Avygael le 10/2/2002 à 21:47:26 (#901602)
Par Fire Eye le 11/2/2002 à 1:47:55 (#903254)
Une petite nouvelle pas encore terminée...J'implore votre indulgence
qui oserait en demander plus ?
merci pour tes récits, cher scribe instruit. :merci: :merci: :merci:
Par Marneus le 11/2/2002 à 10:16:51 (#904178)
Je me rapelle de ces vieilles cartes, quand j'etais en primaire, on en avait un stock, c'etait marrant, et puis y avait des trucs d' "éducation pratique" ou un bidule comme ca, ca devait dater des années 50
mouais ...
Par daman le 14/2/2002 à 19:46:11 (#931306)
C'est ulcéré par l'injustice qui règne ici-bas que je me résous à vous confier la mésaventure dont je fus victime récemment alors que je vaquais paisiblement à ma promenade quotidienne au supermarché où j'ai mes habitudes . Je dois d'abord confesser que j'ai un goût immodéré pour les ballades vespérales parmi ses rayons chargés de victuailles venues du monde entier , avec leur étiquetage traître et leurs compositions douteuses . Quel spectacle édifiant pour l'honnête homme que celui du fruit de l'ingéniosité des producteurs du monde entier quand il s'agit de nous faire avaler ce dont le plus stupide des animaux se détourne avec dégoût . Ces pancartes vantant des vertus culinaires inexistantes , ces promotions qui sont autant de tentatives pour alléger les estomacs en ignition des usines d'incinération , ces vingt-pour-cent-de-produit-en-plus qui ont assaini la situation de biens des stocks de marchandises bientôt impropres ( ont-elles jamais cessé de l'être ?) à la consommation ... Oui , le génie du marchand est là . Contestable sur le plan moral , il n'en demeure pas moins admirable d'efficacité car tous les jours des tonnes de poisson putréfié , de légumes blets et gorgés de pesticides et d'autres horreurs trouvent un preneur persuadé d'avoir fait une affaire et sont réellement consommés par des gens , oui , comme vous et moi . Mais là n'est pas le propos .
Armé seulement de mon petit panier dont je sais en général ,d'avance qu'il demeurera vide , je marchais donc dans les allées familières , louvoyant entre les ménagères obèses et leurs chariots gargantuesques , contournant les grappes de dames âgées , qui comme chacun sait affectionnent les sorties aux heures de pointe et les attroupement aux carrefours des allées où elles débattent du dernier décès qui n'arrivera pas à diminuer ( prodige de l'arithmétique humaine !) leurs rangs ne serait ce que d'une unité , évitant les inévitables troupes de handicapés et leur suite nombreuse , tentant de suivre un mouvement inexistant , finissant par conclure que tout ce beau monde habite et tient salon ici et que je suis , tel un visiteur dans un hôpital tenu de me faire tout petit , et toléré pourvu que je ne dérange pas .
Soudain , un fait nouveau rompit la tranquillité rassurante du lieu . Des cris se firent entendre . Je sus par la suite , car j'en ai fréquenté le responsable de plus près que je ne l'aurais fait si j'en avais eu le choix , qu'ils émanaient d'un individu qui , quelques heures plus tôt , était un paisible père de famille en butte à une toux persistante qu'il eut la mauvaise idée de traiter en avalant le contenu d'une bouteille de sirop prescrite à son jeune fils quelques années auparavant et redécouverte , hasard funeste , au fond de la pharmacie familiale . Il hurlait et bavait abondamment , rudoyait les ancêtres pour une fois médusées , renversait les bacs , provoquait des avalanches apocalyptiques de boites de conserve que de jeunes employées sous-payées avaient mis des heures à empiler . On s'émouvait , on chercha le responsable du magasin qui tenta de parlementer avant de s'enfuir , le rostre pointu d'une langouste surgelée plantée dans le postérieur , on prévint la police et le G.I.G.N , car mon supermarché se trouve dans un quartier où le nombre des rentiers prospères l'emporte sur celui des travailleurs désargentés . En attendant , le forcené s'était réfugié sur l'étal de la poissonnière qui l'avait déserté en proie à une intense frayeur ,et hurlait " chat " et il donnait des grands coups de pieds dans la glace pilée et la marchandises ( lucidité surprenante des fous ! ) qui volait partout . J'observais la scène à bonne distance . Je vis un hareng décrire une gracieuse parabole , passer entre deux bandeaux publicitaires et aboutir dans le sac d'une dame qui profitait du spectacle , debout juste devant moi . Elle se retourna vers moi et me couva d'un regard lourd de soupçons . Je souris d'un air que je voulus engageant . Cela ne la dérida pas mais elle finit par se retourner car il y avait du nouveau : le dément s'était réfugié dans les WC et s'amusait à lancer les rouleaux de papier toilettes comme autant de serpentins de carnaval .
C'est à ce moment là que je commis une erreur . Sans doute conditionné par une éducation par laquelle mes parents m'inculquèrent un certain goût de l'ordre , et sans doute aussi pour le défi que cela représentait , je n'eus plus qu'une seule idée en tête , extraire le poisson , dont la queue dépassant d'un sac de femme me paraissait d'une incongruité insupportable , à l'insu de la femme en question . Mal m'en prit : alors que mes doigts se refermaient sur son appendice caudal , une poigne solide quoique ridée saisit mon poignet . La femme hurla : " j'en ai un autre ici . "
Déjà un fourgon de C.R.S. arrivait . Je fus emmené , la tête couverte de mon panier , sous les quolibets haineux de la foule . Le lendemain , les journaux titraient avec la dernière des mauvaises fois , car j'avais été relâché : " La police démantèle un gang de malfaiteurs . "
Par M-V Anovel le 14/2/2002 à 20:02:10 (#931441)
Ailleurs les lettres étaient carrément mélangées
Pourquoi "carrément" ? :doute:
Dans l'après-midi , il alla chercher Mai-Linh à l'école , puis ils firent les courses ensemble . Il remarqua dans son rétroviseur qu'elle ne cessait de l'observer d'un air curieux . Puis elle lui parla : " Papa ...Pourquoi tu n'as pas dormi ,cette nuit ? ".
Là je ne sais pas mais quelque chose ne va pas ; les temps je crois, et l'usage trop fort des pronoms...il y a une sorte de lourdeur.
Sinon j'adore les deux dernières :) !
( même celle dont j'ai cité un passage )
Tu as un lexique très étendu , même immense.
Et le style de la farce est disons très grotesque, c'est fin je trouve :).
Par daman le 14/2/2002 à 20:40:26 (#931726)
Par Marneus le 14/2/2002 à 21:48:50 (#932233)
Par daman le 15/2/2002 à 21:19:16 (#940770)
16052003
La Mort.
Hassan est notre fossoyeur . C'est un bel homme avec une mine de corsaire barbaresque , couleur terre de Sienne , avec des reflets dorés sur le haut de ses joues et ses tempes , vestige du duvet blond de sa jeunesse dont personne , ici-bas n'a été le témoin .
Ses cheveux sont d'un noir intense , comme ses moustaches en guidon de vélo et paraissent rudes comme une crinière et ses dent sont éclatantes de blancheur à l'exception de sa canine supérieure droite qu'il a remplacée par une prothèse en or , par pure coquetterie . Mais cette concession à une virilité stricte s'arrête là . Il porte toujours le même bleu de chine , qu'on appelle ici un shangaï ,aux boutons fait d'une bande du même tissu formant une boule qui est un noeud compliqué . Hassan aime s'asseoir parmi nous quand le soir tombe et il nous écoute parler , en silence . A une question directe , il répond , en général d'une manière évasive . Une chose est certaine : il n'aime pas parler .
J'ai remarqué que quand il avait un sentiment particulier , à propos de l'une des innombrables questions que nous débattions , à la nuit tombée , sous le figuier centenaire qui nous servait d'abri contre la rosée du soir et dont les branches les plus basses nous fournissaient les sièges , il se contentait de fixer longuement ses interlocuteurs , avec dans ses yeux aux iris noirs et fauves comme une attente . Quand cela arrivait , on revenait généralement sur ce qu'on avait dit pour le corriger , jusqu'à ce qu'il se détourne pour regarder ailleurs . C'était sa manière de participer à la conversation , d'argumenter .
Tous finissaient , avec l'âge par savoir que Hassan est la Mort . Il avait toujours habité là . On savait à quelle famille ancienne , il appartenait , on connaissait la plus récente de sa nombreuse progéniture , on soupirait après ses filles blondes comme les blés , aux yeux fauves comme lui , enjouées mais chastes , mais personne ne savait qui étaient ses parents . Chaque génération faisait sa propre enquête sur le sujet avant d'avouer son impuissance et de consulter les plus vieux qui répondaient invariablement qu'il avait toujours été là , toujours aussi jeune .
Nous ne connaissions à Hassan que deux passions : la musique ancienne et la pêche à la ligne sur les rochers noirs du bord de mer .
Un enfant du pays , aveugle , virtuose adulé du luth aurait vécu plus d'un siècle avant que Hassan se décide à se passer de lui . Et encore , sa mort fut douce , car il mourut pendant une pause , entre deux morceaux , sous ce même figuier , sans même s'en apercevoir .
Ceux qui pouvaient se vanter d'avoir pêché à la ligne en sa compagnie étaient rares , et ceux là apprenaient beaucoup à son contact sur ce noble art . Ils racontaient par exemple que pour Hassan , il n'y a pas de coin poissonneux mais seulement des pêcheurs experts et que les techniques qu'il enseignait , les procédés d'amorçage et les appas qu'il utilisait étaient étranges et non sans rapport avec son métier , mais ils refusaient d'en dire plus , se prétendant tenus par un serment solennel . En général , d'ailleurs , il s'agissait d'hommes âgés qui ne tardaient pas à disparaître . Je me suis déjà demandé s'il n'y avait pas un lien entre leur élection par Hassan au rang de compagnon de pêche et leur mort , qui la suivait , en général rapidement . Hassan était peut-être une espèce de confesseur pour ces âmes sur le départ .Peut-être que ces hommes se délestaient de leurs secrets les plus lourds pendant les longues journées qu'ils passaient avec lui , assis sur les rochers , au bord de la mer . Ils partaient ainsi tranquilles .
Le fossoyeur creusait pour eux une tombe profonde dans cette terre crayeuse et chaude comme un ventre , malgré le soleil écrasant , sans se plaindre . Il les lavait , les préparaient à leur dernier séjour , finissait tôt où tard par prendre connaissance des difformités qu'ils avaient cachées toute leur vie mais en taisait l'existence à jamais .
Les plus jeunes veulent faire leurs propres expériences . Ainsi , souvent l'un d'entre eux ne lui témoignait-il pas tout le respect qu'il était en droit d'attendre . Hassan souriait alors avec indulgence : " Inutile , ton heure n'est pas venue . " , disait-il . Il ne se fâchait jamais .
Nous aurions pu en avoir le cur net , connaître son âge et son état-civil en consultant les registres de la mairie , où l'un d'entre nous travaillait , mais cette idée sacrilège , évoquée une seule fois par l'employé de mairie en question a provoqué une telle indignation dans nos rangs que l'homme a promis qu'il ne tenterait pas de savoir la vérité , même si elle s'avérait accessible . Il est des mystères plus précieux que toute la Connaissance .
Nous préférions continuer à penser que notre modeste terroir abritait une gloire universelle , le personnage central de toutes les histoires et qu'il y avait là un sujet de fierté légitime . Il avait choisi notre petit cimetière aux tombes blanches , baigné de soleil , où flotte le parfum du romarin et de la lavande pour y élire domicile et nous lui en étions reconnaissants .Qui peut se vanter d'avoir joué aux dominos avec la Mort elle-même et d'avoir comme beaucoup d'entre nous , maintes fois gagné ?
Bien des années et des enterrements me séparent de l'époque bénie où je vivais parmi les miens . Je sais que Hassan m'attend , comme il en a attendu bien d'autres et je sais que le moment venu , il prendra soin de l'enfant du pays égaré que je suis et cette pensée me comble de réconfort .
Par Anaxagor le 15/2/2002 à 21:31:27 (#940892)
Par Elladan Araphin le 15/2/2002 à 21:46:16 (#941014)
Par Fire Eye le 16/2/2002 à 7:18:28 (#944463)
Par daman le 16/2/2002 à 22:58:28 (#950923)
Une femme .
Cétait lHélène de Brassens, mais cette Hélène là, un capitaine lavait prise . Un capitaine des pompiers si on en jugeait par la décoration du bistrot que le couple tenait et où jeus longtemps mes habitudes. Il y avait là, suspendus aux lambris vernissés des uniformes bleu passé, des casques, des fourragères aussi et même la partie antérieure dune lance à incendie... Boutons et pièces métalliques étaient brillants à force dêtre soigneusement et régulièrement astiqués. On devinait derrière tout cela luvre dune ménagère maniaque. En fait, elle était là, assise à la caisse, elle lisait une revue pour femmes où un roman, mais rien néchappait à son regard perspicace derrière ses fines lunettes , ni les bévues de la serveuse, ni les petits travers des clients. Dailleurs, elle sadressait à ces derniers avec une déférence qui trahissait une longue pratique de lhôtellerie. Ses tailleurs, bien que sobres, semblaient faits pour elle et ses parfums étaient délicats. Elle ne portait jamais de bijoux ni de bas, laissant voir la blancheur ronde de ses mollets et le brillant de ses cheveux châtains ne devait rien aux artifices dune coiffeuse mais trahissait une vie réglée et exempte dexcès.
Je me mettais toujours à la même table, dans une encoignure sombre , sur sa droite. Je pouvais ainsi la regarder sans quelle me voie à moins de se détourner, ce quelle ne faisait jamais, et faisant durer chacun des innombrables cafés que je bus là, je lai contemplée, à la dérobée pendant des heures, conscient dêtre voyeur , dévorant des yeux les courbes pleines de son corps mûr , ses mains délicatement aux ongles naturellement roses , fasciné par livoire de ses joues lisses et par sa petite bouche close qui nesquissait jamais un sourire. Je ne saurais classer le sentiment que jéprouvais pour cette femme là. Était-ce de lamour ? Non, car à lépoque je connus lamour et il ne ressemblait pas à cela. Pourtant, à aucun moment ma vie sentimentale ne ma pas fait rompre avec mes habitudes vis à vis delle.
Quand je rentrais dans son établissement, généralement laprès-midi, les clients étaient rares. Elle ne levait même pas les yeux et un café nétait bientôt servi sans que jaie besoin de le commander. Bientôt, un jeu étrange sétablit entre nous. Elle continuait de feindre dignorer ma présence mais sarrangeait pour me faire parvenir des petits signaux dont jétais le seul à prendre conscience. Memparais-je du journal que quelques secondes après elle le réclamait auprès de son mari. Si je commandais un chocolat, ce qui marrivait rarement, dix minutes plus tard, elle en voulait un aussi, déclenchant en moi une émotion inexplicable .
Un jour, alors que jétais là, elle demanda à son époux de faire installer un miroir. Quelques jour plus tard, le miroir était là, fixé à un mur de telle façon quen me mettant à ma place habituelle, javais ce miroir à ma droite . Je sentais maintenant son regard à elle posé sur moi. Cen était fini de limpunité. Je compris quelle avait toujours su que je lépiais. Je nai jamais su si son conjoint eut des soupçons à mon égard. En tout cas, il me toisait sans aménité, peut-être parce que je ne dépensais pas grand-chose chez lui.
Un jour, limpensable survint. Pour la première fois , elle sadressa directement à moi. « Excusez moi de vous déranger ,monsieur , pouvez vous maider? Mon époux est absent.. »
Jacquiesçai et la suivis à la cave . Il sagissait de remplacer un tonneau de bière vide par un autre plein . Elle ny arrivait pas toute seule . Il me tendit un outil nécessaire à lopération et se faisant , effleura ma main du bout de ses doigts dune manière qui me sembla délibérée. Ce premier contact inattendu avec sa peau me fit un effet immédiat : un trouble délicieux et indescriptible menvahit . Je macquittai de la tache demandée rapidement . Elle resta tout le temps derrière moi , silencieuse, les yeux baissés. Quand enfin , je me retournai et lui tendis loutil, je fis plus que lui effleurer la main : je saisis ses mains dans les miennes et lattirai à moi et la pris autour de la taille. Elle sabandonna sans un mot . Jenfouis mon visage dans le creux de son cou et posai mes lèvres sur la peau convoitée de ses joues. Elle était douce et tiède. Son contact me rappela celui dun pétale flétri de rose ancienne , par la texture et le parfum .
.Je lembrassai et elle membrassa puis, soudain, elle se dégagea vivement et remonta dans la salle . Comme elle montait l'escalier, je remarquai quelle portait des bas avec une couture à larrière. Je la suivis et retournai à ma place .
Pour me remercier de mon aide , elle me fit porter un café . Ce fut le dernier que je bus là-bas .
Le lendemain , le bistrot était fermé pour congé annuel et quelques temps plus tard , jappris quil avait été vendu et que les propriétaires étaient partis sinstaller dans le midi . Cette femme était intelligente . Tout en donnant corps à mon désir , elle avait préservé mes fantasmes quelle avait compris , moffrant un superbe cadeau dadieu .
Par vortex le 16/2/2002 à 23:19:33 (#951074)
*regarde*
:eek:
*re-regarde*
:eek:
C'est... super bien écrit... continue....
*va se coucher*
:baille:
P.S: escusez l'usage abusifs des points de suspensions... :D
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