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Karne le tanneur, de Kalder Shee

Par Averoes Landis le 5/2/2002 à 9:30:30 (#863356)

Toujours pour la bibliothèque Harnienne, un texte absolument magnifique de Kalder Shee. Il ne faudrait pas qu'il se perde celui-là!


Karne le tanneur, par Kalder Shee


Le linge frappe le roc dans un 'floc' sourd. Julie le presse à nouveau pour en finir avec cet épuisant essorage. Plus que deux tuniques, et elle pourra enfin courir voir sa tante qui a déjà préparé l'armature de sa robe de mariée. A cette idée, la fraîche jeune femme esquisse un sourire de joie anticipée. Le temps passe si lentement ! Encore 5 jours de longue attente avant le mariage avec David ! Elle s'imagine, virevoltant dans la belle robe, telle une abeille butinant le bonheur. Elle fait une pause, le temps de lever les yeux et de remercier le soleil qui lui épargne la tâche d'étendre le linge au sec. Elle n'aura qu'à déposer les vêtements sur la vieille meule qui orne le jardin. Elle passe sa main sur son front pour essuyer la sueur qui pique ses yeux.

Puis les ténèbres.

Une sensation : Celle de pendre la tête en bas, ballottée de gauche et de droite. Une autre : Celle de ne pouvoir bouger. Un son : le lent ressac sur des rochers, amplifié d'un écho étrange. Une odeur : le sel marin, puis une forte fragrance de varech. Son bras droit semble paralysé, à cause de la pression d'une corde. Julie ouvre enfin les yeux. Elle se rend compte de sa position : un lien, attachée au plafond, lui enserre les bras et le bassin, une autre lui lie les chevilles. Elle a la tête en bas, et cette tête lui procure une douleur intense... Elle a froid. Elle est nue.

Un plafond ? Elle se contorsionne pour mieux voir, à travers la cascade de cheveux bruns, mais cela ne mène qu'à accentuer une souffrance plus générale. L'obscurité est omniprésente, ici. Elle ne distingue rien.

Alors elle se met à murmurer :

"Il y a quelqu'un pour m'aider ?"

Mais personne ne vient. Rapidement, en rythme avec cet énervant ressac, la panique afflue, et les murmures cessent pour les cris, puis les hurlements. Enfin, une voix lui parvient, l'écho faisant résonner les accents familiers...

"Oh ! Pas maintenant ! N’abîme pas la voix. Pas déjà ! Ce serait du gâchis ! lance une voix masculine.
- Délivrez-moi, j'ai mal ! La blague a duré trop longtemps !
- Hé ! Hé ! Une blague ? Non, pas une blague, un concert !
Cette voix... peu souvent entendue, mais néanmoins connue...
- Qui êtes-vous ? susurre Julie, avec une pointe d'appréhension.
- Nt nt nt ! Ne compte pas sur moi pour te dire ceci, ma belle Julie. Ta voix me suffit, pas le sens de tes mots !
Un éclair passe. Elle sait qui est cet homme.
- Karne ! C'est bien toi ? Karne, le tanneur de Windhowl ?"

La réponse ne vient pas. L'homme fait la tour de la salle, en plaçant ponctuellement des bougies. Julie, à force de contorsions, et au prix d'une vive douleur dans les bras, aperçoit une silhouette athlétique, et un visage d'une grande beauté. C'est bien Karne, le tanneur si solitaire, le jeune homme qui refuse toute relation amicale ou amoureuse bien que toutes les jeunes femmes de Windhowl en soient tombées amoureuses un jour.

Ses yeux ne luisent pas de la lumière habituelle. Elle est absente, cette lueur passionnée qui brille alors qu'il est concentré sur le minutieux travail pour lequel il voue sa vie. A la place, la jeune femme ne voit que hâte et excitation. Elle tourne en le regardant se déplacer vers un grand brasero, qu'il allume rapidement. Alors, avec un haut-le-cœur, elle perçoit de légers éclat métalliques provenant d'une table invisible jusqu'à lors. La lumière grandit, se stabilise, se reflète sur l'onde marine, et les lueurs deviennent menaces : de sombres instruments à pointes, lames courtes et longues, des tisonniers huilés, et d'autres outils dont l'utilité reste trouble... Tout cela posé, rangé scrupuleusement...

Elle voudrait hurler, gesticuler, s'échapper. Mais elle reste muette, paralysée. Elle tourne les yeux vers Karne, qui la fixait déjà depuis quelques secondes avec avidité, un sourire tendrement cruel sur ses lèvres. Elle ferme les yeux lentement. Elle a compris.

La voix du tanneur s'élève dans l'intimité du huis-clos, comme celle d'un amant joyeux, alors qu'il s'approche d'elle et tend sa main vers son visage avec tendresse.

"J'ai tout préparé pour toi, Julie. Regarde comme cette grotte est belle, avec ces reflets qui scintillent si joliment sur les murs! Ecoute cet écho ! Quelle acoustique, n'est-ce pas ? Je vais te montrer quel niveau de perfection ta voix peut atteindre, lorsqu'elle est bien orchestrée ! Tu verras ! Il faut que je sois fier de toi !"

La bouche de la jeune femme se déforme brusquement et un sanglot éclate. Des larmes de panique coulent, impuissantes.

Karne saisit une lame courte, qu'il fait courir sur le flanc de sa victime. Elle essaie de bouger, mais les oscillations de la corde la ramènent inlassablement, entaillant ses chairs. Elle cesse de sangloter, pour se concentrer sur son immobilité, échappatoire momentanée à la torture... Le fil passe sur la hanche, longe le contour des fesses, poursuit sa course jusqu'au genou, tout en laissant un mince filet de liquide écarlate... Il reprend au même endroit, mais plus profondément. Les gémissements commencent, il tressaille de plaisir...

Enfin, arrivé à la fesse, le bourreau redresse l'outil, et appuie doucement... La lame s'enfonce, de presque un centimètre, et les véritables cris retentissent dans l'écho de la grotte. Karne ôte rapidement la fine feuille de métal. Son regard trahit sa déception. Il se baisse, incline la tête pour mieux regarder le visage déformé par la peur de sa victime.

"Allons ! Mets-y du tien, un peu ! Je ne veux pas faire tout le travail !
- Par pitié ! Laisse-moi partir ! lâche Julie dans un sanglot.
- Ah ! non ! c'est trop tard, le concert a commencé ! réplique Karne, imperturbable. Alors je te demanderai pour la dernière fois de ne pas parler, car je me fiche bien des mots, seuls les cris ont une saveur à mes oreilles, pas les piaillements ineptes !"

Il se relève, lui saisit la main droite, et dépose délicatement le fil de la lame sous l'ongle de l'index. La crispation de la jeune femme ne porte pas ses fruits, il affermit la prise, et avec d'infinies précautions il tranche la fine peau, semble satisfait du glapissement qui en résulte, continue son mouvement en mettant la pointe dans le prolongement du doigt et fait pénétrer le métal dans la chair.

Une douleur rayonnante déchire l'espace interne de Julie. Elle se répand dans le bras et dans son épaule comme une inondation, lui faisant oublier son état et ses autres douleurs. La jeune femme se laisse alors sombrer dans les affres de la souffrance, préférant perdre sa dignité au profit de l'oubli... Ses cris deviennent un instrument, dont le bourreau se sert pour orchestrer un morceau de plaisir dément pour un esprit dérangé. Un cri presque inhumain, s'échappe de la gorge incontrôlable lorsque l'ongle cède sous la brusque rotation de la feuille d'acier.

"Je le savais ! s'exclame Karne. C'est presque parfait ! Plus qu'un instant, et je pourrais dire que je suis fier de toi, Julie ! Donne-moi encore un cri comme celui-là, en un peu plus travaillé, et je pleure de bonheur ! Ô, quelle ivresse !"

Le bourreau file vers la table, prends à pleine main un nouvel outil, une lame plus grande, tout aussi acérée que la première. Il revient, semble hésiter, réfléchir, et d'un geste brusque il plonge la pointe dans le brasero.

"Ca donne d'excellents résultats ! Tu verras !" Commente-t-il avec un enthousiasme non feint.

La réponse n'est que grognement. La pauvresse est à la limite de la conscience. Elle reviens peu à peu à elle, commence à bouger la tête, et quand la lame blanchit, elle regarde à nouveau Karne avancer vers elle. Il décide de profiter de cet instant de conscience pour jouer avec le visage de sa victime. Il approche la pointe vers la joue.

"Non, pas la joue, cela risque de diminuer la qualité du son."

Il détourne son attention sur la tempe droite, écarte la masse de cheveux dont certains prennent feu en dégageant une odeur écœurante de roussi. La jeune femme commence à trembler, ses yeux se révulsent de terreur, et le tisonnier improvisé entre en contact avec la peau. La combinaison du hurlement ainsi généré et du bruit de grésillement semble satisfaire pleinement Karne, qui glousse de plaisir obscène. Le contact prend fin, et le bourreau glisse à l'oreille de sa victime quelques mots :

"Il existe des parties du corps plus sensibles que d'autres, je vais te montrer !"

Il exécute un mouvement circulaire théâtral, qui se termine sur le coté du sein. La lame, encore chaude, y pénètre comme dans une motte de beurre. La puissance du cri surprend le tanneur, qui décide de voir où cela pourrait le mener. Il entreprend de faire tourner la lame de gauche et de droite, par à-coups. La cruelle symphonie monte crescendo, et, jeté violemment dans un moment de grâce, Karne laisse filer une larme de ses yeux bleu azur.

Il se rappelle... Cette fille, qu'il avait vue se traîner avec son énorme seau rempli... Quand elle était tombée dans ce trou, elle avait poussé un cri... bien qu'inesthétique et détestable, il avait aimé... Il ne l'avait pas aidée, et même il l'avait suivie jusque chez elle, où elle s'était fait battre par son père, dans un déchaînement de violence qu'il ne croyait pas possible... Et il avait aimé cela aussi... Il s'était délecté de ce spectacle de haine.

Le lendemain il avait voulu être acteur, cette fois-ci. Il avait poussé la fillette dans l'eau, avait sauté à sa suite et l'avait rouée de coups... Puis, alors qu'il s'était aperçu que ses poings n'étaient pas assez puissants, et que la fillette ne criait plus, il avait dégainé sa dague, et lui avait planté dans le bras. Le cri tant attendu avait fusé comme une récompense, un don, et il asséna tant et tant de coups, pour recevoir tant et tant de plaisir, que rapidement les cris cessèrent, ne laissant que les clapots stériles de ses mouvements assassins.

Les clapots...

Clignant des yeux, et revenant de son rêve éveillé, il s'aperçoit qu'il ne reste que le ressac... La musique a cessé. Le corps sans vie de Julie pend comme un cochon égorgé. Karne recule, conscient du fait qu'il a gâché par son inattention une occasion de parvenir au son parfait. Furieux contre lui-même, puis contre la femme qu'il vient de torturer, il larde de coups le cadavre, jusqu'à le rendre méconnaissable.

Enfin, vidé de son énergie, il tombe à genoux, le visage hagard et couvert de sang, Il passe sa langue sur ses lèvres rougies, observe le corps sans vie, dont des pans entiers de peau et de chair sont à vif... Il se relève, lèche avec tendresse le sang vermillon qui coule encore des artères sectionnées, tranche un lambeau de chair, le porte à ses lèvres et le mâche lentement...

"Il m'en faut une autre, se lamente-t-il enfin. J'ai été impatient, et peu malin avec la pauvre Julie. Elle aurait dû vivre au moins 4 jours, le temps de travailler au mieux sa voix, de s'habituer à l'acoustique... Quelle poisse ! Proteste-t-il dans un souffle de dépit. Petite imbécile de Julie ! Tu as toujours été une peste, et tu n'a pas changé ! Toujours prête à faire échouer les efforts de tes camarades, n'est-ce pas ? J'espère que tu es contente, maintenant que tu as payé !"

Par Draven Lust le 5/2/2002 à 10:26:22 (#863562)

Génial tu l'as retrouver

houla !!

Par Reine Sorciere le 5/2/2002 à 12:30:43 (#864046)

arretez comment on va le retenir ?? :p :rolleyes:

d'ailleurs

Par Reine Sorciere le 5/2/2002 à 12:40:45 (#864081)

Il n'y a pas que derriere Kalder'Shee, que notre bon ami a fait merveille ! La preuve :

"Si demain je devais laisser sur mon visage
Une larme couler pour le triste destin
D'une âme qui hésite à sortir du chemin,
Elle serait pour vous, Lenae, enfant sage.

Mais je me refuse à vous laisser ce message ;
Et me laisser sombrer d'abysses de chagrin
En noirs crépuscules ne me ressemble point.
En cet instant présent, oublions les présages !

Ouvrez vos beaux yeux, observez donc ces gens,
Ils vous adulent tous, même discrètement,
Et sont ravis quand à l'esprit vous viens un conte...

Si d'aventure vous vouliez me démunir
De tous mes moyens, je l'affirme sans honte,
Il ne vous faudrait rien, rien de plus qu'un sourire."


avec en prime :


"Enivrée dans ta valse millénaire, perçois-tu ceux qui t'admirent ?
Ressens-tu les effluves ininterrompues des émotions que tu inspires ?
Muse sacrée, ta lumière entre en moi comme celle du feu
De l'ermite éclairé de la plus pure sagesse.
Et ton cavalier est-il si infatigable,
Que depuis si longtemps, j'attends
L'heure à laquelle je virevolterai dans les astres, Ô Lune ?"


Promis, j'essaie de retrouver les autres !!
et Feyd-Ehlan sait qu'il y en a eu d'autres !!!
:)
ljd RS "fan" :chut:

Par Averoes Landis le 5/2/2002 à 13:30:54 (#864302)

Génial tu l'as retrouver


C'est pas tellement que je l'ai retrouver, c'est plutôt que je l'avais gardé ;)

[...]
Edité pour disage de grosses bétises

Par Kalder'Shee le 5/2/2002 à 18:21:59 (#866664)

Boarf, Feyd-Ehlan a vite oublié. Normal.

Par Red Death le 5/2/2002 à 23:35:25 (#869434)

Se dit que ca lui rappel quelque chose...

Il est vrai que lJd Kalder à une manière de tourner les phrases très agréable.

Par Kalder'Shee le 5/2/2002 à 23:54:49 (#869585)

Provient du message de Red Death
Se dit que ca lui rappel quelque chose...


Sans blague, c'est toi qui en a écrit le synopsis ! ;)

Je ne suis qu'un nègre, somme toute.

Arf

Par Alicia of Draco le 6/2/2002 à 18:19:04 (#874805)

Vivi Kalder :p

Par Red Death le 6/2/2002 à 19:12:03 (#875226)

Si j'en ai ecris le Synopsis, c'est toi qui lui a donné son épaisseur et cette tournure de phrase qui le rend agréable à lire.

D'ailleur en parlant de synopsis, j'ai une autre idée... qu'il me faut travailler

Se dit qu'il reviendra faire un p'tit coucou avec Kriss

Par Kieloria le 8/2/2002 à 22:06:36 (#889630)

*avait pas encore eu le temps de lire*

*bouche bée devant ce style et cette histoire*

*applaudit derriere son ecran tout en savourant*

Par Elistrae le 8/2/2002 à 22:31:50 (#889813)

Superbe :)

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