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Retour à Trandling - 23ème partie.
Par Acyde le 31/1/2002 Ă 1:50:20 (#823122)
Un brouillard épais commençait déjà de naître en nappes blanches au ras du sol, lançant ses froids tentacules à l’assaut des arbres dépouillés par l’hiver. Personne ne s’étonna de l’ordre d’arrêt. La saison faisait les journées brèves et glaciales et il n’était pas courant que les marches se poursuivent jusqu’à l’épuisement après la nuit tombée. La grande armée devait toujours être prête, maintenant plus que jamais, et elle ne devait pas se faire du climat un ennemi supplémentaire. Bientôt, les brumes du soir envahiraient le paysage, une vaste zone de marécages que la température rendait praticables, et la visibilité serait quasi nulle.
Tout était calme aux abords de l’armée. Tout était calme, à l’exception de l’être qui fondait droit sur elle, en hurlant. Fou. Il ne pouvait qu’être fou. Les soldats de l’avant-garde le repérèrent les premiers et ne perdirent pas un instant pour prévenir leurs supérieurs. Ils avaient reconnu, de loin pourtant, les attributs des éclaireurs sur son armure et ils savaient qu’il appartenait à la troupe de Gelan. Ou à l’ancienne troupe de Gelan. Chacun tirait ses propres conclusions à mesure que l’homme se rapprochait, tantôt claudiquant, tantôt courant, visiblement plus pressé que jamais de rejoindre son ost. Pour tous, un tel retour ne présageait rien de bon.
Ce fut le comte Girmog d'Erkjavik qui rejoignit le premier la tête de l’armée, à peu près en même temps que l’éclaireur. Le géant, car le comte d’Erkjavik était véritablement un géant, s’avança sans hésiter vers l’homme qui luttait encore pour maîtriser son souffle rauque. Altier dans son plastron d’adamantite patiné par les batailles, il se pencha vers lui et l’aida à se relever et à recouvrer un peu de maintien. La vue des armes d’Erkjavik sur la noble armure et la proximité de son Seigneur semblèrent rendre à l’éclaireur les forces et la raison qu’il avait perdu ces dernières heures. Il se tint immédiatement très droit, s’efforçant de respirer par le nez pour dissimuler son essoufflement.
- Je suis Hherkron, Ă©claireur de la troupe de Gelan, au rapport, votre Seigneurie, attaqua-t-il sans plus haleter. Les nouvelles sont mauvaises.
- Parlez, Hherkron, dites-nous ce qui nous attend au-delĂ des brumes.
Il y avait de la puissance dans la voix du comte. Elle véhiculait un charisme peu ordinaire, celui d’un homme à la fois autoritaire et bon, et ce timbre fort inspirait tout autant le respect que la loyauté. Toute sa noblesse résidait dans cette vigueur franche qui transparaissait aussi dans son profil, intègre et indomptable.
- Nous avons atteint la zone viciée, mon Comte. La mort rôdait et la nature était à l’agonie. La pourriture et la gangrène, partout, comme si les terres elles-mêmes souffraient du fléau. Alors nous avons décidé de rentrer, pour rendre compte. (Il marqua une pause, sans doute plus parce qu’il peinait à parler et à évoquer ses souvenirs que pour captiver son auditoire.) Mais il était trop tard, mon Seigneur. Les cadavres et les squelettes s’étaient glissés dans nos pas et nous encerclaient. (Il fit un effort visible pour abréger son rapport, s’apercevant qu’il ne respectait pas la concision de rigueur.) Nous nous sommes battus pour que l’un de nous puisse vous porter ces nouvelles, et tous ont péri.
Voyant qu’il ne comptait plus rien ajouter à son récit, Girmog d’Erkjavik le relança brièvement, sans impatience. Le manque de précision du rapport qu’accusait la question du comte lui fit se mordre la lèvre.
- A quelle distance de nous se trouve lÂ’ennemi, Hherkron ?
- Nous nous sommes battus à quatre lieues et demi d’ici, mon Comte. S’ils ont progressé à leur allure constante sur ma trace, ils doivent être à une heure de nous. Peut-être un peu moins.
Personne ne s’attendait à de bonnes nouvelles. Mais la confirmation de ces craintes ne fit qu’assombrir un peu plus les visages. La nuit était à présent bien installée sur la plaine et le brouillard la couvait comme un suaire cotonneux. Il eût été difficile d’imaginer un plus mauvais contexte pour engager les premières batailles. Mais il était une coutume dans la maison d’Erkjavik qu’aucun de ses soldats ne transgressait : on ne faisait jamais part de ses peurs ni de son pessimisme à haute voix avant les assauts. C’était le meilleur moyen d’éviter que les autres trouvent un écho à leurs propres appréhensions qui minerait inutilement le moral des hommes. Et l’heure n’était pas au défaitisme, car le Paladin Zeed Mithror venait de les rejoindre.
- Il est peu probable que nous essuyions une attaque d’importance dès ce soir, affirma-t-il une fois mis au courant des plus récentes nouvelles. Trandling est encore lointaine et il faut s’attendre à ce que le gros de leurs légions se soit attardé en Sarsadhar. Toutefois, ce rapport est très préoccupant ; la progression de leur noire influence est plus rapide encore que ce que nous redoutions. Que tous se tiennent prêts, car ceux qui ont attaqué le groupe de Gelan auront probablement suivi la piste de l’éclaireur survivant. Nous devrions voir arriver un détachement en reconnaissance destiné à éprouver notre armée. Ils ont souvent procédé ainsi.
Les ordres furent transmis et des guetteurs furent semés de l’avant pour éviter tout effet de surprise. Avec la brume et la faible clarté de la lune, l’ost n’avait presque aucune visibilité sur les mouvements d’un éventuel ennemi. Lorsque la position fut prise, l’attente commença. Il ne s’agissait pas véritablement de l’anxiété familière qui précède les mêlées, mais c’était plutôt une incertitude pesante qui planait sur les troupes. Même les vétérans étaient incapables de savoir à quoi ils devaient s’attendre, si la bataille serait terrible ou si elle ne serait qu’une escarmouche. Ou même s’il n’y aurait pas de bataille… La plupart préféraient ne pas se poser de question et attendaient, prêts.
Hherkron avait rejoint l’armée depuis plus d’une heure, à présent. Et aucun signe de l’ennemi ne se présentait aux sentinelles. Les ténèbres demeuraient pesamment silencieuses. Une heure et demi d’attente, et les soldats faisaient leur possible pour rester vigilants sans non plus épuiser leurs nerfs. Une heure et demi dans le noir, le froid hivernal les pinçant jusque sous leurs épaisses armures. Et les trompes sonnèrent. Trois fois, sur le flanc droit, l’appel aux armes. Du néant impénétrable sortaient les serviteurs des légions noires, sans nombre. Le cliquettement des os et le brame des défunts rythmaient leur avancée d’une façon lugubre et implacable. Les guerriers de Cymod ne perdirent pas un instant à réagir. Immédiatement en position pour faire face, ils se préparèrent à arrêter l’assaut. Celui-ci fut des plus cruels. Par dizaines, les morts-vivants émergeaient et engageaient immédiatement le combat. La mêlée était tout à leur avantage, ils ne semblaient aucunement gênés par l’obscurité ou la brume. Les premières victimes tombèrent, de chaque côté, avec un rapport inacceptable d’un pour un. Les guerriers humains étaient mieux armurés et souvent mieux armés que les cadavres auxquels ils faisaient face. Mais ceux-ci paraissaient sortir de nulle part. Ils se battaient et avançaient tant que leur corps était encore capable de le faire, sans montrer ni hésitation ni douleur.
(suite demain ;))
Par Azulynn le 31/1/2002 Ă 7:19:48 (#823438)
Par Acyde le 31/1/2002 Ă 17:10:13 (#825838)
Dans le fracas de la ferraille et des cris, les cinq formèrent un cercle, tournés vers l’intérieur, têtes baissées. Un premier rejeta sa capuche et découvrit un visage vénérable. Il entama une litanie d’une voix forte et claire, dans une langue ancienne. La première phrase achevée, le second prêtre révéla à son tour son visage et amorça une prière différente, dans une autre langue. Les deux voix se mêlaient avec puissance, comme si elles cherchaient à dominer le tumulte. Respectant le décalage, la troisième silhouette se débarrassa de sa capuche pour rejoindre le cœur, prononçant des paroles aux accents étrangers. Le canon se compléta rapidement de la litanie du quatrième prêtre et une véritable chaleur se dégageait de leur groupe, une chaleur qui fortifiait tous les guerriers combattant à proximité, comme une aura de puissance et de lumière. La dernière ombre blanche dévoila les traits d’une jeune femme et ses paroles rejoignirent celles des autres d’une façon pure et harmonieuse. La blanche aura était désormais clairement visible et éclairait leur visage d’une lumière limpide et franche. Quelque chose de puissant émanait du Cercle et commençait à se répandre autour de lui, repoussant les ténèbres. La voix de la jeune prêtresse récitait avec conviction la prière, dans la langue de Goldmoon.
- … puissance de Foi et de Lumière, vertu de Miséricorde et de Compassion, balaye les maléfices par Ta Pureté, guéris la mort par la Vie, révoque les esprits captifs qui souffrent dans ces corps. Artherk, Dieu de Lumière et de Bonté, chasse les ténèbres par Ta grande Aura, dissipe le mal par Ta Grâce, protège Tes fidèles de ses ennemis impies…
La clarté nouvelle révélait la scène de la bataille aussi bien que le plein jour. Les lames bénies frappaient les corps putréfiés comme des fers rouges et les morts-vivants, pourtant incroyablement nombreux, tombaient sous les coups portés avec une ardeur redoutable. Les coalisés de Cymod reprenaient l’avantage. Et pourtant, l’assaut ne fléchissait pas et l’ennemi avançait toujours avec la même inexorabilité.
Brutalement, il y eut une fausse note dans le cœur. L’auréole de lumière qui jaillissait du Cercle faiblit de manière perceptible et son influence s’amoindrit. Aux limites du périmètre encore baigné de Lumière, un être engoncé dans une armure aussi noire que la nuit montait un destrier sinistrement paré. Son regard était braqué sur les prêtres d’Artherk et sa bouche vomissait un flot d’incantations obscures. Sa propre aura jurait avec la sainte lueur engendrée par le Cercle, comme le pire des blasphèmes. Seul, il n’était pas de taille pour briser le rituel. Mais il parvenait à ternir l’éclat de leurs prières et les serviteurs de la non-vie grappillaient peu à peu du terrain.
Depuis le début de la litanie, les prêtres n’avaient pu se distraire de leur concentration sous peine de voir les ténèbres retomber sur les lieux. Et les guerriers, aussi vaillants et sanctifiés étaient-ils, tombaient sous le nombre, cédant place pas à pas, sans que leurs remplaçants pussent regagner le terrain perdu. Jamais ils n’auraient pu s’attendre à rencontrer un tel détachement si loin de Trandling. La situation devenait critique pour les prêtres, incapables de se défendre efficacement si l’ennemi arrivait au contact. Ils envisagèrent de briser leur communion, ce qui n’était pas sans risque avec le prêtre noir à proximité et cela ne manquerait pas de handicaper sérieusement les soldats.
Ayant atteint le point désiré, l’homme vérifia une dernière fois son angle de visée. Il ajusta avec précision la pointe de son arme, ciblant avec le soin de l’expérience la poitrine de son adversaire. Sa concentration était ultime, comme chaque fois en cet instant. Son œil, son arbalète, sa cible. Une ligne droite qui perçait directement le cœur. Il n’attendit pas plus longtemps. Un bruit sec, un claquement, un sifflement. Le carreau, lancé à une vitesse prodigieuse, file vers sa cible. Sans considération aucune pour la résistance du métal, il perce l’armure et s’enfonce dans les chairs du prêtre noir, déchirant tout sur son passage. La silhouette sombre marque la surprise et interrompt ses incantations. Un instant plus tard, le prêtre s’effondre à bas de son destrier. Il ne se relèvera plus.
Le Cercle avait immédiatement retrouvé sa force antérieure. Mais il était trop tard. Deux soldats cherchaient à contenir une demi-douzaine de zombies, à quelques pas des prêtres. Ils ne tarderaient plus à être débordés. L’un sur la gauche ne faisait plus que parer les coups. Il retint de sa claymore le sabre qui lui portait un prodigieux coup de taille, évita un tranchant de hache d’un coup de botte qui déséquilibra son porteur ; l’épée qui plongea dans son abdomen, il la vit venir, mais sans pouvoir riposter, triste témoin de sa mise à mort. Il emporta deux ennemis avec lui. Un zombie abominablement mutilé, dont le moignon de bras arborait une pointe d’os cassé et verni par le sang caillé, s’approcha de la prêtresse qui lui tournait encore le dos, un glaive dans sa main restante. Le prêtre qui lui faisait face rompit le Cercle pour la défendre, mais l’arme était déjà levée, prête à poignarder ce corps offert. Le geste s’arrêta très près de la robe et le mort-vivant s’effondra.
Quelques autres revenants se figèrent et tombèrent les uns après les autres, laissant le temps aux guerriers de lutter en renfort pour que le Cercle se reforme. Toute une portion des assaillants proches des prêtres semblaient pétrifiés, dans une posture amorphe, sans que personne ne pût l’expliquer. A défaut de comprendre, les coalisés en profitèrent sans hésiter et le carnage reprit. L’aura de Lumière revint rapidement à son paroxysme, son influence bénéfique enveloppa à nouveau le bras des combattants.
La mêlée se prolongea encore quelques temps, mais son intensité baissait de manière sensible. Le flot d’ennemis se tarissait enfin. Une partie du front fut relevée par des soldats de réserve, pour éviter de faire inutilement combattre des hommes harassés. Les forces plus fraîches, assistées par les prêtres, vinrent à bout des derniers vestiges du détachement avec une peine moindre. D’autant qu’il n’était pas rare de voir une poignée de squelettes se figer quelques instants ou un zombie tomber de lui-même, brutalement libéré du semblant de vie qui l’animait. « Un geste des Dieux », songeait la prêtresse en constatant le phénomène.
Zeed Mithror, à la surprise de certains, en particulier de ceux qui avaient douté de son succès au Colisée de Cymod, s’était joint à la bataille, depuis le début. Il acheva l’un des derniers squelettes. L’heure ensuite n’était pas encore au repos, mais au bilan. Il rejoignit Girmog d’Erkjavik, Palan d’Arel et les trois autres hommes à qui il avait confié les lieutenances de l’armée. Le comte était le seul noble en titre à avoir accompagné ses hommes pour Trandling. Le comte Girmog d’Erkjavik accompagnait toujours ses hommes en campagne.
La violence de l’assaut les avait tous surpris, encore si loin de Trandling et… si près de Cymod. La légion ennemie avait dû compter, après estimations pesées, trois centaines de têtes. C’était encore de la pacotille comparé aux cohortes rassemblées par le Conseil –une ost de plus de vingt milles hommes– mais considéré comme fer de lance d’une armée, cela laissait présager une arrière-garde proprement immense. L’avenir s’annonçait particulièrement sombre, et ils se seraient volontiers passés de cette confirmation supplémentaire.
La discussion des officiers principaux était entamée depuis peu. Personne, dans les ténèbres revenues quand la nuit avait repris ses droits, ne put remarquer l’ombre qui survolait leur petit groupe. Elle se signala par un battement d’aile pour freiner sa descente et se poser en douceur, à quelques pas du paladin. La torche qui éclairait leur conversation jeta quelques éclats sur la silhouette sombre, sans en dévoiler beaucoup plus que son inhumanité. Une robe noire, de longs cheveux d’ébène, deux imposantes ailes de néphilim. Elle s’avança dans la lumière ; aucun n’avait esquissé de geste particulier, même si leurs mains n’étaient pas loin de la garde de leurs armes.
- Que l’Haruspice me damne cent fois ! Ce soir, cinq prêtres d’Artherk ont survécu par ma faute ! lança la voix féminine en guise de salut, alors que tous purent voir son visage.
- Acyde de Nor ? sÂ’interloqua Zeed, mĂŞme si sa question nÂ’en Ă©tait pas vraiment une.
- Il n’est pas évident de vous retrouver, Zeed Mithror. Avec tout ce monde… (son ton avait quelque chose du reproche, tandis qu’elle désignait d’un geste vague les troupes qui occupaient une partie de la plaine.)
Le paladin marqua un temps dÂ’arrĂŞt, jeta un coup dÂ’Âśil Ă ses acolytes et reprit finalement.
- JÂ’ignorais que vous Ă©tiez NĂ©philim, dame de Nor.
- J’ignorais que vous étiez chef militaire, sieur Mithror, rétorqua-t-elle assez vivement.
Il se garda de répondre et la dévisagea un instant, avant de sourire. Elle abandonna son air sérieux et sourit à son tour.
- Je suis heureuse de vous revoir, Zeed. Si cela vous paraît envisageable, je ferai route avec vous. Je connais déjà votre destination. Mais ! Une ultime fois : ne m’appelez plus dame de Nor !
Par Alanis Delyn le 1/2/2002 Ă 11:22:53 (#830433)
Par Rand le 1/2/2002 Ă 11:26:55 (#830460)
Par Etoile Noire le 2/2/2002 Ă 12:16:42 (#838541)
Par Lars Sylrus le 2/2/2002 Ă 16:21:10 (#839892)
Provient du message de Etoile Noire
*trouve dommage que ce superbe texte soit descendu si vite*
ouais mais j'vais pas pas l'laisser faire !:enerve:
Par Ashraam Darken le 2/2/2002 Ă 16:59:27 (#840260)
*tire sa reverance*
Bravo :)
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