Les sept gemmes [Part IV]

Par Justine Jellers le 24/1/2002 à 12:51:11 (#775257)

Tout est blanc.

Absence totale de couleur où que je pose mes yeux. Je me sens comme une lettre perdue au milieu d’une page vierge. Mais je n’ai pas peur. La peur est mon ennemie intime. Je ne dois craindre nulle chose. Sauf une : je dois craindre une mort plus douce que celle donnée par le tranchant d’une épée. Mais, même en cet instant d’incertitude extrême, mon esprit ne vacille pas.
Alors j’attends.

Pour combler le vide, je repense à ce qui est arrivé dans ma vie dernièrement et ce qui s’est passé dans celle d’autres. Je me rappelle chaque image pour m’accrocher à quelque chose de tangible parmi ce paysage vide.

Je repense à Kyriane, d’abord employeur, puis ami, qui m’a en quelque sorte affranchie et laissée libre de mes actes. Je ne l’ai point revu depuis quelques temps et je me rappelle qu’il tentait de sauver une certaine Elswindel d’un démon qui avait pris possession de son corps. Je me dis que je devrais peut-être lui rendre visite.

Je repense à cette urne, trouvée aux abords de WindHowl ; objet étrange qui a disparu en déclenchant une mini-apocalypse à l’intérieur de la maison.

Je repense à ces rêves, peuplés de créatures ailées, de champs de bataille et de corps déchiquetés sous mes yeux. Malgré toutes mes recherches, je n’en comprends toujours pas la signification. Je me rappelle tout particulièrement ce voyage interminable à travers un désert imaginaire qui ressemblait en détail à la description de celui de Raven’s Dust, la deuxième île, que j’avais vu dans un ouvrage.

Cette attente me pèse. Mon esprit s’agite mais mon corps refuse de bouger. Je reste là, immobile, dans l’expectative, ne sachant pas ce qui allait se passer, espérant que quelque chose arrive. N’importe quoi…

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Dans une sombre caverne, une créature émet des grognements incompréhensibles devant un miroir finement ciselé d’aspect ancien. De ses doigts fins, il frôle la glace et semble commenter chacun de ses gestes. Sa respiration est courte, sifflante et résonne contre les parois.

- Thothrin !

La voix semble transpercer la créature de part en part. Celle-ci se détourne vivement de son reflet et observe l’ouverture sur sa gauche. Elle couche ses oreilles, qui ressemblent étrangement à celles d’un chat. Toute sa tête d’ailleurs possède cet aspect félin.

A la lumière des torches, l’homme qui vient d’apparaître semble imposant et force le respect. Ses cheveux noirs coupés courts encadrent un visage massif, comme taillé dans un roc que rien ne peut détruire. Ses yeux bleus sont dépourvus de pupilles. Il porte une robe noire et pourpre qui semblait flotter, exposée aux vents qui s’engouffraient à l’intérieur de la grotte. Il semble se déplacer sans effectuer le moindre geste en direction de la créature nommée Thothrin qui effectue alors un simulacre de révérence.

- Bonjour Maître… Ssss…

Un sourire mauvais apparaît sur les lèvres de l’homme tandis qu’il porte les yeux sur la carcasse de celui qui semble être son assistant. D’un geste de la main il l’envoie voler contre le mur d’en face, situé pourtant à cent mètres de là.

- Comment cela pourrait-il être un bon jour ?

Exaspéré, l’homme s’approche du miroir et l’observe d’un œil inquiet. Le moment n’est pas propice pour les mondanités et Thothrin devra à l’avenir se le rappeler. Déjà, dans le coin sans lumière où il avait atterri, on pouvait entendre son pas boitillant. Il murmure des paroles inintelligibles qui prennent des atours d’excuses.

- Au lieu de nourrir le peu de foi en toi qu’il te reste, veux-tu me donner son état actuel ?

- Elle résissste Maître… Ssss… Ssses sssouvenirs lui ssservent de points d’ancrage pour conssserver sssa tête… Ssss…

- Que soit damnée la volonté des humains ! Sans elle il y a longtemps qu’on aurait réussi. Il ne nous reste plus beaucoup de temps avant que les elfes ne parviennent à bloquer l’enchantement.

- Altérer ssses sssouvenirs prend du temps… Ssss… Ce n’est pas un sssort sssimple… Ssss…

- Me prendrais-tu pour un idiot ? Ne dépasses pas les bornes Thothrin ou je te ferais redevenir la simple bête que tu étais.

Les oreilles de Thothrin frémissent à l’évocation de ce passé qu’il redoute de voir surgir à nouveau. Jamais il ne redeviendra cet être servile. Il préfèrerais mourir.

- Nous avons presssque fini Maître… Ssss… Ce n’est qu’une quessstion d’heures… Ssss…

La voix sifflante de Thothrin horripile l’homme, mais force est de constater que c’est son élève le plus doué. Presque son égal. Il devrait s’en méfier à l’avenir.

- Bien… Bien… Continues jusqu’à complète réussite. Préviens-moi, je serais dans mon bureau.

L’homme jette un dernier coup d’œil vers son assistant puis vers le miroir. Sans aucun mouvement, il sort de la grotte dans un silence tout juste troublé par le souffle du vent.

Peu après, une oreille attentive aurait pu entendre un rire cristallin accompagné d’un sifflement caractéristique…

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Où puis-je être… ? Cela me dépasse. J’arrive de moins en moins à me rappeler toutes ces images qui ont parsemé ma vie. Etait-ce à mes huit ans que mon père m’a offert cette petite épée et par ce simple geste, me faire découvrir ma voie future ? Ou bien à neuf ans… ?

Pourquoi est-ce donc si dur de se souvenir ? J’aimerais tant retrouver un paysage, n’importe lequel et non contempler cet univers blanc ou rien n’existe… Mais je ne veux pas perdre pied, laisser ma raison s’évader de sa prison de chair et s’envoler au loin.

J’entends une voix lointaine qui me dit de résister, qui m’informe qu’ils auront bientôt la solution. Il me semble connaître cette voix, mais qui sont ces « ils » qui désirent m’enlever à cet étrange endroit ? Une seconde je repense à ces formes blanches que j’avais pu distinguer alors que mon rêve du désert se dissipait et que je me réveillais en sueur dans mon lit. Elles semblaient alors se découper au milieu de l’immensité bleue du ciel.
Aussitôt je les oublie et j’agis comme si tout ceci ne s’était jamais passé.

Que faire ? Sinon attendre. Ici rien n’existe, je le sais bien. Je me doute qu’il s’agit d’un rêve, mais je n’arrive pas à trouver le moyen d’en sortir.

Ne rien pouvoir faire ma porte sur les nerfs. L’inactivité forcée va à l’encontre de mon caractère. Je n’y puis rien.
Je me mets à haïr ceux qui me maintiennent ici, ceux qui veulent me libérer et qui, comme je le soupçonne, sont aussi étroitement mêlés à ce qui m’arrive. Je me haïs moi-même d’être impuissante.

Puis, je m’aperçois que je n’arrive plus à me souvenir de mon nom…

- Mais que m’arrive-t-il bon sang… ?

(A suivre…)

Par Azulynn le 24/1/2002 à 13:04:38 (#775335)

:lit: :amour: Mais quand cessera-t-il de m'émerveiller avec ses textes... :rolleyes: Pas d'ici un moment, j'espère :p

Par corian zelor le 24/1/2002 à 13:28:35 (#775482)

*pense comme Azu* Ce texte est somptueux

*va aller rechercher les 3 parties precedentes*

Par Meth le 24/1/2002 à 16:18:56 (#776147)

*a du attendre que le forum refonctionne pour remonter ce post magnifique*

Par Etoile Noire le 24/1/2002 à 18:10:02 (#777208)

Vraiment très beau

Par Darksoul Zenox le 24/1/2002 à 18:15:35 (#777250)

Waou y'en a qui ont ca dans l'sang...et tout ca pour une mule...;)

Magnifique!:merci: