Le récit d'une rencontre...

Par Jon Abishaï le 7/12/2001 à 11:05:12 (#508912)

La marche était longue depuis le port de Brivert. La maison des Blanche était bâtie à plusieurs kilomètres de la ville portuaire, loin de toute agitation. Au creux d'un escarpement, au pied d'une falaise depuis laquelle on pouvait observer à des lieues à la ronde la tranquillité de ce pays, la Malfide.
Deux silhouettes arpentaient le caillouteux passage qui les menait vers ce havre, là où, quelques années plus tôt, sept pour être précis, Cauldriane Blanche dérobait l'un des parchemins magiques de son père pour faire ses premiers pas aventureux à LightHaven. Cauldriane Blanche qui s'appelait désormais Jon Abishaï, soucieux de donner, en fin de compte, le nom qu'il avait presque toujours porté à tous ceux qui le connaissaient. Il était l'une de ces deux silhouettes, l'autre étant devenue, il y a peu, fidèle à ses pérégrinations, la femme qu'il aimait plus que tout, Evelys.

Enfin, ils parvenaient au but de leur voyage. Jon était désireux de revoir sa mère, après toutes ces années. La dernière fois que cette dernière l'avait vu, il était mort. Sa résurrection datait de peu, mais Jon se sentait plus en forme que jamais. Il était toutefois persuadé que sa mère n'avait probablement pas récupéré du chagrin qu'elle avait du avoir. Dans un sens, il se demandait si Ombre Blanche, son père, avait réellement cherché à la réconforter. Il avait pourtant entendu dire que son père avait versé des larmes lorsqu'il était venu chercher son corps à SilverSky. Quoiqu'il en soit, il devait la voir. Et il n'aurait pu aller aussi loin sans qu'Evelys ne le suive.

Ils arrivèrent tous deux sur le plateau. Ce chemin caillouteux et pentu y prenait fin. Le terrain était très rocailleux, juste recouvert d'une pellicule d'humus à peine suffisante pour y laisser pousser herbe drue, lichens et mousses. Ces terres étaient incultivables, et de surcroît, éloignées de tout point d'eau. Un calme enchanteur dans une vaste lande inhospitalière ou soufflait le vent. Mais tout cela avait été soigneusement recherché par Ombre Blanche lorsqu'il s'installa ici avec sa femme. Quant à l'eau, il n'y avait pas un problème que la magie ne puisse résoudre. Ombre et Ashley exerçaient tous deux la magie. Le prix de la tranquillité n'était donc pas si élevé.

Depuis le bord du plateau où Jon et Evelys venaient de prendre pied, on pouvait apercevoir la maison. Blottie au pied de la falaise d'un escarpement naturel, à l'abri du vent, elle donnait à cette lande un aspect bucolique. Un agréable cadre de vie, loin de l'agitation des villes, loin de l'agitation des campagnes, loin de tout.

"- Encore un petit effort mon amour", dit le jeune homme à Evelys qui semblait déjà essoufflée par cette marche.
Elle fit la moue un bref instant avant de chercher le regard de Jon.

"- Faisons juste une petite pause. Cette ascension m'a épuisé". Ce à quoi elle ajouta un sourire forcé.

Il l'a regarda dans les yeux sans se soucier ni de sa moue, ni de son sourire et s'approcha d'elle. Il posa ses deux mains sur les joues de sa compagne et rapprocha lentement son visage. Il se contenta de sourire et dit tout bas :
"- Bien sur ma chérie."
Puis il fit mine de se retirer mais fut vite arrêté dans son geste par Evelys qui lui attrapa le cou et se hissa pour atteindre ses lèvres avec les siennes. Ils s'enlacèrent alors, unis dans un baiser d'une tendresse infinie.
Quelques minutes plus tard, leurs regards se croisèrent. Jon souriait. Evelys aussi.
"- Tu es prête ?", demanda le premier.
"- Fin prête", répondit la seconde.

Ajustant leurs sacs, ils repartirent, sur le plateau, en direction de la maison. Jon devinait une silhouette les observant à l'une des fenêtres. Il se demandait s'il s'agissait de sa mère. Alors qu'ils parvenaient à 300 pas de la maison, la porte s'ouvrit. Une personne très mince se présenta sur le seuil. Malgré la distance, malgré les changements si radicaux que le temps et le chagrin avait gravé dans cette personne, celui qui s'appelait Cauldriane Blanche reconnut immédiatement Ashley, sa mère. Accélérant le pas, c'est finalement en lâchant son sac et en courant qu'il acheva son voyage. Sa mère ne fit que quelques pas, les plus précipités qu'elle put pour se porter à sa rencontre et ils s'embrassèrent comme mère et fils, sans un mot, sans un bruit, tendrement et longtemps. Evelys poursuivit un peu sa route en marchant, ramassa le sac de son compagnon et s'arrêta à une dizaine de mètre d'eux, pleurant la beauté de l'instant et se sentant soudain comme une étrangère.

Au terme de cette embrassade, alors que le visage de Jon reparaissait couvert de larmes, celui d'Ashley, les yeux rougis, se tourna vers Evelys. Cette dernière se sentit comme un animal que l'on étudie, une impression des plus désagréable et probablement faussée par cette timidité qui était la sienne. Osant croiser le regard de la mère de Jon, elle y aperçut de la bonté, de la joie et de la tendresse. Un regard étrange, bercé de larmes de bonheur et de satisfaction, un regard maternel. Cette impression fugitive persista au plus profond d'elle-même alors même qu'Ashley prononçait ses premiers mots, depuis le premier instant de cette rencontre silencieuse et pourtant si éloquente.

"- Bonjour demoiselle", prononça difficilement la femme d'Ombre Blanche, tant sa gorge était serrée par l'émotion.
Evelys ne voulut pas rectifier cette appellation. Elle se contenta de répondre par une timide salutation.
Jon prit la main de sa mère et l'entraîna vers sa compagne.
Tout en approchant, il fit les présentations :
"- Mère je te présente Evelys. Mon amour, je te présente Ashley Blanche, ma mère".
Les deux femmes se lancèrent un sourire. Et Ashley ne put s'empêcher de tourner la tête vers son fils, un air faussement interrogateur affichée sur son visage :
"- Ton amour ?
- Oh mère..."
Jon se sentit soudain gêné un court instant. Il voulut répliquer mais sa mère le prit de vitesse :
"- Vous êtes mariés ?"
Le jeune homme ne savait pas quoi répondre. De plus il se sentait extrêmement gêné par cette situation.
"- Non pas encore", répondit simplement Evelys.
Ashley regarda alternativement la jeune femme et son fils en souriant.
"- Ah bon ! Je préfère ça. Je tiens à assister au mariage", lâcha-t-elle d'une voix encore mal assurée mais résolument coquine.
Jon se mit à rire. Evelys ne tarda pas à le suivre, plus timidement. Ashley se contenta d'un grand sourire avant de rompre la bonne humeur :
"- OH !!
- qu'y a-t-il ?", demanda précipitamment son fils.
"- Vous devez être affamés après cette longue marche !"
Jon sourit et acquiesça de la tête en regardant sa compagne. Cette dernière tenta de modérer cette ardeur poliment :
"- Rien ne presse, nous..."
Elle fut interrompue par un gargouillement assez sonore qui fit rire tout le monde et mit tout le monde d'accord.

Les deux femmes et le jeune homme se rendirent jusqu'à la maison en devisant sur le temps qu'il faisait. Jon libéra Evelys du fardeau supplémentaire qu'elle avait ramassé à sa suite et la porte de la maison se referma sur des sonorités de joie et de bonne humeur.