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RĂ©cit complet II pour BĂ©rauble
Par Gabrielle Knight le 19/9/2000 Ă 18:10:00 (#191738)
Assis en tailleur au pied d'un grand chêne, au sommet du promontoire, il contemplait l'à pic et la vallée qui s'étendait, étirée, au long de la rivière Khadçudhul. Lassive et presque paresseuse, cette traînée de nacre miroitante, gravait à travers les siècles en son lit, l’histoire des pêcheurs et des elfes sylves de cette contrée. Pour être né dans ces forêts luxuriantes, Alyr possédait une fibre particulièrement sensible aux parures des saisons. L’imperceptible n’était plus, il s’expliquait dans le vol de l’épervier ou du cygne, par le cri du renard ou le brame du cerf, par l’éclosion des orchidées au creux des branches ou par la pousse des champignons… Régénéré à chaque inspiration par les senteurs entêtante de l’humus et des plantes, immobile et silencieux, le demi-elfe semblait se fondre dans la roche sur laquelle il se tenait en tailleur comme une proue de navire au-dessus des bois. Statue imperturbable sur une mer végétale, l’enfant de la forêt écoutait bouillonner en lui, les mille bruits et odeurs de cet univers émeraude. Telle une bulle immatérielle, sa conscience dansait autour de lui, irisant l’air comme le soleil majeur au travers des pierres de quartz. Il se laissait totalement investir par les énergies du Ka de la terre, tout à son bonheur de cette communion avec la Nature.
Et des souvenirs affluèrent soudain, des images qui malheureusement refusaient de se perdre au fil du temps comme les larmes sous la pluie… Ils s’accompagnaient toujours d’une profusion de sentiments douloureux, injustice et cruauté gratuite, dégoût des hommes et de leur soif de destruction, incompréhension et révolte. Cela c’était déroulé dans cette vallée, il y a de nombreuses années. Plus de six fois deux mains, pendant lesquelles, saisons après saisons, il avait tenté de chasser le drame de son esprit et avait forgé sa vocation.
Mélusine était une humaine charmante, d’une nature douce et toujours ravissante car, malgré le passage des ans, une joie intérieure illuminait son visage de sourires radieux pour y gommer l’outrage du temps. Enfant, elle avait été recueillie par les elfes et s’était si bien intégrée à cette population accueillante de la forêt de Séléane, qu’elle ne les avait jamais plus quittée, y fondant un foyer avec Sioban Ormeclair, un elfe d’une grande prestance, cousin du chef du clan. Ils élevaient leurs deux fils jumeaux, Alyr et Nathyel, dans une cabane suspendue dans les frondaisons. Tout le village d’ailleurs s’étageait dans les branches d’un groupe de chênes et de charmes plus que centenaires. Cela s’était déroulé en pleine renaissance de la nature, un matin de printemps au trentième anniversaire des jumeaux… s’était si proche dans les souvenirs d’Alyr ! Une troupe importante d’une centaine de bûcheron et de pillards avait investie la partie sud de la forêt pour y piller des essences rares en particulier le Teck, bois imputrescible recherché pour la construction navale et sur pilotis ainsi que des meubles de la haute bourgeoisie. Alyr et Nathyel, au mépris de toutes les recommandations s’étaient aventurés au plus près de la zone de travail des bûcherons étroitement surveillés par les portes casques. La désolation qu’ils contemplaient n’avait pas de nom. Les plus beaux arbres, les plus vigoureux étaient systématiquement abattus et tout ce qui pouvait gêner leur évacuation était brûlé, piétiné, détruit parfois sans véritable motif que de gagner un peu de temps ou de maintenir le feu allumé. Une odeur acre de broussailles et de bois vert en combustion se mêlait à celle de sève et de coupe fraîche qui flottait sur le chantier. Nathyel se penchait à outrance pour distinguer mieux les allées et venues des hommes tout à leur sinistre ouvrage. Et la branche sur laquelle les deux enfants se trouvait, cassa brutalement dans un grand fracas. Aryl, sonné, avait roulé sous un buisson tandis que Nathiel inconscient gisait en travers de la branche aux vues et aux sus de tous. Il fût découvert presque immédiatement par les bûcherons alarmés. De retour au village, blessé, Aryl fût vertement tancé et les chasseurs elfes du clan ourdirent un plan pour délivrer Nathyel. L’expédition tourna court car Nathyel reparu, très faible et boitant, la hanche fêlée. Il avait été relâché pour mieux être suivi : une horde de soudards alléchés par l’espoir de faire des prisonniers et des esclaves, déferla sur le village comme les sauterelles sur un champ de blé. Survivre à l’horreur indicible de cette soirée fût une gageure pour les quelques réchappés. Alyr perdit son père, sa mère et son frère jumeau. Les quelques chasseurs qui avaient pu prendre la fuite ainsi qu’une ou deux femmes, jurèrent de s’instruire et de se convertir au culte de la Nature pour venger ce sang et laver le monde de l’orgie destructrice de certains hommes.
Des larmes coulaient sur ses joues. Il se remémorait ses années passées au plus profond de la forêt avec un vieil ermite, apprenant les arcanes de la magie de la Nature. Plusieurs fois, il s'était absenté avec un ami rôdeur qui passait régulièrement les voir pour retrouver dans d'autres parties de la forêt, les bûcherons. A chaque fois, ils posaient des pièges, truffaient le sol et les branches de sournoises chausses-trappes, collets, lacets, balanciers et baies empoisonnées. Il appelait les foudres du ciel sur le campement des hommes et ils les abattaient un par un dans la brume ou sous un ciel en tempête lorsqu'ils s'enfuyaient, apeurés cherchant refuge sous les arbres qu'ils détruisaient. La nuit, faisant appel aux loups, ils les empêchaient de dormir en les obligeant à se relayer autour du feu pour éloigner la meute tournant en cercle autour d'eux.
Aujourd'hui encore, la soif de vengeance dévore ses entrailles et son maître mourrant malgré ses discours modérateurs n'avait jamais pu l'éteindre. Cette voix rendue sifflante par la maladie résonnait encore à ses oreilles.
«Pourquoi, mon fils, t’égarer sur les chemins de la colère et de la destruction ? Pourquoi t’arrêter sur le chemin ardue de la maîtrise de ton esprit ? Qu’as-tu fais de mes conseils, si ce n’est entraîner avec toi ces jeunes coureurs des bois au sang bouillonnant ? Turbulent, toujours impatient. Trop jeune, trop vif, tu as pourtant la carrure et l’avenir d’un Archi-druide… L’esprit de la forêt t’habite et ta destinée telle un fleuve ne saurait être endiguée. Aucune chaîne ne retiendra la force de ton esprit qui, bien qu’à l’aube d’une vie prometteuse, déjà fait preuve d’un pouvoir immense presque supérieur à ce qu’il est possible d’accorder à un humain. Au seuil de la mort, arrivé au terme de ma carrière, au crépuscule de mon séjour terrestre, je dois te mettre en garde. Tu es certainement ce que j’ai fais de mieux et désormais tes épreuves ne font que commencer sans que mes conseils désormais puissent t’accompagner. Lorsque je t’ai recueilli, j’ai bien tenté de dénouer la trame de ta destinée pour savoir ce que te réservais l’avenir car vois-tu, plus qu’un simple mortel, j’avais sur cette terre une mission particulière, j’appartenais à un ordre ancien, l’ordre des Gardiens du Cristal des Mondes. Par le sable de la grève, par le vent dans les feuilles du hêtre, par murmure des arbres qui se parlent, j’appris l’insoutenable et ne pu te le révéler, à toi le jeune prodige, toi et cette facilité qui te caractérisait depuis que je t’ai recueilli, cette parfaite harmonie de tes incantations… Toujours tu me devançais dans mes leçons même si tes yeux pleins d’admiration et de reconnaissance pour moi ne perçaient pas l’évidence. Juste te conseiller. Juste, avant de m’éteindre, laisse moi étendre sur ta tête un bras protecteur. Ecoute et n’oublie jamais car ta route passera par d’autres sacrifices. De tous les choix que tu devras faire, il n’en est qu’un qui t’arrachera au Dieu des Morts jurant ta perte. Ne perd pas de ton humanité, la colère ne dois pas assombrir ton cœur sous l’aveuglement de la vengeance. Toi pour qui l’appel de la Nature est devenu familier, sache qu’aujourd’hui s’ouvre pour toi un nouveau savoir et que je te lègue un éclat de Cristal qui sera ton plus lourd fardeau. Tu lui sacrifiera ta vie et ta vengeance, tu devras en accepter le destin par un libre consentement. Voilà , mes forces m’abandonnent. Quitte notre hutte, je ne souhaite pas que tu me vois mourir. Reviens dans l’après-midi car poussière redevenant poussière, pluie retombant dans l’océan tu conduira mon corps au bûcher et offrira mes cendres aux terres quoi m’ont portées.»
Alyr, ne regardais plus la forêt. Immobile sur son rocher, yeux fermés il était tout au tourbillon de sentiments contradictoires qui l’agitaient. D’une tristesse infinie, il ne se sentait pas près et ses doigts jouaient avec le Cristal qu’il portait en pendentif autour du cou. Mais le serait-il un jour ?
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