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La Chanson du Gobelin
Par Frohnir le 5/2/2003 à 21:09:29 (#3179035)
Lorsque la porte du bouclier écarlate souvrit, ce fut pour expulser bruyamment une grotesque forme encapuchonnée. Lépaisseur de la neige amortie la chute de lhomme qui grommela et se releva difficilement en brandissant un poing rageur vers létablissement qui fermait.
« - Scé Scé Scélérats ! navez-vous donc point de pi pi pitié pour un vieil homme ? »
Il sépousseta longuement, puis se dirigea vers le centre ville. Léclairage public ne fonctionnait pas en hiver, la neige empêchant les flammes des réverbères de perdurer toute la nuit. Il avançait difficilement dans lépaisse couche de poudreuse, mais lorsque le premier hurlement de loup déchira lobscurité, une vigueur nouvelle vint subitement semparer de ses membres gelés.
« - Vous ne maurez pas, hips, bande de charognards ! »
Mais alors quil dépassait la place principale en quête dun abris, un premier animal sorti dune ruelle, lui bloquant le passage. La bête le fixait avec ses petits yeux jaunes, et lon pouvait presque sentir la faim qui lui tenaillait lestomac tant lanimal avait lair famélique. Ses longs crocs luisaient sous la pâle lueur de la lune et cela naugurait rien de bon pour le vieil homme.
« - Foutre Dieu ! »
Se tournant dans tous les sens, il chercha une échappatoire à ce funeste destin qui lattendait au bout de la ruelle, et, bénissant Tymora, avisa une large porte qui laissait filtrer un flot de lumière par ses interstices. Les volets étaient clos, mais la porte devait être ouverte, cétait le Théâtre de la Lillende !
Parcourant la distance qui le séparait encore du bâtiment, il tourna la poignée et sengouffra dans la chaleur salvatrice de ce haut lieu de la culture Faérunienne. Accrochant sa cape au portemanteau, il se dirigea vers le bar et se retourna pour observer lassemblée. Personne ! Pas un client, pas un barde, pas un troubadour. Rien.
« - Cest mort ici ! hips ! Tavernier, une chopine ! »
Un gros bonhomme se dirigea nonchalamment vers le vieillard que le froid navait vraisemblablement pas dégrisé, et, sans dire un mot lui servit une grande pinte de bière naine.
« - Merci lami, zêtes trop bon, hips ! ya personne qui chante ou fait dla poésie ce soir ? »
« - Non mon bon monsieur, la scène est à vous. »
« - Ah ? euh
.. daccord ! »
Puis il se dirigea en titubant légèrement vers la scène, gravit les trois marches et se planta au milieu des planches, sa bière à la main :
« - Ben, voyons voir, quest-ce que je pourrais bien vous raconter ? Ah voui, une chtite chanson que jai apprise à la Porte de Baldur le mois dernier :
Quelque part loin au fond des bois,
Près des flancs dune grande montagne,
Où les nains ne font pas la loi,
En sorte un pays de cocagne,
Se promenait un gobelin,
Chétive créature malade,
Perturbé par ses intestins,
A cause dun hobbit en salade,
Limmonde monstre saccroupit,
Dans un bosquet de framboisiers,
Et poussa même
quelques cris,
Tandis quen vain il
déféquait !
Un dragon rouge majestueux,
Sen vint à passer dans le coin,
Avisa son cul anguleux,
Et davance sen pourlécha le groin,
Il fondit donc sur sa proie,
Et ouvrit sa gueule infernale,
Pour gober le gob en émois,
Et semplir de
matière fécale !
Depuis, cest là chose bien connue,
Les dragons ont mauvaise haleine,
Cest à force de bouffer des
culs,
Que pour eux on a de la peinnnnnne !
Puis il sécroula.
Le tavernier secoua tristement la tête et sen retourna à sa vaisselle, laissant le vieil homme ronfler tout son saoul.
Dehors, la neige recommença à tomber, chassant les loups de la ville, et recouvrant encore dun épais et bienvenu manteau de silence, le Théâtre de la Lillende, sans doute offusqué davoir été lespace dun instant lhôte dune si monstrueuse chose
Par Shandrakor le 5/2/2003 à 21:54:27 (#3179323)
Par Ange Musicien le 5/2/2003 à 22:59:10 (#3179826)
"Rapide le vieux, hein... On dirait pas sur ces vieilles jambes... Il me semble qu'il y a environ 600 miles de la porte de Baldur jusqu'ici... 965 kilomètres dans le système de mon pays... En un mois..."
Il fait un grand sourire au barman. Celui-ci paraît s'ennuyer ferme et s'exclame:
"Vous voulez pas mettre un peu d'ambiance, monsieur Ambar de Kotu ? Une ou deux chansons..."
Le petit homme le regarde, louche et rit.
"Moi ? Et non, moi je suis un marchand, mon ami... les épices, y a que ça de vrai... Par contre, je connaît un conteur fort distrayant, un vieil ami à moi, Garath, qui passe en ville avec moi... Je verrai avec lui. En attendant, une bière. Peut-être ce soir... Il est très occupé. Nous verrons, nous verrons..."
Le long nez du marchand frétille, tandis que son corps trop musclé pour celui d'un marchand se dénoue et semble plein d'énergie. Mais ses pommettes ne bougent pas et ses favoris restent immobiles tandis qu'il boit sa bière à petites gorgées.
Par Frohnir le 6/2/2003 à 8:59:08 (#3181608)
« - Gnnnnn ? »
Avisant des personnes quil navait pas remarqué en entrant dans le Théâtre, il se releva en se tenant le dos, et, drapé dun costume de dignité, il regagna le bar, les marques du plancher imprimées sur sa joue gauche
« - Tavernier, il semblerait que ma pinte était percée, elle est vide ! »
Retenant un soupir de désespoir, le gros homme bedonnant sapprocha et lui versa une nouvelle chope de bière bien mousseuse :
« - Merci mon brave, pour la peine, jvais vous en pousser une autre :
Hem hem :
Il était vert, il était beau,
Il avait une face de pourceau,
Mon ami, Gobelin hin hin !
Et puis surtout il appréciait,
La bonne tambouille que je faisais,
Il faut dire que la chair humaine,
Est bien goûteuse, pas trop vilaine
Mon ami Gobelin hin hin !
Un bon mollet, une petite cuisse,
Ou alors un ragoût de pieds,
Cest aussi bon quune saucisse,
Ca ne mange pas de pain, cest épicé hé hé !
Il était vert, il était beau,
Il avait une face de pourceau,
Mon ami, Gobelin hin hin !
Mais lorsquil meut coupé les jambes,
Il était encore affamé,
Et avant que mon cul ne flambe,
Il me fallut le tru ci der !
Mon ami gobelin ouin ouin !
Il était vert, il était beau,
Il avait une face de pourceau
Un long filet de bave dégoulinait maintenant de la commissure de ses lèvres et la mousse de sa bière formait une épaisse moustache sous son nez, mais, fier de lui, le vieil homme fit une courbette, et manquant de choir se retint au comptoir. Puis, avec un sourire dévoilant une dentition à laquelle il manquait nombre de figurantes, se retourna vers le tenancier pour réclamer une nouvelle pinte
Par Frohnir le 11/2/2003 à 15:11:43 (#3214800)
Marmonnant dans sa barbe naissante, le vieux regarda le gros barman dun il torve dans lequel brillait néanmoins une lueur dintelligence.
« - Quoi cest que vous voulez, hips, mon brave ? »
« - Pourquoi aimez-vous tant les gobelins grand-père ? »
« - Vous ne les aimez pas vous ? hips ! »
« - Ces petits monstres verts et vicieux ? Ah non alors ! »
« - Vert et vicieux hein ? »
Le petit vieux sembla soudain songeur. Le regard perdu pendant un instant dans la contemplation du mur il répondit :
« - Pourquoi je les, hips, aime ? Servez-men une hips dernière, hips, et je vous le dirais ! »
Le gros homme sexécuta.
Alors le vieil homme séclaircit la gorge et commença :
Alors quil était en maraude,
Se promenant dans les bois sombres,
Un gobelin vert émeraude,
Aperçut soudain des décombres.
Sapprochant subrepticement,
Du bâtiment tout écroulé,
Transi de peur et tremblotant,
Regarda la tour effondrée.
Sur le seuil, un vieux mage pleurait,
Se lamentait sur lexplosion,
Qui avait détruit sa maison,
Le laissant ainsi exposé.
Alors il avisa soudain,
A lorée de la clairière,
Notre petit ami gobelin,
Qui feignait de faire marche arrière.
Le prenant pour un ennemi,
Et pour éteindre sa colère,
Il utilisa la magie,
Pour transformer notre compère.
En un vieux fou il le changea,
Faisant de lui un brave humain,
Perclus de vices, me voilà,
Et oui, cest moi le gobelin !
Les yeux ronds comme des targes, le tavernier fixait le vieil homme avec un regard neuf. Un mélange dappréhension et de pitié pouvait se lire sur son visage poupin. Le vieux lui rendit son regard avec un sourire narquois, presque mauvais, puis, avec un haussement dépaule, se retourna, alla à la porte, récupéra sa cape et lança à la cantonade :
« - Salut, à la revoyure ! grash groupf risht frothym garh ! »
Puis, réajustant sa cape autour de son cou, il ferma la porte du théâtre et disparu dans la nuit, le froid et la neige.
« - Et voilà, encore une douzaine de bières gratuites »
« - Hips ! »
« - Ah ces humains »
« - Hips ! »
« - Hips ! »
« - Hips ! »
Par Ange Musicien le 16/2/2003 à 19:46:50 (#3249899)
"A votre place je ne serais pas aussi certain de cette nature gobeline... J'ai vu de belles et jeunes femmes déguisées en vieillards à s'y méprendre... Vous ne saurez jamais sa vrai nature..."
Un mouvement d'ombre parmi les ombres au fond du théâtre, la porte s'ouvre en battant dévoilant des lambeaux de rues, des passants ivrognes, puis la porte se referme dans un bruit sourd et le silence revient. Le tavernier reste un instant à écouter le silence, puis soupire. Il souffle la bougie, et la pénombre se mêle au silence, à peine coupé par le bruit grinçant des marches en bois de l'étage. La salle est vide et morte jusqu'au lendemain.
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