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Contes cruels III : Inspiration.
Par Yolinne Ninette MIP le 6/1/2003 à 22:58:54 (#2960405)
Souvenirs... Douces odes du passé pourtant si présent... La jeune femme rêvassait sur son lit, les yeux encore accrochés à cette toile mirifique que ses souvenirs avaient brodés comme un écran de cinéma. Ses jambes battaient lascivement un rythme que seule elle entendait, les répliques d'une musique qui susurraient à son oreille de doux parfums et d'intangibles sensations. Elle n'avait pas ressenti cet émoi depuis un certain temps, elle trouvait cela tellement inattendu et charmant... Jouant avec ses mèches onyx du bout des doigts, fermant les yeux, elle replongea dans cet univers tissés d'images encore fraîches, de paroles sous-entendues et de gestes enflammés. Un soupir vint ponctuer sa rêverie, et un sourire vint languir sur ses lèvres....
Il fallait qu'elle lui dise, il fallait qu'il sache. Pourtant elle ne pouvait prononcer ces mot honnis qu'elle avait délibérément chassés de son vocabulaire ; ces mots qui venaient titiller ses lèvres en silence, ces mots si simples et pourtant si compliqués.. Dieu qu'elle les haïssait, mais elle les ressentait si ardemment ! Elle ouvrit les yeux et se redressa, joignant ses mains sur ses jambes repliées. Pourquoi tant de crainte ? alors que leurs gestes avaient été si explicites ? leur passion si brûlante ? leur tendresse si touchante.. Impossible que ce ne soit que théâtre et simulation, il devait l'avoir ressenti de même après tout. Ils ne s'étaient pas revus ou reparlés depuis cet incident heureux ou elle avait succombé à la chaleur qu'il lui promettait en ses bras en silence, mais elle ressassait sans cesse les événements qui s'étaient produits avec un sourire heureux et enjoué. Tout ceci la décida. Elle allait lui dire, vaincre le dégoût de ces mots et laisser sa voix les exprimer, pour lui.
Eté
Elle se leva d'un bond, avec une résolution de fer. Son pas se fit plus rapide en avançant vers la salle d'eau à proximité de sa chambre. Avec empressement, elle fit couler l'eau sur sa peau, cherchant à se délasser, à chasser ses craintes futiles, à l'apaiser. Entourée de vapeurs, elle quitta l'eau claire pour se réfugier prestement dans un linge sec et chaud, une seule idée en tête : le voir et lui avouer cette vague de sensations qui la submergeait en sa présence, cette onde débordante juste par le biais de regards qui la faisaient fondre. A la fois joyeuse et tendue, elle s'habilla, virevoltant, l'esprit toujours au creux de ses pensées, elle savait où le trouver. Puis dans une traînée d'impatience, elle quitta sa demeure le pas vif et certain.Sa décision était prise.
L'air était frais et pourtant quelques pâles lueurs de soleil venaient tacher le sol, libérant quelqu'once de chaleur tant prisée en cette saison. Au milieu de cette joute entre lumière et ombre glacées, une forme colorée pressait le pas, fredonnant gaiement et librement, légèrement. Elle fit une centaine de mètres et se retrouva devant une lourde porte de chêne. Elle frappa à l'aide d'un lourd anneau de fer qui martela le bois sèchement avec échos. Le coeur battant, elle attendit quelques minutes, puis des pas résonnants se firent entendre sur les dalles à l'intérieur. Dans un grincement un peu strident la porte s'ouvrit sur un visage un peu endormi, celui d'un jeune homme à la peau pâle, encadré de mèches blondes éparses. Levant le regard et apercevant la jeune femme devant lui, frétillante de bonne humeur, il esquissa un sourire et s'écarta pour la laisser entrer. Le hall "tait large et menait à une petite arrière-cour donnant sur la maison un peu en hauteur.Refermant la porte derrière ses pas, il l'invita à le suivre à l'intérieur. Mais secouant la tête la jeune femme refusa d'aller plus loin, rougissante. Ses mains étaient nerveusement nouées devant elle et son coeur avait pris un rythme effréné. Rien que la vue de celui qu'elle adulait avait réveillé en elle des bouffées de chaleur et un léger tremblement. Intrigué il s'arrêta et la dévisagea, un peu hébété.
- Ca ne va pas ? tu as l'air un peu étrange...
Bredouillant quelques phrases elle se mit à lever les yeux vers lui, rougissant de plus belle.
- En fait... Je suis venue ici... Enfin... a vrai dire.... c'est que....
Sa voix mourrait dans l'émotion, elle ne pouvait cacher ses tremblements encore plus forts. Elle se trouvait ridicule mais elle avait pris sa résolution, il fallait qu'elle s'y tienne. Elle s'avança encore d'un pas, fébrilement, le coeur battant à tout rompre.
- Je... Tu dois savoir que je... Je t'...
Il secoua la tête, se rendant compte soudainement de ce qu'elle allait lui dire.
- Ecoute.. Tu sais que je t'apprécie énormément. De même ces moments qui furent nôtres furent exquis, mais... Je ne t'aime pas.
Automne
Le silence était tombé, emportant chaleur et illusions. Interdite, elle le fixait sans comprendre, abasourdie, perdue, cherchant une vaine réponse dans son regard. Il détourna les yeux, un peu gêné mais n'ajouta pas un mot. Comme si les rayons de soleil étaient obscurcis de lourds nuages, elle se sentit grelotter, les membres engourdis. Elle esquissa un sourire forcé, ses lèvres articulant des phrases inaudible, tremblantes. Que lui arrivait il ? que s'était il passé ? Qu'avait elle cru ? Pourquoi ? Que voulaient alors dire ces bribes de temps passés ensembles ? N'était ce qu'un mythe ? Des illusions ? Qu'avait elle cru ?! Son esprit était embrouillé, elle avait donc rêvé... ? Son coeur s'arrêta de battre quelques secondes tandis qu'elle réprimait au fond elle ces larmes qui venaient remonter le long de sa gorge, acides, amères même. Le silence était toujours oppressant, elle s'en rendit compte au bout de quelques minutes. Bafouillant quelques excuses en tentant de reprendre ses esprit à défaut de sa dignité, elle recula doucement, et entrouvrant la porte, détourna les yeux et sortir en trombe. Il releva à peine les yeux en rabattant celle-ci. Il détestait vraiment ce genre de situation.
Hiver.
Ramassis d'imbécillités, de mensonges, de cruelles illusions, de larmes et de déchéance. Elle devait être tout cela oui. Pauvre idiote qui avait cru en ces espoirs qui la faisaient sourire. Aujourd'hui tout n'était que pleurs amers, puis mine morne et grise. L'engouement avait quitté ses traits. Elle était revenue chez elle un peu au hasard, elle ne savait pas combien de temps elle avait mis, mais il faisait déjà nuit. De toute façon, cela n'avait plus d'importance. Elle accusait le coup, il le fallait. Elle s'écroula sur son lit, les yeux vides de larmes. Après tout ce n'était qu'une déception sentimentale se dit elle ironiquement. Elle avait cru, elle n'aurait pas du. Elle avait prononcé ces mots, elle ne le ferait plus. Honte, humiliation, désarroi, dégoût se mêlaient en elle en un mélange sirupeux et rongeur, broyant ce qui restait de son coeur. Non elle ne croirait plus, non elle ne perdrait plus la face, tout ceci n'était que sottes images d'espoir et de bonheur. Elle n'avait plus goût à rien, ni faim, ni envie de quoique ce soit. C n'était qu'une bête histoire n'est ce pas... Ca passera sûrement... avec le temps.... Les seules paroles réconfortantes qui lui venaient à l'esprit n'arrivaient pas vraiment à la convaincre, mais elle ne cherchait plus à sourire, juste à moins souffrir. Elle se replia en position foetale en grelottant doucement. Oublier... Partir... Mais ne plus rêver, ô pitié ne plus sentir ces rêves si beaux vous écarteler le coeur ainsi... Oublier... Dormir...
La conteuse s'arrêta. Cette fois elle était seule, pas d'auditoire bruyant, pas de foule galvanisée, personne à qui elle avait coupé le souffle. Elle répétait souvent ce genre de petites histoires pour trouver des tons faisant réagir. Car jusque là ce n'était pas raconter qu'elle voulait, mais dévoiler les petites horreurs du quotidien, celles qui vous collent aux pieds sans que l'on sache, ou celles que l'on connait mais qu'on esquive, qu'on ne daigne pas prononcer, celles qui arrivent aux pauvres comme aux riches, maladie, coeur brisés, simplicité de la vie réduite à ce rideau de larmes qu'elle construisait elle-même. Avant de parler de monstres fantastiques, il fallait bien parler de ceux qu'on côtoie... Et pour elle assurément, l'homme en était un parfait.
Par L'âme de Zeed le 6/1/2003 à 23:56:21 (#2960918)
Les hommes sont cruels,
Les hommes sont stupides,
Les hommes sont... tels qu'on les fait.
*_-_-_*
L'âme d'un homme à présent décédé.
L'âme d'un homme en qui tout est mort.
*_-_-_*
Rien ne peut renaître sans la mort.
Edité pour simplement dire que j'ai apprécié cet écrit. Même si le dire est stupide et que j'eus pu me contenter de le penser.
X
Par Glaenwenn le 7/1/2003 à 7:50:27 (#2962457)
Par Syris le 7/1/2003 à 23:08:27 (#2968909)
Le cycle est perpétuel au sein de ces personnes-là.
Par Aina Lloth ( :p ) le 8/1/2003 à 3:29:15 (#2969961)
Par L'âme de Zeed le 8/1/2003 à 12:41:20 (#2971671)
La question est : Sommes nous capables d'endurer sans rendre ?
Peut-on aimer sans retour et souffrir de même ?
Par Yolinne Ninette MIP le 8/1/2003 à 15:05:02 (#2972935)
Par Subtil le 8/1/2003 à 19:44:30 (#2975375)
Une vie sans risque quel interet ?
:merci:
Par L'âme de Zeed le 8/1/2003 à 21:20:25 (#2976138)
Provient du message de Yolinne Ninette MIP
(...) soit ils prennent sur eux mais gardent ette souffrance même si elle s'amoindrit avec le temps, mais en même temps ils n'en ressortent pas vraiment pareil et ont du mal à extérioriser leurs sentiments.
*Confirme sur sa propre expérience*
Nous vivons une époque où une certaine forme de stoïcisme fait son retour. C'est à qui paraîtra le moins affecté. A qui paraîtra le plus fort. La souffrance dérange. A force de souffrir et de tourner en rond sans pouvoir l'exprimer pleinement une bonne fois pour toutes, on finit par se renfermer sur soi-même. Sans pour autant être nombriliste, non, juste blessé.
Il y a quelques temps, une personne m'a dit avoir mit plusieurs mois à se remettre d'une séparation et semblait presque avoir honte de cela. Je ne pense pas que souffrir doive être une cause de honte et donc de désolation supplémentaire. Pour ma part, la dernière fois, il m'a fallu près de deux ans. Et rien que le fait de l'admettre me semble une petite victoire, stupide et anodine, sur moi-même et ce que j'ai été pendant ces deux années (quelqu'un d'assez froid et peu loquace (et là je cultive un don pour les euphémismes)).
De là à savoir si je suis prêt à "reprendre le risque", comme dit Sub qui est décidément dans une période positive, je ne le saurai qu'à postériori. Après tout dépend de la personne. Il y a ceux qui ont tjrs été capable d'exprimer leurs sentiments et ceux dont je fais partie qui ont l'affection discrète. Pour moi les gens se rangent en quatre catégories :
- Ceux dont je n'ai absolument rien à faire, soit à peu près 6 milliards de personnes,
- La sphère des connaissances avec qui j'entretiens des relations plutôt positives, une dizaine, une vingtaine, par essence, ce sont des gens que l'on ne compte pas et dont on dit "je le connais un peu" ou "je le connais bien" selon le cas mais sans approfondir réellement.
- Ceux que j'ai dégagé de ma vie ou qui m'ont dégagé de la leur, quelques un(e)s qui sont aussi bien là où ils sont, cad loin,
- Ceux pour qui j'ai quelque affection à des degrés divers, quelques personnes qui tiennent pile-poil sur les doigts d'une main mais à qui j'accorde tout ce que je peux donner.
Je finirai en disant que pour certains une vie sans risque n'est peut-être pas une vie. Mais quand on a un peu souffert de ci et bcp de là, une vie sans souffrance, juste le temps de quelques mois ou années, peut être salutaire.
Xav qui a eu l'occasion de vivre à la fois douleur physique et souffrance morale et qui ne le souhaite à personne (voila pourquoi je ne veux l'infliger à personne).
PS pour Sub : Justement, se dresser de telles barrières sert à ne plus éprouver. Plus d'affection, plus de souffrance, juste l'oubli, en espérant pouvoir se réveiller un jour de ce mauvais rêve et le considérer comme tel... je te concède qu'il faut bien se réveiller un jour et qu'on peut avoir l'impression, alors, d'avoir perdu son temps, gaché un peu de cette vie dont nous n'avons jamais trop... mais pour certains cette phase est nécessaire. Nécessaire à leur survie.
Par Yolinne Ninette MIP le 9/1/2003 à 0:58:51 (#2977683)
Pour ma part je suis plutôt d'accord avec Sub. A quoi bon se morfondre à propos du passé ? la jeunesse nous aide à accuser le coup, durs parfois, mais on peut toujours s'en relever. La souffrance liée à l'amour ne doit pas être la pire des souffrance que l'on peut endurer, sans quoi on est vraiment mal parti et on est destiné (ou on se destine soi même) a devenir un malheureux sentimental toute sa vie. Personnellement je préfère jouir de la vie, de ses risques, apprécier le moment présent, même s'il est incertain ou utopique, tant pis, au moins j'aurais passé de bons moments qui resteront de très bons souvenirs... Pour l'instant que dis-je, je vis de bons moments sans me poser de questions, et pis vla =)
Contes Cruels : La page oubliée.
Par Yolinne Ninette MIP le 9/1/2003 à 20:31:39 (#2983819)
"...Au milieu de la nuit, ses paupières s'ouvrirent soudainement, les lèvres crispées en un cri qui ne sortit jamais, l'image encore palpable d'ébats inespérés qu'elle devait oublier. Oublier... Comment pourrait elle alors que tout cela était encore si présent ?
Son regard maussade balaya la salle. Sa chambre paraissait sombre et peu amène, sentant le renfermé et suintant de mélancolie. Ereintée, elle se leva lentement, et se déplaça vers la fénêtre. Lentement, elle tourna la poignée ; le fer résista quelques secondes, puis abdiqua en s'ouvrant sur la rue. Une légère bourrasque s'engouffra dans la petite chambre, ravivant la fraîcheur de l'endroit. Elle regarda par l'ouverture : quelques étages la séparait de la rue, la nuit était déjà tombée depuis longtemps et les quelques lumières ajoutaient au tableau un halo maladif et fièvreux. Le vent remuait inlassablement par jeu quelques débris échappés des bennes. Mais tout transpirait le silence, pas un autre bruit que ce sussurrement venteux. Elle resta ccrochée quelques secondes contemplant le vide sans expression, puis se retourna toujours avec cette même lenteur.
Elle bouscula une petite table basse et proféra un juron. En se baissant pour masser son genou, elle aperçu sur le sol un éclat brillant. Passablement intrigués, elle se saisit de l'objet et le porta devant ses yeux. C'était un petit sachet blanc, oublié par l"une de ses connaissance sûrement, lors d'une fête remontant à quelques jours. Elle l'ouvrit avec précaution, touchant la substance l'expression béate. Elle devinait ce que c'était sans vraiment y croire. Elle qui avait toujours été une jeune femme de bonne famille, elle avait toujours vu en cette "chose" un interdit, une folie même qu'elle ne comprenait pas. Elle réentendait les rires de certains de ses amis, les exclamations sur les bienfaits de la poudre blanche, celle qui transportait dans un monde différent, enivrant de couleurs et de surprises. Elle ne s'était jamais vraiment demandé si c'était vrai, tout avait été tabou pour elle, elle n'avait pas réellement parlé de cela avec eux, elle avait juste respecté leur choix, sans plus.
Mais à présent elle voyait en cette fuite une occasion d'oublier son mal et de se changer l'esprit, elle avait tout perdu au fond en cette mésaventure, elle n'avait plus rien à perdre en somme.... Viens... Je puis t'aider... Elle s'assit sur le sol et fixa le sachet. Aies confiance, je suis ton seul échappatoire... Elle l'ouvrit avec précaution. Tu oublieras... Tu renaîtras... Tentation.... Sombrer dans tes bras... Mourir et renaître tel que tu l'as promis....
Trouble, elle voyait trouble. Tout tanguait à côté d'elle, comme si la mer ballôtait l'appartement entier. Elle se sentait légère, voyait çà et là des floraisons de gerbes de couleurs vives entacher les murs. Une débauche de présence colorée qui envahissaient les endroits ternes comme aspergée par un instrument invisible. Elle déambula vers sa châine hi-fi et mit un disque au hasard, un sourire béat affiché sur les lèvres. Une mélopée indienne vint envahir aussi la pièce, plongeant la jeune femme dans une atmosphère exotique et enchanteresse. Elle ferma les yeux et dansa, emportée par les rythmes entraînants, semblant planer, elle n'était plus à présent qu'un tourbillon de sensations diverses, elle n'avait plus de nom, plus d'histoire, elle créait des parcelles d'histoires qui prenaient forme sous ses yeux. Tous ses souvenirs s'effaçaient en s'effilochant, elle ne ressentait plus la douleur, ni la tristesse, consolée par ces formes oniriques qui l'entouraient comme une ronde folklorique. Enivrée, jouissant de cette jungle exhubérante chromatique, elle bascula lentement et tomba brusquement.
Elle aurait pu pousser un cri de douleur, mais celle-ci était devenue une information absente, erronée. Elle regarda sa main en dodelinant de la tête : sa chute avait entraîné un verre en crystal dont l'un des débris était venu se planter dans sa main. Une fine plaie commençait à déverser une perle de sang. Elle regarda le pigment sanguin avec intérêt, comme hypnotisée, voire charmée. L'un des doigts de son autre main vint troubler la perle pour l'écraser doucement sur la paume et l'étaler. Quel émerveillement, quelle couleur vive, chaude, brûlante même.... Un sourire enfantin vint se nicher sur ses lèvres, tandis qu'elle jouait avec délectation avec le fin filet d'hémoglobine. Mais bientôt celui-ci se mit à coaguler, la plaie étant peu importante. Elle poussa un soupir de déception ; la couleur si vive quelques secondes auparavant se ternissait en un marron-noir moins beau. Arborant une mine boudeuse elle se mit à réfléchir. Puis, résolument, elle se releva en titubant et se dirigea vers un tiroir de sa commode. Elle en sortit un presse-papier stylisé, sous forme de prisme en verre, effilé à son bout. Avec un rire euphorique, la musique emplissant ses tympans avec un charme ininterrompu, elle se remit à sa place et planta le bout acéré dans sa main, glissant la pointe sur sa peau en entrouvrant les chairs. De nouveau le rouge-parme s'extirpa de l'épiderme, empiétant sur la blancheur diaphane de la peau. Sous ses doigts joueurs et ses yeux brillants, elle se mit à tracer différentes arabesques sur son bras à l'aide de cette peinture improvisée. Nulle souffrance, la drogue annihilait les informations de son système nerveux, telle un substitut de morphine.
Envoûtée par cette vision qu'elle trouvait magnifique et par le rythme qui semblait gagner en ampleur, tempéré par les battements de son coeur, reprenant son outils ensanglanté, elle vint jouer sur la base de son poignet, dépeçant ses chairs avec un rire crystallin et enjoué. Elle découvrit ainsi la beauté bleutée de ses veines qui se soulevaient sous les afflux de sang, connexion teintées de violacé, de bleu et pourpre, véritable mélange de tons bruts noyés sous une lymphe rougeâtre et visqueuse, joutant des éclats de brillance à cette scène aux teintes de fauvisme. Elle se mit soudainement à rire quand la pointe de son arme se mit à transpercer les fines veines tubullaires pour faire jaillir quelques fines gouttelettes de sang aspergeant son visage. Son rire emplit l'appartement, troublant la musique devenue mystique pour ce spectacle barbare et douteusement artistique pendant un long momen... se prolongeant jusqu'à une heure avancée de la nuit...
Douleur atroce. Nuit profonde et noire. Plus un bruit, à part le sifflement intempestif de l'appareil musical. Ses tempes hurlaient en silence, abasourdie, les tympans voilés. Elle souleva des paupières lourdes et vaseuses. une odeur crue la fit suffoquer quelques instants. Sa vue était troublée, et elle sentait son corps douloureux et immobile. Elle tenta de s'asseoir avec peine, se sentant englobée d'une substance collante. Mais ses yeux distinguaient peu de choses, tout était si vague... elle se sentait si faible... Se frottant les yeux pour se sortir de cette brume envahissante, elle posa les yeux sur ses jambes. Son champ de vision voguait de droite à gauche, décelant simplement quelques taches persistantes brunes et opaques. Elle essaya de se mettre debout, sans succès, une douleur lancinante se mit à la brûler au bas-ventre, de même sa main droite était retenue par un lien invisible qui la faisait souffrir encore plus. Dirigeant son regard vers la source de son mal, elle s'immobilisa complètement quelques secondes, les yeux écarquillés. Une violente nausée s'empara d'elle : elle baignait dans son sang et quelques vicères pendaient avec nonchalence, enroulées à son poignet droit. Au mileiu du massacre qu'elle avait opéré avec barbarie, trônait l'objet de son agonie : le presse papier, à moitié enfoui dans son ventre. Son sang coulait lentement en une mare noirâtre autour d'elle, inexorablement, d'où sa faiblesse. N'y tenant plus, sa bile remonta dans sa gorge pour etre vomie au milieu même de ses entrailles, provoquant hoquets et pleurs devant cette atrocité sauvage. elle se sentait de plus en plus faible, la souffrance sublimait ses nerfs en une longue agonie. Brusque bouffée d'oxygène vicié. Les larmes coulaient sur ses joues, de son regard impuissant. Elle allait mourir, elle le savait, elle se devait de l'accepter.
Elle rendit l'âme deux heures plus tard, après s'être vidée de son sang dans une douleur inimaginable, blessure qu'elle s'était elle-même infligée dans son état second, véritable ébat macabre provoqué par l'engouement de la drogue. Pour oublier... elle avait souffert doublement, sans s'en douter. Elle n'avait été qu'une spectatrice impuissante de sa déchéance, de son agonie... Paix à son âme, maintenant."
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