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OmniSlash .

Par Rainn le 29/12/2002 à 13:21:42 (#2900737)

Prélude : Chanson de Resyal :


"
Je suis mauvais avec moi même . Pourquoi ?
Parce que je veux m'élever au dessus des autres . Pourquoi ?
Parce que je veux leur respect . Pourquoi ?
Parce que je veux qu'ils me voient , je veux qu'ils me comprennent . Pourquoi ?
Parce que j'ai besoin d'amour et de chaleur , un besoin terrible . Pourquoi ?
Parce que c'est à travers eux que j'existe . Pourquoi ?
Parce que sinon , je me sens seul et petit , et la seule envie que j'ai est celle de disparaître , de me faire tout petit jusqu'à disparaître . Pourquoi ?
Parce que j'ai peur de mourir . Pourquoi ?
Parce que tout seul , j'ai peur . Pourquoi ?
Parce que je n'ai pas confiance en moi . Pourquoi ?
Parce que j'ai peur du temps qui passe . Pourquoi ?
Parce Que j'ai peur d'être insignifiant . Dans un sens , j'ai peur que la Terre continue de tourner même sans moi , j'ai peur d'être oublié .
Puis-je vraiment creuser plus loin ? Je me le demande ..
"


Chapitre Un .Réminiscences

«
"
Je ne peux y croire .. Je ne peux pas croire ce qui ce passe , ça ne peut pas être , tout simplement , ça ne peut pas être ..
"

Sur ces mots aveugles , Resyal prit conscience de sa position assez étrange . Malgré les larmes qui commençaient à voiler ses yeux verts d'ordinaire si arrogants , il considéra ses opposants , adversaires totalement déconcertés , plus en proie à l'inquiétude qu'à la colère .
Dans le chaos de ses pensées , il tenta de se rappeler ce qui l’avait amené là .. Et .. Pourquoi ?

Il parcourait la lande calme , en un matin brumeux , non loin des premières habitations qui marquent l'entrée du village d'Ilyissen . Les rares champs ondulaient sous la brise attentionnée , en provenance d'un ciel gris pâle et blafard . Le paysage mélancolique par excellence . Resyal se sentait étranger à toute cette beauté silencieuse , de par son apparence tourmentée et la décharge qui semblait affoler ses sens à chaque fois qu'il tentait d'apaiser son coeur furibond , comme à accoutumée .

La place du village était encombrée de marchandises en attente et de commerçants braillards , et pour calmer les tourments qui lui avait infligée une nouvelle nuit agitée , il avait choisi de se retirer quelques moments , et d'arpenter la campagne à la recherche d'une improbable sérénité .

Sa mère avait du remarquer son trouble , mais par habitude , elle n'avait pas cru bon de le retenir , de toute façons , les relations intra-familiales devenaient tellement dur en ce moment . Entre un fils guerrier en proie aux plus vives secousses intérieures et un père rassombri , renfermé par les plus obscures réminiscences .

Lilyana ne connaissait rien des souvenirs de son mari , mais elle avait entr'aperçu le trouble de Resyal , cet être orgueilleux , respecté voire admiré , mais tellement troublé au fond de lui . Par son unicité , sa conviction en de mystérieuses forces et son charisme douloureux , de bête raidie qu'on a envie de suivre , il avait conquis le respect et les louanges de nombre de ses amis .

Elle l'avait surprise , la veille , dans la salle de bains qui jouxte sa chambre , et l'avait examiné en silence , tapie dans une demi-ombre , tandis qu'il était en train de dégrafer sa lourde chemine . Il la laissa choir à ses pieds , puis avec un rictus de haine renfermée et difficilement contenu , il contempla son reflet dans le miroir .

"Tellement de cicatrices ..."
Effectivement , son torse en était gravé , de nombreuses crevasses , qui semblaient partir dans toutes les directions et qui donnait un aspect plus irréel encore à ce personnage .

Lilyana , détournant ses yeux de ce spectacle douloureux , aperçut un fourreau noir , hérissé de pointes d'or , qu'elle avait seulement entre-aperçu quelques jours auparavant , sans jamais savoir ni oser demander d'où il venait , ni ce qu'il contenait .

Avec un air douloureux , Resyal se saisit de l'objet , et tirant l'arme par la poignée , fit luire à la faible lumière une lame importable , qui prit à ce moment des chatoiements de flammes ardentes et avides . Sa lame était immense et démesurée .

Il s'agissait de l'épée OmniStrasis . L'arme de la Bête . Lilyana contint un soupir de peur à la vue de son propre fils maniant la si funeste lame . Suffisamment lourde pour être inutilisable , et suffisamment incontrôlable pour être redoutée de tous .
Pourtant , Resyal semblait se jouer des mythes qui suivaient cette lame maudite , il s'en servait comme dague , fendant l'air autour de lui comme pour s'entraîner , s’exerçant et s’amusant presque de cet objet souillé ayant déjà fait couler suffisamment de sang pour plonger dans une peur panique le moindre village , lorsqu’on annonçait : « Le Porteur de la Lame , il arrive !! » . Et à la vue de sa concentration , comme s'il tentait de se souvenir de ce qu'il avait maîtrisé , jadis ...

Dans un mouvement très peu contrôlé, presque nerveux , il tendit son bras gauche , et de l'autre main (ce qui était tout bonnement incroyable) se saisit d'OmniStratis , qu'il souleva et posa sur son coude . Alors que la lame avide commençait à dévorer ses chairs , il sembla pris d'un frisson d'horreur , ses traits se plissèrent avec violence , puis , d'un geste sec et avec un hoquet de peur , il laissa tomber la lame et murmura de manière à peine audible . "Pas encore , ma belle ... tu ne m'auras pas encore .. je te connais trop ." . Puis , avec une indescriptible fatigue , il prit sa chemise et entreprit de soigner ses blessures .

Lilyana , effrayée , ne put entrer et ramener son fils à la raison . Elle partir dans l'ombre et alla chercher conseil auprès de Lance , son mari , si étrange depuis trop longtemps .

-"Cheri ?
-Oui ?
-Ca fait tellement longtemps qui tu restes ainsi prostré . Je m'inquiète pour vous , tu sais ..
-Pour "Vous" ?
-Resyal et toi .. tu sais bien qu'en ce moment , il n'a pas l'air vraiment dans son assiette , plutôt déprime , et parfois , mon instinct de mère me fait dire qu'il pourrait très mal tomber ..
-Je crois .. je crois qu'il cherche à se prouver quelque chose . Je ne connais pas plus son histoire que toi , mais j'imagine qu'en lui , il a l'impression de devoir se rendre des comptes . Tu sais ..
-Je sais très bien , mais il n'est pas revenu depuis très longtemps , ces cinq années qu'il a passé dieu sait où semblent l'avoir changé du tout au tout .. J'aurais du tout mettre en oeuvre pour le retrouver , tu sais ..
-Je pense .. qu'il a fait ce qu'il pensait bon de faire .. Il est grand , après tout , tu sais , et jusqu’à preuve du contraire .. » Il poussa un long soupir « Jusqu’à preuve du contraire , il n’a encore rien fait de condamnable . Ne pense-pas que je m’en désintéresse , ma chérie , il est notre fils , et , avec toi , la personne qui compte la plus au monde pour moi , mais … »
Il n’en dit pas plus , son regard vide s’accrocha au plafond où valsaient les reflets des flammes du foyer , il sembla s’y perdre , et , Lilyana cru discerner dans ses yeux une indescriptible lueur de peur ..

« -Lance ! C'est tout de même de ton fils qu'il s'agit !
-Je sais , reprit-ce dernier , d'un ton cassant , j'ai un coeur et je me soucie beaucoup de lui , mais je ne sais plus vraiment comment me positionner , avoua-t-il dans un souffle , j'ai .. beaucoup de choses à comprendre , tout d'abord .." »

Sur ces mots , Lilyana enveloppa son mari d'un regard tendre , mais résolu .

"Reste-ici , repose-toi et prends la force d'exorciser tes démons . Je vais veiller sur lui , ne t'en fais pas ."

Lance sembla vouloir la retenir , il se sentait très coupable , mais ses membres refusaient de bouger , de le porté , tant il était écrasé par le poids du passé . Du passé si ingrat d'un homme si peu prêt .

C'était une zone d'ombre , mais parfois , au sommets de ses moments d’angoisses , Lance s’était confié à sa femme .


L’histoire de Sarins ..

Il avait jadis été enrôlé dans un corps de garde qui était chargé de surveiller constamment la tombe du Roi Déchu , Sarins , et d’y interdire à quiconque l’accès . Sarins .. Sa voit était morte sur ce dernier mot , et l’expression de Lilyana reflétait également son inquiétude à la simple mention de ce nom .

Sarins était jadis le puissant souverain des terres d’Eralys , bon et respecté comme un souverain de grande valeur , mais également un homme d’honneur , profondément intéressé par le bien être de son peuple , quoique sourdement solitaire .

Il avait crée le Grand Conseil D’Eralys , car , préférant toujours adopter la voix du milieu , de la raison , il désirait conduire son peuple vers le progrès scientifique et technique , sans pour autant que ce dernier ne perde ses racines , le contact si précieux avec la Nature . Une chose qui ne s’apprend pas , qui se ressent . La soif de pouvoir et de conquête des hommes pouvait leur couper ce cordon ombilical qui les reliait à leur mère commune .

Sarins était un bon roi , mais un roi instable . Dans sa jeunesse , ses parents avaient déjà vu en lui un homme droit , mais extrêmement sensible et introverti . Il ne se souciait pas ou peu des gens de son âge , préférant à ces jeux puérils et cruels les promenades rêveuses , sur la place de Kalast , un lieux magique lorsque tombe le jour et que le ciel brûlant rougit les pavés . Il n’était pas né noble , mais fils d’artisan , ce qui était assez rare pour un roi depuis entré dans l’histoire . Sa vie s’était écoulée dans les méandres de ses questionnements , dans la paix relative , mais toujours troublée par le doute , la peur d’être mauvais , la peur d’être brimé , devant ses parents ; une mère aimante , mais profondément triste et un père souvent absent . Cette famille n’était pas déchirée ni en soi un mauvais entourage , mais même si l’édifice tenait debout , il était rongé de l’intérieur , tant tous ses membres (Il faut mentionner que Sarins avait deux sœurs) avaient d’une certaine manière peur de leur prochain . Peur de le blesser , et peur de la culpabilité qu’ils pouvaient en ressentir . C’est ainsi que vont les choses chez des personnes prisonnières d’elles-même . Aux sentiments les plus altruistes se greffe toujours , malgré la volonté , une particule égoïste . « Je ne veux pas faire mal … Pour ne pas me sentir coupable » , puisqu’avant tout , à force de douleur , c’est soi-même qu’on cherche à sauver . Cette vie acide mais paisible fut un jour brutalement interrompue , lorsque , sortant de chez lui aux premières lueurs d’un pâle soleil , Sarins fut captivé , absorbé par le silence pesant qui régnait dans les rues , dans une période de marché , qui plus est .

Il marcha un peu , puis se mit réellement à courir , son plus grand souhait aurait alors été celui de rencontrer une âme humaine , même si celle-ci devant une fois de plus lui faire mal .
Au détour d’une rue , il se trouva devant la Grande Place , et , horrifié , il contempla le spectacle dantesque .

Des dragons , des spectres de furie , écarlates . Dans les légendes , ils semaient trouble et effroi . Mais là , c’était une mort horrible qu’ils donnaient . Les habitants de Kalast , aidés de la milice tentaient de se protéger , de se barricader , voire de se défendre contre les monstres avides , mais ceux-ci arrivaient toujours plus nombreux , trop nombreux .
Les armées royales étaient décimées , malgré leur puissance , et le roi actuel , Ganath , en fuite , évidemment …

L’hécatombe se poursuivit , sous le regard glacé d’un Sarins pétrifié , jusqu’à ce qu’un cor distant mais glorieux annonce l’arrivée du Porteur , un être qui inspirait le respect , mais tout autant de crainte , et , échangeant un regard inquiet , les survivants se demandèrent si , somme toute , c’était une bonne chose .

De longues minutes passèrent , où même les assaillants semblaient observer le silence .
Le porteur de cette époque était un jeune homme colérique et décharné , une voix de la colère , ne portant sur lui aucune armure autre que des vêtements déchirés , tombant en lambeaux . Il prit place sur le théâtre de la bataille et jeta aux dragons un regard de défi . Ses yeux étaient vraiment .. glauques , pensa Sarins . Dans un cri de douleur et de hargne aveugle , il s’élança , laissant traîner derrière lui la Lame d’Omnistrasis , qu’il tenait à deux mains .
Arrivé à la hauteur du premier dragon , et d’un mouvement parfait , il fit remonter son arme devant lui , décrivant un demi cercle rapide , et fendit la chair de l’animal cruel , qui s’effondra de tout son poids .

Les autres créatures semblaient impressionnées , mais émiettèrent un léger rire sournois , comme si le condamné , dans l’arène , venait de se défaire d’un lion , bien que son sort soit depuis longtemps fixé .

Sarins ne pouvait pas décrocher ses yeux , si tristes , si faibles , et finalement , son âme qui avait depuis toujours désiré le pouvoir , désiré la puissance , pour des buts non-néfastes , mais simplement pour se prouver , pour prouvait aux autres qu’il existait .
Pour lui , sortir de la masse , du commun des mortels était le seul moyen de prouver qu’il existait même si une étreinte de peur , celle des gens qui possèdent , au fond d’eux, la peur et cette tendre résignation , l’empêchaient de franchir une quelconque limite .

Soudain , passant devant lui dans un ballet macabre , le Porteur sentit ce désir mêlé cette crainte qui émanait du jeune garçon , comme s’il lui confierait une Aura . Sarins leva vers cet être mystique des yeux ébahis , saisissant son sentiment , mais il était tellement peu sûr de lui qu’il se refusait de croire que quelque chose pouvait émaner de lui , de cet être si insignifiant , si petit par rapport aux autres ..

Le Guerrier avait détourné son attention du combat quelques instants , mais c’était une erreur , sa dernière erreur . Un coup de griffe sournois du Dragon Nilo , chef de la meute , qui s’était élancé aveugle de colère vers lui , lui transperça le torse .

Dans sa surprise , le Porteur poussa un cri aigu , et bientôt , ses yeux grands ouverts , à un point tel qu’il semblait fixer la Mort elle même , dans toute son horreur , commencèrent à tourner . La griffe se retira de son corps , et Nilo s’en fut , donnant ordre à ses hommes de continuer le combat , sans ne laisser debout aucune bâtisse , ni aucun homme .

Le Porteur , dans un dernier souffle , tourna son regard vers un Sarins tremblant de peur et de rancœur , et , avec un sourire , tourna ostensiblement son regard vers l’OmniStrasis , de manière à ce que le jeune garçon comprenne son intention .

Il devait s’en saisir et continuer le combat , à la place de celui qui était tombé . La légende ne devait pas retenir le Porteur tombé , mais il resterait gravé dans l’âme de Sarins .

Avant que l’agonisant n’expire , il s’approcha de lui et posa un genou à terre , se saisit de la garde de cette imposante épée , et balbutia une sorte de « Me .. merci beaucoup » , et l’homme au sol parut attendri .

« Va .. Va et frappe , à travers l’adversité ! Et … » La phrase qu’il hurlait n’eut pas le temps de se terminer . Ses yeux se fermèrent une toute dernière fois .

Jaugeant ses forces et les comparant au poids de la Lame , il s’estima incapable de la soulever . Pourtant , dans un effort considérable , l’arme quitta le sol , s’éleva dans les airs et vint se poser , tel un oiseau , sur l’épaule de Sarins qui se mit immédiatement en garde .
Un vent glacial était tombé sur la scène .

Les villageois continuaient à résister inlassablement , sans se préoccuper du gamin , sans l’avoir même vu , sans doute . Le Porteur d’Omnistrasis était mort , et c’était bien le désespoir qui les muait à présent . Soudain , il se produisit ce qui devait faire basculer le cœur du futur roi dans les plus sombres tourments . Sa peur et la joie d’un pouvoir acquis l’avaient fait se tenir à l’écart du combat pendant quelques minutes , par la magie d’un orgueil qui venait de naître , alors qu’il aurait pu se précipiter et sauver quelques âmes .
Et justement , les deux corps sans vie qui venaient d’heurter le sol dans un bruit sourd était ceux … c’était …

Un cri désespéré perça la poitrine de Sarins « Ma.. Papa , Maman .. Non Non !!!!! Impossible , Je … NON !!!!!! »

Aucune réponse , les dragons se cambrèrent de fierté , tandis que les joues du jeune homme ruisselaient de larmes . Il hoquetait de fureur , principalement contre lui même et ce satané orgueil . Et l’aura qu’avait perçue feu-Le Porteur s’amplifia sous l’effet de la colère . La Place semblait baigner dans une sombre noirceur tachetée de bleu .Les villageois eux-même semblaient terrorisés , à la vue de cette magie , et , levant les yeux au ciel , ils s’aperçurent avec effroi qu’il devait être midi , puisque le soleil était au Zénith et qu’il était donc totalement anormal de se trouver ainsi plongé dans les ombres .
Nilo même réfréna un cri de surprise devant ce prodige .

Mais Sarins n’y prêtait plus attention . D’ordinaire , il gardait toujours un œil inquisiteur , braqué sur ses propres actions , paroles et pensées , mais à ce moment-là , il n’était qu’une masse vibrant de haine . Ses yeux semblaient contenir toutes les flammes de l’Enfer , comme si l’épée maudite servait s’amplificateur à la colère d’un enfant . Une étrange concentration semblait bouillir en lui , et , au moment où il sentit la haine devenir trop forte , au moment même où il lui semblait que ses veines allaient éclater sous le débit trop important de sang , il laissa échapper un appel d’une voix lente et sépulcrale .

« OmniSlash ! »

Il ne connaissait pas la signification de ce mot , mais il lui était venu naturellement , comme si ce mot était absolument courant et commun . Ou plutôt comme si quelqu’un , ou quelque chose , lui avait soufflé .

La surprise des Dragons semblait s’être muée en peur panique à un point tel que Nilo , l’impitoyable , annonça la retraite , sous les yeux soudain réjouis et euphorique des survivants humains .

A peine Sarins entendit-il cet ordre , il entama une macabre danse de mort . Comme si son être s’était dédoublé , et étiré dans un autre univers , ce que les savant de Kalast appelleraient bien plus tard un Plan Originel , où il était tout puissant et présent dans chaque grain de poussière . Omnipotent et omniprésent . A chaque mouvement qu’il faisait , une lueur sanguinaire enflammait la lame d’OmniStrasis , et , dans le plan Humain , un dragon tombait au sol , morcelé et déchiqueté . Cette incroyable hécatombe se poursuivit encore jusqu’à ce que Nilo seul reste debout , et , alors que celui-ci prenait un envol désespéré afin de sauver sa vie , il fut foudroyé , se figeant pour l’éternité dans une grimace de douleur . Au dessus de son corps inanimé surgit soudain un Sarins subitement vidé , qui se laissa choir au dessus du cadavre et perdit conscience .

Par la suite , il fut nommé Roi de Kalast , et entreprit de reconstruire sa ville .
Enfin , de retour à son ancienne maison , pour y chercher les effets personnels qu’il souhaiter conserver avec lui au Palais , il fut tout d’abord apeuré , mais ensuite surpris de tomber nez à nez avec un berceau .

« On croirait nager en plein conte .. » lâcha-t-il dans un soupir . Mais à découvrir l’enfant qui se réveillait à peine , il ne put cacher son émerveillement . Ses yeux étaient bleus , d’un bleu si pur et si tendre qu’il n’appelait qu’au rêve et à la douceur . Une telle candeur .. dans un monde baigné de sang ..

Sarins , plus pris de regrets que d’une lubie passagère , souleva l’enfant et , le dévisageant avec tendresse , dit :
« Toi , tu as bien fait de te trouver ici , aujourd’hui . Tu seras à présent comme mon fils , et je t’appellerait Khaen ! »

Il se tourna ensuite vers les Druides et Sages qui l’accompagnaient en vue de former un Grand Conseil , et leur déclara avec malice :

« Voici votre Prince ! »
Les esprits de la nature et plus fervents chercheurs de Kalast poussèrent un soupir de soulagement , après cette journée de chaos et de meurtre .. Tous , ils s’apaisèrent , à la vue de ce bambin blond et de ses yeux si profonds . Ils appuyèrent leurs sentiments de sourires sincèrement bienveillants , les bonnes fées de fortune d’un gamin débarqué en pleine apocalypse , et félicitèrent l’ « heureux papa » , en le gratifiant de tapes dans le dos et de rires légers , qui semblaient percer les cieux . Une insulte à la fatalité .



Sarins était donc devenu un souverain . Calme , posé et réfléchi .
Une image singulièrement contrastant à celle d’un démon vivant qu’il offrit aux Conseil des Sages , par une journée noire , alors qu’il renvoyait les plus éclairés druides , ainsi que les plus philanthropes savants et biologistes d’Eralys , toujours en quête du bonheur des hommes . Ce conseil devait garantir le respect de la balance Science-Nature . La Fureur qui l’avait pris , par un funeste matin qui avait vu revenir au port de Kalast enveloppé dans un linceul souillé , le corps traumatisé de son fils Khean , rapatrié en urgence de la Campagne D’Uralia , bataille qu’il avait mené avec ses hommes d’élite , contre les hommes du plus grand empire commercial et industriel de l’époque ,Oberon Corp. . La vue de son fils ainsi mutilé lui fit littéralement perdre la raison .. Les réminiscences .. Du Porteur expirant , de ses parents .. ses parents … .

Il s’en fut avec véhémence , leva une armée de fortune et de rage en quelques jours , recrutée parmi les pires bandits sanguinaires et jura de mettre fin à la vie des assassins de son rejeton .

Il sillonna bien des contrées et bien des pays avant que Lillin , l’Ange du pardon , ne vint à lui . Inquiet pour ce Roi en proie à la folie , il avait dépêché sur Terre deux animaux célestes . Un mouton et un dragon qui représentaient pour la conscience du roi le pardon et la colère .
La bande de pillards meurtriers aperçurent ces deux apparitions baignées de lumières colorées , et avant qu’ils aient pu porter atteinte à leur splendeur , Sarins leva la main , signe pour tout ce qui vit qu’un silence religieux devait s’établir .

Il descendit avec majesté de son cheval et examina l’étrange mise en scène . Dans son âme tourmentée , il savait avoir renoncé au chemin de la justice pour celui de la vengeance , et il pensait pouvoir racheter son âme après avoir fait payer les tortionnaires de son fils . Le dragon furieux semblait docile et attentif aux paroles de Sarins et comme un allié aussi puissant que lui était d’une valeur inestimable à son armée de fortune , il se saisit de sa légendaire épée Omnistratis et , ayant éliminé le dernier doute , brûlé par un feu de rancune qui noircissait ses yeux jadis si attentionnés et bienfaisants , il transperça le corps du mouton qui s’écroula dans un râle .

Le dragon poussa un rire qui semblait tomber directement du ciel en lames fines pour percer le cœur du Roi . Et , ayant compris qu’il avait ici montré que sa démence avait fini de le ronger , il s’affaissa , planta son épée au sol , pour tomber à genoux devant cette lame flamboyante .

Lorsqu’il ouvrit de nouveau les yeux , il fut effrayé par le carnage qui s’offrait à lui . Encore incrédule , il contempla ce paysage d’apocalypse : ses hommes étaient tous morts , et visiblement , n’avaient pas connu de trépas instantané , sans douleur . Que de visages torturés , d’expressions tourmentées , de douleurs acides et , somme toute , inutile ..

L’ange Lillin lui apparut soudain , dans toute sa puissance et sa colère , ce qui lui sembla paradoxal , pour l’Ange du pardon . Mais il savait qu’à présent , il devait payer le prix de sa folie meurtrière , de tous les corps qu’il avait vidé de leurs âmes , de tous les fils qu’il avait privé de leurs mères , de toute la Terre qu’il avait brûlé .


...

Par Rainn le 29/12/2002 à 13:25:55 (#2900754)

Suite du chapitre Un .
[...]


Dans un dernier geste de raison , il sembla se mettre en position de croix , offrant son corps aux flammes de l’enfer , pour que définitivement , il y trouve l’oubli .

«- Tu es bien pressé de mourir , Roi Sarins .
-Ne va-t-il pas en être ainsi , de toutes manières , damnée créature !
-Pas de ma main , en tout cas .
-Vous avez déjà réduit mon armée à un tas de chairs hurlant de douleur .
-En es-tu si sûr ? Regarde ton OmniStratis , ce sang noir , tu le reconnais .. Tu revois leurs visages implorants ?

Sarins ne pouvait pas soutenir la torture psychologique que lui imposait l’Ange . Il était persuadé de n’avoir rien fait , il ne pouvait pas ! Il était à genoux devant OmniStratis .. Il n’avait rien entendu , rien vu , rien fait .. Perdu dans ses remords , transpercé par la folie .. Il n’avait pas pu massacrer ainsi de sang froid des hommes qui étaient devenus pour lui des compagnons . Au fur et à mesure qu’il descendait dans le doute et la douleur , ses traits se tordaient de malaise . Il aurait voulu qu’un météore venu du ciel ne lui écrase la colonne vertébrale pour qu’il puisse enfin goûter au repos de la mort . Mais après tout , il n’avait jamais voulu rien d’autre que la vengeance de son fils , de son seul fils .
L’OmniStratis exultait de joie morbide , et c’est non sans peur qu’il examina son reflet dans la lame démoniaque . Alors que ses yeux se posaient sur le métal , il entendit un rire corrosif monter du plus profond de son corps et brûler son âme .

Et les images se succédèrent aux portes de son esprit . Le Dragon vociférant des reproches acides , la parole silencieuse de centaines de morts innocents , la démence qui l’avait pris . L’envie de faire taire le monde pour oublier les feux qui brûlaient au fond de lui-même . La haine de toute l’humanité . Il détestait tout le monde , car il se détestait plus encore lui-même .
Les regards inquiets de ses soldats . Les invectives de l’Ange .

« Tu es indigne … »

Puis la pulsion sanguinaire qui l’avait pris . Avec une rage incroyable . Il avait empalé ses compagnons , un à un , à la pointe impitoyable de l’Omnistratis , avec un rictus de haine .

Continue … Continue …Ils doivent tous payer .. puis tu oublieras , tout redeviendra comme avant , ils ne s’en souviendront pas , même en Enfer . Je suis ta seule alliée , tu le sais . Vas-y !

Ses anciens soldats n’avaient rien pu faire . La technique qu’il utilisait était celle de l’Omnislash , un coup sans fin , plongé hors du temps et de l’espace , il déchiquetait des ombres , dans un monde ou rien ne bougeait , et sa force croissait en même temps que sa folie meurtrière . Dans ce monde aux limites de la réalité , il tuait sans même toucher ses victimes qui sentaient leurs chairs se déchirer , alors que Sarins pouvait se trouver à plusieurs mètres d’eux .

Il avait continué ainsi pendant des heures avant de tomber , épuisé , au milieu de ce charnier .

Sarins ferma les yeux et sentit pour la première fois des larmes border le contour de ses yeux . Il tenta de les retenir , mais son orgueil , sa force étaient tellement abattues qu’il abandonna vite . Affaissé , affaibli , il se courba devant l’Ange qu’il n’osait plus regarder dans les yeux , ni d’une quelconque manière .

« Tu seras maudit , et ton peuple également ! Va , à présent ! »

A ces mots , la Terre trembla avec une force indescriptible , les cieux grondèrent et avec un frisson d’horreur il sembla à Sarins entendre un cri inhumain en provenance de l’Ouest , en provenance de la capitale de son royaume . La voix de son fils ..

En effet , à Kalast , Khean , remis de ses blessures par un miracle dont la seule explication était sans doute son appartenance à une lignée particulièrement robuste en mystérieuse , s’affairait depuis longtemps à rechercher son père , et à redresser le village entier , plongé en pleine anarchie par la famine . Il se montrait compréhensif envers les brigands qui chapardaient un ridicule bout de pain afin de nourrir leurs familles et les invitait avec leurs proches à venir se restaurer au palais . En effet , les réserves du cœur de la ville étaient incroyables , et le roi Sarins prévoyant . Jamais le grenier du palais ne semblaient se vider , et les travailleurs ainsi traités humainement par le Prince redoublaient d’efforts et de vaillance pour sortir la ville de la crise . La situation semblait devenir moins épineuses et pour la première fois , le visage doux de Khean s’illuminait d’un début de sourire sincère , car il aimait réellement son peuple , lorsqu’un cri d’horreur annonça des déboires bien pires que ceux auquel il aurait pu croire .

« Ce n’est pas possible ! Ce sont des êtres de féerie ! C’est insensé , il ne peut pas être un … un Golem ! »

La masse entourée de flamme s’approchait à pas lents et pesants , il était immense , indestructiblement immense , au point que la plus haute tour du Palais semblait à peine plus haute qu’une de ses jambes . Il avançait en poussant des rugissements de colère , et chaque pas semblait pouvoir effacer de la surface de la Terre un village entier . Il était constitué de roches et de magma , du moins semblait-il , et seuls les oiseaux de malheurs , et certains dragons noirs se permettaient de l’approcher , dans une nuée de malheur et de désolation .

Un cri rauque fit de nouveau trembler la Terre alors que d’un coup de poing , le Golem perçait le sol et créait des cratères et des fissures monstrueuses , ne laissant derrière lui qui sang , larmes et cendres .

Khean était médusé , de peur et d’incompréhension .

Il n’était pas particulièrement pieux , mais son comportement philanthrope , profondément amoureux de ce qu’il y avait de bon en l’homme , lui barrait les voies du blasphème et de l’offense à un Dieu quelconque . Un instant , il fut pris par le doute et la potentielle culpabilité de quelqu’un qui cherche où il a pu mal agir , où son erreur et son aveuglement ont débuté , mais rien ne lui vint . Les prairies commençaient à reprendre des couleurs , et le peuple organisait régulièrement de grands feux de joie en l’honneur du Prince , ce qui , en plus de la flatter , lui faisait prendre conscience de tout le Bien qui existe sur Terre , indépendamment de la cruauté des hommes aveugles et bornés , guidés uniquement par la recherche de plaisirs corrompus mais immédiats . C’était là l’attitude d’hommes égarés , perdus , sans but ni rêves, sans compréhension de l’Univers , et qui étaient somme toute plus à plaindre qu’à châtier .

Khean savait que tout homme est tout autant le centre de cet Univers qu’un grain de poussière . Nous détenons tous la Vérité qui , même si elle n’est pas universelle , reste la notre . Et que pour cela , chaque homme , chaque être humain , chaque être vivant , même , était nécessaire et indispensable . Pour cette raison , il avait convaincu son père , plus ferme à abolir toute forme de peine de mort , ce qui fut fait après maintes et maintes discussions et débats .

Pour autant , conscient des responsabilités qu’il avait et de la confiance que le peuple avait en lui , en l’absence de Sarins , il avait maintenu les habitants de Kalast dans un même chemin , dans un même groupe . Riches comme pauvres , hommes comme femmes . Un brigand affamé pouvait obtenir sa bénédiction et repartir avec une invitation à souper à la table du Prince , mais un meurtrier déjà aisé cherchant à profiter du désordre ambiant pour agrandir sa fortune pouvait être sûr de profiter pendant un long moment des geôles humides et peu hospitalières du palais , ainsi que de voir son bien redistribué à de plus valeureux ou nécessiteux hommes .

N’était-ce pas la voix de la justice ? Qui , puisqu’elle ne pesait que sur les épaules d’un homme , ne pouvait être réellement juste et absolue , mais semblait être sincèrement nourrie de tous les espoirs de monde meilleur qui brûlent en lui ?

A ces mots , et dans un élan de colère contre l’injustice , figure importante d’une vie humaine , qui , personnifiée dans un esprit , peut mettre en rage le plus posé des hommes , il s’élança et ordonna à sa seconde , la Prêtresse Klaërt , de rassembler la population de la ville , et il prit soin de préciser « Et de tous les quartiers !» et de les emmener aux Catacombes , ces légendaires grottes exiguës et entravées par le temps et la poussière si dense qu’on ne pouvait voir au travers , creusées par les premiers fondateurs de la Ville , dans tes temps ancestraux , afin de pouvoir tenir un siège pharaonique sans montrer le moindre signe de faiblesse . Avec elle , Klaërt emporterait avec tous les moyens réquisitionnables toutes les victuailles possible .

« Après tout , pensa-t-il dans un soupir , en jetant un regard inquiet vers la masse de feu et de cris qui s’approchait toujours de la porte Nord , personne ne connaît ses intentions , il va peut-être tenter de nous asphyxier , de nous faire perdre la raison .. Mon dieu … Comme j’aimerais , en cet instant , pouvoir me lever et assurer aux cieux que je suis fier de ma conduite ! »

La suite de cette histoire est particulièrement lacunaire .

On sait que la ville se vida dans un mouvement de panique général , mais que la dernière apparition du Prince lui permit de rasséréner quelque peu son peuple tourmenté .
Ils partirent donc , confiants mais apeurés , craignant pour leur vies et plus encore peut-être pour leur civilisation , car devant les poings sanguinaires de ce géant , dieu sait ce qui pouvait encore résister . Peut-être qu’une fois ressorti des grottes , il ne resterait plus rien .. rien que de la poussière et des ruines . Ainsi un peuple tomberait-il dans l’oubli , à jamais . Un Univers qui serait né de rien , qui aurait vécu de rêves et de chimères , pour retomber à la poussière , comme on avait coutume de dire .

Klaërt s’employa avec ferveur à organiser la « résistance » . Une fois les plus vulnérables mis à l’abri , elle harangua les plus vaillants , pour l’aider à barricader à la ville , à se défendre , non contre la masse hurlante qui approchait toujours , mais contre les Oiseaux de malheur et maudits dragons , qui semblaient se délecter de torturer des corps déjà agonisants . C’était trop cruel pour un être humain , déjà souillé par une vie et par des consciences souvent lourdes . Souvent , lorsqu’on se sent coupable , on n’a de cesse de vouloir évider la justice , dans une quête de rédemption , sans doute . Les assauts de ces légions aériennes de la terreur furent repoussés avec véhémence et opiniâtreté , mais , alors que l’espoir semblait enfin ressurgir , tel un brasier ravivé par ces quelques victoires , une flèche perdue transperça le corps furibond de Klaërt , qui s’écroula dans un râle , les yeux grands ouverts et débordant de peurs .

Sa dernière vision fut terrible …
« Je ne peux pas .. je ne peux pas le croire … pas lui .. pas encore .. »

Un corps fut transpercé , et une lame chantait en écumant de rage .
OmniStrasis brûlait toujours et Sarins s’employait avec cruauté à décimer les rangs de ses propres soldats , qui luttaient pour la sauvegarde d’une ville dont il était le roi .

Une telle lueur de haine ..

« Sa … Sarins ! »

La silhouette bestiale s’interrompit . Il connaissait bien la Prêtresse , pour l’avoir quasiment élevé , et la vue de cette jeune femme innocente baignant dans un sang versé sans que personne ne s’en rende pour autant dire compte , ramena à sa mémoire le poids de perdre un être cher . Soudain , il parut vaciller sous le poids d’une folie incommensurable . Comme si le bon roi Sarins s’était retrouvé affublé d’un double démoniaque et impitoyable . Il jeta un regard protecteur vers cette enfant , puis parut se contracter , sous l’effet d’une douleur horrible . Soudain , il poussa un cri dément , inhumain , aux étoiles qui commençaient à piqueter le ciel voilé d’une nuit de feu et de sang . Un cri qui semblait monter aux cieux , comme un juron secret , adressé à la fatalité , à l’essence même du mal qui rongeait le Roi Déchu . Il sembla à Klaërt qu’un mince rayon de lumière s’échappait de la bouche désespérée , tellement écumante quelques instants auparavant , de son ancien ami .
Soudain , il sembla reprendre ses sens , et , plantant son épée au sol , il s’appuya sur le pommeau comme un vieillard rattrapé par le temps et s’adresse à la jeune conseillère agonisante .

« Klaërt , mon .. mon enfant .. je ne sais pas .. tu dois me croire , tu dois me croire , tu dois me croire … Klaërt »

Au fil des mots , son visage reprenait des traits tourmentés, et sa voix passa de la supplique à l’invective .
Dans un dernier effort , il arracha la flèche ensanglantée du corps meurtri de son jeune ami , et , apposant ses mains cruelles sur la plaie , marmonna quelques paroles dans une langue depuis longtemps oubliée .

La jeune femme sentir sa plaie s’évanouir , se rétracter et son sang refleurir . Il ne parvenait toujours pas à bouger , peut-être plus en raison de la présence d’un Sarins dément qu’à cause de la douleur , mais elle sentait vaguement qu’il survivrait , et que la situation était en train d’échapper à tout contrôle . Comme si des forces divines s’acharnaient à mettre en pièces chaque plan échafaudé par les hommes , comme pour les punir , ou , plus cruellement , leur montrer leur incompétence , leur faiblesse face à la vie , et face à la mort .

« Tu ne dois pas voir .. excuse-moi … »


Rideau . Sarins , d’un coup de pommeau , assomma définitivement Klaërt . Dans un souffle de dépit et de colère , celle-ci ferma les yeux , apercevant à peine son sauveur-persécuteur lever les yeux jusqu’à la plus haute tour du Palais , avec une lueur d’incompréhension mêlé de colère .

Ses doigts crispés au manche de l’Omnistratis . Cherchant presque à ne faire qu’un avec elle ..

Au sommet du Bastion , Khean s’était posté devant les créneaux surplombant la vallée , et , d’une voix lourde , entonnait des invocations diverses , en vue de contrer l’armée monstrueuse et son gigantesque chef , le Golem . Parfois , dans un moment d’inquiétude , il jetait un regard en contrebas pour examiner l’avancement des fortifications , et l’état de la résistance intérieure de la ville . Le moment n’était pas à l’optimisme , mais il refusait de se laisser abattre . Pas après tout ce qu’on lui avait appris , pas après toute la foi en l’être humain que ses voyages lui avaient appris . Ils s’était étrangement toujours senti différent de ses semblables , par son calme et sa douceur devant le fourmillement un peu désespéré des hommes , mais il éprouvait un amour profond pour eux , peut-être justement pour leurs faiblesse . Lui-même , parfois , se sentait désespéré et insignifiant , mais il refoulait beaucoup ses émotions . Et le moment pour exprimer ses tourments intérieurs était sans doute bien mal choisi .

Quelques longues minutes passèrent , tandis que la voix de Khaen continuait de s’élever , mais de plus en plus lasse , laissant briller cet espoir au fond de lui , sans vraiment y croire . Puis Sarins acheva de gravir les innombrables marches de l’escalier vers le sommet du Bastion. Reprenant ses esprits et en proie à une fatigue pesante , il commença à marcher vers l’homme qui se tenait , face au vide et , donc , dos à lui . Ses pas restaient silencieux et son silence n’était troublé que par les gémissements de douleur qu’il poussait , de temps à autres .

Même parvenu à quelques mètres de son fils , il ne le reconnut pas , car le jeune prince avait revêtu une tunique d’Archmage , tandis que son père l’avait rarement vu portant autre chose que son armure princière .
Arrivé à sa hauteur , il le tira par le bras , d’un geste vif et blessant , à la plus grande surprise de ce dernier . Sarins poussa un cri de surprise et Khean en fit autant .
Un silence pesant s’établie autour des deux hommes .

« -Tu .. tu es vivant ?
-Papa ! Qu’est-ce qu’il t’arrive , tu as l’air si .. si étrange .
-Tu es .. vivant .. je ne peux le croire ..
-Bien entendu ! Question endurance , j’ai de qui tenir ! » lui lança Khaen avec un sourire malicieux , pour détendre un peu l’ambiance de plomb .

Le monde s’était déjà effondre dans l’esprit de Sarins .

Tout était absurde , rien n’avait de raison d’être .
Il avait tué pour venger . Tué pour tué , par la suite .
Rien n’aurait du commencer ..
Sa soif de sang et d’orgueil , toujours .. Comme autrefois .
Il avait déjà laissé ses parents se faire tuer , à présent , son peuple avait goûté à sa fureur .
Et à quelle fin ? Pour venger un fils qui était toujours vivant .
Il était misérable , mais sa soif de victoire ne s’était pas apaisée pour autant .
Il avait appris à ligaturer sa conscience .

Il s’empourpra :
« -Pourquoi ne m’as tu pas prévenu !! »
Khean , voyant la réaction violente de son père, recula d’un pas vers le vide .
-Calme-toi .. C’est une erreur , un malentendu .
-C’est à cause .. C’est à cause de TOI , tout ça ! Je suis le Roi et tu m’as fait déchoir !
-Comment ?! »

Khean ne comprenait pas un mot des phrases maladroites de son père , mais il sentait que quelque chose en lui s’était brisé , ou plutôt réveillé .
Ne pouvant se résoudre à le laisser ainsi , il s’approcha de lui et tenta de lui poser une main sur l’épaule , mais le poing de fer de Sarins vint lui couper le souffle . Il fut projeté en arrière de plusieurs mètres , heurtant le sol avec une violence peu commune , et , alors qu’il se relevait , un voile de colère passa dans ses yeux . Le Golem rugissait à l’horizon , et ce n’était définitivement pas le moment de régler un quelconque problème de famille , qui n’existait d’ailleurs pas !

Sarins leva la main .
Le corps de Khaen se figea, et il ne put bientôt rien faire d’autre que contempler la folie de son père .

Ce dernier sembla à nouveau en proie à une vive douleur , il avait prit sa tête dans ses mains et son corps entier , sous sa lourde armure de Roi , semblait être secoué de sanglots violents . Ses cheveux noirs voletaient sur son visage tuméfié et violacé , jadis si paternel et débonnaire .

« Khean .. mon fils .. »

Sarins s’immobilisa . Comme si son esprit avait définitivement cessé de résister . Restait à savoir quel côté de lui-même avait pris le dessus . Le Roi Déchu souleva la lame OmniStrasis et se mit en garde , posant l’épée sur son épaule gauche , les jambes légèrement écartées afin de rapprocher son centre de gravité du sol . Ainsi , la lame jouait le rôle du dard d’un scorpion . Il inspira avec force , le temps semblait suspendu à sa voix .

Puis il poussa un cri de fureur , sorti du plus profond de sa douleur , qui sembla à nouveau se matérialiser par un rai de lumière dorée , presque irréelle , perçant la voûte de nuages obscurs et épais qui annonçaient la venue du Fléau de Kalast .

La scène semblait échapper à toute réalité . Baignant dans une aura translucide , Sarins avait retrouvé un rythme respiratoire normal et ses yeux étaient à présent fixés sur le Golem qui poursuivait sa marche inexorable . Khean remarqua avec trouble que les ombres enveloppaient la scène , à tel point que tout paysage semblait avoir disparu . Même le Bastion au sommet duquel ils se trouvaient . Au milieu des ténèbres , il ne voyait plus que son propre corps , celui de son père et la masse sanguinaire du Golem , séparés par une distance trouble , impossible à déterminer , parfois ils semblaient écartés de plus d’un kilomètre , puis , une fraction de seconde plus tard , ils se confondaient . Le monde semblait basculer dans la folie .

Sarins n’avait pas bougé depuis quelques instants déjà . Soudain , il leva un poing qu’il serra fermement , et fit entendre une voix monocorde , fatiguée , en fermant les yeux .

« OmniSlash ! … pour la dernière fois … »

La Lame Funeste fendit l’air avec allégresse , s’abattant encore et encore dans ce que Khaen percevait comme était « le vide » . Il ferma à son tour les yeux et aperçut , dans une vision lointaine mais paraissant tout à coup très réelle , Sarins à la hauteur du Golem , l’assaillant de coups furieux . En observant le monde réel à nouveau , il se rendit compte que les gestes décrits par son père dans ce qui semblait être le vide étaient les mêmes qu’il reproduisait dans cet autre Monde, qu’il pouvait percevoir en fermant les yeux . Un temps sans début ni fin s’écoula . Sarins s’épuisait à vue d’œil , mais les cris de douleur du monstre ne faisaient que raviver sa haine . Il frappait , fendait , prenait un recul nécessaire puis revenait à la charge en poussant des cris déments .

Le Golem cherchait à l’atteindre , mais sa taille démesurée lui interdisait toute souplesse . Avec colère , alors , il se mit à marteler le sol de ses poings et pieds , espérant écraser définitivement l’insecte qui le torturait .

D’un revers de sa gigantesque main , il réussit à atteindre le Roi , stoppé net en plein enchaînement , et projeté , dans le monde réel , à la hauteur de Khaen .

Celui-ci pensa « S’il te plaît .. Arrête , tu vas te faire tuer ! » et son père , avec un sourire résigné , comme s’il avait décodé sa pensée , le regarda avec amour . « Il faut expier . Rédemption !!!!! » cria-t-il en se relevant . Khaen , toujours immobilisait , connaissait très bien son père et il savait quel mouvement désespéré il allait tenter et aurait , à ce moment là , tout donné au monde pour l’en empêcher .
Ses yeux se figèrent dans une tristesse muette .



...

Par Rainn le 29/12/2002 à 13:27:44 (#2900763)

Suite du Chapitre Un .

...


Sarins chancela , puis , cherchant au fond de lui même la volonté pour se remettre en garde , comprit que cet instant était celui où tout allait basculer . Il voulait sa rédemption , il voulait continuer à vivre , mais les évènements l’avaient pris de cours , et , dans la hâte , il avait semé une mort horrible . Il ne percevait pas vraiment la justice qui régissait cette histoire , mais à présent , il ne désirait plus qu’une chose . La mort de cet être de feu qui menaçait la ville et le peuple qu’il avait lui-même malmenés .

Il fit un pas en arrière et s’accroupit . Dans une dernière inspiration , il fixa le Golem de ses yeux éteints . Celui-ci stoppa net sa course , décidé à en finir avec ce ver de Terre qui osait le défier . Khean ferma les yeux .

Retournés dans le Plan Originel , il vit le corps de Sarins enveloppé de lumière , et , levant les yeux au ciel , il aperçut le visage impassible mais concerné de l’Ange Lillin .
Celui-ci , d’une voix apaisante , prononça ces mots .

« Roi Sarins . Te voici devant ton destin , prêt à sacrifier ta vie pour un peuple que tu n’es pas sur de ne point haïr . Choisis ta voix . Ton âme est forte ,elle pourra continuer son voyage . Pour dire vrai , tu m’impressions . Tu as mon pardon . »

Sarins leva des yeux d’enfant apeuré au ciel , observant l’ange dans toute sa splendeur et la force de son Pardon . Son méfaits étaient brutalement lavés aux yeux des hommes et des puissance , et sa mort devait terminer de clarifier son âme . Par le combat .

Cette pensée un peu sinistre lui vint , et il tourna des yeux de foudre vers le Golem , ce dernier était quelque peu intimidé par la radieuse aura de l’Ange .

« Meurs !!!! »

Laissant entrevoir les immenses réserves que le Roi possédait , malgré son abattement et l’extrême lassitude dont il faisait preuve , soulevant l’Omnistrasis , il se met en garde , et , au lieu d’entamer la parade Parade de Mort qu’il maîtrisait visiblement à la perfection , s’élança furieusement vers son ennemi .

Khaen était épouvanté car , si dans le Plan , son père se trouvait face au monstre , dans la réalité , et c’était quand même à cette réalité qu’appartenait son enveloppe charnelle , il ne se trouvait qu’à quelques pas du vide !

Ouvrant les yeux , il vit quelque chose qu’il n’était pas prêt d’oublier . A peine le Roi avait il posé un pied dans le vide que Sarins subit une transformation fabuleuse . Un corps éthéré , translucide , s’échappa de son corps matériel , qui chuta silencieusement et s’écrasa en contrebas , sans même un bruit . Cet ectoplasme portait toujours l’Omnistrasis et s’élançait débordant d’acharnement , vers la haute stature du Golem . Sarins ne voyait plus devant lui que sang noir et colère . L’Omnislash étant au paroxysme de la violence .

Dans les deux Plans , sa lame s’abattit frénétiquement sur l’écorce rocailleuse de la créature , dix , vingt .. peut-être cent fois , chaque coup porté était plus empreint de rage encore que le dernier .

Enfin , au bout d’une éternité peut-être , le corps inerte et froid du Golem cessa de brûler , et s’écroula dans un roulement de tonnerre , au milieu de la forêt en flammes .

Les brumes se dissipèrent , et emportèrent avec elles le spectre irréel du roi Sarins .

Khean sentir ses membres à nouveau libres , et son premier mouvement fut de se précipiter aux créneaux , pour apercevoir avec dépit et une profond abattement le corps de son père , gisant en contrebas , l’Omnistrasis à côté de lui .

Les cieux avaient hissé à nouveau les couleurs de la vie .
La forêt avait été partiellement sauvée , et les Druides arpentaient la ville , désireux de faire profiter de leur grand pouvoir de guérison les villageois survivants , les blessés , et les agonisants qui pouvaient encore être sauvés . Le peuple sortit avec hâte des catacombes , partagé entre le joie de découvrir un ciel radieux et le malheur devant leur ville détruite , leurs enfants meurtris et leurs familles décimées .

Certains avaient encore en mémoire un souvenir diffus , celui du Roi Maudit , Sarins , écumant de rage sur son chemin vers le Palais , tuant et éclopant son propre peuple , avide de sang et de cris .

Ils reçurent donc encore une fois un choc , et Klaërt la première lorsqu’elles aperçurent Khaen , las et fatigué , s’approcher d’eux en tenant devant lui , dans ses bras , le corps inanimé de son père , Sarins . Lui qui cultivait , au fond de lui , une peur sans nom des êtres qui l’entouraient , à commencer par son père , se tenait à présent devant son peuple blessé , en leur montrant le cadavre de son Roi-Bourreau . La situation était irréelle .

« S’il vous plaît … »

Les murmures tressés de rancœur et d’inquiétude se turent .

« Erigez-lui un sanctuaire , au centre de la ville , et enterez-y le corps du Roi Sarins … Klaërt vous commandera , à présent .. »

Cette dernière s’avança timidement , et s’adressa au Prince d’une voix éteinte .

« Et vous ? Qu’allez-vous faire , à présent ? »

Khean leva les yeux au ciel , une mèche de ses cheveux blonds voletait devant lui . Le soleil brillait et une nouvelle vie semblait commencer pour Kalast entière , mais cette lumière ne réchauffait plus son âme .

“Je m’en vais , Klaërt ...”

Il se détourna , les pans de sa tunique déchirée virevoltaient , et personne n’osa tenter même de le retenir .

Une dernière fois , il se retourna , hésita un moment , puis lança à l’adresse de Klaërt
« Enterrez l’Omnistrasis avec lui .. »

Klaërt , décidée à ne pas laisser son ami partir vers la perdition de son âme , et ça ne pouvait être autrement , vu l’expression de désespoir profond qu’il arborait , cria , bientôt suivi par la foule entière :

« Vive le Prince ! Vive le Prince ! Vivats pour notre Prince ! »

Khean ne se retourna pas et poursuivit sa marche lente , laissant échapper une larme argentée .

« Mes amis , étant votre nouveau souverain , par ordre du prince … »

Khean s’arrêta , surpris par le soudain revirement de cet être qui lui était pourtant cher .
La population de la ville était également médusé par la voix impérieuse de la jeune femme , qui ne cachait pourtant pas un sourire malin ... Le temps était suspendu à ses lèvres douces .

« Je proclame que Kalast , sous la tutelle du Conseil des Sages , à partir d’aujourd’hui , n’est plus un Royaume mais une République ! »

Sur ces mots , elle s’élança , vive comme le vent , rejoindre Khean sur les chemins de l’exil .

Avec un air enfantin , elle lança un regard rassurant aux nouveaux citoyens dont les airs hébétés l’amusaient .

« Longue vie au Conseil ! Longue vie à Kalast ! »

Ce dernier cri fut repris avec ferveur par l’immense foule , et une atmosphère chaleureuse s’installa immédiatement . Les travaux de reconstruction allaient pouvoir reprendre , et Klaërt avait pleine confiance dans le Conseil . Tirée de ses réflexions par le besoin d’en apprendre plus au sujet de ce qui s’était passé pour le Prince , elle jeta un regard circulaire et s’aperçut que ce dernier s’éloignait d’elle , sans lui avoir adressé le moindre regard .

« Khean ! » Cria-t-elle avec un ton de reproche .
Celui-ci , confus , masqua l’amusement qu’il ressentait , à voir la jeune Prêtresse à ce point survoltée .
« Ne veux-tu point gouverner ? Je sais que tu en es capable … »
Ne dis pas de bêtises et avance , grand imbécile ! » rétorqua-t-elle , avant de poser une main sur sa bouche , réalisant à qui elle s’adressait .
« Hummm .. je ne suis plus Prince , tu n’as pas à t’inquiéter , mais … » Son visage s’illumina d’un timide sourire « Si tu me parles encore comme ça , par mes ancêtres , tu vas comprendre de quel bois je me chauffe !
Ouais .. On verra bien ! » Klaërt était ravie de voir son ami reprendre vie l’espace d’un instant ! Celui-ci s’en rendit compte et , coupable ou bien déstabilisé , s’enferma à nouveau dans la solitude et , resserrant sa cape , porta son regard vers la forêt .

La jeune fille s’approcha de lui et l’embrassa sur le front .
« Bha .. je ne sais pas où tu me mènes , mais allons-y , j’ai hâte de partir voyager , tu sais ! »

Khean poussa un soupir ostensible , prenant un air faussement vexé par la puérilité de son amie , et ainsi , ils se mirent en route et franchirent les portes de la Ville de Kalast .

…

Le temps s’égraina ensuite paisiblement dans la Capitale , mis à part quelques incidents durant l’édification du sanctuaire en l’honneur du roi Saris qui resterait , pour ses anciens sujets , un roi Maudit .
"


A suivre ...

Par Pere fouettard le 29/12/2002 à 13:31:07 (#2900781)

(pfiu avec cette police j'ai meme pas envie de lire, a la fin tu deviens aveugle :hardos: )

Par Rainn le 29/12/2002 à 15:36:38 (#2901412)

Le Chapitre Deux se prépare ..

Qui est donc Resyal ?
Qu'est-il advenu de la ville de Kalast ?
Sarins reposera-t-il enfin en paix ?

Et quel rapport entre toutes ces histoires tordues Joël arrivera-t-il enfin à trouver , alors que lui-même ne sais pas trop où il va ?

Tadammm .. @bientôt , pour la deuxième partie des aventures d'Eralys .

OmniSlash !

Ben oui , Baron , c'est le nom d'une limite de Cloud dans FF7 , mais j'ai tellement aimé ce nom que j'ai pas pu résister . Si j'dois être lapidé pour ça , soit , je ferai face à mon destin :monstre:

Par B@R°n :> le 29/12/2002 à 16:23:18 (#2901680)

jem bien FF7 aussi

Par Rainn le 29/12/2002 à 19:07:28 (#2902751)

Chapitre Deux . "Et la lumière .."



Un léger vent se levait , remuant les mèches brunes de Resyal .
Un hoquet de douleur souleva sa poitrine .

« Je ne comprends pas … »

La lumière avait été aveuglante et ce flash avait enserré son âme dans un étau d’acier .
Il se promenait calmement , dans l’espoir vain d’accorder son cœur furieux à la lente pulsation de la Nature . Il chercher l’apaisement dans la tranquillité du cadre . Une manière de fuir , peut-être , mais n’importe quel humain à le droit à un moment de répit , même si pour cela il se sentait indigne et diminué .

« Je suis lâche , tout de même … Il ne m’arrive au fond rien de si exceptionnel . J’ai bien tous ces souvenirs , mon voyage pénible , les combats qui s’attardaient tard dans la nuits , les morts que j’ai laissé derrière moi , mais .. je ne suis sûrement pas le seul guerrier à arpenter le sol de cette Terre , et mon âme se doit d’être plus forte . Je suis tout de même le porteur d’Omnistratis .. et à ce titre , j’ai mon avis à donner , ma place dans l’histoire , et surtout , les rennes de ma propre aventure . Je ne dois pas fléchir . Je ne veux pas finir misérable …

Même si … »

Il refréna un « Je le suis déjà » qui cherchait à sortir de sa gorge , afin de lui faire admettre qu’en fin de compte , il n’était et ne resterait qu’un être humain .

Son silence avait été troublé par un bruit sournois , une corde que l’on coupe . Ses réflexes étaient plus développés que ceux des autres hommes , du fait , premièrement , de son héritage génétique , et , ensuite , de son inhibition . Il avait appris , pendant les longues soirées passées à écouter le silence , à se délecter des ombres , la signification du moindre son .

Mais même son acuité , auditive comme visuelle , ne lui permit pas d’échapper à l’emprise du filet qui tombait sur lui à grande vitesse . Bientôt et malgré ses efforts et vaines gesticulations , il se retrouva immobilisé , à la merci d’un groupe de brigands à la réputation plutôt , hmm .. spéciale .

« Vous ?! Ikasan ! »

A entendre prononcer leur nom ou plutôt le nom par lequel les habitants des villages alentours avaient l’habitude de les désigner ,les trois individus sourirent d’un air niais au possible , en dévisageant leur proie .

«- Le fils de Mme Lilyana . Tiens tiens tiens …
- Lui-même , bande d’incapables ! rétorqua Resyal avec véhémence »

Les Ikasan étaient une bande de jeunes loups galeux , des bandits de grand chemin , mais de petite envergure , qui couraient les plains bordant le village d'Ilyissen . Les malfaiteurs les plus ridicules et les plus pitoyables de tout Eralys , à n’en pas douter .

Celui qui , visiblement , avait la tâche de traîner dans son sillage les deux brutes pataudes qui l’accompagnaient déclama d’une voix arrogante et pleine de mépris :

« Votre verve est bien acide envers nous , Seigneur , mais pour votre propre santé , je vous conseille d’être plus .. » Il s’approcha de Resyal et ce dernier ne put retenir une moue de de dégoût devant l’arrogance gratuite de cet être pourtant si ridiculisé . « Plus … cordial envers nous . N’oublions pas qu’à présent , vous êtes notre prisonnier . » Il sortit de sa poche un long couteau , et joua avec , humiliant ainsi , aux yeux de ces compagnons , le jeune captif .

« Vous n’êtes que de misérables pantins . Je ne sais pas pour qui vous travaillez , mais je suppose qu’il y a un chef à cette confrérie d’impotents . Pour qu’un groupe tienne la route , il faut de la matière grise , et à priori , je ne pense pas que vos têtes vides en regorgent , messires ! » Déclara Resyal en raillant . Ce faisant , il tenait le plus possible caché Omnistrasis , tout en la tirant lentement de son fourreau . Il lui fallait gagner le plus de temps possible , et il fut prit d’inquiétude , en se demandant s’il n’était pas allé trop loin , s’il n’avait pas suffisamment piqué à vif le chef de cette bande de décérébrés pour qu’il décide de venger ce qu’il avait la prétention d’appeler un « honneur » .

A vrai dire , Resyal ne les détestait pas , mais le fait d’être soumis à un chantage lui était insoutenable . Plus encore peut-être que celui de se retrouver enfermé ou , du mois , privé de sa liberté .

« Je vois que notre invité a de l’esprit . Eh bien , mon ami , je vous ferai ravaler vos paroles ! »

Il s’approcha pas à pas . Des pas vicieux de tueur . Ils étaient peut-être incompétents , mais ce n’était pas pour autant une bande d’enfants de chœur . Brandissant son couteau , et le plaçant au niveau du visage de Resyal , il se mit à rire , voyant la peur qui , l’espace d’un instant , était passé dans les yeux de son adversaire .

« Alors ? Tu as perdu ta langue , petite biche égarée dans les bois ? »

Enfin , Resyal s’était saisi d’Omnistrasis . Il la cachait toujours sous lui-même , mais le fourreau était retiré , et d’un geste vif et précis , il se ramassa sur lui même , se tassa afin de laisser un petit rayon d’action à l’épée , et après avoir souri sournoisement à son adversaire , trancha le filet transversalement et se releva en un instant si court que ses adversaires n’avaient pas eu le temps de réaliser . Il attrapa son ancien geôlier par le collet et le souleva de manière à ce qu’il ne touche plus Terre , avec une force qui l’étonnait lui-même , car il n’était pas à proprement parler un homme puissant et musclé , plutôt frêle , d’ailleurs .

« Ne t’avise plus jamais de me considérer comme un lapin , et toi comme le tigre ! » l’invectiva-t-il avant de le projeter en avant , à la hauteur de ses semblables , toujours avachis d’une manière bien démonstrative de leur finesse . La colère prit le commandant des Ikesan , qui ordonna , d’une voix tremblante de colère et d’humiliation :

« Issor , Nacht , assommez-le ! Faîtes lui ravaler ces paroles , c’est un ordre ! Pour les Ikesan ! »

Les deux brutes monstrueuses semblaient s’être enfin animées , levèrent un instant les yeux sur leur ennemi désigné , échangèrent un sourire entendu , et se ruèrent violemment vers Resyal , bras en avant , afin de le saisir , et de lui faire goûter au goût des pâquerettes .

Pressentant bien la technique de ses ennemis , ce qui n’était pas chose difficile , avouons-le , Resyal se mit en garde , et se prépara à recevoir l’assaut des deux montagnes en mouvement .

Le premier coup fut paré , et le deuxième faillit atteindre l’intéressé , mais d’un léger mouvement à peine perceptible , il se décala légèrement , et s’en tira avec comme seules conséquences le fait que son cœur battait à une vitesse malsaine . A présent , c’était à lui de riposter , et ce fut un vrai jeu d’enfant , vu que les deux brutes s’étaient lancées avec un élan incroyable , et que leur férocité leur imposait un certain temps avant de stabiliser à nouveau .

Désireux de faire comprendre à ses adversaires que le combat n’avait pas lieux d’être , il se rua vers eux avec agacement et , d’un coup de pommeau , enchaîné avec un mouvement relevant plus des arts martiaux , il fit choir ses deux adversaires au sol , puis se redressa avec orgueil , sous le regard rageur du troisième Ikasan .

«- Tu es trop fier pour un guerrier , Paysan !
-Tu n’as pas encore compris que tes sbires lobotomisés et toi-même ne pouvez rien contre moi ?!
-Tu dis n’importe quoi ! Issor , Nacht ! Revenez ! » Cria-t-il , inquiet , car l’homme qui montrait une stature si orgueilleuse allait peut-être chercher à se venger .

Les deux monstres avaient du coup perdus toute leur contenance , et rampèrent brusquement jusqu’à leur chef , bousculant au passage Resyal qui ne savait décidément plus comment se comporter , oscillant entre l’amusement et la pitié .

« Je suis peut-être misérable et décrié de toutes parts , commença le petit homme d’un air plus sérieux que son allure de plaisantin ne pouvait le laisser croire , mais dans ma vie , j’ai appris à jauger les hommes , vois-tu .

Tu manies peut-être une grande épée , et peut-être fais-tu deux fois ma taille , mais malgré tout , malgré ton grand orgueil , tu m’as l’air faible et vulnérable comme un bambin , un tout petit enfant , ridicule . Je me trompe , petit ?

-Comment ose-tu me provoquer ainsi ! Resyal pâlit de rage , serrant la garde de son épée dans une expression visible de fureur contenue .

« Mais si , rend-toi à l’évidence .. Tu vise trop haut et au fond , je vois bien que tu n’es qu’un faible , qu’un misérable qui se nourrit de chimères et de nuages . Tu n’as rien au fond de toi , tu n’as pas la moindre fondation . La vie te fait exister à ce moment-ci de l’histoire de la Planète , mais tu partiras avec le vent , tes os blanchiront au soleil sans que personne ne puisse poser un nom sur ta carcasse puante . Tu es un rat , tu es un moins que rien , tu es misérable ! »

Sans un mot , Resyal bondit de rage et , incapable de se battre convenablement tant la haine l’aveuglait , il fut rapidement maîtrisé puis saisi par Issor et Nacht , soudain galvanisés par la supériorité de leur chef .

« Tu es fou , faible et inutile ! Voilà la vérité !» déclara encore le leader des Ikasan avec une acidité corrosive .

C’en était trop . Les membres du jeune homme à nouveau captif tremblaient. Il feint la détente , puis l’abattement , aussi longtemps qu’il le pouvait , cachant sa fureur sanguinaire , et suffisamment longtemps , par bonheur pour lui , pour que ses deux ennemis relâchent leur étreinte , pensant visiblement que Resyal tomberait à genoux , opprimé .

Au lieu de ça , parvenant enfin à libérer ses bras de l’emprise , il s’accroupit , lança un regard qui devait contenir toute la rancœur du monde à son ennemi direct , puis s’effaça d’un bond incroyable , de plusieurs mètres , en arrière . Il était exaspéré et sa colère était visiblement mêlée de chagrin , de douleur , tant ses gestes étaient à présent saccadés et confus . Pris de violents sanglots , il articulait avec peine des mots sans grand sens .

« Ordure … tu vas … ce n’est pas de ma faute ! ce n’est pas moi ! Ce sont eux , eux tous qui m’ont rendu ainsi , Partez ! Va-t-en ! La peau de ces démons .. »

Alors que les convulsions qui le prenaient s’amplifiaient encore et encore , il semblait briller autour de son corps une lumière étrange dorée et maculée de rouge , les Ikasan racontèrent par la suite que la lame d’Omnistrasis s’était couverte de flammes .

« Tu vas .. payer ! »

Il se tint de nouveau droit comme un pic , comme s’il était apaisé et avait réalisé la démence de ses propos , mais le revirement avait été bien trop malsain . Le chef de la meute recula d’un pas , imité par ses compagnons .

« C’en est trop pour moi ! Hurla Resyal avec emportement . » Sa voix s’éteint presque , mais tous purent entendre le mot maudit qui sortit de sa bouche , pour se perdre dans l’air alourdi par la peur et l’angoisse . « OmniSlash … »

Il souriait …

Les arbres , la végétation , les cris d’oiseaux , et même le délicatesse du vent disparurent . Toute forme de vie semblait s’évanouir dans des ténèbres denses et obscures . Les Ikesan étaient médusés de peur devant ce phénomène qu’ils ne comprenaient pas , mais qui ne représentait visiblement rien de bon . L’instinct de survie .

Resyal se cambra . Ses yeux n’avaient plus de couleur , comme la haine et le mépris avaient dévoré son âme . Ses pupilles étaient vides , il semblait mauvais et retors . Une main lourde passa sur son visage et remis en place une mèche égarée .

Soudain , il se mit en garde avec la plus grande précipitation et inspira profondément , il se sentait fier , majestueux , son sang , l’espace d’un instant , se muait en lave bouillonnante .

Le temps s’était arrêté et les Ikesan ne voyaient , plus suspendu au fil de cette lame , que leur morts prochaine . Leur monde était en train de s’effondrer , nié et anéanti par un homme qui respirait la haine de tout ce qui vit , « Et de lui-même .. ajouterait plus tard leur chef , pour les raisons à venir » .


Tout était néant . Dans les cœurs et autour d’eux .
Tout était mort à présent , tout était mort sous ces cieux .

L’homme est une étrange invention , car
Lorsqu’il sent sa mort approcher
Il se rapproche du néant originel

Il peut regretter ses actes et pleurer de désespoir
Même s’il n’a été qu’un être dépravé
Avant qu’un linceul ne recouvre son corps mortel .


Soudain , le silence fut troublé par un coup incroyablement ample . Resyal paraissait avoir hésité , mais la Lame Funeste s’élançait vers les trois hommes avec une fougue irréelle .

Ils étaient résolus à quitter ce monde et avaient , dans un geste de désespoir , caché leurs yeux derrière des mains tremblantes , mais à leur grand étonnement , aucun chair n’avait été découpée , aucun os n’avait craqué . Ils entrouvrirent les yeux , d’abord faiblement , juste suffisamment pour apercevoir leurs coéquipiers , ce qui était déjà un soulagement , car même si ces bandits étaient parfois mauvais , ils n’en restaient pas moins soudés et fraternels .

Puis , ils furent pris d’effroi devant le spectacle qui s’offrait à eux .

Resyal s’était interrompu , son mouvement semblait avoir été stoppé par une force intangible , alors même qu’Omnistrasis allait trancher vive la tête de Nacht . A présent , il vacillait sous la violence de ce qui paraissait être un duel intérieur , l’opposition de deux puissances , qui allaient décider indirectement de leur sort . C’est ainsi qu’une sorte de lien s’établit entre les esprits des Ikesan et celui de la partie de Resyal qu’ils voulaient favoriser . Celle du jeune homme relativement innocent et introverti , qui n’oserait sous aucun prétexte blesser quiconque .

Ils se surprirent même à serrer les poings , profondément concernés par le duel et par le sort du jeune homme . Le chef des Ikesan avait d’ailleurs cerné en lui un homme d’honneur et il aurait été dommage qu’un adversaire aussi précieux ne meure pour céder sa place à un mégalomane sans âme .

Puis brutalement , Resyal eut un geste désespéré . Dans sa lutte contre lui-même , il avait retourné l’Omnistrasis , si avide de sang , contre son propre corps , et l’épée lui avait tailladé le torse avant de s’écrouler au sol en même temps que lui …

Les Ikesan ne bougeaient plus , étonnés autant qu’effrayés . Dans le torrent des évènements , ils n’avaient pas noté que le monde autour d’eux était redevenu « normal » . Calme et luxuriant .

Le petit homme , dirigeant de la meute , s’approcha doucement du corps qui gisait au sol , mais esquissa un mouvement de retraite , alors que Resyal se relevait avec peine . Il posa un genou à terre et ressentit soudain une peur insensée à l’idée de lever les yeux .

…
…

Voilà où il en était .
Voilà comment il en était arrivé là .

A présent , sa main empoignait toujours ses vêtements au niveau de son cœur .

Une voix troublée s’éleva .
« … Je suppose que nous n’avons plus rien à faire ici . »
Les Ikesan s’en furent , après que leur chef se soit incliné devant Resyal , avec une étrange expression de respect , et ils disparurent dans les fourrés .

« Damn … Me voilà bien perdu .. » pensa Resyal , toujours sujet à une vive douleur qui , passagèrement , lui ferait oublier les tourments de son esprit décidément de plus en plus incompréhensible , même pour lui-même .

Des pas légers se rapprochaient , assez maladroitement , si l’on en jugeait par les bruits de chutes répétés .

« Il faut .. que je me relève »
Joignant le geste à la parole , il se hissa avec difficulté , en s’appuyant contre le tronc d’un chêne , mais , retirant sa main , il vit avec horreur qu’il avait versé beaucoup de sang , trop peut-être pour rester en vie un quart d’heure de plus . Harassé et tenté de se laisser aller aux ombres de l’oubli , il se laissa tomber , et perdit conscience , alors qu’une voix éplorée avait trouvé son chemin jusqu’à la clairière .

« Resyal ! »

Illyana était paniquée . Par la vue de son fils étendu , tout d’abord , et par le sang qu’il avait versé . Elle ne comprenait rien à cette situation absurde . Pas d’ennemis , pas de loups , pas de menace , mais pourtant , c’était bien la son fils !
Elle se précipita et s’agenouilla devant le corps inerte , le secouant alors que ses yeux débordaient de larmes et de reproches muets , de reproches adressés à la fatalité , au sort cruel qui semble guider les hommes et , plus concrètement , à la Lame Omnistrasis .

« Maudite épée ! Maudite lame ! Corbeau de sang ! »

Elle s’acharna à soulever la lame , mais sa frêle constitution ne s’y prêtait pas . Dans un instant de colère , revoyant l’image de son fils gisant , elle parvint néanmoins à s’en saisir , et à l’envoyer voler dans les buissons alentours . Le bruit de l’arme qui heurtait le sol ne la rassura pas pour autant , et son inquiétude panique la rappela au « chevet » de son fils .

Dans sa crainte , elle ne put déterminer si oui ou non , son cœur battait encore , mais son instinct de mère la poussait à puiser au fond d’elle les ressources pour faire face à la situation .

« Pourquoi es-tu parti , mon fils , ce matin .. Je t’ai vu couver cette arme maudite du regard , et délaisser la vie familiale , délaisser ta propre vie même ! Et me délaisser moi … » Elle pâlit de tristesse .
« Tu ne te nourrissais plus , tu maigrissais à vue d’œil ! Toi ! » Elle passa sa main dans ses cheveux d’un noir d’ébène , contenant son désespoir . « La guerre et les guerriers sont maudits , un guerrier se condamne à mourir , et aucun homme ne souhaite mourir ! Pourquoi courrez-vous tous autant à votre propre perte ! N’y a-t-il pas moyens pour vous de vivre en paix , dans la paisible tranquillité d’un village ! Vous cherchez l’aventure , mais c’est absurde ! Je l’ai déjà vécue maintes et maintes fois , et ai combattu , moi aussi , pour ma vie et pour l’ivresse de combattre . Mais tout le monde perd la tête , tout le monde perd la raison . C’est trop ! Beaucoup trop ! Relève-toi s’il te plaît . Tu ne peux pas être mort ! Pas maintenant .. pas encore … N’y a-t-il pas moyen pour nous de vivre heureux ?! » Elle lança ce dernier mot comme un reproche adressé aux forces tant haï par les femmes et hommes attristés : la Fatalité . La divine providence qui semble en vouloir contre chaque homme personnellement .

Ni ange ni démon ne vint lui apporter une réponse , mais , à l’autre bout de la clairière, une branche claqua , et deux silhouettes se détachèrent de l’obscurité .

L’une prit la parole , d’une voix douce , mais impérieuse .

« -Je crois que nous arrivons au bon moment .
-Qui êtes vous ?! , demanda-t-elle avec fougue , ayant perdu tout sang froid et toute manière devant le corps inanimé de son fils .
-Quelqu’un qui pourrait bien ne pas vous être inutile , madame » Répondit l’un des inconnus , sortant des ombres . Il accomplit une révérence .

Lilyana se sentit en confiance devant ce personnage .

Par Yganor Wallace MIP le 29/12/2002 à 20:19:58 (#2903241)

Joli ! ;)

On reconnait l'inspiration de FF7 :monstre: :p

Par Floodeur n° 8888 le 29/12/2002 à 20:37:06 (#2903353)

Provient du message de Rainn
Le Chapitre Deux se prépare ..

Qui est donc Resyal ?
Qu'est-il advenu de la ville de Kalast ?
Sarins reposera-t-il enfin en paix ?

Et quel rapport entre toutes ces histoires tordues Joël arrivera-t-il enfin à trouver , alors que lui-même ne sais pas trop où il va ?

Tadammm .. @bientôt , pour la deuxième partie des aventures d'Eralys .

OmniSlash !

Ben oui , Baron , c'est le nom d'une limite de Cloud dans FF7 , mais j'ai tellement aimé ce nom que j'ai pas pu résister . Si j'dois être lapidé pour ça , soit , je ferai face à mon destin :monstre:


Tu seras lapidé uniquement si tu n'avais pas appris Omnislash a Clad ^^
Cela di je suis un fin gourmet nivo Final Fantasy alors je pardonne si tu devines une chose :

Le nom de REDXIII ( c méchamment facile comme question )

Par Rainn le 29/12/2002 à 20:48:52 (#2903418)

Nanaki :)
Pff .. ridicule , la question ^^

Par Rainn le 29/12/2002 à 23:49:22 (#2904667)

Suite du Chapitre 2

...


Le soleil envahissait la pièce . Il était pâle et à travers le rideaux , apparaissait diffus et timide .

Resyal ouvrit les yeux , lentement , tout d’abord . Il voulait rassembler ses pensées , les impressions confuses qui venaient à lui , alors que ses sens , petit à petit , se reconnectaient au monde . Il voulait faire le tri , parmi le réel et la fiction , alors que lui revenaient pêle-mêle les souvenirs de la bataille .

« Mais … Comment se fait-il que .. »

Un instant , il tenta de se concentrer , mais son esprit était encore bien trop las , et il se laissa tomber sur son oreiller , trop heureux d’être encore en vie , et trop blasé pour oser un mouvement .

Des voix arrivaient à lui , en provenance d’une pièce qui jouxtait sa chambre .
Sa mère , Lilyana , et son père , Lance .

Ce dernier parlait avec dans la voix une affliction que Resyal ne lui connaissait pas

« -Mais , chérie .. Je suis désolé , tu sais .. Oui j’aurais du t’accompagner , milles fois , je regrette sincèrement . Je .. je ne suis pas digne d’être ton mari .. ni le père de notre fils ..
-Allons bon ! explosa-t-elle , cesseras-tu un jour de te morigéner et de te mortifier , et agiras-tu enfin ! Notre fils à frisé la mort , et là encore , au lieu d’aller le voir , au lieu de te révolter , au lieu même d’aller l’aider , tu es resté prostré dans ce fauteuil . Tu y passe tellement de temps à disséquer ton esprit ! Réagis , bon sang Lance , je t’ai connu plus intrépide !
-Tu .. tu m’en veux , n’est-ce pas ? »

Elle ne put se mettre en colère contre la faiblesse de son mari . Celui-ci semblait avoir régressé au point de redevenir un enfant , apeuré devant le courroux de sa mère , il fuyait ses responsabilités , fuyait son entourage et la fuyait même , Elle ! »

Resyal n’entendit pas un mot de plus ..

Fixant le plafond , il tenta de mettre des mots sur ses sentiments passés , car à présent , il lui semblait que rien ne traversait son cœur , il semblait vidé , étonnement vidé , d’ailleurs , si on considérait qu’il avait frôlé la mort .

Il réfléchit .

Le coup mortel de L’Omnistrasis l’avait terrassé . Il n’aurait pas pu en être autant , une montagne même n’aurait eu d’autre choix que de se fendre devant une telle puissance . Mais tout ceci n’était-il pas démesuré pour lui ?
Il ne restait qu’un enfant . Qu’un jeune homme , qui allait bientôt , avec peine , décrocher sa première vingtaine d’années . Que connaissait-il du pouvoir , des choses de la vie , de l’expérience dont semblaient se targuer les adultes qu’il cotoyait ? Il était un enfant , encore innocent et …

Non définitivement , ce mot ne semblait plus pouvoir s’appliquer à lui . Innocent . Avec toute la sincérité du monde , avec toute l’objectivité possible , il n’arrivait plus à se décrire comme quelqu’un d’innocent . Son âme était profonde , et il ne pouvait la remplir , l’amener à satiété , lui donner un sens . Il savait être fort et solide , mais ne savait où diriger ses efforts . Et il ne pouvait oublier la tristesse qui le hantait , il ne pouvait pas fermer les yeux sur ce qui brûlait devant lui . Il ne pouvait pas feindre l’innocence tandis qu’il se voyait dépérir chaque jour . Dépérir vers le mal . Plus que vers la mort . Ceci lui inspirait une grande terreur .

Il pensait à tout ceci en examinant , presque comme un enfant qui découvre le monde , les lézardes noires sur le plafond boisé de sa chambre .
Un matin qui s’égrainait , le temps qui passaient , inexorablement , et personne n’y ferait rien .

Le fil du temps ne pouvait être arrêté , même par toute la furie des hommes , même par la folie .

L’OmniSlash …il y repensait en ressentant un mal étrange , n’osant prononcer ce mot , ni se le figurer intérieurement . A sa pensée , il se recroquevilla dans son lit , cherchant à enfouir sa tête dans son oreiller , peut-être pour ne pas regarder en face le démon qu’il pouvait devenir …

Une étrange douleur l’empoignait .

Les rares fois où il avait utilisé cet art de combat ou plutôt .. cette technique de mort , il avait sentir le temps s’arrêter , il avait senti les barrages dressés au fond de lui céder silencieusement , sous le flot de l’excitation . Le monde s’immobilisait . Plus rien ne bougeait , dans le Plan Originel , il était maître du temps et de l’espace , mais .. mais il perdait sa part d’humanité , il perdait ce qui faisait de lui un être bon , frustré et faible , peut-être , mais n’aspirant qu’au bonheur . Malgré toutes les déformations et toutes les apparences parfois perverses que celui-ci pouvait prendre .

Le pouvoir , le contrôle , l’argent , le désir ..
Tout ceci n’était au fond qu’une recherche fébrile du bonheur , de l’état de béatitude complet qu’un homme pouvait ressentir , une fois tous ses désirs comblés .

Si c’était toutefois possible .

Au fond , ne sommes nous pas esclaves d’une illusion . Celle du bonheur . Ne faut-il pas , pas vivre enfin « Entiers » , abandonner tout espoir de prises sur le courant impétueux de nos petites vies . Faut-il alors se décrocher de la réalité , n’avoir aucun point de vue sur elle et nous laisser glisser sur les eaux sans regarder la chute , sans chercher à modifier notre trajectoire vers un gouffre qui ne nous ferait alors plus peur ?

« Peut-être bien , soupira Resyal » . Mais dans le fond de son cœur , il s’en sentait bien incapable . Il était né humain , avec les grandes carences que cela suppose , il avait besoin , besoin de vivre , besoin de goûter au plaisir , besoin , surtout , même s’il n’osait souvent pas se l’avouer , besoin des autres .. Besoin de leur présence . Plus encore , de leur sensations . Plus encore , de leur respect . De leur admiration , pensa-t-il en haussant un sourcil , surpris par son propre raisonnement . De ..

Le lieux-commun qu’il connaissait , mais auquel il vouait un mépris incompréhensible couvrait pourtant parfaitement la situation .. Vivre dans leurs yeux , à travers l’image qu’ils leur renveraient de lui-même .

Briller dans leurs yeux comme une paillette dans un rayon de soleil …

Quelle faiblesse pour un guerrier nanti de son orgueil !

Pourtant , au fil de ses voyages , il avait appris la solitude , la brusquerie des hommes , leurs détestables penchants pour la cruauté et les faux-plaisirs .

Il avait été maltraité , allant de travail précaire en coupe-gorges douteux , afin de trouver l’argent nécessaire à continuer son périple .

Car oui , il avait quitté sa demeure . A l’âge de 15 ans , sous un coup de tête , pensait-il alors .

Mais en réalité , c’était le poids silencieux d’une folie qui s’éveille . Pourquoi lui ?! Il n’en savait vraiment rien , mais au lieu de jouer , de s’émerveiller , de parader avec les autres enfant , en construisant un monde dont on lui aurait déjà inculqué la finalité , il restait dans sa chambre , dans ce même lit , à fixer les murs hostiles , à torturer son ennui , pour passer le temps …

Petit à petit , les autres enfants , puis les adultes l’oubliaient , petit à petit , ils ne se soucièrent plus de lui .. Et il s’efforçait de montrer une image sereine , détachée de ce mépris muet qui n’avait d’ailleurs en soi rien d’agressif . Mais il ne se rendait pas compte qu’il se forçait . Déjà à cette époque , il s’était placé dans une disposition «Moi contre le Monde » . Il était la victime et les autres étaient , à différents degrés , les bourreaux avides de son âme .

Même ses parents , petit à petit , avaient renoncé à comprendre ce qui se passait dans son esprit tant repos , et s’étaient appuyé sur cette considération « Tant que la cohésion familiale existera , tant que de grandes crises ne surgiront pas , on pourra considérer que les choses tiennent bon , et nous oeuvrerons pour que le temps répare les dégâts » . Resyal semblait porter le poids du monde sur ses épaules , chaque jour un peu plus . Pourtant , ce garçon n’avait pas vraiment de quoi se plaindre . Fils d’artisans , élevé dans la saine région des Plaines , et guidé par un amour bienveillant dont l’inondaient ses parents .

Pourtant , il se rappelait ..

Le mur qui s’était érigé entre eux-tous . La glace impossible à briser , même pour un cœur qui , sous son voile , brûlait de tant de feux .

Puis effectivement , ce fameux jour d’automne où , après s’être horriblement disputé avec sa mère , un soir où , lasse , elle était rentrée de fort mauvaise humeur . Elle lui avait reproché son ton cassant et sec , alors qu’il s’adressait tout de même à sa mère !

Resyal avait fondu en larmes devant la colère de sa génitrice , qu’il ne cherchait pourtant pas à brusquer .. pourtant , comment lui dire ce qu’il pensait , comment lui dire qu’au fond , il se sentait terriblement seul , terriblement insignifiant , plus rabaissé encore par l’autorité dont avait fait preuve Lilyana . Il s’était soudainement senti très ridicule , très méprisable et avait étouffé ses sanglots , gravissant quatre à quatre les marches de l’escalier pour se cloîtrer dans sa chambre ..

Une fois la serrure bloquée , il s’était écroulé sur son lit . Encore une fois , il revenait ici , à contempler le plafond qui se fissurait avec le temps qui passe , comme se fissurait son esprit , sa raison …

Il se sentait funambule imprudent sur un fil qu’il aurait aimé oublier ..

La douleur lui tordait l’échine , et il se mit à gémir comme un enfant qu’il était au fond toujours resté . Il gesticulait dans le désordre , avant que sa main ne heurte un cadre posé sur la table de nuit . Une photo de ses parents , qu’il avait toujours conservé sans vraiment savoir pourquoi .

Il la releva , et , voyant le sourire qu’ils arborait pendant ce moment de bonheur qui devait se situer peu après leur mariage , il éprouva une haine dont il ne comprit pas le sens , alors . Il lança le cadre qui alla se briser avec fracas contre le mur opposé . Les photos voletèrent quelques instants , puis finirent par s’échouer , au sol … Ce geste avait été pour lui le geste de trop ..

De quoi droit se permettait-il d’offenser ainsi ceux qui l’avaient mis au monde !
La culpabilité le rongeait , l’impression de n’être qu’un minable . Un parasite mal intentionné . Un indésirable …

Ses yeux ne reflétaient plus rien . Il rassembla quelques effets qui lui étaient chers (« Encore .. pour le moment , pensa-t-il sur le moment , jusqu’à ce que mon pathétique ennui de la vie ne les rende insipides » .) , les fourra avec précipitation dans un sac . Avant de commettre un acte qu’il allait ensuite amèrement regretter , il griffonna une petite lettre sincère mais confuse , expliquant les raisons de son départ , puis , prenant appui sur la rambarde de son balcon qui donnait sur les bois , sauta vers le sol .

Une fois tombé , non sans s’être blessé , il se mit à courir à en perdre haleine . Courir pour oublier qu’il était lâche , courir pour que la douleur s’en aille avec le vent qui fouettait son visage .

Il était lâche et méprisable . Rien ne l’obligeait à partir , pourtant il le faisait . Il abandonnait les seules personnes au monde pour qui il tenait .

Et cette maison si accueillante ne devait plus le voir revenir pendant cinq ans . Cinq longues années d’errance et d’inquiétude , pour ses parents .

Ils avaient tout mis en œuvre pour le retrouver , ils avaient frappé à toutes les portes du village , mais personne ne l’avait vu , personne ne savait , personne ne pouvait . Ils avaient été jusqu’aux principaux ports de la région , voir si un capitaine , un guichetier , ou n’importe quel marin n’avait pas , par hasard , aperçu une jeune garçon qu’ils s’efforçaient de décrire avec la plus grande précision .

Mais rien n’y fit . Un voile de gris tomba sur leurs yeux . La vie allait continuer , mais l’eau ne pourrait jamais couler sous ces ponts-là !

Resyal avait beaucoup voyagé . Il avait croisé des gens très étranges . Des conducteurs de caravanes , porteurs de rêveries d’autres pays et d’objets toujours plus mystérieux aux patrons d’auberges bourrus et désagréables pour lesquels il travaillait , afin de continuer son voyage . Il avait également été obligé d’appendre à manier une arme , ce qu’il fit plutôt bien , d’ailleurs , et portait désormais sur lui une Claymore finement ciselée , qui lui donnait l’impression d’exister . Très paradoxal , avait-il pensé … Cet objet de mort me confère la vie …

Il s’était senti quelque peu coupable , d’autant plus que la lassitude le gagnait un peu plus chaque jour .. Décidément , il ne se sentirait jamais chez lui , jamais en sécurité , jamais à sa place !


Il passait des journées entières , lorsqu’il ne s’était pas fixé quelques temps pour travailler , à regarder la mer , à arpenter des chemins , qu’ils soient tapissés de soleil ou bien recouverts de neige . La fatigue corporelle avait forgé dans ses chairs une grande résistance aux éléments , mais une barrière de verre qui maintenait son esprit dans une solitude grandissante .

Un jour froid ..
Un jour où le soleil blafard était dévoré par les nuages , où le ciel semblait perdu dans un long soupir accablé , où le bois mort et nu participait à créer une atmosphère détestable . Le froid lui mordait les os , mais il continuait sa marche absurde . Parfois , il voyait percer à travers la neige un mince pompon d’herbe , qui s’obstinait encore à respirer , à chercher une lumière si rare pour survivre .. « Ainsi sont les êtres humains .. en vain cherchant à contrer l’inexorable … pensait-il alors » . Puis soudain , comme si c’était écrit d’avance , un bruit , des cris , une alerte . Sans qu’il ne s’en rende compte , une escouade de brigands l’avait encerclé , sur un chemin peu sur aux alentours de Kalast . De jeunes hors-la-loi peu expérimentés , en quête d’une bourse bien remplie pour se payer un bout de pain . Il est vrai qu’une nouvelle famine sévissait et que la récolte avait été désastreuse . Dans l’absolu , il ne pouvait en vouloir à ces jeunes loups qui cherchaient à ne pas mourir de faim , et également à nourrir leurs familles .

Il pensait à délier le cordon qui fermait son sac pour en tirer quelques pièces et rapprocha sa main de son côté , mais un jeune garçon , visiblement plus affamé encore , et souhaitant passer l’étape des formalités , se rua sur lui avec violence . Instinctivement , il se saisit de la garde de son épée , et dans un mouvement si peu conscient , la tira de son fourreau et l’éleva vivement vers son jeune assaillant . Il savait qu’il n’aurait eu aucun mal à le neutraliser sans lui faire de mal , mais un rictus de fierté s’était installé sur son visage . En quelques secondes , il l’avait tué . Son corps s’était déchiré sur la lame acérée de la Claymore , et avait chuté , sans un cri . A présent , le sang rougissait la neige , comme pour garder une empreinte du crime , il n’oublierait jamais cette image …

Il saisit sa tête et la pressa entre ses deux mains . Son épée avait rejoint le corps , tombée dans la neige , alors que le reste de la meute de brigands reculait , intimidée et prête à attaquer pour sauver leurs peaux . De toutes façons , mourir par le froid , par la faim ou par l’épée …

Resyal s’était à présent détourné , et semblait reprendre son chemin , les yeux écarquillés fixaient ses mains . Il affichait une expression irréelle , d’incompréhension et de dégoût . D’un dégoût profond pour la nature humaine , et pour lui-même .

Après un moment d’hésitation , il se tourna vers la meute , dénoua la bourse qui pendait à sa ceinture et la jeta au plus jeune des garçons .

« Tiens , je …je suis désolé … je ne comprends pas … Prenez ceci et , et courage à vous , mes enfants . »

Trop abasourdis pour répliquer , le petit s’exécuta , récupéra la bourse et laissa échapper une larme .

Puis , un par un , les jeunes hommes s’étaient laissé gagner par le chagrin , le dépit et le désespoir … A quoi bon .. A quoi bon toujours lutter pour voir nos amis mourir , pour voir la faim et la fatalité décimer les gens que l’on aime sans d’autre ressource que la prière . Prier un dieu dans lequel on ne croit même pas … Ils s’étaient rassemblé en cercle , dans une sorte de méditation abattu , amers autour du corps de leur ami privé de sa vie …

Resyal serra les poings si fort qu’il sentit le sang couler le long de ses doigts .
Il fit virevolter sa cape et s’en fut comme un spectre . D’ailleurs , son état psychologique était tellement proche de la décomposition que ce n’était pas forcément qu’une impression .

Ce qu’il ne vit jamais , c’est que quelques secondes plus tard , au milieu de la troupe des jeunes garçons , apparurent deux étrangers , drapés dans de longues capes beiges , et dont l’air serein et apaisant calma immédiatement les jeunes loups , dont la tristesse s’était muée en colère aveugle .

Ils étaient apparus , au centre du cercle , de part et d’autre du corps du petit défunt . Et , tandis que l’un passait une main dans ses cheveux , d’un air paternel , l’autre entama une longue mélopée , une mystérieuse incantation .

Les esprits s’échauffaient à nouveau lorsque , comme tiré d’un long sommeil , le jeune garçon qui gisait quelques secondes plus tôt , emporté par une mort trop brutale , se remit sur pied d’un bond vif , visiblement secoué .

La liesse se répandait parmi la troupe tandis que l’ex-défunt repliait ses doigts , remuait ses bras et ses jambes , pour s’assurer qu’il était de nouveau vivant , bien vivant ! et c’est avec une peine ostensible que les enfants se rendirent compte que les deux étrangers avaient disparus . Comme ils étaient apparus . Sans un mot .

Au moins , ces garçons appartenant à la couche sociale la plus pauvre et recluse de Kalast allaient pouvoir subsister longtemps , grâce à l’inespérée bourse de Resyal . Il faut dire que ce dernier y avait entassé toutes ses économies . En argent , en pierres précieuses glanées ça et là , et même , une pépite d’or , qu’il avait gagné contre un vieux marin qui l’avait mis au défi de le battre lors d’un duel .

Ils s’en furent en chantant gaiement , imaginant déjà les visages radieux de leurs parents , frères et sœurs .

Resyal était plus sombre que jamais . Il n’adressait plus un mot à personne et se contentait de dormir sous un porche , dans le coin d’une rue ou même sans aucun abri .
Son corps très amaigri trahissait le fait qu’il ne mangeait plus que rarement , même s’il avait bon appétit , non pas par dégoût , mais par auto-punition .
Aucune pensée précise ne s’extirpait du magma oppressant qui s’étendait à présent dans son esprit . Des images , des sons étouffés , des souvenirs . Aucune emprise sur le présent , aucune idée de l’avenir . Il aurait très bien pu mourir ainsi si une force silencieuse en l’avait pas poussé à continuer .

Même si cette force démente était celle , si cruelle , de l’orgueil , et que l’écouter ne faisait qu’accentuer son sentiment de culpabilité .
Etait-ce ça , le choix d’un homme ? Mourir ou vivre dans l’opprobre ?

Il était emmitouflé dans sa cape et cherchait le sommeil qu’il savait pourtant inaccessible , dans l’arrière-rue de l’épicerie d’un village des Landes Glacées . Il était secoué de violents frissons que les quelques hommes qui osaient lever le regard sur lui attribuaient au froid perçant . En réalité , c’était là la somatisation des tourments de son âme , impossible à accepter , impossible à refréner , et il n’en avait d’ailleurs plus la force ni la volonté .

Il avait de nouveau brutalisé , menacé , détruit … Dans son sillage , il ne laissait que larmes … Et il avait souvent l’impression que s’il n’avait pas commis d’autre homicide , c’était pour la simple raison qu’il ne possédait plus d’arme et que ses bras étaient trop faibles pour étrangler .

Il avait replié ses jambes contre son torse et les avait enserré dans ses bras affaiblis . Sa grande silhouette maigre et décharnée inquiétait , pourtant , il n’y prêtait plus guère attention . Comme si le fait de voir son corps dépérir était pour lui un châtiment mérité .

Au bout de quelques heures , alors que son regard était empreint de tristesse , et qu’enfin il aurait voulu sentir couler quelques larmes , de quoi se réchauffer un peu , qui devaient rester prisonnières dans les cages de son cœur . Un cœur qu’il ne pouvait plus imaginer . Comme si il était devenu littéralement mécanique . Froid et mécanique . La lente désintégration se poursuivait . Sa personnalité , la richesse d’une être conscient de sa vie , de la préciosité de sa vie tombait en cendres . Seule la chair résistait encore à la machine implacable de la folie en marche .

Par Maver|ck le 30/12/2002 à 3:54:39 (#2905819)

:lit:

Chapitre 2 demain ^^

Par Rainn le 30/12/2002 à 10:40:16 (#2906723)

Fin du Chapitre 2 (pff Mav :p )

...



« Messire Resyal ? » s’enquit une voix impressionnante de calme .

Ce dernier tourna vers la silhouette imposante deux yeux qui contenaient soudain toute la tristesse de la Terre . Cela faisait des jours , des semaines qu’il n’avait adressé la parole à un être humain et entendre quelqu’un prononcer son nom qui lui-même parfois semblait avoir oublié l’avait rendu très mélancolique , comme si toute la douleur de l’errance et de la débauche l’effrayait à nouveau .
Devant lui se trouvait , drapée dans un long manteau d’or , une femme apparemment très grande et très belle . Son visage fin était à peine voilé par sa capuche , mais Resyal aperçut de grands yeux verts , qui lui réchauffèrent instantanément le cœur .


« - C’est bien moi .. enfin je crois , balbutia-t-il .
-Je vous avais reconnu ! avoua-t-elle en riant .
-Bien .. je suppose que c’est une bonne chose . » Il brûlait de connaître le pourquoi de cette rencontre , de lui demander ce qu’elle lui voulait , mais ne tenait absolument pas à la brusquer , de peur qu’elle s’en aille , déçue .
«Vous êtes étrange , mon cher , mais je suis heureuse de vous trouver ici .
« Allons bon .. pensa Resyal avant d’enchaîner à haute voix . Que puis-je faire pour vous ?
Elle sourit .
« Pour moi , rien . J’ai quelque chose pour vous .

Elle se baissa pour ouvrir un étui qui se trouvait à ses pieds et , tandis qu’elle s’inclinait , Resyal vit pendre à son cou le collier de l’Oracle , symbole de la Prophétesse .

Cet être apparemment si doux et si souriant pouvait-t-il être l’être céleste et rude que l’on nommait « La Prophétesse » , annonçant sans ciller et sans émotion aucune des messages divins parfois effroyables , annonçant la mort prochaine d’un malade ou le déclenchement imminent d’une guerre . Cette créature vivait au sommet d’une grande tour creusée dans la roche , entourée des ossements des fous qui avaient voulu lui dérober un quelconque savoir , car en effet , dans la bibliothèque de ce bastion étaient réunis l’intégralité des Livres d’Arcanes et des grimoires d’Ouranos , qui constituaient un bien inestimable pour un mage ou un sorcier .

Resyal fut tiré de ses réflexions par l’éclat intense d’un objet qui brillait à présent devant ses yeux . Il se voila le visage d’une main alors qu’une fois encore , le rire apaisant de celle qui devait changer l’histoire l’enveloppait de douceur . Le rayonnement ne semblait pas s’amenuiser et bientôt il ne put plus soutenir la vue d’une telle lumière , tant il n’était plus habitué qu’à la grisaille d’un ciel particulièrement bougon dans les régions du Nord où il s’était retiré .

Apercevant son malaise , la jeune femme , qui s’était abaissée à son niveau pour lui tendre l’objet , se redressa et , d’un air légèrement moqueur , murmura quelques paroles étranges , apparemment issues d’une langue qu’il ne connaissait pas .
En un instant , l’intense lueur s’était évanouie .
L’objet atterrit aux pieds de Resyal et s’enfonça légèrement dans la couche de neige qui recouvrait en permanence le sol de ces contrées .
Avec peine , ce dernier jeta un regard inquiet vers la chose craignant presque de découvrir ce dont il s’agissait , tant La Prophétesse avait une réputation d’oiseau de mauvaise augure .

Et il ne put retenir le cri d’effroi qui sortit de sa gorge .
OmniStrasis …
Il se blottit frénétiquement contre le mur auquel il était auparavant adossé .

La Prophétesse sourit :

« Voilà ton destin , jeune homme . »
Et avec grâce , elle se détourna . Elle allait emprunter la rue principale du village lorsqu’une voix faible la retint .

« Pourquoi moi … Pourquoi … »

Elle tourna légèrement la tête et vit Resyal , qui lui avait indirectement adressé ces mots , la tête baissée . Une larme glacée coulait sur ses joues . Une petite étincelle sur un visage ravagé .

D’un ton qui se voulait rassurant , elle lui dit ces quelques mots :
« La réalité n’est ni bonne ni mauvaise chose en soi . Elle existe , voilà tout . C’est l’être humain , par son besoin de rapporter à lui les choses qu’il voit , qui la juge et la classifie en « bon » et en « mauvais » . Si les choses se passent ainsi , c’est que tu as une place . C’est que la réalité s’est penchée sur toi . A toi maintenant d’ordonner l’Univers , mais tu ne pourras jamais le faire que selon ce qui se passe en toi. Bon courage , mon jeune ami »

Et ayant ainsi parlé , elle s’en fut définitivement .

Resyal n’avait pas très bien saisi le sens de ses mots , mais , loin d’en être rassuré , il sentait néanmoins que la situation allait changer . Que les choses n’allaient pas demeurer ainsi longtemps , et même si l’avenir lui semblait plutôt funeste , il avait hâte de voir cette page de sa vie se tourner . Quitte à ce que ce soit la dernière .

Cet évènement imprévu tranchait avec la misérable routine qu’il entretenait . Comme si en lui , la mince couche de glace qui supportait la triste réalité s’était fendue . Il s’était obstiné à rester détaché de son propre corps et de son propre esprit , peut-être pour s’épargner les douleurs qu’impliquent une vie humaine , par sa nature et par le contact avec les autres humains . Il ne réalisait pas vraiment ce qu’il était devenu , ne s’intéressant qu’à ce qu’il fuyait avec énergie .

La vie humaine .. une si insignifiante vie humaine . Il n’était qu’un être banal , et dans son esprit , cela sonnait comme la plus outrageante des insultes , bien qu’il ne put jamais comprendre pourquoi .

Peut-être avait-t-il un si grand besoin des autres qu’il ne pouvait vivre sans , après tout .
Cette perspective le fit frissonner . Tout cela était détestable .

L’OmniStrasis , toujours dans la neige , lui fit l’effet d’un pieux glacial planté dans le dos .
Cette Epée de Malheur… pourtant … il devait s’en saisir , et s’il y avait quelque chose à continuer , il se sentait à présent en devoir de le continuer .

Il repensa aux paroles de la Prophétesse , et plus précisément à quelques mots qui lui avaient réchauffé le cœur à un point tel que lui même n’était pas sûr d’avoir parfaitement saisi . « Si les choses se passent ainsi , c’est que tu as une place . C’est que la réalité s’est penchée sur toi » …

Il éprouva alors un besoin immense de trouver un fil , une étoile à laquelle se vouer , à trouver quelque chose qui pourrait passer au crible d’une magie quelconque la réalité brute .

Mais le désespoir était encore trop profond et trop maculé du sang qu’il avait fait couler , et dans un geste de colère , il lança violemment sa propre tête en arrière , la faisant ainsi buter contre le mur froid sur lequel il s’était appuyé .

Le coup l’avait passablement assommé et , dans un semi délire , il se mit à murmurer des insultes à son propre encontre , des mots d’une grande violence retournés contre lui-même . Dans un accès de colère qui faisait trembler son corps tout entier , il se griffa le bras avec une violence telle qu’un sang noir se mit à couler de son poignet gauche …

La folie dévorait son âme , de plus en plus , et chaque jour , sous prétexte de se préserver du monde , il la laissait gagner du terrain , détruire un peu plus ce qu’il aurait pu construire , noirci son passer , nier son avenir …

Il était peut-être fou , faible et misérable , mais il ne pouvait tout simplement pas mourir ici . Pas ici , et pas de cette manière .

D’un bond peu assuré , il se releva , saisit la garde d’OmniStrasis au passage , et quitta la ruelle sombre , apercevant les timides reflets du soleil levant dans les vitres pour la première fois depuis bien trop longtemps .

Par la suite, il passa quelques journées à travailler , suffisamment pour s’acheter un étui où ranger sa Lame et quelques provisions . La Prêtresse ne lui avait pas dit pourquoi elle lui avait amené OmniStrasis , mais Resyal , sur son échelle de valeurs totalement aliénée , n’avait pas jugé important le fait que cette lame soit maudite et crainte depuis bien des années déjà et que sa simple vue suffisait à faire frémir de peur le plus insensible des soldats .
Le fourreau paraissait donc un achat de première urgence .

Il se mit ensuite en route , et , après avoir jeté un dernier regard au théâtre de sa déchéance , se mit en marche vers le Sud .

Des années avaient passé depuis son départ d’Illyssen , et c’était non sans appréhensions qu’il prit la Route des Cavaliers , qui fendait le pays , du pôle Nordique à Kalast , la glorieuse .

Son exil semblait toucher à sa fin .

Par Rainn le 1/1/2003 à 14:39:59 (#2921680)

Chapitre 3 : L’appel .


Quelques mois de marche s’étaient égrainés …
Dans son nouvel entrain , Resyal n’avait pas remarqué l’inquiétante ombre qui le suivait depuis quelque jours déjà , dans un silence total .

« Hmmm … »
Le jeune garçon était rêveur . Allongé dans l’herbe , il contemplait les premières fleurs , des pâquerettes , sorties d’une Terre encore fatiguée .
« Je ne suis peut-être pas si désespéré que ça … C’est la première fois que je me surprend à rêvasser sans aucune raison valable . Je suppose que c’est un bon signe » , dit-il en haussant les épaules . Il se figea quelques instants , pensant à ce qu’il venait juste de dire , et éclata d’un rire étrange , où retentissaient l’amusement , mais également une profonde résignation .

Lentement , il se releva , ouvrit son sac et prit quelques minutes pour manger un peu .
Cette sensation qu’il avait si longtemps oublié , pour des raisons qu’il ne parvenait toujours pas à se figurer clairement . Cette période semblait à présent révolue et plongée dans le passé , mais il se rendait bien compte qu’y retoucher , y repenser même lui faisait ressentir une grande douleur .

« Bon … Ce n’est pas que je m’ennuie ici , mais il reste encore un long chemin jusqu’à mon but » dit-il , joignant le geste à la parole en raflant au passage son sac et le fourreau d’OmniStrasis , qui se balançait à présent dans son dos .


Il marchait en observant le ciel .
« C’est incroyable de penser qu’il y a quelques mois encore , tout n’était que froid et ombre » pensait-il , car le soleil brillait fort , à nouveau , irradiant les plaines d’une vie nouvelle , distillée à tous vents .

Resyal poursuivit sa marche infatigable , s’égarant rarement à penser , car , prenant ainsi la mesure de sa solitude , il aurait été tenté d’abandonner .

« L’aube s’allume dans un ciel fatigué
Rougissant les cheveux d’un rôdeur
Las d’une journée de plus à marcher
Sous un arbre il effeuille son cœur .

Ainsi va la vie des vagabonds
Toujours sur la route du printemps
Ils vivent de poussière et de vent
De Kalast aux gouffres d’Avalon .

Et je marche comme eux , sur les traces des fées
Dévorant de mon regard d’enfants milles contrées
Méprisant le riche la Nature comme hôte jovial
Il ne manque dans mes yeux aucune étoile ! »

Cet air lui soulevait le cœur . Il l’avait appris sur les bancs de l’école des apprentis . En le chantant , il avait soudain senti un sang nouveau irriguer ses veines , et , pris par une folle passion pour sa Terre natale , il s’élança , courut à en perdre haleine , dévorant le route , jusqu’à se trouver nez-à-nez avec un panneau indicateur qu’il lut en tremblant .

« Kalast : Suivez la route »

Il était enfin de retour dans ses contrées , si près déjà de la modeste maison qui l’avait vu grandir … Au fil de ses voyages , il avait rebâti ce monde , et avait petit à petit transformé le cauchemar qu’il avait fui sans un regard en arrière en un paradis accueillant et douillet .
Il avait tellement hâte .. de retrouver ses parents , sa maison , sa chambre , de retrouver les gamins de son âge , desquels il s’était tellement éloigné , et qui devaient avoir terriblement grandi ! Dans sa tête , il tentait de se rappeler leurs visages , car même s’il ne leur parlait pas , il les regardait souvent jouer , puis il tentait les vieillir de cinq ans . A son retour , il aurait sans doute quelques sacrés surprises .

Incrédule , il répéta lentement le message inscrit sur le panneau , et ne put contenir un cri de joie .

« Quels doux mots , décidément ! »

Il inspira profondément , mais, sentant quelque chose bouger sans son dos , bloqua ses poumons et son corps entier dans une immobilité parfaite .

Puis , expirant en silence , il tenta de rassembler la connaissance du combat qu’il avait accumulé , au fil de son errance . D’un geste brusque , il fit volte-face et posa genou à terre en plaçant une de ses mains sur la garde d’Omnistrasis .

Rien .

Ses yeux balayaient le paysage .

Rien .

Un léger choc se fit entendre , au niveau du sol , et quelques graviers roulèrent .

Lentement , le jeune homme sortait l’épée de son fourreau , mais son geste fut bloqué par une main qui développait une force impressionnante . Il s’était laissé prendre au piège sans comprendre ce qui lui arrivait , et se retrouvait maintenant bloqué dans une position où son adversaire avait accès à tous les points vitaux de son corps . Un assassin l’aurait sans doute déjà tué .

« Ne vous énervez pas , monsieur … »

Resyal tressaillit de surprise , la voix qui murmurait dans son dos n’était pas celle d’un vieux renard vicieux , mais celle , encore hésitante , d’une jeune enfant !
Il rougit d’un mélange de honte et de colère à l’égard de celui qui l’avait surpris .
A entendre ces quelques mots , ils avait compris que son adversaire était plus inquiet encore que lui même , alors qu’il détenait un avantage suprême .

Il fit mine de se détendre et sourit intérieurement .

« -Je préfère ça . Qui êtes-vous ? demanda la petite voix avec appréhension .
-Je pourrais vous retourner la question ! lança-t-il d’une voix monocorde , qui se voulait inquiétante .
-Hmmm … »

Le garçonnet semblait réfléchir , et Resyal attendit qu’il inspire de nouveau afin de continuer sa phrase , toujours maintenu dans la même position .

Au bout de quelques instants , son jeune assaillant prit la parole , sur un ton raffermi
« Je … »
Il n’eut pas le temps de continuer

Après avoir pris un imperceptible élan , Resyal avait frappé en arrière de toutes ses forces avec son coude resté libre . Visiblement touché en pleine poitrine , son adversaire lâcha son emprise et semblait vaciller en toussant . Ne désirant pas faire couler inutilement du sang , et moins encore celui d’un enfant , Resyal s’était relevé et se tenait à présent droit , les bras croisés affichant un air amusé , presque méprisant .

Il ne s’était pas trompé , le garçon qui l’avait attaqué était très jeune , d’une quinzaine d’années qui se soutenait à présent , un bras à terre et l’autre au niveau de l’estomac , en toussotant violemment . Il avait les cheveux en bataille et portait une sorte de tunique bleutée , abîmée par le temps et la poussière des chemins . Ses yeux étaient à peine visibles , mais Resyal les devine d’un noir profond et sans appel . Alors qu’il tentait de calmer les sursauts de douleur et de rage qui l’oppressaient , de longues mèches brunes balayaient son visage , et le vent léger qui s’était levé les faisait onduler paisiblement .

Victorieux , et légèrement attendri , le Porteur d’Omnistrasis déclama d’une voix moqueuse :
« Bien essaye , jeune homme , mais … »

Lui non plus n’avait pas eu le temps d’achever sa phrase . Son visage s’était figé dans une expression de surprise effrayante , alors qu’une douleur lancinante brûlait éveillée dans une de ses jambes . Il y porta instinctivement la main dans un mouvement crispé , et , baissant les yeux , aperçut l’auteur de ce coup acéré , non sans stupéfaction : un animal furibond.

« Je vois que vous avez fait la connaissance de Shero » ironisa calmement le gamin .

A peine la créature avait-elle entendu son nom , elle se mit à courir joyeusement vers son maître , oubliant au passage l’hostile inconnu qui s’était à nouveau affaissé tant ses crocs avaient pénétré profondément dans la chair ennemie . Il se frotta affectueusement contre son maître qui s’accroupit pour le féliciter . Une grande complicité semblait exister entre le jeune garçon et son compagnon .

Resyal leva un œil inquiet et , plus encore sous l’effet de la surprise qu’à cause de la douleur qui était pourtant intense , se sentit défaillir .

Un tigre .. Un tigre blanc , de l’espèce des Osasha , les plus féroces prédateurs des forêts du sud . Une créature solitaire et sans pitié pour ses proies . Il arborait un pelage d’une blancheur splendide , strié ça et la de rais noirs , et , comme tous les représentants de son espèce , rares et dangereux , arborait deux canines surdéveloppées , au point qu’on avait fini par nommer ces animaux « les Tigres aux dents de sabre » .
Le plus étrange , peut-être , hormis sous ses latitudes , c’était que ce redoutable félin était à présent en train de léchouiller le visage de son maître et ami , qui s’amusait beaucoup de ce petit jeu .

Resyal se redressa avec peine , en proie à une sorte de pulsion sanguinaire qu’il n’avait pas ressentie depuis longtemps , et cette perspective lui glaçait le sang .

Ses deux adversaires pivotèrent brusquement dans sa direction et , retrouvant sa contenance , le garçonnet déclara :

« Vous êtes plein de ressources , Messire , mais votre destin face à nous est scellé . Donnez-nous votre arme , s’il vous plaît , et il ne vous arrivera rien ! C’est une promesse que je vous fait . Ne faisons pas couler le sang inutilement , je vous en conjure . Mon nom est Arshe , et je ne vous veux aucun mal . »

Sa voix était quasiment implorante .

Resyal se sentait perdu devant ce personnage décidément énigmatique . A sa grande surprise , il se rendit compte qu’Arshe possédait une dague particulièrement acérée , et qu’il aurait donc effectivement pu le tuer à n’importe quel moment .

Mais les paroles de la Prophétesse lui revenaient en tête , et il ne pouvait décidément pas se résoudre à céder son arme . Bien au delà d’ailleurs de cette « mission» dont il se sentait investi de manière tacite , son esprit avait fini par s’attacher à la Lame Funeste . Elle lui faisait ressentir une étrange sensation , celle de détenir un pouvoir immense . Mais à présent , ce n’était plus une envie de domination sur le monde qui l’entourait ou le désir de s’attirer gloire , respect et , plus fondamentalement , une attention qu’il avait toujours silencieusement réclamé , quoiqu’inconsciemment , mais une envie de prise sur sa propre âme , sur sa propre personne , car ce dont il était en quête ne pouvait pas venir de l’extérieur . Il avait du sang sur les mains , et l’ombre acide de la démence assombrissait toujours son cœur , il cherchait la rédemption , sans savoir vraiment ce qui guidait ses actes , quel était le but final de cette quête qu’il pensait un peu vaine . La connaissance de soi ... ce concept avait germé dans son esprit alors plongé dans un trouble glauque .

« Je … je ne peux pas vous céder mon épée ! » lança-t-il avec dépit , sortant l’Omnistrasis de son fourreau , dans l’hypothèse où ses deux adversaires auraient envisagé une nouvelle charge, même si cette possibilité l’horripilait .

« Très bien … » Arshe semblait déçu . « J’aurais réellement souhaité vous épargner , mais puisque vous êtes buté , nous … »

Shero et le jeune garçon s’étaient figés , et dans un mouvement parfaitement synchronisé , ils avaient levé la tête dans la même direction , comme s’ils attendaient quelque chose , ou quelqu’un . Ils semblaient très attentifs .

Arshe avait fermé les yeux , et ça aurait été pour Resyal une occasion inespéré d’attaquer s’il n’était pas de plus en plus intrigué par l’attitude de son adversaire . Un tout jeune homme , qui semblait souffrir plus encore que l’opposant qu’il envisageait d’occire. Un instant , il se demanda si ce jeune homme n’avait pas été aliéné et rendu insensé à cause de quelque traumatisme .
Il était à présent prostré avec un air indescriptible de désillusion . Shero s’était allongé au sol , lui aussi semblait profondément déçu .

Soudain , serrant les poings , Arshe s’adressa à Resyal :

« Nous nous reverrons , Messire . Soyez en sûr ! » Il avait pratiquement hurlé ce dernier mot et des larmes de colère perlaient au bord de ses grands yeux noir .

Esquissant une retraite de quelques pas en arrière, jusqu’à la pointe de la falaise , et aussi rapidement qu’ils étaient passés à l’attaque , les deux compagnons s’envolèrent d’un bond en arrière , digne d’un acrobate où d’un maître ninja .

Resyal était stupéfait .
Il était pourtant au sommet d’un plateau situé à une bonne vingtaine de mètres de hauteur au dessus des plaines , et n’importe quel être humain se serait rompu les os , à tenter une telle folie .
Pris d’un vague remord , il se précipita au bord de la corniche et dut se frotter plusieurs fois les yeux avant de se rendre à l’évidence : Il n’y avait aucun corps , ni aucune trace des deux êtres . Ils semblaient s’être volatilisés , partis avec le vents .

Soudain pris d’une grande fatigue , Resyal se retira du théâtre de cette étrange rencontre , et , après avoir pris soin de dissimuler son épée sous une grosse racine , s’allongea sous un arbre .
Pendant quelques minutes , il s’échina à soigner sa blessure du mieux qu’il le pouvait , puis , plongé dans la lassitude , sombra dans un sommeil sans rêves .


L’orée du bois qui borde le village d’Illyssen … Le début de sa fuite . Non sans émotions il retrouvait à présent le paysage de son enfance , physiquement si proche encore , et psychologiquement déjà enterrée , enterrée trop vite , trop brusquement , sans avoir le temps de se réconcilier avec elle .

Resyal court à en perdre haleine , déjà il reconnaît les sentiers embrumés , l’air charriant des millers d’odeurs qui lui reviennent instantanément à l’esprit . Les cerises , le thym , la vie qui s’écoule lentement . Il était pris d’une furieuse envie de se fondre dans la masse , de devenir insignifiant , faire parti de décor et regarder rêveusement la Terre tourner .

Ses pas lourds et sa démarche brisée attiraient sur lui l’attention des rares villageois , qui osaient braver le matin . Soudain , il se figea , saisi par une pensée qui l’avait traversé et qui avait en lui brisé , ou construit , quelque chose .
« Je suis un être humain , un simple être humain , jamais je ne serai autre que ceci» cet aveu avait été pour lui très pénible , et réveillait en lui des brasiers qu’ils ne soupçonnait plus . Etait-t-il resté si puéril , pour vouloir tout subordonner à lui , pour vouloir s’extraire de quelque chose de neutre qu’il ressentait comme étant envahissant , à savoir : l’humanité entière ? Ou bien était-ce la le propre du passage de l’enfance à l’âge adulte ? Réaliser sa faiblesse et sa banalité ? Fermer la petite boîte ciselée qui contenait ses rêves d’enfants et suivre le courant jusqu’à la chute ? C’était là , en tout cas , l’image de l’âge adulte qu’il s’était construit , et qu’il haïssait profondément . Ainsi , il se trouvait en contradiction avec son passé , son présent , et même son futur . Le labyrinthe s’épaississait , et brusquement , ses pensées devinrent opaques . lui-même ne pouvait ni ne voulait plus en extraire quoi que ce soit . .
« J’ai besoin des gens qui m’entourent , j’ai besoin d’eux , de leur chaleur , et accepter ça , c’est accepter d’être faible » .
Un aveu auquel son orgueil encore jeune et avide ne pouvait se résoudre .

Soudain , un cri perça la brume , un cri qu’il reconnut instantanément , malgré les nombreuses années passées loin de ce lieu et des âmes qui y effeuillent leurs vies ..

« Resyal ! »

L’intéressé fit volte face , traînant dans ses gestes la lassitude extrême de mois de route . Ses yeux se mirent à briller , lorsque la silhouette émergea du brouillard , et d’une voix soudain redevenue fluette , tranchant avec celle , lourde et rauque , du guerrier sombre qu’il avait été , il s’écria
« Maman !! »

Lillyana , sous le coup de la surprise , ne put contenir une vague de joie et d’allégresse , elle s’élança et bientôt , elle avait passé ses bras autour du cou de son fils , et réalisa avec émotion et une pointe de dépit que celui-ci s’était métamorphosé . Du moins en apparence , il avait acquis une stature , une expression rassurante de calme et de sérieux , ce qui contrastait fortement avec le fond de son cœur , trouble et hérissé de piques .

Puis soudain , rattrapé par le voile lourd de la lassitude , il sentit ses yeux s’épuiser , et sa tête partir en arrière , devenue lourde comme du plomb . La dernière perception qu’il eut fut celle du cri d’horreur de sa mère , devant son fils dont le visage devenait peu à peu exsangue .

Il fut soudain tiré de ses réminiscences par le claquement d’une porte .

Son regard vacilla quelques instants , et , après quelques instants , se remit à fixer le plafond . Il n’avait pas envie de sortir de son esprit , de se remettre en contact avec le monde extérieur . Quitte à n’être bien nulle part , autant rester chez soi . Un chez soi qui ne se construit pas , qui n’est délimité par rien et sûrement pas des murs . La douillette solitude de son esprit .

Quelques murmures se firent entendre . Comme si quelque chose à cet instant avait du briser ce pesant silence .

Dans le couloir d’entrée , des pas se firent entendre .
Resyal ne souhaitait décidément pas recevoir une quelconque visite .
"


Rassurez-vous , la suite mettra un certain temps à arriver .

Joël , apprenti scribe .
Architecte de la douleur et de l'espérance .

Par Floloa Terrae OD le 1/1/2003 à 18:23:15 (#2922664)

:lit: *mal au yeux*

Piuff c'est long, mais magnifique !! :amour:

Par Maver|ck le 1/1/2003 à 19:19:28 (#2922959)

C'est du Rainn :)

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