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Un paria

Par ombreargent le 16/12/2002 à 23:19:53 (#2808519)

Les volutes de fumées bleues sélèvent lentement dans lair saturé dhumidité de la chambre. Lhomme assis, face à la baie en vitrocéramique, regarde fasciné les mouvements lents et sensuels de la fumée de cigarette, qui finit lentement de se consumer, en laissant échapper des arabesques aux formes étranges et énigmatiques. Dun geste vif il lécrase dans un cendrier et reporte son attention par delà la surface de verre et dacier. Les premiers rayons du soleil entrent dans la pièce et éclairent timidement langle du lit. La journée va encore être une véritable fournaise. Malgré le vrombissement régulier des filtres à humidités et les condensateurs cryo-régulés, lair reste toujours aussi désagréable à respirer. Loin en contrebas, les docks de chargement de la station orbitale commencent à prendre vie et une multitude de vaisseaux-remorqueurs sagitent déjà en un ballet frénétique et palpitant. Les balises de repérage des transporteurs légers clignotent de manières frénétiques et constellent de mille couleurs le manteau de nuit de lespace froid et lugubre.

Le soleil, continuant son Ascension, il devient difficile de soutenir son rayonnement. Après avoir regardé une dernière fois lastre flamboyant, lhomme commande la fermeture des panneaux solaire. La pièce se retrouve alors plongée dans une pénombre quil affectionne tout particulièrement.

Un signal sonore déchire soudain le silence de la chambre. Lhomme se lève lentement et active vocalement la commande du communicateur.

« Jovenn ? Jovenn cest toi ? Bon sang tu peux brancher le videocran sil te plait ? »

La voix, déformé par le communicateur, trahit une certaine nervosité.

« Pour quoi faire Vorlek ? On na pas besoin de se voir pour se parler »

« Moi si. Jaime voir à qui je madresse. Y à rien de plus flippant que ces foutus écrans noirs. »

« Il te suffit daller faire un tour sur les bases de données dInfinitycorp à la rubrique des criminels dont la tête est mise à prix. Tu télécharge mon portrait robot et tu le colle sur ton écran. Je suis pas sur de la ressemblance exacte, mais bon, ça devrait te rassurer et te permettre de moins angoisser. Je men voudrais dêtre à lorigine de ton troisième ulcère. Après tout, tu es mon commanditaire préféré."

« Pour un Jenquaï, tas vraiment de lhumour à revendre tu sais ! Comment un paria de ton espèce, un renégat à ses traditions et à sa caste à pu réussir à survivre aussi longtemps dans ce monde impitoyable ? Cest vraiment une question que je me suis souvent posée. Dhabitude les membres de ton peuple sont des gens très bien comme il faut. Bon ce ne sont pas des rigolos, ils sont même un peu coincés, mais ce sont des gars honnêtes et travailleurs. Toi tes lun des pires fumiers que je connaisse. Comment texplique ça ? On à pas été gentil avec toi quand tu était petit ?."

Malgré les années, Jovenn ne parvenait toujours pas à supporter lhumour bon marché et les remarques subtiles de Vorlek. Mais il était à sa manière, un employeur respectable et il navait jamais cherché à le doubler depuis quils travaillaient ensemble. Dune vois monocorde, Jovenn repris la parole.

« Dit moi Vorlek, puisque lon en est aux confidences. Comment un Terran aussi peu doué que toi pour les affaires, à réussit à sen sortir loin de la protection de sa puissante famille ? Tu devrais penser à leur donner de tes nouvelles de temps en temps. Enfin pour cela il faudrait que tu leur rembourse dabord lemprunt à long terme que tu leur à fait. Cest ton père qui serait ravie de te mettre la main dessus. Ce serais de chouettes retrouvailles quand même tu trouve pas ? La famille au grand complet pour fêter le retour de lenfant prodigue."

Un long silence ponctua cette dernière réplique et le Jenquaï imagina avec amusement, le Terran en train de fulminé, rouge de colère devant son écran noir.

« bon allez ça va laisse tomber. Parlons un peu boulot. Tu sais pourquoi je te contact ? »

« Oui je men doute un peu Vorlek »

« Mon client à depuis peu un petit souci quil aimerait voir régler assez rapidement. Un concurrent un peu trop chanceux et ambitieux. Et tu sais comme moi que lambition peu être la cause de bien des problèmes de nos jours. »

« je técoute avec attention »

Market Street, deux heures plus tard. La station est en effervescence. Les gens marchent dun pas rapide dans les allées en un flot ininterrompu, de corps et de regards. Perdu dans la multitude, ils avancent droit devant eux, sans même se rendre compte de lodeur de pourriture que les coursives étroites dégagent. Un mélange écurant de pollutions, de misères et de résignations. La chaleur suffocante me prend à la gorge. Les cryo-régulateurs, chargés dassurer la qualité de lair et la stabilité de la température, ont vraiment besoin dêtre réparés. Cette maudite station part vraiment en lambeaux. A langle dune ruelle, des mômes ont ouvert une borne dincendie et samusent à traverser le miroir liquide et argentée craché par le système de refroidissement quils ont soigneusement endommagé. Quils en profitent parce que la sécurité va pas tarder à leur tomber dessus. Les gens ont à peine remarquée lincident et se remettent déjà en marche. Personne ne fait attention à rien ici. Cest pour ca que je me sens autant en sécurité et que jaime y faire escale.

Le passage à la capitainerie et au poste de contrôle ne sont que de simples formalités et je me retrouve bientôt dans la rassurante intimité de mon vaisseau. Il nest plus tout jeune mais il à fait ses preuves. Cest un modèle de combat typique de mon peuple. Rapide et véloce, il réagit à la moindre de mes sollicitations. Il est comme une extension de moi-même. Lorsque je suis assis la, aux commandes de cette machine de guerre, je me sens renaître et je retrouve alors tout lhéritage de mes origines. Lespace mappartient et je peux le sentir palpiter et vibrer autour de la coque et au tréfonds de mon être, au cur de mon âme

Dans un vrombissement sourd et rassurant, les moteurs de mon navire, marrache à lattraction de la station, masse grouillante de lumière et dacier. Je mallume une clope. Ces saletés me tueront, mais cest lune des nombreuses saloperies Terran que japprécie au plus au point. Comme chaque fois les volutes de fumées bleues forment détranges ellipses sur la surface de vitro-céramique de mon cockpit. Je reste un moment le regard perdu dans le néant, à regarder la fumée danser et lentement se dissoudre. Vorlek à raison je ne suis quun paria. Mais je néchangerais ma vie pour rien au monde. Je prends le meilleur de ce que cette existence peut me réserver et je ne compte pas me résoudre de si tôt à rentrer dans le rang. De toute façon, mon propre peuple me ferais exécuter sil me mettait la main dessus. Je ne suis pour les Terran quune anomalie, et pour ceux de mon sang une hérésie.

La voix de lopérateur de vol de la passerelle de contrôle, chargé de réguler le trafic, me tire brutalement de ma méditation, me donnant lautorisation de quitter Antares.

Un sourire éclaire un court instant mon visage et dun mouvement lent et mesuré jactive mes réacteurs à pleine puissance. Bientôt lespace, sombre et lugubre, se transforme en une myriade de traînées lumineuses alors que mon navire plonge dans limmensité stellaire

Par Psylvien le 17/12/2002 à 9:33:53 (#2810802)

Rhooo joli !
Bravo :)

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