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Cette nuit-là, ce passé-là, si lointain

Par Kalder'Shee le 12/12/2002 Ă  0:24:10 (#2766110)

J’ouvre les yeux subitement. La nuit m’enveloppe encore, mais Morphée vient de me libérer de son étreinte, me faisant basculer sans ménagements dans le monde réel. Malgré la brise fraîche de la pleine nuit, j’ai chaud, et ma lourde cape n’est pas ma seule bienfaitrice. Une chaleur diffuse émane de moi, comme un soleil avalé la veille. Je m’assied, hostile à présent à l’idée de me rendormir. Je ne suis pas fatigué, et au contraire, je me sens investi d’une inépuisable énergie.

Le camp que nous avons monté s’offre alors à mon regard. Les corps allongés et emmitouflés sont répartis de part et d’autre du feu, qui crépite de contentement, mordant et brisant une bûche fraîchement disposée là par celui ou celle dont c’est le tour de veiller sur les autres. Les respirations résonnent dans le petit vent comme autant d’âmes animées par les rêves, jouant avec les effluves du sommeil généreux et les volutes âcres et blanchâtres du feu. Ce moment est unique, pour rien au monde je ne voudrais m’en priver, tant il est empreint de plénitude. Mélange de solitude et de société, teintée des couleurs de la fraternité saine qui lie tous ces gens endormis, et dont l’entraide semble se développer jusque dans le sommeil, la scène me ravit par sa calme sérénité.

Ils ont de la chance. Ils sont ensemble cette nuit, et ils le seront longtemps encore. Ce n’est malheureusement pas mon cas, mais je ne me plains pas, car je me sais incapable d’adhérer à cette communauté. Alors je me contente de veiller sur elle, avec le vague espoir d’avoir un jour l’occasion de me sacrifier pour la voir survivre. Ils ne s’en rendent pas compte, mais c’est mieux ainsi : on a l’esprit libre que lorsque l’on ne sait pas qu’on a droit à l’erreur ; Le simple fait de penser qu’on pourrait se tromper fait douter, et l’échec vient presque naturellement.

De l’autre coté du foyer, déformée par la chaleur émanant du bois consumé, je distingue une silhouette. Elle est assise sur le tas de bûches, et les langues du feu de reflètent dans ses yeux et sur les fines lamelles de son armure. Elle me regarde, elle est bien éveillée. C’est elle, pour le moment, notre ange gardien. Et quel ange...

Je me lève, sans précipitations, m’emmitoufle dans ma cape, à présent soumis au désormais habituel froid engourdissant du réveil en pleine nature. Je contourne le feu, et viens m’asseoir à coté d’elle. Son regard m’a suivi, mais elle fixe à nouveau les cabrioles des flammes dans le foyer ardent. Je regarde dans un instant d’éternité son profil parfait, la commissure de ses lèvres, les courbes élégantes et subtiles de ses cheveux, m’interdisant de les toucher, malgré mon désir. Les flammes me semblent alors un centre d’intérêt bien moins dangereux ; nos regards suivent alors le même chemin.

Quelques minutes, échappées dans le temps, nous lie encore... Enfin, un soupir ponctue le début de mon chuchotement, et je suis un instant surpris par la douceur déterminée de ma voix.


« J’ai longtemps pensé avoir quelque chose à faire. Une chose dont je n’ai jamais rien su, et dont je n’ai jamais deviné la moindre piste. C’est pour cette prétendue destinée que je me suis exilé, que je vous ai rejoint et, finalement, que je me suis égaré. J’ai le sentiment, à présent, de m’être tellement détaché de la route que je ne la distingue plus. Aussi je n’ai plus ma place ici, comme je n’ai plus ma place nulle part.
– Ne dis pas cela... Je mets mon doigt devant mes lèvres, demandant le silence, et l’obtenant. Le ton de mon discours suffit à montrer qu'une décision a été pesée, et prise.
– Pardonne-moi, belle ange, et demandes-leur d’en faire autant, au petit matin, quand ils se réveilleront. »

Je me lève prudemment, et me dirige vers mes affaires, préparées la veille. Simplement un sac en toile épaisse, mon armure, et quelques armes riches de souvenirs sanglants. Je me retourne une dernière fois, pour saisir l’espace d’un instant, à travers les volutes opaque et déformantes, les scintillements de deux yeux trop humides, qui se baissent et se ferment. Rapidement, les cliquetis de métal et les craquements de mes pas rompant les branches mortes couvrent les crépitements du feu, qui finissent par disparaître. Ca y est ; je suis parti. Un autre monde m’appelle, bien différent de celui que je m’étais, il y a fort longtemps, destiné. Ce n’est que lorsque quelques heures se sont passées que je décide de faire halte. La distance qui me sépare de mes si chers compagnons est suffisante, il est désormais vain d’essayer de les rattraper.

Ceux qui m’appelaient le Faucon de Mai se souviendront de moi, c’est mon intime conviction. Et, en retour, jamais ils ne quitteront ma mémoire. Mais il est temps pour moi d’affronter mon destin, seul dans l’arène. Nul doute que le combat sera fatal à celui qui faiblira le premier, et je sais de qui il s'agira. Mais, après tout, n’est-il pas toujours plus beau de lutter en désespoir de cause ?



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