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Aurora .

Par Rainn le 1/12/2002 à 17:53:59 (#2686712)


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« Expliquez-moi .. »

**Rideau**

Me voilà revenu au tout début , aux prémices de l’histoire , dans ce grand jardin vide , oublié de la civilisation .. l’étendue morte . Ici , combien de sang ai-je versé , combien de fois ai-je lancé mon ancien couteau , avec l’espoir secret qu’une rafale du vent sec qui souffle ici le ferait se retourner contre moi . Je voulais tuer le vent pour vider ma haine ..

Bêtises de jeunesse …

La nature semble épuisée , plus rien ne tient debout . Nos anciens repères évanouis , la senteur magique de l’interdit mêlée de l’odeur si particulière de la ruine .
J’ai beaucoup marché , les larmes que j’essayais en vain de retenir estompaient l’horizon . Je ne sais pas , à vrai dire , pourquoi je suis revenu ici , pourquoi j’ai interrompu une journée tellement bien partie .. Il y aura Manon à aller chercher à la garderie à six heures , et je suis persuadé que ma mère n’y pensera jamais , ou que si jamais par l’opération du saint-esprit elle s’en rappelait , elle n’oublierait sans doute pas , en revanche , de me faire la morale « Joël .. tu es vraiment incapable , et irresponsable , avec ça ! Je n’aurais jamais du te laisser mener les études que tu as choisi , regarde-toi ! » , enfin ce genre de choses ...

J’hésite à avancer encore .. je me demande si ce n’est pas ma vie que je joue à chaque pas .
Un jour , broyé par le souvenir , comme les brins d’herbes fléchissent , sous mes pas hésitants . Je me sentirais presque ridicule , si je n’étais pas tant absorbé par le moment .

J’étais assis tranquillement , en pleine tentative de concentration devant la fenêtre , lorsque , par la magie de cette irrésistible attraction qui te fait lever la tête alors que tu es en train de trouver la solution-miracle-à-ton-problème , j’en ai subitement eu plus qu’assez , et j’ai levé les yeux .. Il pleuvait dehors , un léger crachin , et le ciel faisait la moue .

J’ai fait un rêve étrange , la nuit dernière ..
Comme un écho resurgi du fond des années , comme un fantôme qui venait me tapoter l’épaule , pour me rappeler qu’il existait , avec un sourire indéfinissable . Malgré la peur glacée qui courrait dans mes veines jusqu’à pétrifier ce sang impie , je me sentais irrésistiblement attiré , bien , serein , baigné de lumière , qui , même si elles étaient sinistres , restaient .. belles , à mes yeux .

Bref , j’ai levé les yeux , et .. quelque chose s’est passé , j’ai senti le centre de gravité de mon corps s’affoler et remonter en trombe vers ma gorge nouée . Tout se passe . L’univers et le monde prenaient forme en moi . Tout ça à cause d’un ciel d’automne qui m’avait fait réaliser que j’avais raté l’aurore de ma vie ..

Je crois qu’on peut appeler ça de l’amnésie . Je ne reconnaissais plus le ciel .
Ca paraît aberrant , dit comme ça , et ça le paraît plus encore lorsque ça arrive .

J’avais beau scruter l’horizon , je .. j’avais l’impression de n’avoir jamais vu le monde ainsi .

Les gens aiment beaucoup les chiffres **soupire** .. Pour vous figurer la situation , dîtes vous que , l’être humain , normalement , peut percevoir 24 images par secondes . J’avais l’impression , à cet instant , d’en recevoir le double . Tout bougeait , tout paraissait si mouvant , si complet , si pleinement vivant que je n’ai pu détacher mon regard de la voûte nuageuse pendant longtemps . J’ignore combien de temps je suis resté ainsi .
Je suis sorti , pour sentir le froid me prendre . J’ai demandé au voisin de conduire Manon à la crèche , si je n’étais pas revenu . J’aime beaucoup mes voisins , des gens charmants .

Je suis sorti , pour sentir le froid me prendre , pour sentir me sentir tressaillir, car c’est une des choses les plus élémentaires qui puisse nous rappeler que nous sommes vivants . Sentir un frisson tourbillonnant arracher mon corps exsangue à la tiédeur . Sentir le sang rougir mes joues . C’est une délectable impression .

J’étais comme pris dans un étau . Derrière-moi était établie mon existence , calme et paisible , sereine , avec ma fille chérie et mon chien primordial , dans une maison modeste mais respirant la quiétude . Mais cette vie brûlait elle aussi ses dernières heures de gloire . J’avais déjà tout perdu à la seconde ou mon regard s’est décroché de ce qu’il fixait . J’avais perdu la certitude savoir , celle de vouloir , et , plus important encore , celle d’être .

Et j’ai marché , les mains dans les poches et le regard aléatoire , rentré-en moi-même , me demandant si j’étais fatigué ou simplement givré . La tête rentrée dans les épaules , comme si j’avais une divine envie de me faire tout petit , pour disparaître , pour fermer mon âme à clé ‘Parti en vacances – Repassez plus tard’ . L’impression tenace que tout est inutile , dans un paysage à l’agonie .

Rapidement , j’ai atteint les limites du village ou je déverse ma vie goutte à goutte depuis quelques mois déjà . Jeans , pull et baskets , j’aurais pu trouver mieux pour un pèlerinage , mais je n’ai jamais eu l’esprit pratique . Alors que les habitations sombraient dans l’horizon , je n’ai pas réussi à retenir un cri , venu de mon enfance , le cri du gosse devant lequel on ouvre la porte de la cave , et dans laquelle , par le prodige de l’imagination , il voit déjà milles monstres et pièges prêts à le déchiqueter . La pluie tombait et .. et ne me mouillait pas .

Comment ne pas être mortifié lorsque même les larmes du ciel nous deviennent interdites ?

Je suis resté planté au moment où les ombres de l’après-midi d’automne se réveillaient , elles ont du se demander ce que je pouvais bien faire ici ..

J’entendais les feuilles frémir et jouer avec les perles liquides , avant de les laisser glisser vers le sol nu .. Je voyais les cieux striés des lignes transversales d’une averse qui allait bientôt se déchaîner , et surtout , j’essayais de ne pas perdre mes sens devant mon pull blanc qui restait indemne . J’aurais tant voulu que la foudre m’emporte où que l’orage me noie , à ce moment ..

J’aurais sans doute du faire marche arrière , mais finalement , mes pas m’ont guidé ici .

Au tout début , aux prémices de l’histoire .

A l’endroit ou je réalise que je suis tout autant centre du monde qu’une infime goutte de rosée .

Je me suis assis , au milieu de ce champ désert , éloigné de toute habitation depuis des évènements datant de quelques années ..

Une bande de jeunes avait mis le feu à plusieurs reprises à cette terre qui restait , de toutes façons inintéressante . Je me rappelle du craquement des allumettes . Je me rappelle de l’agonie de la flore .. Je me rappelle de la folie meurtrière qui me prenait alors . Ou de la folie tout court .. J’avais envie de me joindre aux flammes , de sauter dans le brasier pour qu’il m’emporte en Enfer , pour me libérer d’un corps dans un torrent de hargne .

Voilà où ça conduit d’être un gosse un peu perturbé et pas aidé par la vie ..

Mes compagnons étaient plus cinglés encore que moi .. je ne les ai jamais revus , et je pense que c’est une des meilleures choses qui n’ait jamais pu m’arriver .
Mais le souvenir reste . Plus rien n’est comme avant , dans mon esprit . Tout se bouscule , les idées s’entrechoquent et je ne vois plus que du sang , du sang et des cris . Je sais qu’il s’agit d’hallucinations . Tant que je le saurai , rien ne pourra m’arriver , je suis en sécurité dans la grotte de la certitude . Mais pourtant .. j’ai peur , j’ai peur d’une peur indéfinissable , qui glace mes os , ou qui les brûle , je ne sais plus vraiment .

Aurora .

Mes yeux déraisonnent , j’ai l’impression qu’ils sont entraînés dans la frénésie . Je vois … je vois le monde défiler tellement vite , les orages et les saisons se succéder à une vitesse inimaginable , les jours morts-nés , les silhouettes traverser le théâtre , puis disparaître alors que d’autres arrivent , impossible de décrocher mon attention de ce spectacle d’apocalypse . Le feu embrase le ciel et l’espace , le bleu fatigué se décompose , tout les nuages , les oiseaux , le soleil qui brille quand ça lui chante disparaissent , il n’y a plus que l’ombre et le feu ..

Je ferme les hublots…

Dans mon esprit , alors que mes paupières se murent , j’en vois deux autres s’ouvrir . Blanches comme l’aube et tout aussi douces . Braquées jusqu’à mon âme , elles m’observent ..

« Tu as peur ? » . Je me sens plonger jusqu’au fond de moi même , jusqu’au fond du monde , au fond de la vie .

Je comprends que j’ai perdu la raison , que j’ai franchi un point après lequel il n’y a plus de retour .

Encore hésitant , je tente de m’ouvrir à nouveau à l’absurde cataclysme qui m’entoure .
A ce moment , mes yeux se sont tellement ouverts que le ciel entier aurait pu y renter .. Là-haut , dans l’immensité de la nuit , une forme floue tremble . Electrique .

« Une nouvelle aurore se lève »

Le fantôme de ma renaissance . Un être d’éthers qui se glisse dans toutes mes paroles , dans tous mes gestes . Je vois cette silhouette pour la première fois , mais à chacun de ses mouvements , je la sens plus encore rattachée à moi . Plus encore en moi . Elle remonte le delta de mes souvenirs , en infiltre les moindres ramifications . Je vois ce fantôme .

J’ai crié de toutes mes forces , dans le néant . J’ai crié , pas pour que quelqu’un vienne me chercher , mais .. pour que ce spectre m’emmène avec lui .

« Ne pars pas … »
J’ai fermé les yeux à nouveau , pour percer l’écran de mes pensées , pour me noyer dans le sang .

J’ai baissé la tête .

Il est ici , je le sais , il est en moi . Nous vivrons ensemble à présent , je sais que tu me cherches depuis des années , n’est-ce pas ? Maintenant nous sommes réunis , ici ou j’ai tant écorché les murs de ma raison . Ici , dans ce champ ou j’ai utilisé ce que l’on a coutume d’appeler la « magie des invocations » . Je sais que tu es là .. tu ne me réponds pas . Tu n’es pas comme les autres , le ciel continue à se consumer , bientôt plus rien n’existera , je viens avec toi , j’arrive , attends-moi !

…

« -Maryse …
-Oui Manon ?
-Pourquoi il est mort , Papa ?

-Pourquoi Maryse ?!
-Il … il est parti retrouver d’anciens amis , ma chérie .
-Mais … il nous a abandonnées ?
-Non ma chérie , parce qu’il est toujours près de nous . Il nous regarde , il nous conseille , dans nos cœurs , tu sais ..
…

-Madame ?
-Attends-moi Manon , je reviens .
-Êtes-vous en état d’identifier le corps ?
-Je suppose que oui .. allons-y ..

-Je dois vous prévenir que sa mort a été .. très étrange .. et que nous l’avons retrouvé dans un état assez effrayant .

**La porte s’ouvre , dans la lumière blanche . Le jour se lève à peine Une nouvelle aurore . Sur le lit est étendu …**

-Oh mon dieu …

**Rideau**

Aurora .
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