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Histoire longue: la Rencontre.

Par Kyriane Feals le 30/11/2002 à 14:38:34 (#2679540)

[La jeune fille - I]

Au fond d'un lit moelleux, un femme s'éveille à cette magnifique journée ensevelie sous une neige si blanche qu'elle incarne la pureté dans ce qu'il y a de plus absolue en elle. Arbres et maisons sont habillés de leur manteau d'hiver que les dieux, dans leur clémence, ont daigné leur proposer et qu'ils ont bien vite accepté.

A travers la vitre, les flocons tombaient doucement, véritables ballets aériens, où les couples éphémères se croisaient pour le plus grand plaisir de celle qui sortait de sa torpeur, engoncée dans ses couvertures. Dehors il faisait froid, mais ici la chaleur était encore omniprésente. Le feu dans l'âtre venait de mourir il y a une heure à peine et les volutes de fumée acquiesçaient encore de la relative importance qu'il avait pris pendant la nuit.


- Sysielle!

La voix, teintée d'une douceur maternelle indéniable, résonna dans toute la maisonnée et parvint enfin aux oreilles de la principale intéressée, qui daigna enfin muer à un immobilisme fortuit un mouvement léger de tout son corps, s'étirant à grand peine. Force était de constater que le ciel n'avait pas encore tout à fait quitté son linceul de nuit et qu'une flegme coutumière s'était emparée de la dénommée Sysielle, qui peinait à quitter ses couvertures protectrices.

(A suivre... demain).

Par Ame Sombre le 30/11/2002 à 16:08:19 (#2680058)

Nan mais Kyriane... entre un post trèèès long et un post tout riquiqui y a une différence... C cruel là... :sanglote:

Par Kyriane Feals le 1/12/2002 à 15:29:31 (#2685831)

[Le vieil homme - I]

Il n'en était rien pourtant pour ce vieil homme. Autre lieu, une salle commune regroupant le salon, la cuisine et la chambre, pièce unique mais admirablement agencée en un douillet chez-soi qu'il couvait de sa bienveillante protection. Assis sur un banc fabriqué dans un bois massif, il faisait face à une de ces assiettes de soupe dont il avait le secret. Il mange par petite lampée ce chaud bouillon qui le revigore un peu. Loin d'être frileux, il n'en avait jamais eu le droit de toute manière, il n'empêchait qu'il régnait ici un froid presque polaire. Non pas que cela l'incitait à allumer un feu, il n'avait pas de quoi gâcher ce qu'il avait pu ramener durant la bonne saison, bois précieux qu'il gardait pour les soirs, assis dans son fauteuil, une bonne pipe dans la bouche à observer ce feu si avide de combustibles qu'il s'en goinfrerait si l'on y prenait pas garde. Au fond il n'était qu'un animal sauvage, songeait-il lors de ces rares moments de paix et de solitude qu'il affectionnait mais qui se révélaient trop peu à son goût.

Son nom signifiait promptitude dans un langage si ancien qu'il s'était perdu avec les siècles. Pourtant, en le regardant se mouvoir, on se doutait qu'il ne signifiait plus rien pour Drécir que la vie quittait peu à peu, le rejetant en marge d'une société qui n'acceptait pas que la vieillesse vous gagne. Etre inutile, voilà bien la chose qui le faisait rager, plus que toute autre... Devant son assiette, il observait le liquide brun onduler à chaque mouvement de sa cuillère. Un jour, si on le lui permettait, il percerait ce secret que bien des sages souhaiteraient percer... il rencontrerait la Mort et l'affrontera pour perdre la tête haute et remplie de tous ces souvenirs qui ne le quitteraient pas. Sa femme était déjà parti il y a si longtemps. Erinia devait avoir retrouvé le sourire qu'elle avait laissé de côté les longs mois où sa maladie l'avait affaiblie au point de la clouer dans un lit qu'elle aurait pourtant voulu quitter. Filnalement il était devenu celui de la fin d'une existence voué eaux autres... ses enfants d'abord, puis à lui, son mari qu'elle avait aimé au moins autant que lui avait pu l'aimer.

Ranimer d'aussi ternes souvenirs fit perler une larme le long de sa joue aussi ridée que son front. Elle se perdit dans les vallées et les montagnes que sa peau plissée formait sur son visage puis réapparut dans son cou pour imprégner le col de son veston. A la longue, pourtant, il s'était fait à cette sinistre disparition qui l'avait laissé seul, se morfondant des jours entier au fond de son lit. La vie avait repris le dessus, mais il ne pouvait s'empêcher d'y repenser parfois, lorsque, à des moments comme celui qu'il était en train de vivre, il restait immobile, face à cette fenêtre qui donnait sur un monde qu'il répugnait à visiter de nouveau.


(A suivre... demain)

Par Pere fouettard le 1/12/2002 à 15:33:37 (#2685865)

(cette police en italique fait trop mal aux yeux, ça donne meme pas envie de lire :( .... Appel a tous les rpiste, stop da police par pitié )

Par Kyriane Feals le 2/12/2002 à 1:39:29 (#2690177)

[La jeune fille - II]

Pour elle, cela n'avait jamais été un problème de sortir au dehors. Fuir sa famille un tantinet encombrante lui paraissait aussi vitale que de manger pour son équilibre mental. Seule sa mère avait la justesse de la laisser vaquer à ses occupations sans l'étouffer. Elle avait pourtant dix-sept ans et savait manier épée et arc d'une manière que son maître d'armes qualifiait d'époustouflante. Et pourtant, son père refusait de lui faire confiance. Ses frères n'avaient pas ce problème. Même Othiam, de trois ans son cadet, avait le droit d'aller à la chasse aux antilopes avec lui. Au fond elle ne comprendrait jamais son père.

Elle se leva, soufflant son désespoir au monde qui l'ignorait ou ne connaissait d'elle qu'une infime partie. Elle n'avait pas d'amis, enfin, pas de véritables amis, ceux prêts à s'engager en leur nom pour l'aider si jamais elle s'était retrouvée dans une situation trop rocambolesque pour les autres, qui la soutiendraient dans ses entreprises, sa propre famille se refusant à le faire, qui lui remonterait un moral au plus bas avec leurs conseils... Que ne donnerait-elle pas pour un seul de ces amis? Sa fortune, sa vie, son âme? Ou son absence d'âme, plutôt. Elle qui avait été muselée pendant son enfance, bornée aux tâches que sa mère endurait depuis tant d'années déjà, n'avait vu son salut que grâce à son maître d'armes, personne qui se rapprochait le plus de l'ami qu'elle voulait. Mais il était déjà si vieux et peu à-même de la comprendre. Tollum lui avait appris ce qu'étaient les armes avant même que son père ne s'en rende compte et lorsqu'il avait découvert la chose, le mal était fait. Elle était même devenue meilleur que lui dans ses armes de prédilections. Il avait donc accepté de mauvaise grâce cet état de fait, non sans avoir renvoyé Tollum au passage, ce qui avait rendu Sysielle encore plus amère et furieuse envers son propre père.

Elle l'avait alors haï, détesté, puis elle l'ignora, et vivait désormais sans lui adresser la parole, au risque de perdre tout ce que beaucoup considérait comme une véritable aubaine. Il était aujourd'hui devenu Alarc, une personne étrangère à toute cette maisonnée, au grand dam de sa mère, qui s'était réfugiée dans les pleurs en apprenant ce que sa propre fille avait établi consciemment. Lorsqu'elle s'était enfin remise, elle avait accepté ce fait comme à son habitude. Elle acceptait tout, même d'un mari jaloux, possessif, qui attachait plus d'importance à ses petites affaires qu'à sa famille. Elle l'aimait peut-être mais cela ne l'excusait pas, malgré tout.

Qui était-elle, pour conférer à l'encontre de sa mère, de pareilles pensées? Juste une jeune fille de dix-sept ans un peu plus consciente qu'une femme de vingt ans son aînée de ce qu'il y avait hors des murs de la citadelle de pierre que son mari lui avait construite et qui lui servait de maison. Mais tout n'était pas perdu et, un jour, la vie la prendrait enfin sous ses ailes et l'emmènerait loin de tout cela, à moins que Sysielle ne prenne les devants et le fasse. Mais pour l'instant, elle posait ses marques hors du territoire ennemi, où l'on ne vous jugeait pas pour ce que vous valiez, mais plutôt pour ce que vous étiez. Et elle se sentait enfin chez elle. Derrière les vitres de sa haute fenêtre, l'attendait une autre existence, une autre fin que celle à laquelle la destinait Alarc, faite d'expériences inédites, d'aventures propices aux rencontres et d'un sauvetage de son âme détenue par les serres avides de son géniteur...


(A suivre... plus tard).

Par Kyriane Feals le 2/12/2002 à 8:02:46 (#2690780)

[Le vieil homme - II]

Les carreaux de la vitre étaient saupoudrés d'une fine pellicule de neige qui la rendait plus lumineuse sous les rayons d'un soleil levant. Lentement, Drécir détourna ses yeux rougis et les posa sur la table. Une assiette vide se présentait maintenant en face de lui et il se leva pour la laver soigneusement avant de la ranger à sa place habituelle qu'elle n'avait pas quitté depuis des années. A l'emporter, il constata la couche de poussière qui s'accumulait subrepticement sur les étagères, signes d'un laisse-aller qu'il ne parvenait pas à contrarier depuis que sa femme était morte. Les ombres jouaient un cache-cache bien triste, tandis que Drécir marchait pesamment dans toute la maison, arrangeant ses couvertures, faisant de rapides ablutions, nourrissant la petite ménagerie qui cohabitait harmonieusement avec lui...

Dans leurs yeux il croyait voir une reconnaissance bien sympathique, cette lueur de remerciement en échange de la nourriture qu'il leur donnait aux creux de ses mains. Mais avaient-ils seulement la moindre conscience pour ressentir des émotions comparables aux êtres humains et autres races intelligentes d'Althéa? Drécir l'ignorait mais tandis que l'un de ses deux lapins grignotait avidement l'herbe qu'il lui tendait, il ne doutait pas qu'ils méritaient cette attention que le vieil homme leur accordait. Il avait plus de respect pour ces quelques animaux que pour l'humanité toute entière. Eux au moins ne l'admonestaient pas à chacune de ses apparitions, ni ne parlaient dans son dos lorsqu'il restait cloîtré chez lui. Tout était si simple du temps de son Irinia. Ses membres usés regrettaient un passé fait de chasses et de combats aux côtés de sa femme, tous deux armés des épées qui maintenant reposaient au fond d'un grenier où il ne mettait jamais les pieds.

Que de choses il y trouverait néanmoins s'il osait. Mais le poids des rêves non réalisés était trop lourd pour ses épaules désormais affaissées. Les noires ténèbres de la mort se faisaient sentir dans son esprit et dans ses os. Elles approchaient imperceptiblement chaque jour que les dieux faisaient, avides de goûter à sa chair pourtant asséchée par les ans, scrutant le moindre de ses déplacements afin d'attendre le moment le plus propice pour surgir et l'assaillir de toutes leurs forces. Il y a un moment pour tout dans la vie, se disait Drécir dans ses rares pensées philosophiques: un moment pour apprendre, un pour s'amuser, un pour profiter, un pour accepter et un pour subir. Au fond la vie n'était rythmée que par ces incessants flots de contradictions qui, malgré tout, continuaient à suivre ce chemin logique qui menait à la fin de tout. Alors que de sombres idées parvenaient à se frayer une route vers l'insondable puits de son cerveau, le vieil homme s'activait pour une brève percée matinale jusqu'au petit cimetière, lieu de repos éternel de celle qui avait compté pour lui plus que n'importe qui sur ces terres.


(A suivre... ce soir).

Par Iwakura Shin OS le 2/12/2002 à 10:02:15 (#2691239)

:lit:

*attend la suite avec impatience*

Par Kyriane Feals le 2/12/2002 à 21:32:49 (#2696852)

[La jeune fille - III]

Un petit déjeuner frugal attendait Sysielle sur une table de belle facture, rehaussé de plaques dorées sur lesquelles étaient gravées de magnifiques dessins représentants divers fruits: pommes, poires et raisins formaient un ballet goûteux qu'un artiste épris d'une imagination débordante croquerait à dents pleines. Sa gouvernante, une petite femme au teint rougeaud, l'avait accueillie dès sa sortie du lit afin de l'aider pour sa toilette et son habillage, chose que la jeune fille avait coutume de tenter d'éviter en s'enfermant soigneusement afin de se soustraire au regard suspicieux qu'elle ne manquait jamais de lancer à son encontre. Qu'elles ne s'aimaient pas était connu de tous ici, mais Mirthen avait élevé trois générations de ses ancêtres avant elle et comptait en élever une quatrième avant sa mort. Sysielle s'était toujours demandé comme elle faisait encore pour courir malgré son âge avancé. En cela, la gouvernante répondait invariablement: "C'est l'abstinence. Regardes tes aïeuls, à trop procréer elles s'en sont allées". Ce sur quoi elle affichait l'un de ses sourires qui ferait frémir tout être maléfique doté d'une capacité d'appréhension, même d'un degré infime.

Engloutir sans mastiquer, ça Sysielle savait très bien le faire, non pas qu'elle soit particulièrement pressée, mais elle ne voulait à aucun prix attirer l'attention de son père. Alarc le savait et l'ignorait de toute manière. Elle avait assez sangloté, toute seule au fond de son lit, maudissant les dieux d'avoir une famille si peu intéressée par son cas, pour laisser derrière elle toutes ces journées passées auprès de sa mère, reclus dans un salon trop grand pour la petite fille qu'elle était alors. Les fantômes d'un passé qui débordait restaient pourtant ancrés à son esprit, comme attachés à elle par des cordes qu'elle ne parvenait pas à sectionner. Gris était son avenir, comme l'avait été son enfance et comme l'était sa vie. Les auspices n'avaient pas du se pencher sur son berceau lorsqu'elle étaient encore nouveau-né. Mais où était cette bonne étoile que bien des aventuriers appelaient sous le couvert de superstitions aussi vieilles que pouvait l'être sa gouvernante. L'image d'un corbeau déplumé passa fugitivement dans ses pensées à l'évocation de la sinistre femme, ce qui la fit esquisser un sourire.


- Ainsi donc, Mademoiselle semble bien joyeuse ce matin. Cependant, elle n'a aucune raison de l'être.

Derrière elle, la voix geignarde de Mirthen résonna dans ses oreilles comme une alarme qui effaça instantanément la gaieté qui illuminait son visage à peine une seconde auparavant. Ce ton précieux n'allait point avec ce nez ridé, ces doigts semblables à des serres prêtes à déchiqueter quiconque oserait contredire une seule de ses affirmations, ces habits démodés au possible et tous ces bijoux qui ne faisaient que desservir ce qu'elle tentait vainement de mettre en beauté.

- Et pourquoi ne devrais-je pas l'être? Vous ne pouvez me l'interdire, cela.

Sysielle se leva et domina de toute sa taille la vieille femme voûtée. Elle eut ce sourire méprisant qu'elle ne réservait que pour elle, ce qui fit naître les flammes d'une sourde colère dans les yeux de Mirthen.

- Croyez-vous? Si je le voulais, vous resteriez dans votre chambre pour au moins six mois.

- Mais jamais vous ne feriez cela, car vous savez que je ne ferais que vous rendre la vie plus impossible que je le ne fais déjà... n'est-ce pas?

- Si votre mère s'était comporté ainsi...

- Je ne suis pas ma mère, pas plus que vous ne l'êtes pour moi. Alors veuillez me pardonner, mais j'ai un travail à effectuer.

- Encore ce poste de messagère. Vous vous abaissez à de bien viles tâches pour lesquelles vous ne devriez même pas porter une quelconque attention.

- Pour sûr, vous n'avez jamais quitté cette demeure depuis que vous l'avez intégré. Peut-être devriez-vous sortir plus souvent...

- Votre insolence n'atteindra pas le but recherché, croyez-en une personne qui en a vu plus que vous n'en verrez jamais, Mademoiselle.

Sans répondre, Sysielle laissa Mirthen à ses élucubrations. Elle aurait voulu lui dire ses quatre vérités mais ce n'était ni le lieu, ni le moment. La jeune fille parierait tout ce qu'elle possédait que la pauvre femme l'enviait, car quiconque aurait été plus loin que la propriété serait à même de prétendre connaître plus le monde qu'elle. S'évader loin de tout ce qui l'oppressait, voilà ce qui la motivait dans ce travail qu'une personne daignant enfin se rendre compte qu'elle existait pour autre chose qu'exister lui avait permit de faire. Bien sûr elle ne se bornait qu'à livrer des messages de part et d'autre de la ville mais cela valait plus à ses yeux que le moindre geste qu'aurait pu faire son père, Alarc, à ses yeux. Sortant sous un tapis de nuages aussi gris qu'il pouvait l'être, elle finit d'enfiler sa tunique de fourrure avant de se jeter à corps perdu parmi ces flocons avec qui elle sembla danser...

(A suivre... plus tard ou demain).

Par Kyriane Feals le 4/12/2002 à 0:01:14 (#2706153)

[Le vieil homme - III]

Sur le pas de la porte, un doute ombragea Drécir alors que deux passantes anonymes le dévisageaient, un air contrit sur la figure qui leur donnait un air de diablesse toute droit sortie de sa boîte et qui riait sous cape de la frayeur dont elle venait d'affecter son malheureux dépositaire. Se détournant de ces deux antipathiques femmes, il se redressa tant qu'il put et resserra son long manteau doublé, profitant d'une légère accalmie du vent pour ne point arriver transi de froid au cimetière. Que dirait Irinia si elle le voyait arriver aussi penaud qu'un chien abandonné, le visage rougi, le nez parsemé de cristaux de givre, grelottant parmi les tombes, un bouquet de fleur entre des mains glacées... Drécir avait pour habitude d'aller lui rendre visite en ce jour précis chaque semaine et, réglé comme pouvait l'être la course du soleil, jamais il ne dérogerait à cette sacro-sainte promenade dominicale, qu'il pleuve ou qu'il vente. Mais il souhaitait tout de même être présentable face à Irinia.

C'est pour cela qu'il avait enfilé son habit le moins élimé qui était impeccablement rangé dans un coin de son armoire, mis ses plus belles bottines qu'il avait rembourré d'une double paires de grosses chaussettes en laine, mais mais il avait caché le tout sous son lourd manteau car le temps ne l'avait point incité à se départir d'une protection dont sa santé fragile ne pouvait occulter sciemment. Il ne tenait pas à tomber sous les assauts pervers d'un lancinant virus. Même s'il s'agissait d'un banal rhume, il pouvait aisément dégénérer pour doucement l'affaiblir et finalement avoir raison de lui. Il ne souhaitait pas rejoindre sa femme en franchissant le même porte qu'elle. Où qu'aillent le morts, il espérait les rejoindre auréolé d'une gloire qui le suivrait jusque là-bas. Non pas qu'il reprochait à Irinia de s'être laissée aller, mais il avait alors maudit les dieux de ne pas s'être penché sur elle et de lui offrir une mort plus digne. Certaines paroles qui maintenant prenaient tout leur sens lui revinrent en mémoire, celles parlant de la mort l'épée à la main, acte héroïque s'il en fallait un.

Mais Drécir n'aurait plus la force d'en soulever une et encore moins la dextérité pour la manier. Lui qui pourtant avait fait maints combats et mené bien des hommes à la victoire ou à la mort, n'avait plus que son passé à ressasser, oscillant entre l'or de son armure et le pourpre du sang de tous ses ennemis abattus. Face à ce miroir qui lui renvoyait une image érodée par les années d'incertitude qui avaient suivi le départ prématuré d'un fils qu'il a à peine connu, il n'était plus que l'ombre d'un homme jadis fier et preux chevalier au service du Roy, qu'il avait alors suivi aveuglément, sans jamais remettre en cause le moindre de ses jugements, discipliné au point d'avoir failli perdre toutes traces d'une pitié pourtant si salvatrice. L'enlèvement de son fils n'arrangea en rien la chose et, lui et Irinia, se réfugièrent alors dans leurs missions, ne trouvant que cet exutoire pour faire sortir le trop plein d'une rage qui demeurait sourde aux imprécations de leurs esprits. Leurs épées n'étaient que les instruments choisis par cette rage pour s'exprimer dans la mort et le sang, deux conditions sinéquanones pour leur rédemption, qu'ils connurent bien assez tôt sous la forme d'un homme... une unique entité qui demeurera pour Drécir son sauveur et celui de sa femme, les empêchant de devenir les bêtes que le destin leur promettait de rejoindre.

Le chemin pavé de pierre ressemblait étrangement à celui qu'ils parcouraient en ces temps anciens où tout était si différents. Au loin se dessinait les grille du site funéraire qui rassemblait tous les ancêtres des habitants des villes et villages environnants et occasionnellement des morts-vivants que l'on croisait une fois la nuit tombée. Un rai de lumière filtra à travers les nuages, baignant les lieux d'une clarté diffuse qui donnaient au cimetière une aura de pureté que Drécir savait factice. La mort n'était point un symbole pour représenter justement cette sainteté qu'un moment pareil faisait inévitablement ressentir. D'un pas traînant, écartant au passage la couche de neige qui s'était amoncelée, il marcha vers le promontoire sur lequel le cimetière se trouvait.


(A suivre... demain)

Par TitPlume le 5/12/2002 à 3:04:10 (#2714151)

:lit: :amour: :merci:

Par Kyriane Feals le 5/12/2002 à 16:47:44 (#2717824)

[La jeune fille - IV]

Un bâtiment de pierres blanches se dressait au bout de la rue vers lequel Sysielle avançait à grandes enjambées. Un flot incessant de gens entraient et sortaient par ses larges portes et elle observa avec détachement la pancarte clouée au-dessus. Ses lettres gravées ressortaient parmi les veines du bois et elle les lut distraitement: 'Les ailes de l'espoir - Messagerie'. C'était en partie pour ce nom si rêveur que Sysielle avait demandé à être intégrée dans l'équipe de ceux qui portaient les vélins aux quatre coins du Royaume, au grand dam de toute sa famille et de sa gouvernante, qu'elle prenait un malin plaisir à faire enrager. Elle n'aurait pas du, certes, mais elle n'avait jamais pu se satisfaire de l'avoir connue, cette vieille femme fourbe et retors, adepte des anciennes pratique qui avait court avant même la naissance de sa grand-mère. Quelles pouvaient bien être ses pensées alors que celle qu'elle devait élever ne prenait pas le sens qu'elle lui indiquait avec tant d'insistance? Sysielle ne préférait pas y penser...

C'était bien mieux comme cela, de toute manière. Elle préférait ignorer sa famille et tout ce qui y touchait de près ou de loin, tout comme elle le faisait à son encontre. Elle n'avait pas parlé à Alarc depuis des mois, pas plus qu'à ses frères, qui le suivaient où qu'il aille, s'abreuvant de paroles pourtant bien souvent ineptes. Qu'allaient-ils devenir? Des futurs Alarc? Elle préférait ne pas s'en soucier, même si cela lui faisait mal de les voir s'éloigner petit à petit d'une ligne de conduite qui avait été commune durant leur enfance. Mais que pouvait-elle y faire, elle qui n'arrivait déjà pas à la taille d'un homme qui contrôlait un château dans son entier et les terres alentours? Fuir? Althéa était si vaste qu'il existait bien des endroits où elle disparaîtrait sans laisser de traces. Mais c'était là une solution de facilité à laquelle elle ne souhaitait pas s'abandonner. Elle n'avait pas bravé les foudres de sa gouvernante, ni celles de sa mère, lorsqu'elle leur avait annoncé qu'elle avait ce travail soit-disant indigne de sa condition, pour partir maintenant, oubliée plus qu'elle ne l'était déjà...

La jeune femme brava la foule pour pénétrer dans le bâtiment. Un hall surpeuplé l'attendait, fier témoignage de temps anciens où l'architecture intérieure était souvent le fruit de l'imagination débridée d'artistes visionnaires. Il paraissait que la construction de cet endroit avait été entreprise le jour même de la fondation d'Ornham, et semblait donc aussi vieux et patiné que ce village. Le plafond haut était orné d'une fresque représentant deux factions d'êtres ailés livrant bataille dans une plaine, surmonté de deux gigantesques personnages auréolés d'une aura, noire ou blanche, qui semblaient les invectiver à plus de hargne dans leurs combats. Deux ou trois tableaux égayaient l'endroit, fixés de part et d'autre de la réception qui trônait, imperturbable, au centre de la pièce. Deux femmes accueillaient paisiblement toute personne requérant leurs servies pour les guider dans les méandres de la bureaucratie qui ne manquaient pas de détours. Sysielle ne connaissait pas toutes les démarches pour envoyer un de ces messages, mais elles avaient pris ici une telle importance que nombre d'anciens regrettaient encore le temps où un simple enfant hélé dans la rue parvenait à faire arriver à bon port, et ce pour quelques piécettes, une missive personnelle, un lettre officielle, un vélin romantique...

Le passé avait toujours besoin d'être regretté pour continuer à survivre dans nos têtes, se disait Sysielle tandis qu'elle passait parmi les rangées de bancs prévus pour l'attente des clients, pour se diriger vers une porte situé à la droite de la réception. Elle salua au passage Sonya et Eris, deux forts belles femmes qui toujours souriaient, ce qui avait pour habitude de réjouir et la clientèle, et les autres employés. Comment faisaient-elles? Sysielle aurait voulu connaître leur secret. Derrière la porte, elle fit face à un long couloir cerné de droite à gauche par des portes anonymes, toutes identiques, aucune inscription ne permettant de les différencier. Cela l'avait dérouté la première fois qu'elle s'était présenté mais maintenant elle s'y était habituée et connaissait les lieux par coeur. C'était la première qualité de tout bon messager que de reconnaître les endroits qu'il fréquentait, ainsi que les routes les plus propices pour arriver rapidement au destinataire de l'objet qu'il transportait. En cela, Sysielle ne se débrouillait pas mal, c'est du moins ce qu'elle se disait alors qu'elle ouvrait l'une des portes menant à son vestiaire. Par derrière, une forme sombre surgit et se jeta sur elle...


(A suivre... plus tard)

Par TitPlume le 6/12/2002 à 3:09:37 (#2721761)

Hop !

Par Kyriane Feals le 6/12/2002 à 4:17:57 (#2721844)

[Le vieil homme - IV]

Les allées se ressemblaient et les tombes s'alignaient en rangs parfaits et Drécir les observait d'un oeil sombre. Que cet endroit morbide n'inspire pas confiance, cela était normal, mais il y avait plus que cela dans le coeur du vieil homme. Parfois, une mausolée, véritable oeuvre d'art à elle toute seule, se détachait par mis les stèles. Certaines étaient agrémentées d'une statue grandeur nature de la personne enterrée là, d'une modeste construction, d'une réalisation plus élaborée, voire allégorique ou abstraite. Mais toutes ne signifiaient qu'une chose, que son bénéficiaire était riche et qu'il avait décidé de laisser une trace de son départ dans l'autre-monde. Peut-être n'était-ce pas plus mal, encore fallait-il en avoir les moyens et l'envie. Le chemin s'écarta des amas de tombes qui composaient le plus gros du cimetière et il devint égravillonné. Les pierres roulaient sous les pas traînant de Drécir qui ne faisaient aucun effort pour les soulever plus. Il pouvait bien profiter un minimum de ce que son âge lui permettait de faire. C'était plus par plaisir que par un manque de force qu'il préférait laisser glisser ses pieds plutôt que de les avancer en les levant assez haut pour ne pas se heurter aux petites pierres qui crissaient sous ses semelles. A quoi bon être vénérable si cela n'impliquait que de mauvais aspects.

Une petite montée et il y serait. Déjà, Drécir avait aperçu celui qui gardait scrupuleusement la sépulture de sa défunte Irinia. Eté comme hiver, de jour comme de nuit, le saule veillait sur sa femme comme il l'avait fait tant d'années auparavant. Il n'était pas bien grand mais la protégeait déjà du soleil excessif, comme de la pluie qui inondait cette terre sacrée. C'était comme si son fils perdu était toujours là et avait pris forme dans cet arbre majestueux. Non... cela ne se pouvait. Drécir secoua sa tête de dépit. Il savait très bien que leur fils les avait rejeté depuis fort longtemps et qu'il vivait sa vie quelque part, loin de lui et d'Irinia, qu'il avait méprisé pour leurs actes. Son pardon n'avait jamais été obtenu, malgré les supplications incessantes de sa femme pendant son inexorable descente vers les affres de la mort. Jamais il n'était venu et Drécir l'avait méprisé à son tour de devoir infliger une torture de plus à son épouse. Mais il ne put lui en vouloir plus de quelques jours car il le comprenait malgré tout et il espérait qu'Irinia, où qu'elle soit faisait de même. Un instant, il s'arrêta et se retourna pour contempler ce paysage qui avait recouvert son manteau blanc sans cesse parsemé de flocons qui tournoyaient dans un silence religieux. Les arbres croulaient sous cette masse solide et la neige tombait bien souvent sur les visiteurs s'évertuait à rester sous leurs branches, les uns cherchant leur chemin, les autres discutant... ce qui faisait bien rire Drécir lorsqu'il avait l'occasion d'assister à l'une de ces scènes.

En cette froide matinée, nul n'avait osé mettre le nez dehors, si ce n'était les quelques rares marchands, aventuriers et voyageurs, toujours en mouvement et ce malgré tous les désagréments que le temps pouvaient mettre en travers de leur route. Il était seul au milieu du cimetière. Même le fossoyeur semblait s'être désintéressé de son travail un moment pour rester chez lui, dans la maison qui, située près de la grille d'entrée, laissait échapper, par la cheminée, un mince filet de fumée grise qui se mêlait aux nuages. A peine s'était-il immiscé hors de son repaire pour ouvrir ce cimetière auquel il tenait tant, si l'on écoutait avec soin les propos qu'il tenait à son encontre. Drécir reprit sa marche vers la tombe et plus il en approchait, plus son coeur était pris dans un étau. Chaque fois qu'il effectuait ce pèlerinage, il ressentait cette même oppression qui l'affaiblissait à peine mais qui laissait dans son esprit une amertume sans nom et qui le vidait de toute son énergie. Il n'était plus qu'un vase à remplir, songeait-il dans un désespoir flagrant, mais qui, ébréché, ne pouvait l'être jamais. Et puis qui le voudrait. Même son unique enfant avait abandonné cet espoir. La pierre tombale se détachait de la blancheur immaculée environnante. Le saule faisait bien son travail et dessinait autour de la stèle un rond presque parfait où l'herbe jaunie était visible, si terne qu'elle en était déprimante, mais qui, néanmoins maintenait cet équilibre qui était nécessaire à Drécir pour ne pas sombrer.

Pour à peu, il pouvait voir sa femme flotter, tel un fantôme, au-dessus de sa propre tombe, le regardant avec ses yeux d'une douceur infinie. Elle avait conservé sa jeunesse et son armure vaporeuse lui dessinait une silhouette plus massive qu'elle ne l'était vraiment. Elle l'attendait, les bras le long de son corps, silencieuse. Drécir s'approcha et l'image disparut aussi soudainement qu'elle était survenue. Sa rétine lui jouait des tours, comme à chaque fois... Qu'attendait-il vraiment pour la rejoindre. Rien, mais il ne pouvait mettre fin à sa propre vie comme il a pu le faire avec celles d'autres. Disposer de sa propre vie se révélait bien plus dur qu'il n'y paraissait au premier abord. C'était peut-être là le vrai courage...? Drécir en doutait, mais il ne cessait jamais de se poser la question au fur et à mesure que le temps passait et qu'il était toujours là, à subir les foudres de cette existence dénuée de l'optimisme le plus primaire. Il s'agenouilla et pria. Qui? Il ne le savait guère, car n'étant pas particulièrement fervent, et que les dieux l'en pardonnent, il ignorait jusqu'aux noms de ceux qui avait créé ce monde.

Ses paroles prononcées à haute voix se perdirent donc dans le ciel et seraient entendus par qui le y prêterait une oreille compatissante.


- Où qu'elle soit, continuez à prendre soin de mon Irinia. Je vous le demande chaque semaine, mais c'est là tout ce que j'ai comme doléances. Pour moi, je ne souhaite rien de plus que ce quotidien qui insurgerait n'importe quelle autre personne, mais qui est ce que j'ai encore de plus précieux ici-bas. Là-haut, Irinia m'attend, dites-lui que je viendrais bientôt, mais pas avant d'avoir fini quelque chose dont j'ignore tout. Dites lui que je l'embrasse de toute mon âme et que je l'aime encore et pour toujours. Entendez-moi je vous en prie...

Durant ces imprécations teintées d'une tristesse palpable, Drécir avait fermé les yeux. Il les rouvrit sur un homme de haute stature, les cheveux grisonnants, qui était vêtu d'un manteau de fourrure gris, probablement que les loups n'y étaient pas étrangers, et de bottes du même acabit. Il observait Drécir d'un regard sévère, emplis d'une désapprobation qu'il ne tenait pas à cacher. A sa vue, le vieil homme pleura comme il n'avait jamais pleuré depuis la mort d'Irinia. De ses lèvres s'échappa un murmure.

- Felthan...

(A suivre... bientôt)

Par Kyriane Feals le 9/12/2002 à 15:22:05 (#2744282)

[La jeune fille - V]

De surprise, Sysielle failli tomber à la renverse.

- Sera! Tu m'as fait peur.

Une fille à peine plus petite que Sysielle se tenait face à elle, toute souriante de ce qu'elle avait engendré. Ses longs cheveux blonds contrastaient avec le noir de ceux de la jeune messagère. Ombre et lumière, deux filles unies par un destin commun et une amitié naissante, bien qu'encore à ses balbutiements. Elle ne considérait pas Sera comme une personne véritablement digne de confiance, mais l'estimait assez pour se préoccuper des ses attentes et de ses problèmes qui ne manquaient jamais de s'immiscer dans sa vie. Remplacer ses propres problèmes par les siens, ce n'était peut-être pas sain, mais cela lui permettait d'oublier, ne serait-ce que le temps d'une discussion, qu'elle aussi n'avait pas une vie rose. Sautillante, Sera regardait Sysielle avec des yeux empreint de malice.

- Avoues que tu ne m'as pas entendu arriver.

- J'étais perdue dans mes pensées. Si tu crois que tu es aussi discrète qu'un rôdeur, tu te trompes.

- Chaque chose en son temps. J'ai toute la vie devant moi.

Du haut de ses seize ans, un an de moins qu'elle, Sera était resté une enfant, même si, quelquefois, elle se montrait digne d'une maturité naissante. De toute manière, le monde ne permettait pas de conserver une innocence pourtant si sympathique. Ce n'était pas plus mal d'une certaine façon, mais perdre ses illusions d'une manière aussi soudaine comportait certains inconvénients notables dont le plus flagrant était l'inadaptabilité à se hisser à la portée de ceux ou celles qui avaient une plus grande expérience que vous. Les années passant, ce défaut devenait ridicule mais les premiers temps étaient toujours difficiles. A observer Sera dans ce couloir, prête à entrer dans le vestiaire pour se parer de l'uniforme des messagers des 'Ailes de l'Espoir', Sysielle pétillait d'envie d'avoir sa gaîté malgré les épreuves que la vie pouvait lui faire subir. Son coeur s'arrêta presque de battre à cette unique pensée, bouleversée par ce à quoi elle aspirait, tentant vainement de remonter du fond du gouffre dans lequel elle s'était jetée toute seule. Sera la précéda sans ajouter un mot et Sysielle la suivit dans la salle garnie de casiers de toutes sortes dans lesquels reposaient des piles de vêtements de laine. Les deux jeunes femmes s'arrêtèrent chacune devant celui qui leur avait été prêté et sortirent une tunique beige et marron frappée d'un sceau que tous connaissaient dans la région.

Un parchemin surmonté d'ailes, voilà une image qui trônait fièrement au niveau du coeur, symbole d'une maison fondée par Lanur Deissan, un barde itinérant devenu sédentaire suite à une rencontre qui a mal tourné. L'Histoire ne laissait trace de lui que par un portrait qui, affiché dans la salle de réunion, donnait la pleine mesure de ce qu'avait été Lanur du temps de son vivant. Le regard plein de vie, un long bouc qui tombait sur sa poitrine offerte aux regards, une tunique qui semblait aussi légère que de la soie, des bottes montant aux genoux, une rapière attachée à sa ceinture, l'homme arborait un sourire radieux face à celui qui en avait gardé toute l'essence. Sysielle s'en moquait un peu mais elle aurait quand même souhaité rencontré ce curieux personnage qui avait fait d'une guilde de messagers l'une des plus grandes autorités de ces contrées. Celui qui en était aujourd'hui la tête pensante avait une ascendance certaine sur les nobles des environs. Non pas qu'il ait un pouvoir officiel quelconque mais les 'Ailes de l'Espoir' avait acquis une telle notoriété et une telle influence qu'on ne pouvait guère passer sur son incessante présence dans de nombreuses villes et villages. Cela cassait un peu l'image que Sysielle s'en était faite mais les idées que véhiculaient la maison semblaient être restées malgré tout.

Sera était déjà prête tandis que Sysielle finissait de lacer ses bottines. Moment de calme avant les quelques heures de courses qui suivraient.


- J'espérais qu'il fasse moins froid aujourd'hui.

- Moi aussi, Sera, mais l'hiver attend bien sagement à la porte que l'automne veuille bien s'en aller.

- Il neige, c'est déjà cela. Nous n'aurons pas tout perdu.

- C'est si beau un paysage blanc.

- Oui. Et si amusant.

- On se retrouve après?

- Bien sûr. Il y aura les autres aussi.

- Qui cela?

- Nathir, Cénis, Auurani et Elina. Peut-être Nahl aussi, mais il ne sait encore s'il pourra se libérer. Etre le fils du boulanger est si astreignant.

- Ah. Tu as raison...

Le visage de Sysielle sombra quelque peu mais elle se reprit rapidement. Elle se leva en souriant et prit le chemin de la réception afin de s'enquérir de ses missions pour la journée. Sur ses pas, Sera la suivait dans un silence pesant qui fut bien vite remplacé par la cohue matinale des nombreux clients qui patientaient dans le hall et s'évertuaient à se chamailler entre eux et profiter des derniers potins de la veille. Sur le mur, les ombres paraissaient être animées d'une vie propre à qui le soleil donnait naissance placidement. N'était-ce pas elles les véritables créatures des dieux et n'étions-nous pas leurs pantins? Voilà l'étrange pensée qui traversa l'esprit de Sysielle au moment où elle allait s'adresser à l'une des deux réceptionnistes...

(A suivre... prochainement)

Par Kyriane Feals le 12/12/2002 à 2:01:12 (#2766558)

[Le vieil homme - V]

L'homme fit quelques pas en avant avant de se raviser. L'air était froid et sec et il remonta le col de son manteau, ce qui dissimula aux yeux de Drécir une partie de son visage. Cela n'affectait en rien ce qu'il avait décelé auparavant. Les yeux ne mentaient jamais sur l'identité d'une personne et Drécir n'avaient jamais oublié ces yeux-là. Lorsque le moment était venu, il y a tant d'années que les souvenirs s'estompaient, alors qu'il les quittait pour de multiples raisons, dont la principale était ces actes qu'Irinia et lui avaient commis au nom d'un Roy que lui-même refusait de suivre, son fils avait eu ce même regard qu'aujourd'hui, emplis d'une haine mêlée aux regrets d'une vie loin de sa famille. Drécir avait abandonné tout espoir de le revoir un jour, mais c'est pourtant lui qui se tenait là, devant lui, le remontrant silencieusement.

Felthan, son seul enfant, objet de tant d'attentions pendant le peu de temps où il l'avait eu sous sa garde, avait bien vieilli. Drécir se demandait ce qu'il avait pu vivre toutes ces longues années, ce qu'il était devenu et beaucoup d'autres choses le concernant. Ses pensées se bousculaient à l'intérieur de son crâne à l'évocation de toute cette vie manquée à laquelle il avait pensé chaque jour que les dieux avaient mis sous ses pas. Les flocons se remirent à tomber, laissant là l'accalmie qu'ils avaient laissé s'instaurer depuis quelques minutes. Le vent se remit à souffler et ébouriffait ses cheveux blancs et toujours agenouillé dans l'herbe, il sentait la morsure du froid dans ses jambes, traversant son pantalon. Les ombres n'étaient que des voiles opaques marquant le sol de leur empreinte volatile. Le temps était figé, un instant semblant durer des années. Et pourtant il filait, tout comme ces nuages gris qui parcouraient le monde à la recherche d'un trésor dont personne ne connaissait la véritable teneur mais que tous tenait pour utopique car, s'effilochant peu à peu, aucun d'entre eux ne parvenait à en déceler la moindre trace. Ce fut Felthan qui brisa un silence devenu pesant.


- Je pensais bien te voir ici aujourd'hui.

Son ton se faisait froid, glacial, comme s'il s'adressait à un subordonné plutôt qu'à son propre père.

- Relève-toi donc, tu vas mourir frigorifié sinon.

Felthan s'avança vers la tombe et baissa les yeux sur la stèle où il put lire ce qui était écrit: "A celle qui a toujours vécu pour ce en quoi elle croyait. A ma bien-aimée". Un corbeau poussa son cri au loin, soutenant la tristesse qui avait envahi le petit bout de terre sur lequel se tenaient les deux hommes.

- A ma bien aimée... Je vois que je n'ai pas à prendre part dans cette affaire.

- Que croyais-tu?

- Je croyais que tu changerais. Que tu te repentirais du mal que tu as causé. Que mon départ t'aurais aidé à comprendre ce qui n'aurait jamais du exister. Ta petite guerre que tu menais au nom du Roy...

- C'était celle de toute un Royaume.

- Tu resteras bien naïf, malgré ton âge. Et tu as entraîné beaucoup de monde dans ta naïveté. En premier lieu celle qui t'as tant aimé que pour toi, elle a fermé les yeux sur ses propres convictions.

- Si tu es revenu pour salir sa mémoire...

- La salir?! Au contraire, c'est pour la purifier que je me suis représenté à toi après toutes ces années. Tu n'a même pas eu conscience de tes propres échecs. Tu ne resteras qu'un faible malgré tous les actes pseudo-héroïque que ton passé te renvoie partiellement.

- Je t'ai tant espéré ces dernières années, mon fils...

- Ne m'appelle plus "ton" fils. Je ne le suis plus depuis si longtemps que même les dieux s'en souvienne qu'avec peine. Penses-tu pouvoir ignorer ces nombreuses années? Elles ne sont pourtant que le reflet de ta vie.

- Tant de paroles haïssables d'une seule et unique bouche, qui plus est celle de son unique enfant. J'ai fait bien des choses, mais pas si abominables qu'elles aient asséché un coeur pourtant si bien rempli autrefois.

- Jamais tu ne te mettras à la portée de ce que je fus jadis. Tu ne l'as même pas fait pour ta propre femme. Tu as toujours été égoïste, sans même t'en rendre compte.

- Je n'écouterais pas les remontrances d'un homme qui a laissé froidement ses parents.

- Erreur... Je t'ai laissé, toi. J'ai vu maman au moins une fois par semaine, en cachette.

- Tu mens! Comment oses-tu...?

- Tu étais tellement obnibulé par ta soit-disant mission qu tu ne pouvais regarder les choses en face. C'est toi qui a tué maman. Sa maladie s'appelait rancoeur et jamais tu n'as osé daigner remettre en doute tes sentiments à son égard.

- Cela suffit, Felthan! Comment peux-tu souiller ta mère sur le lieu même de son repos éternel?

- C'est justement le meilleur endroit pour te faire entendre ce qu tu as toujours nié. Ce n'est ni facile à dire, ni facile à entendre, mais je devais un jour t'en faire part, pour qu'avant ta disparition, tu fasses place nette dans ta vie.

Une vague d'indignation monta en Drécir. Se voir ainsi traité par un indigne fils, alors qu'il n'avait souhaité qu'une seule chose après la mort d'Irinia: le revoir avant de mourir, lui restait sur son coeur fragile. Ses épaules s'affaissèrent davantage sous le poids de ces révélations. Il réalisa soudain tout ce qu'il avait manqué, tout ce qui était passé à la portée de sa main mais qu'il avait laissé filer entre ses doigts sans même penser à serrer son poing. Il n'avait jamais pris part à un quelconque jeu avec Felthan, ni même avec Irinia. Il n'avait partagé avec eux qu'une partie de sa souffrance, de sa loyauté, sans jamais leur offrir autre chose que du sang. La vie d'un Capitaine Royal n'était pas de tout repos mais il en avait fait son existence, il avait voué une vie entière à une carrière qui lui avait pris son fils et, maintenant il l'apprenait de vive-voix, son Irinia.

Que lui restait-il sur cette terre à présent pour le retenir ici?


(A suivre... demain)

Par lana le 24/1/2003 à 19:57:51 (#3093592)

*plonge le bras pour piocher un livre de la bibliothèque*
*le trouve intéressant, lis le tome suivant*
*passionnée, chercher le tome suivant*

et bien ? :)

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