Un mendiant

Par Quisha le 26/11/2002 à 16:37:12 (#2648746)

Il ne tend plus la main, cela fait longtemps qu’il n’en a plus la force. Elle repose, comme inerte, sur le sol. Il fut un temps où il aurait levé la tête, tendant la main en espérant retirer quelque sous, c’était autrefois, avant. L’homme est maintenant recroquevillé, adossé à ce même mur, toujours, les jambes repliées sur lui. Sa peau est usée avant l’âge, il a ce visage fatigué, vieilli par le sort, le destin comme il l’appelle. Ses haillons trahissent sa condition de mendiant, voudrait-il seulement la cacher ? Ce ne sont que des lambeaux déchirés, en piteux état, qui ne tiennent que par miracle, d’anciens vêtements qui ont subi tous les outrages du temps, au point de ne plus ressembler à rien, si ce n’est ces formes dont la couleur ne saurait même être décrite comme grisâtre. L’odeur n’est pas en reste. Elle va de l’infect au répugnant, dans les meilleurs jours. Il n’a que la pluie et la rivière pour se laver, et la rivière est bien loin, trop loin pour se traîner jusqu’à elle. Il ira un autre jour. Les puces ne sont pas si gênantes. De ses yeux usés il contemple l’écuelle si mal remplie de ces deux malheureux sous qui semblent se noyer au fond. Un bien maigre butin, à peine de quoi négocier un peu de pain. Tant pis, ce ne sera pas la première fois qu’il ne mangera pas.

Devant lui, les jambes défilent, ces gens sans visages, autant d’inconnus qui ne s’arrêtent guère. Il n’est pas là, il n’est plus là. Il fut un temps pourtant, où il marchait avec eux, là haut, au-dessus de la fange qui est maintenant la sienne. Ce temps est révolu, lointain. Il l’a déjà oublié. De temps à autre, une paire s’arrête, et parfois même un tintement se fait entendre, et le ramène à la réalité. Il lève alors les yeux, tente d’esquisser un sourire qui révélera sa mâchoire édentée. Sourire, être aimable, c’est mieux pour lui, il le sait, on le lui a dit. Autrefois. Plus rarement, on tente de lui parler, d’autres ont même essayé de l’aider. Des paroles, des mots. Il sourit, il hoche la tête, mais il ne les voit pas. Non, là haut ce n’est plus pour lui. Il est déjà fatigué. Il en a assez.

Le temps est lourd, gris. Lui n’en a que faire, il attend, simplement. La journée se résume en quelques questions. Manger, dormir, il n’y a rien de bien exceptionnel. Peut-être changera-t-il de place, il commence à pleuvoir. Ou peut-être pas. Là-bas un éclair zèbre le ciel, illuminant un instant un ciel trop sombre. Lui cligne des yeux, la lumière lui fait mal. Et les gouttes tombent, une à une, s’égrenant sur sa peau. Il ne bougera pas, il est trop tard. Les épaules se voûtent encore davantage, il attendra que la pluie s’arrête, voilà tout. Tonnerre ! Il ne regarde plus ces arcs de lumière qui déchirent l’horizon, il est bien loin, ce ciel où tout semble possible, ce ciel qui s’étend plus loin que ne le portent ses yeux, là où les nuages trouvent retraite. Lui est en bas, là, avec la boue et l’eau qui ruisselle sur le sol.

La dernière goutte est tombée, lasse sur une flaque qui en résonne encore. Ses yeux suivent les cercles qui se forment, vivent et meurent sur la surface. Le calme revient. Il a froid, il devrait bouger, aller ailleurs, chercher un peu de chaleur, un feu. Oui, un feu lui ferait du bien, il pourrait sécher ses vêtements. Plus tard, il est las à présent. Il ira tout à l’heure…

A quoi bon ? L’heure du Jugement approche.

Par Conrad McLeod le 26/11/2002 à 18:17:18 (#2649752)

J'aime toujours le style, mais par Bréhan, que c'est déprimant.

Par Drazhar Ul'Gar le 26/11/2002 à 21:14:04 (#2651131)

Bien écrit.

Par Le Pacifiste le 26/11/2002 à 21:48:55 (#2651401)

Je trouve le style agréable.
Après une courtisane et un mendiant ; un bourgeois ?

Par Alanis Lyn le 28/11/2002 à 10:11:42 (#2662146)

*deprime* (et remonte le post par la meme occasion)