L'usure du temps

Par Faruun le 11/11/2002 à 22:33:19 (#2539231)

La douleur sétait réveillée. Pas de grimace, non, comme à son habitude, il nen montrerait rien, si ce nest cette légère raideur qui passerait inaperçue aux yeux de tous. Mais lui en était bien conscient, il savait que ce nétait que le début, quil ne pourrait sévader indéfiniment et quau bout, il devrait mener bataille. Si la mort le suivait, le temps, lui navait pas à chercher pour le rattraper. Au début il ny avait eu que ces douleurs musculaires, ces petites gênes qui disparaissaient aussi vite quelles nétaient apparues. Lâge se rappelait à son souvenir, et les anciennes blessures semblaient vouloir prendre leur revanche. Aussi efficaces soient les onguents et la magie, les blessures répétées avaient fini par laisser des marques. Bien sur, il devait sestimer heureux davoir toujours réussi à ne prendre que des blessures, et non un de ces coups mortels. Cest là que résidait toute la différence entre un assassin et un tueur se plaisait-il à dire. Le premier ne se contente pas dun bon coup, la blessure infligée doit être fatale

Il ne devait pas montrer de faiblesse. Non. La moindre dentre elle pourrait être exploitée, utilisée. Plus que cela, la première faiblesse révèlerait que derrière lassassin implacable qui nétait quun nom pour beaucoup, se cachait finalement un homme, vieillissant. Et cette image, toute fausse quelle soit, devait le draper comme un manteau jusquà sa fin. Faruùn aimait à penser quil dansait avec la mort. Quiconque croisait lombre de la mort devait sattendre à la trouver sur sa route, lui faisait pire que cela, il avait conclu un marché avec elle, si tant est quun mortel puisse le faire. Non, le vieil assassin masquait les signes de sa vieillesse. Même ses frères et surs de foi ne devaient le savoir. Pas encore, pas maintenant. Il devait demeurer celui quil avait toujours été pour eux. En ces temps troublés, il nétait pas judicieux de les inquiéter pour des menus soucis de santé. Pas tant quil pourrait assumer ses fonctions.

Bien sur, lâge avait montré ses premiers signes discrètement. Un souffle un peu plus court, quelques douleurs musculaires les lendemains de ses virées nocturnes, une blessure qui se remettait plus lentement. Rien de bien grave, juste un rappel, certes plus douloureux que ces rides qui ne faisaient que blesser lamour propre, mais rien qui ne puisse lempêcher de continuer son métier. Il essayait de compenser en sentraînant davantage, toujours plus pour faire de son corps cette machine bien huilée, ce mécanisme si précis qui devrait porter la mort, mais rien ny faisait. Jamais il ne pourrait regagner les années quil avait perdu lorsquil avait perdu la vue. Puis les douleurs sétaient faites plus fréquentes, les muscles gémissant sous leffort comme de vieux roulements trop sollicités. Le corps aura beau être exercé, il finit par suser. Faruùn en exigeait toujours davantage. Cétait toujours un nouveau défi, une danse plus compliquée, plus longue et plus douloureuse quil partageait avec la mort. Qui menait lautre ? Sil faiblissait ne serait-ce quun instant, le fragile équilibre de leur relation serait rompu.

Il croyait lentendre à présent. Elle qui navait été que murmure devenait parole. La silencieuse compagne lobservait à présent. Peut-être souriait-elle, peut-être se réjouissait-elle de le voir finalement rejoindre tous ces morts quil avait semés sur sa route. Il croyait entendre son rire parfois. Légère, fluette, comme une femme, une amante. Elle susurrait, doucereuse, tentatrice. A quoi bon lutter encore ? Allait-il attendre dêtre ce vieillard détruit par les années ? Mais Faruùn avait toujours su voir au travers des promesses vaines. Son heure nétait pas encore arrivé, la douleur était passée. A nouveau lassassin présentait ce visage calme, celui quon attendait de lui, celui quil sefforçait de maintenir, même devant les pires circonstances. La mort attendrait. Elle avait tout son temps

Par Drazhar Ul'Gar le 11/11/2002 à 23:01:57 (#2539545)

Un auteur au talent sans cesse vérifié, Les rangées de la bibliothèque sont assez assez explicites à ce sujet.

Vraiment superbe.

Par Iwakura Shin OS le 11/11/2002 à 23:10:56 (#2539649)

:lit:

Impréssionant :merci:

Par Ame Sombre le 11/11/2002 à 23:36:39 (#2539901)

*Aime toujours autant...* :merci:

Par Paikan Astrae le 12/11/2002 à 2:03:50 (#2540999)

:lit:
wow

Pai*qui sait à quel nom faire sa prochaine excursion dans la bibliothèque*kan

Par Leylia le 12/11/2002 à 9:09:49 (#2541873)

*Up*Très intéressant qui plus est bien écrit, mes félicitations :merci:

Par Syris Choup' le 12/11/2002 à 11:33:05 (#2542677)

La mort d'un assassin n'est qu'ironie drapée dans un linceul de soie, car il va sans dire que le somptueux ballet qu'il a toujours mené avec la mort s'achève dans une série de pas de danse gracieux et délicats.