Souvenirs, espoirs... Illusions?

Par Sha'Zin T'Il Ulden le 10/11/2002 à 2:07:03 (#2522668)

La scène vide offrait son silence à l'ardent spectateur qui, attentif, en notait toutes les sonorités, car un silence n'était jamais totalement exempt de bruits, certes infimes, mais qui se révélaient être cacophoniques pour qui sait écouter.

Une couche de poussière recouvrait le bois massif dont était tiré ce présentoir à artistes, preuve qu'on ne l'avait plus foulé depuis bien longtemps. Serait-ce une pièce oubliée par les concepteurs du Théâtre? Sha'Zin l'ignorait.

Lorsqu'elle avait aperçu pour la première fois le Théâtre des Illusions, imposant bâtiment devenu peu à peu une petite cité bâtie autour du principal rêve qu'Alcyon Maindargent a fait devenir une réalité. Bien-au delà des terres qui entourent ce temple, sa renomée était parvenue aux oreilles de celle qui parcourt les Royaumes à la recherche de son propre rêve. Elle voulait rencontrer celui qui avait réussi à réaliser le sien, apprendre à ses côtés... Déception cruelle que de savoir que la mort ne fait pas de distinction et qu'elle prend aussi bien ces insipides créatures à la cervelle si peu active qu'un créateur utopique de génie tel que pouvait l'être cet Alcyon Maindargent.

Visiter le Théâtre a été d'un réel intérêt: tavernes, cellules, jardins sont à l'image de ceux qui en tiennent les rênes. Ses yeux verts ne cessaient de s'émerveiller devant ces spectacles qui se succédaient, indéfinissables représentations souvent à l'emporte-pièce que des artistes, anonymes ou non, donnaient, actes symboliques de cette ambiance fertile qui transpirait partout. Sha'Zin avait assisté à d'étonnantes représentations, dans des décors somptueux autant que dans un dénuement discret qui, pourtant, séyait fort bien avec l'image qu'ils ambitionnaient d'afficher.

Elle apprécia l'accueil qui lui avait été réservé, pâle et infortunée prospectrice d'une vérité lui échappant, désavantageuse option d'une vie passé à lutter contre les préjugés. Oui, elle avait vécu parmi les elfes, ces créatures dont une partie de sa race, pourtant dominatrice du monde connu, ignorait jusqu'à l'apparence, pour ne pas parler des coutumes. Jamais elle ne pardonnerait aux orques qui avaient pourtant donné à son existence un jour nouveau. Aurait-elle eu ce destin hors-norme si ces agents d'une putride et éhontée progéniture n'étaient intervenu pour lui apporter quelque chose qui aurait peut-être rendu sa réalité plus fade...? Chaque jour que les Dieux faisaient, elle se posait cette question. Mais elle n'était guère l'une de ces sages bardés d'empiriques pouvoirs, vastes affabulations le plus souvent, prétendant connaître ce futur si incertain, ce présent si proche de la réalité, et surtout ce passé qui ferait parfois mieux de rester dans les ombres.

Déjà, une image se formait sous ses yeux.

Une femme danse un ballet, ses voiles dessinant d'indescriptibles formes. Le Théâtre méritait-il vraiment les éloges qu'on lui constituait avec passion? Les illusions semblaient vraiment faire partie de lui, chacun apprenant un peu plus à chaque instant qu'il passait sous son toit. Les miroirs de la scène renvoyait le reflet de Sha'Zin, mais cette jeune femme ne pouvait espérer avoir un image. Elle n'exiqtait que dans le crâne de celle qui l'observait intensément, dévisageant un visage qu'elle connaissait, surgi des tréfonds de son esprit, souvenir vague d'une vie révolue depuis si longtemps que celui-ci demeurait inévitablement indistinct, entouré d'une brume indélébile.

Longue était la plainte qui, déchirante, arriva aux oreilles de Sha'Zin. La femme gisait maintenant sur la scène, couvert d'un sang s'échappant par filets des blessures qui zébraient son corps inerte. Une odeur de fumée avait envahi la pièce, et les narines de Sha'Zin frémissèrent à cette réminiscence survenue ici, en ce lieu teinté d'une histoire traversant les âges. Elles lui survivraient, cela elle n'en avait aucun doute et, des décennies après sa triste disparition, elles continueraient à être racontées par quelque troubadour.

Elle rouvrit les yeux, et le charme fut rompu. Seul l'écho du silence répondait à sa respiration haletante. La poussière était toujours présente, particulière, et donnait à la pièce une certaine rusticité. Qui était passé ici-même? Elle le demanderait... et si les Dieux le souhaitaient, elle saurait... Cela ne lui apporterait qu'une satisfaction limitée, son espoir résidant bien plus loin que cette chimère située hors du temps, mais qui constituait non mois qu'une pierre à l'édifice spirituel qu'elle aspirait à construire avant de quitter ce monde.

Fortuitement, elle s'agenouilla et une larme perla le long de sa joue, lisse, pour mourir au creu de son cou. Elle sut soudain que le Théâtre des Illusions lui offrirait l'hospitalité le temps de trouver ce qu'elle y charchait. Ensuite, elle s'en irait loin de ses enchantements, ornée d'une sagesse plus grande, appréhendant ce qui l'entourait avec un peu plus de recul.

Combien de temps resterait-elle? Cela dépendrait...

Son nom signifiait espoir, en serait-digne, éphémère porte-parole qu'elle était?

Par Engeell Darken le 10/11/2002 à 16:37:02 (#2525434)

:lit: :lit: