Délectable chute

Par Sombre Lune le 19/10/2002 à 14:08:49 (#2363513)

Elle attendait ce moment depuis de si longues semaines, l’imaginant, le savourant à l’avance, se délectant du plaisir qu’elle prendrait à faire apparaître la vérité, à faire tomber les masques, à enfin être libre de toutes attaches. Il faisait beau, le ciel était serein, l’écorce de l’arbre contre son dos rattachait son corps au monde qui l’entourait, tandis que son esprit voguait loin, dans les limbes d’un futur qu’elle était persuadée de connaître parfaitement, un futur déjà tracé par ses longues heures de méditation.
Des pas. Une voix qui lance un aiguillon inattendu vers son cœur. Un visage restant gravé en elle qui tout à coup se matérialisait. Et surtout des yeux. Ses yeux qui avaient été sa perte dès leur première rencontre. Comme il est amusant de voir qu’un détail pouvait à jamais marquer une rencontre. Etait ce réellement ses yeux qui avaient causé la chute de ses défenses, elle ne le savait pas, mais ils faisaient partie de la magie incroyable y participant. Elle l’entraîna à sa suite vers sa demeure, son abri, son refuge.

Comment expliquer ce plaisir de l’avoir à ses cotés, ce désir de goûter chaque seconde de sa présence, mêlé à la jouissance malsaine d’imaginer sa chute proche, si proche, de plus en plus irrémédiable au fur et à mesure que les secondes passaient. Elle fit durer ces instants privilégiés, les meublant de banalités qui n’avaient ici aucune place, mais qui reculaient l’instant fatal. Elle n’avait pas de réel plan, mais elle savait quels gestes elle aurait à accomplir, elle faisait confiance à celui à qui elle avait donné sa vie depuis sa sortie de prison, au Destin.

Chaque minute qui passait la confortait dans l’idée qu’elle avait raison, qu’elle n’avait été entre ses mains qu’un jeu, comme toutes les autres. Toutes les autres ? Un doute l’assaillit tout à coup en voyant l’émotion le submerger à la simple évocation de son nom, ses traits se décomposer, sa voix trembler pour finir en une sorte de sanglot qui poignarda son cœur, renforçant son désir de vengeance. Elle rit, rit pour faire taire le désir de le frapper, le désir de la tuer, elle qui n’était pourtant déjà plus; rit pour oublier qu’elle ne l’aurai jamais, lui, lui qui pourtant ressemblait tant à ce qu’elle avait toujours recherché. Le moment était venu d’en finir.
Elle lui proposa un jeu. Elle aimait jouer, et lui se laissait faire, c’était encore une des choses qui le rendait si précieux à ses yeux. Il accepta de bonne grâce, se pliant à ses moindres instructions, semblant insoucieux, les yeux bandés, attentif au défi, tandis qu’elle traçait autour de lui les rets qui signeraient sa fin probable. Le jeu progressait, il l’étonnait par son aisance, elle jouait elle aussi, mêlant caresses tendres à danse funèbre autour de la table, et lui, proie aveugle au centre de la toile. Tandis que le jeu se terminait elle lança l’incantation, langue gutturale mais fascinante qui s’amplifia lentement en elle, les sons sortant de sa gorge restant de simples murmures. Le pentacle commença à scintiller, prenant tout d’abord des teintes neutres, puis soudain devenant d’un rouge pur, carmin au centre puis de plus en plus pale pour s’éteindre vers le blanc à l’extérieur.

Elle vacilla. Son esprit ainsi que son âme reçurent le message de plein fouet. Hébétude. Peur. Terreur. Effondrement.

Joie ? Espoir ? Soulagement ?

Il pouvait désormais ôter le bandeau.
Affronter son regard. Ses questions. Le prendre dans ses bras. Lui demander pardon. Prier pour qu’il accepte ses doutes, ses terreurs. Sentir sa peau, encore et encore, goûter ses lèvres, dévorer son être, se perdre en lui, à jamais. Affronter le Destin.

Une dernière trahison, encore. La drogue qu’il avait absorbé. Des mois qu’elle songeait à la question à lui poser, et tout à coup, son esprit s’y refusait, niant le désir de savoir, de peur de sombrer avant l’heure dans la folie, de peur d’entendre une phrase qui détruirait tout, ces longues nuit à tordre son esprit en tous sens pour trouver La Voie, ce fragile sentiment qui essayait d’affleurer encore à la surface. Mais tout avait été fait pour qu’elle sache, elle devait lui demander, ne pas dévier du chemin qu’elle s’était tracé.
Sa réponse créa un raz de marée en elle, la submergea totalement. Elle resta là, hébétée, ne pouvant détourner son regard améthyste du sien, parfait reflet d’un destin attendu depuis toujours, malgré elle, malgré tout ce qu’elle avait pu dire.

Ses mots pouvaient tout dire, mais elle choisit de n’entendre que ce qu’elle souhaitait, elle choisit de ne voir en lui que ce dont elle rêvait, elle choisit d’être à lui à jamais, quelque en soit la funeste issue. Elle qui pensait se sentiment lui être interdit. Elle l’aimait plus que tout.

Par Aina HarLeaQuin le 19/10/2002 à 14:44:47 (#2363709)

Très joli tout ça, sincèrement. Mais cela me rappelle un cycle immuable, un cercle vicieux de mensonges et de faux semblants. :merci:

Par Sombre Lune le 29/10/2002 à 20:59:07 (#2435479)

les derniers moments à ses cotés etaient si loin.
Loin comme les heures passées à douter, à chercher sa route entre rédemption et tiraillement d'une vie tracée d'avance, dédiée au seul etre digne, son Maitre.

Elle perdait de son libre arbitre, se laissant guider par les vagues du temps, vagues capricieuse la menant en avant, puis revenant sur les pas dejà tracés maintes fois, pour ensuite effacer toutes traces.

Elle était .. heureuse ?
Le bonheur est il de ne plus réfléchir, de sombrer juste dans les doigts ouatés du destin, s'y enfoncant avec délectation, s'y oubliant... en ce cas, oui, elle était heureuse.

Et le temps passait ...

Par Iwakura Shin OS le 29/10/2002 à 21:06:17 (#2435541)

[size=-2]magnifique :lit:

Par Dr Iann-Nyo Lewis le 29/10/2002 à 21:29:30 (#2435729)

:lit: :amour: :amour: :amour:

Par Sombre Lune le 30/10/2002 à 16:21:25 (#2441642)

Toujours aucunes nouvelles...

Le temps s'étirait, elle n'avait toujours pas revu celui à qui elle désirait dédier sa chute, celui qui serait tout, mort, fin d'un songe, renaissance, découverte de choses enfouies depuis si longtemps.
Elle aspirait à se perdre en lui, pour lui, avec lui.

Elle rit, d'un rire amer, presque dément. Comment pouvait elle rechercher de tels sentiments, elle qui se targait d'etre insensible à l'amour ? Elle qui était si fière de se jouer des sentiments d'autrui, sans jamais s'y perdre elle meme ? Faudrait t'il croire qu'une main malicieuse jetait les dés du destin, la prenant aux propres rets dans lesquels elle avait l'habitude d'emprisonner ses proies ?

Cette main était loin d'etre dénuée d'humour, ayant choisi pour exhutoire son pendant masculin, son frère de foi et de délices charnels, celui qu'elle avait toujours désiré rencontrer, un autre elle meme, pervers, d'une sensualité exacerbée, machiavélique, tendre parfois, irrésistible, celui dont les yeux aimantaient les siens, et que les améthystes fascinaient.

Si elle ne le voyait pas rapidement, qui sait ce que celà impliquerait...
Violence, douleur, plaisir, souffrance, vengeance ?

Non, pas encore. Il était temps de briser le cercle vicieux, d'essayer de trouver une voie vers l'apaisement final, qui ne saurait tarder, quoiqu'il arrive.

Par Le Pacifiste le 30/10/2002 à 16:36:21 (#2441773)

:lit: *vient de lire plein de textes tout joli en très peu de temps*
Bravo, C'est joli. J'attends la suite avec impatience.

Paci *encore plus emerveille*

Par Leylia le 30/10/2002 à 16:39:37 (#2441800)

:lit:Wouhaou :amour: joli :merci:

Par Nolwen.Shin le 30/10/2002 à 21:12:04 (#2444051)

Elle, elle que pourtant elle avait tant désirée haïr, avait su faire naitre ces sentiments troublants... L'admiration? La fascination? Une certaine envie de lui ressembler? Elle ne saurait le dire.

Elle était tiraillée entre l'envie de lui obéïr, de suivre ses conseils et celle de fuir pour retrouver la paix... La paix d'un monde où le blanc et le noir ne se confondent pas, où le bien et le mal ne s'entrelassent pas. Le monde de l'enfance

Par Zephirin le 31/10/2002 à 4:12:21 (#2446004)

Le saltimbanque lui avait tant de fois tendu la main...Essayé de la sortir de ce qu'elle appelait "son destin"... Lui qui avait passé tant de temps à lutter... Mais... Continuait il, d'ailleurs ? Il ne savait plus vraiment comment avait tourné sa relation avec elle... Etait il encore tel un frere pour elle ? La voulait il vraiment comme soeur ? Tout est tellement confus... Mais si seulement elle pouvait être claire...ne serait ce qu'une fois...

Par Drazhar Ul'Gar le 7/11/2002 à 21:17:34 (#2508277)

Un post vraiment plaisant.*De fil en aiguille, va consulter la bibliothèque.*