Du chemin des Ombres : Lueurs

Par Kaesryn le 17/10/2002 à 21:36:43 (#2354275)

Loin au delà de toute espérance, encore plus loin que le calme destin d'un souffle, sur un chemin poussiéreux, une silhouette marche encore et encore. La démarche est lente, souple, pas après pas, allant au devant comme l'on murmure de douces paroles, délicatement, sans forcer sur l'inutile. Le vent caresse les cheveux détachés, emmélant les boucles dans des volutes sèches et froides. La patience, le présent, tout semble comme en arrêt sur ce chemin poussiéreux qui part de l'horizon ... pour atteindre plus loin, là bas, l'horizon. Tout n'est que plaine aride et désertique, tout n'est que caillasse et écharpement, tout n'est que ocre et terre de sienne. La silhouette marche ...

Un regard dans le lointain, l'écho d'un rire, l'ourlé d'une lêvre qui tremble devant un autre regard plus vif. Le regret étreint le coeur qui marche, le goût d'une liqueur, aussi fraiche qu'un ruisseau, réapparait au plus profond de la gorge. Rose des sables, rose des vents, rose de toi. La vision s'éloigne à mesure que les questions se pressent. Et rien, rien ni personne, ne peut raccrocher l'image vacillante de cette lêvre tremblante, troublée dans un jeu. L'éclat d'un oeil brillant éclipse un instant l'illusion, comme on pourrait repousser d'une main résolue quelque chose qui fait mal. Le blanc profond irradie. La pupille dilatée dans un élan en avant se place entre l'horizon et l'horizon. Rien d'autre n'existe que cette pupille qui fixe, iris grand ouvert, sortant de nulle part la force du rappel et du souvenir. Des images s'interposent sans un bruit dans son sillage, trainée de poudre, poussière d'étoile. Un rire, le son d'une voix, le regret de ne pouvoir revenir en arrière rejoindre cet autre moi qui semble si heureux.

Au détour d'un virage, entre roche et sable, dans un paysage escarpé, la silhouette s'immobilise, à l'affût d'un bruit imaginaire. Des rires d'enfants ? Le feutré d'un pas dans le couloir ? Le froissement d'un tissu entre deux corps ? La marche reprend son court, inexorablement. Un corbeau au loin croasse, l'air battu à rythme régulier par ses grandes ailes dont l'envergure dépasse l'entendement. Plus loin encore, un vent de sable se lève. Le temps arrêté semble repartir. La silhouette, qui un instant se trouvait non loin d'un rocher a disparue, laissant derrière elle comme un parfum infime de fleurs. Au sol, brillant comme une étoile, un petit encrier de crystal.