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Proust avait tort (Hrp et fiction :) )
Par Ptasha Selver le 25/9/2002 à 14:45:36 (#2229429)
Nous sommes à Sinnonte . Sinnonte , une grande ville , avec tout ce qui va avec .
La rue défile . Il fait soleil , un grand soleil , un soleil d'été , quoi . Pas besoin de faire un dessin , j'imagine . Vous savez .. une grande boule de feu dans le ciel , une armada de pigeons quadrillent les rues surbondées , à l'instar des feux toujours désespérément rouges , les amoureux roucoulent en pensant à l'avenir , à des questions existentielles , ou bien simplement ou vert de l'herbes qu'ils foulent , et le jeune perdu erre dans les artères du bled en question . Le jeune perdu , pas de chance , c'est moi .
Je reviens du bar . Ben oui , du bar . Puisqu'il est 10h et que c'est l'heure à laquelle , d'habitude , je reviens du bar . C'est un endroit convivial , je crois . Toujours noir de monde , raisonnant de cris de rage ou de bonheur , au choix .
J'étais attablé et affalé sur une table sale , que même le soleil ne faisait pas luire , et je regardais les murs crades qui bornaient ma vue . Un grand magasin . Quel décor idyllique , non ? Coincé entre les quatre periphs d'une banlieue où on se sent crever tous les jours , déversant nos vies dans cette machine absurde comme le garçon mal fringué déverse un café imbuvable dans ma tasse .
Alors du coup , la tasse , je ne l'ai pas bue , je l'ai juste regardée . Et ça m'a suffit , j'ai épanché ma soif .
Sur le chemin , j'ai essayé d'imaginer que j'étais au bord d'un étang pur , clair et limpide , j'ai rêvé que la nature était luxuriante et bien-lunée , aux alentours , j'ai voulu que les joncs naissants percent doucement la surface de l'eau , et je me suis approché , enfin j'aurais voulu le faire , pour voir mon reflet dans l'eau . Manque de chance , c'est la vitre arrière d'une Mégane jaune criarde qui a joué le rôle de l'étang-paisible-et-agréable . Je m'y suis trouvé(e) risible .
Alors je suis rentré(e) en quatrième vitesse chez moi , me cloîtrer entre quatre murs , histoire de me barricader hors (paradoxal ?) de cette folie permanente . Ma chambre , vous devriez la voir . Comme j'suis un étudiant/une étudiante (Pourquoi voudriez-vous le savoir) , et que je fais de mon mieux pour faire honneur à mon statut , on pourrait croire qu'elle ressemble , justement , à la chambre idéal pour matheux/matheuse studieux/studieuse . Manque de chance , c'est une vraie décharge , tout traîne . Mes affaires , mes habits , mes livres et cahiers , même ce à quoi je tiens vraiment est noyé au milieu de cet océan de nonchalance .
Je suis pas triste , je suis lucide . J'marmonne pas que la vie est moche en tirant la tête chaque jour qui passe , j'maudis pas les enfants heureux et les vieillards inutiles . C'est simplement , que ça va pas . Je vais pas . J'aimerais grimper en haut du plus haut gratte-ciel du monde , prendre un putain de mégaphone et hurler à la face du monde , pendant la nuit , pendant que le monde dort , que je vais pas , que je vais pire et que j'devais même avoir la rage dans le ventre de ma mère .
En attendant , j'ai fermé les volets et j'ai débranché le téléphone , dès fois que les impôts où que l'administration voudraient prendre de mes nouvelles . J'ai mis un peu de musique douce et j'ai pleuré tout ce que j'ai pu . J'ai pleuré jusqu'à épuisement . Et quand j'ai voulu me reprendre , quand mes larmes ont cessé de couler naturellement , quand plus rien ne s'est passé , je suis resté immobile ... J'n'osais plus rien faire , j'étais vide , vidé comme une vieille boîte de conserve , j'avais plus rien , plus de coeur , plus d'histoire , plus de sincérité , et même plus de haine . J'voulais pas me remettre à pleurer , mes larmes auraient pas été sincères , j'voulais pas me rouler dans une couverture , comme un enfant qui se cache , je n'avais pas peur .
Alors j'ai passé la journée dans la nuit , à écouter le chant si particulier d'un nerf qui se tend tellement qu'il risque de se rompre .
Et je me suis demandé si , lorsqu'on est étranger à ce corps et que même notre esprit nous fout à la porte , il n'est pas préférable de tout laisser en plan et de partir . J'aurais explosé si quelqu'un m'avait taxé de pessimisme . Et puis j'ai essayé de réfléchir , entre deux assauts de pensées malsaines et contradictoires , puis je me suis dit qu'en fin de compte , mieux valait attendre l'aube , attendre une nouvelle journée , attendre, des fois que la vie aurait été tentée d'aller se dorer au soleil , histoire de me lâche la grappe , à moi et à ma petite chambre d'étudiant(e) ...
Et en attendant , j'aurais bien pris une tasse de café , moi .
"
Sentez le soleil :)
Ptasha Selver ,
Chroniqueur des nuits .
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