Réveil .

Par Ptasha Selver le 8/9/2002 à 14:43:48 (#2119401)

Ptasha se réveille .
Tout d'abord , c'est le bleu du ciel qui illumine ses yeux mi-clos .
Le ciel si bleu ..

Une série d'image défile dans son esprit encore si peu vigilant et sélectif . Il/Elle ferme les yeux , peut-être pour ne pas comprendre .

"Underneath the sky so blue ..."
Il/Elle tente de se rappeler de tout , mais il/elle perçoit tant de sensations , il/elle reçoit tellement de choses qu'il/elle ne peut en saisir une seule . Son esprit est submergé , plié par le flot intarissable des questions , et rien ne lui parvient plus , plus un son , plus un bruit .

Ses yeux s'ouvrent timidement . Le ciel est rempli d'oiseaux qui volètent , sans un bruit , sans un cri , ils jouent et dansent sur les toits des bâtisses , de bâtisses qu'il ne connaît et ne reconnaît d'ailleurs pas . Le paysage entier ne lui est pas familier . Son regard errant finit par sortir du cadre coloré de la fenêtre , pour tomber dans la pâleur froide de sa chambre .

Une chambre blanche . Tout blanche . Seul le plafond présente quelques teintes de bleu délavé , qui appellent directement à contempler l'azur . Quelques meubles sans expression , sans âme , ou bien pourvus d'une âme trop différente , trop complexe pour qu'il ne puisse la décoder . Il y a une légère odeur .. de coton . Ptasha craint ...

Puis son identité se décline d'elle-même , sur l'isoloir de ses pensées , au fur et à mesure que les fonctions psychiques de son être se remettent en route . Il/Elle se retrouve , petit à petit .

Un jeune être , Ptasha est un jeune être vivant . Sa mémoire le rappelle directement à l'ordre en lui rappelant qu'il/elle est , plus précisément , un jeune garçon . Cette information digérée , ses yeux se clorent à nouveau .. Peut-être autant par crainte que par manque de force .

Ce semi-évanouissement vit passer quelques heures , qui s'écoulaient , s'étendaient , se densifiaient en lui jusqu'à paraître des éternités . Il retournait et contemplait chaque instant pour en saisir le sens , la signification , la raison d'être , la finalité . Il décomposait chaque seconde en sons , perceptions floues et impressions vagues comme diverses . Il vivait sur chaque seconde et la regardait mourir sans une émotion .

Au bout de quelques éternités , ses sens patiemment rebâtis , il ouvrit de nouveau deux yeux inquiets et avides , qui commencèrent à scruter un horizon ... triste .

Toujours si peu de bleu , de liberté , dans un monde blanc , envahissant de blanc .

Soudain , comme si son corps se réveillait , il se rendit compte qu'une douleur légère coulait dans les veines d'un de ses bras , sans qu'il n'arrive à en définir l'origine précise , ni la raison .

Il jeta quelques regards non dénués d'inquiétude , l'inquiétude de ceux qui ne savent pas et qui ont peur de trouver .
Une aiguille dont il ne préférait pas imaginer la longueur était implantée dans son bras gauche . Elle était reliée , par un long tube transparent à une étrange poche remplie de liquide . Dans le tube , à la hauteur de sa main , il ne voyait que du sang .

Depuis quelques instants , une sorte de calme l'avait enveloppé ... Il n'était plus vraiment inquiet , mais intrigué , et son regard balayait calmement la pièce , s'arrêtant parfois pour contempler la beauté du ciel , une beauté d'après-midi de fin d'été . Une beauté rayonnante , offerte aux hommes comme la tiédeur envoûtante après un orage .

De violentes douleurs se réveillèrent , par la suite , mais elles étaient immédiatement reléguées au second plan , au plan de ce qui importe finalement peu . Seuls restait , en première ligne de son être , la présence du ciel moucheté de mouvements d'ailes .

Une présence étrangère fit , au bout d'un laps de temps qu'il n'arrivait plus à déterminer , irruption dans la pièce , par une porte qu'il n'avait pas jusqu'ici eu l'idée d'ouvrir . A vrai dire , il n'avait pas songé à se lever du lit qui trônait au milieu de la pièce , sobre mais confortable . Il entreprit de se retourner , afin d'identifier ou non la personne qui lui rendait visite , mais à l'instant où il pivota sur lui-même , une douleur malsaine , nauséeuse lui interdit de se mouvoir plus .

Vêtue de blanc , l'étrangère arriva et arbora un sourire bienveillant , quoiqu'encore ruisselant de quelques doutes .

"Comment vas-tu , mon grand ?
-Je .. je crois que je vais bien
-Bien , il faut encore que tu te reposes ...
-Savez-vous comment j'ai atterri ici ?
-Non
-Oh ..."

Déçu , il détourna la tête pour revenir à l'obsessionnel azur .

Il avait , entretemps , terni . Comme si cette coupure l'avait vexé . La nuit infiltrait les éthers . Les oiseaux , déjà , s'envolaient vers d'autres horizons .

Il soupira longuement , pendant que la jeune femme en blanc allait en venait dans la pièce , sans qu'il ne puisse saisir la totalité de ses mouvements , toujours en emphase avec le ciel , toujours ramené sur Terre par la douleur corporelle , adjointe à celle que lui provoquait la présence d'un corps étranger dans ses veines .

"Où suis-je ?
-Nous allons te soigner , repose-toi." Elle sourit en lui posant la main sur l'épaule . Ptasha ne sût que faire .

...

Quelques jours ont passés . On raconte que Ptasha est de retour en ville , mais que l'on ose de moins en moins croiser son regard . Il exprime des émotions hachées , sur fond d'une douleur incompréhensible . On préfère éviter cela .

Le ciel ... par contre , trouve-t-on , est plutôt pâle , ces derniers temps .. le bleu est moins éclatant . Le bruit court même que les oiseaux l'ont déserté .

Ainsi va la vie , parait-il .
Ainsi ira la sienne .
Ainsi allons-nous , selon nos choix , désirs , angoisses , naissances et morts successives .

.

Par Ptasha Selver le 8/9/2002 à 18:01:49 (#2120643)

**Les ombres**

C'était une nouvelle nuit à passer , une nouvelle lune à noyer dans les ombres , une nouvelle pire d'heures à ruminer , à nouveau , le ciel était mort , à nouveau , les étoiles chantaient son souvenir .

Une silhouette se faufile de mur en ruelle , Ptasha Selver s'accomplit , heure après heure .
..
Une expression vengeresse , mais qui cherche où doit tomber sa colère .
..
Une colère intense , mais finalement peu profonde , Ptasha reste un être paisible .
..
Un être paisible , alourdi et détruit par les caractères physiques et moraux des contradictions .
..
Contradictions .. toujours les mêmes , qui reviennent le hanter , telles une légion de fantômes
..
Fantômes ... Comme l'inquiétante ombre qui , encore , glisse sur les parois de pierre du coeur endormi de la ville .



**Les Hirondelles**

Les discussions fulminent , ce soir . La fumée a envahi la pièce pourtant spacieuse , et malgré la précaution prise ce soir par le "chieftain" , comme on l'appelait affectueusement , qui consistait à ouvrir toutes les fenêtres , portes et voies d'évacuations diverses de fumée . Crilliana servait , ce soir , ce qui impliquait qu'elle passerait une bonne partie de la nuit enfermée dans ce gigantesque et , lui paraissait-il , répugnant fumoir . Les rires fusaient de tous côtés , des rires gras , fins , fluets , fragiles , forcés , sarcastiques , ou simplement des rires .

Son travail possédait d'innombrables facettes , mais la plupart du temps , elle paradait entre les tables , les débarrassait , prenait les commandes , et riait aux plaisanteries des clients , sans toutefois les écouter , car elle n'y était pas encore obligée .

De temps à autres , elle essuyait les trésors de charmes que déployait quelque peu détruit par l'alcool . Elle repoussait alors poliment les avances , ou bien les acceptait , sachant que ce genre de relation n'allait pas bien loin ... Mais à vrai dire , elle ne s'en préoccupait pas . Crilliana vivait comme un être déjà mort .
Elle rêvait , oh oui , bien sûr . Mais elle ne rêvait pas en regardant les étoiles , en imaginant l'avenir , comme le ferait probablement une jeune fille de son âge , dont l'imagination si créatrice lui ouvre des horizons infinis . Elle , rêvait surtout à ce qu'aurait pu être sa courte histoire , à ce qu'elle aurait aimé éviter de dire , de faire , d'avoir vécu . Elle rêvait , d'autres fois , sans un sujet précis de méditation . Son visage pouvait parfois paraître suspendu au-dessus d'une tasse de café . Personne n'a jamais su ce qu'elle cherchait , dans les méandres du breuvage noir , mais elle sortait souvent de ces méditations nerveuse et fermée sur le monde . Le café comme une fenêtre qui claque ...

Ce soir , elle avait reçu la visite d'une amie , d'une ancienne amie .
Où du moins elle avait cru la reconnaître et lui parler .. Peut-être n'avait-elle fait que l'imaginer , tant l'inconnue familière s'exprimait soit en monosyllabes , soit en propos particulièrement lacunaires .

A son habitude , et malgré la joie vive qu'elle éprouvait à retrouver cette personne jadis aimée , qu'elle voyait peut-être , pourtant pour la première fois , elle ne manifesta aucune attention envers la discussion , elle ne s'en évadait pas , mais n'ouvrait aucunement les portes de son coeur . Non par crainte , non par esprit de protection , mais simplement ... parce qu'elle était déjà morte .

Pourtant , quelque chose l'intriguait . L'inconnue avait déposé un parchemin et avait demandé que l'on plaça à ses côtés une tasse du café le plus brûlant , sur une des tables . Elle avait insisté pour que personne ne le lise tant que celui à qui il était destiné arrivât (Ce qui n'arrangeait pas beaucoup Crilliana , car il allait être visiblement ardu de le deviner sans avoir pris connaissance du document) , et pour que personne ne prenne place à cette table .

...

Le soleil pense à se lever . A l'endroit où chaque nuit , il s'écrase , les hirondelles attendent le moment de prendre leur envol . Le jour respire ...

Des pas lourds frappent le sol de l'entrée . Un nouveau client . Une allure ordinaire , pas de long manteau noir , pas de cape vibrant au vent , pas de longue mèche rebelle à remettre en ordre . Crilliana le scrutait . Il avait les cheveux plus longs que la normale , ébouriffés , en cette époque de rigidité des mœurs capillaires , qui semblaient littéralement "émaner" de son crâne , tant ils semblaient former une auréole hérissée . Ni trop grand , ni trop petit . Crilliana eût un sourire qu'elle réprima aussitôt . Il semblait hésiter , comme si la lumière de l'endroit le gênait . Dans une de ses mains brillait une perle , qui semblait faîte de lumière dense et pure condensée , une perle qui semblait retenir toute son attention , et qui sautait , d'une de ses mains pour atterrir dans l'autre . Puis le manège recommençait . Et ses yeux ne prêtaient attention à rien . "Etrange ..."

Ses yeux , justement , Crilliana ne remarquait qu'eux . Ils étaient ... noirs , et , plus que noirs , d'ébène , et , plus encore , ils étaient sombres . Les yeux n'ont pas besoin de couleur pour être sombre . Des yeux bleus comme un ciel d'été peuvent être sombres .
Il avait des yeux sombres qui ne brillaient pas , des yeux mourants et blessants , coupables et victime , fougueux et languissants , humides et arides . Des yeux malsains et , surtout , perdus .

Son regard de pierre tomba soudain sur le parchemin , qui trônait sur une table pourtant perdue au milieu de tant d'autres , et soudain , il parut très gêné du regard des autres clients , regard qu'il avait jusqu'alors suprêmement ignoré .

Il s'avança et se saisit du document .

Crilliana se figea devant lui et lui demanda , avec ce qu'elle faisait de mieux en matière d'air inquisiteur :

"Qui êtes-vous ?
-Ptasha Selver , et vous ?
-Pourquoi me demandez-vous mon nom ?
-Etrange question , pour quelqu'un qui vient d'en faire de même
-Reposez ce parchemin
-Non , puisqu'il m'est destiné ."

Il le déplia , et pointa quelques mots du doigts , invitant Crilliana à les lire .

"Pta ... "Ptasha" , oui ...
-Merci de vous en être inquiétée"

Puis il se plongea dans une lecture attentive du document , s'en extirpant de temps à autres avec difficulté , en poussant de longs soupirs .

Puis il bût amoureusement la tasse de liquide brûlant , esquissa un sourire , puis se leva , ce qui sembla être pour lui une épreuve à surmonter , et s'en fût rapidement , sans un mot . Il semblait porter sur lui le poids de l'univers .

Crilliana note que l'étranger avait omis d'emporter avec lui le parchemin , elle expédia avec agacement les commandes , les avances et les commentaires . Puis , au premier moment libre , elle s'en empara et commença à le dévorer des yeux , non sans un remord ... Mais la nuit s'évaporerait bientôt , on ne lui en voudrait pas , on vivrait à l'extérieur des événements , on vivrait dans nos bulles , on existerait , voilà tout .

"Cela fait longtemps que je t'ai quitté , trop longtemps que les oiseaux n'ont plus chanté sous nos fenêtres .

Tu n'imagines pas la vie , Ptasha
Tu n'en sais pas plus que nous
Tu avances comme un chien fou
Fais attention et regarde derrière toi ...

Il y a un océan , dans ton esprit voilé
Où coule le sang des chaque éternité
Un pays ou tous naissons un moment
Avant de commencer à mourir lentement

Dans ces landes avec ton âme j'ai erré
Avant ta vie , avant ta chute , mon ami
A travers ta naissance , tu m'as quitté
Depuis je n'ai jamais pleuré , et jamais ri

Si tu croises une de nos hirondelles
Rappelle-toi de nos si beaux voyages
Courir le monde , en un coup d'ailes
Sans pensées , sans cris sans bagages

Ecoute la mélodie de l'eau qui descend des éthers
Ressens la moiteur , le calme de l'air après l'orage
Comprends les couleurs et les rythmes de l'univers
Et tu marcheras en paix , sans chute et sans rage

Je ne peux pas te guider plus ... Tu souffriras beaucoup Ptasha , tu en mourras de nombreuses fois , mais si tu gardes comme lumière , comme énergie que la paix et en toi , qu'elle n'est pas à atteindre mais à libérer , peut-être , tu arrêteras d'exister , et tu vivras . Je serai avec toi , prête à mourir à chacune de tes chutes .
Tu sais que tu y arriveras , mais tu ne sais pas que l'échec te suit.

Je t'ai laissé une tasse de café ... Il fait si froid dehors ...

K."

Crilliana ne souriait plus . Au contraire .

Par Caithness Galliano le 8/9/2002 à 18:53:50 (#2120946)

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