Futilités.

Par Azulynn Tvar le 25/8/2002 à 1:24:02 (#2021410)

Les portes de l'armoire largement ouvertes ne laissaient paraître que le vide, quelques porte-manteaux désoeuvrés se balançant avec une douce mélancolie. Les draps du lit quant à eux avaient disparu sous un étalage de tissus, froissés souvent, laissant deviner que leur propriétaire y avait musardé longuement. Probablement dirait-on, à cet unique tableau : encore une de ces femmes qui ne savent se décider pour une tenue ! Et pourtant celle-ci n'était pas coutumière d'un tel désordre. Son vêtement reflétait simplement son humeur ; le rouge sombre de ses robes seyantes pour la simplicité quotidienne et la gaieté douce que lui apportait sa vie, le noir fondu dans les ombres parlant de lui-même ; enfin l'immaculé, rare, pour les évènements le nécessitant.

- Que veux-tu comme coiffure, ma belle ?
La jeune femme, cessant de fouiner parmi les accessoires pêle-mêle sur la table, adressa un sourire affectueux à la néphilim qui disposait soigneusement une robe sur le lit. Celle-ci se redressa.
- Je ne sais pas... Une coiffure qui dégage ma nuque...
Azulynn jaugea un instant du regard les longs cheveux sombres de son amie, avec une moue songeuse, la brosse à la main, avant de lui proposer un chignon laissant libres quelques boucles. Sur un signe d'assentiment de Prophetia, elle enjoignit à celle-ci de prendre place sur un siège. La jeune femme commença à la coiffer, tirant avec application et les sourcils froncés ses cheveux en arrière.
- Pas trop stressée ?
- Si ! Je suis très heureuse, mais j'ai peur...
- Ne t'inquiète pas, tout va bien se passer, c'est ton jour de gloire...
Azulynn attrapa un élastique, tout en conversant d'un ton chaleureux avec son amie.
- J'espère que vous serez heureuses... Aloisia m'a souvent paru si volage ! Mais je compte sur votre amour, continua la jeune femme en tressant avec attention les longs cheveux de Prophetia.
La natte terminée, elle l'enroula doucement, en un chignon bas sur la nuque.
- Elle est merveilleuse, j'ai toute confiance en elle, déclara la néphilim avec passion.
Sans ajouter un mot sur le sujet, Azulynn recula d'un pas, jaugeant la coiffure du regard. Elle travailla à nouveau le chignon, dégageant quelques boucles retombant sur celui-ci, et quelques mèches de part et d'autre de son visage. La coiffeuse improvisée acheva son oeuvre par une fleur blanche piquée dans la tresse enroulée, et tendit un miroir à son amie.
- Qu'en penses-tu ?

Elle releva ses cheveux lentement, comme si l'air devenu plomb s'opposait violemment à ce geste. La cascade sombre se changea en un étang lisse, tandis que la jeune femme observait sa nuque dégagée et lisse, poursuivant sa courbe en un vertige laiteux jusqu'à ses hanches, pourtant fines mais accusant d'une rondeur soudaine l'écume de la chute. Deux ou trois épingles qu'elle tenait entre ses dents suffirent à faire tenir un chignon négligé. Elle frôla son oeuvre d'une main incertaine, son regard délavé à mille lieux du haut miroir à pied qui reflétait sa nudité.

- C'est magnifique !
Prophetia jeta un oeil ravi au petit miroir que son amie lui tendait. Celle-ci reprit, souriante :
- Tu vas être resplendissante...
- Sûrement pas autant qu'Aloisia, elle est si belle...
Azulynn la regarda un instant, mi-taquine mi-attendrie, avant d'aller chercher quelques bâtonnets.
- Bien ! Je vais faire ressortir ces yeux... Ne bouge pas.
Avec attention, mordant sa lèvre inférieure, elle traça un trait fin et droit sous chacun des gands yeux couleur de chataîgne de Prophetia. Un sourire marqua son approbation face à son oeuvre et elle échangea le bâton sombre qu'elle tenait contre un carné. Azulynn étala doucement un peu de rose sur les joues de son amie, faisant ressortir ses pommettes. Elle redessina finalement ses lèvres d'une teinte plus douce.
- J'ai l'impression d'être une princesse... commenta doucement la néphilim.
- Mais tu es la princesse, aujourd'hui.

Le reflet se troubla un instant, en accord avec le frémissement de la main blanche. L'image se fixa à nouveau, les contours du fin bâton sombre redevenant nets. Elle se prit à sourire, fixant son propre regard délavé dans le miroir. Un sourire qui laissa vite place à cette mélancolie indifférente, ce parfum d'éternité latent propre à ces êtres qui semblent si loin, si doux, si lisses. Un peintre donne vie par touches légères aux toiles immaculées ; Elle redessina ses liens à la réalité de quelques traits sombres. Quand nulle étreinte ne nous retient...

- On va sublimer ces longues ailes d'ébène !
Mille ornements et boîtes jonchaient la table, et Azulynn fouillait dans ce fatras tout en parlant. Un grognement agacé lui échappa tandis que quelques épingles tombèrent au sol. Brandissant soudain un pot banal d'un air triomphant, elle les ignora superbement et revint se placer derrière son amie, une lueur pétillante et enfantine dans son regard pâle.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Prophetia visiblement intriguée.
- Tu verras... pirouetta son amie dans un rire.
Longuement, manipulant les longues ailes sombres avec douceur pour agir à sa guise, elle déposa une légère poudre sur toute leur longueur. Finalement elle lui tendit à nouveau le miroir, laissant tout loisir à la néphilim de contempler ses ailes constellées de paillettes chatoyant à la lumière.
- C'est magnifique.. Merci pour tout... reprit Prophetia, tendue.
- Tout va bien se passer, mon amie... continua Azulynn sur un ton chaleureux. Mais allons donc habiller la princesse !
Elle l'entraîna amicalement vers le lit où la robe étincelait. Celle-ci, faite de fils blancs rayonnants, semblait avoir réellement une provenance divine, heureux tissage d'étoiles. Prophetia ôta sa robe simple, tandis que son amie prenait avec délicatesse son vêtement, l'aidant à l'enfiler sans dommages. Azulynn serra doucement les lacets du corsage parfaitement ajusté, terminant par un noeud gracieux, et arrangea la robe en corolle à partir de la taille, de sorte qu'elle retombe jusqu'au sol, lisse et... céleste. Reprenant la discussion, elle acheva son oeuvre en glissant une tiare dorée dans les cheveux de la néphilim.
- Sublime ! commenta Azulynn, jaugeant la mariée du regard. Une dernière chose...
Il ne lui fallut pas longtemps cette fois avant de ramener ce qu'elle cherchait, et elle fit tomber quelques gouttes dans le cou nu de Prophetia, répandant aussitôt un douce parfum autour d'elle. La Gardienne sourit doucement :
- Fragrance de bonheur...

La longue silhouette fine au teint de lait s'amenuisa sur le miroir, tandis qu'elle se dirigeait vers le lit et les étoffes qui le couvraient. Elle prit le vêtement qu'elle désirait dans une sorte de continuité ; qui eût pu imaginer que le jour fragile et immaculé sous lequel elle se montrait, intimement, puisse même être entaché par une étoffe sombre ? Elle prit dans ses bras, tel un poids trop lourd, une robe argentée, créant dans la pénombre ambiante sa propre lueur planant autour de la soie. Une robe d'elfe, dirait-on ; une robe d'éternité, intimement liée à la mort dont elle se riait, survivant à toutes celles qui l'avaient possédé. La jeune femme la pressa doucement contre sa peau si terriblement mortelle, si follement désirée que la mort devait en rire, en songeant à l'état dans lequel elle serait sous peu de temps. Elle revint devant le miroir ovale à pas feutrés, la soie contre elle et laissant deviner d'une courbe ses formes, prière et offrande pour garder en elle un peu de l'éternel de l'étoffe. Elle jaugea d'un oeil troublé cette caricature entre éternité et mort.

Les préparatifs achevés, la jeune femme prit amicalement le bras de Prophetia.
- Bien... On va nous attendre...
Sa vis-à-vis hocha la tête, anxieuse. Azulynn reprit :
- Merci de m'avoir choisir pour être ton témoin... J'en suis très honorée...

Elle eut un rire étrange, fêlé, qui rompit le silence comme si le miroir s'était brisé soudain.

- Je te souhaite d'être heureuse dans l'éternité avec ta douce... Et je serai non loin si tu as besoin de moi, mon amie.

Une unique larme vint troubler l'éternité sereine de la robe elfique.

Elles sortirent.



Dédicace à Prophetia que je remercie pour l'agréable RP avant son mariage. Ecrit en écoutant Indochine, Air, entre autres. Si ça n'a pas de sens, autant vous le dire tout de suite : c'est normal. Vous ne pourrez pas dire qu'on ne vous avait pas prévenus.



http://mavazu.free.fr/azulynn16.jpg

Par Kyriane Feals le 25/8/2002 à 1:27:58 (#2021420)

Azulynn témoin, j'avais été prévenu... Azulynn coiffeuse, surprenante chose... mais n'est-ce pas le meilleur des métiers pour les confidences?

Par Ashley Funestelame le 25/8/2002 à 1:42:52 (#2021475)

Un écrit magnifique...

Quant au sens... n'en faisons pas notre soucis premier ! N'est-ce point dénaturer un texte que de le décortiquer pour y chercher une signification cachée ou non ?
Pourquoi ne pas se contenter de savoir que les mots sont là pour le plaisir de l'auteur et des lecteurs ?

Succombons aux charmes des phrases, voguons au rythme du récit...

Ne perds jamais cette âme de poètesse ma p'tite fée ;)

Par Aina HarLeaQuin le 25/8/2002 à 2:46:23 (#2021662)

Toujours aussi talentueuse. :merci: Un vrai plaisir.

Par Ysthar le 25/8/2002 à 3:24:51 (#2021726)

Il est plaisant de voir que le talent est toujours aussi réjouissant...

Magnifique cela va sans dire...

Douée... ou comment faire transfomer une scène d'apparence banal en texte sublime...

Fenrill etc...

Par Cyran le 25/8/2002 à 16:38:05 (#2023781)

*remonte le si bel écrit de sa Déesse :amour:*

Cyran, Champion :D

Par Ibuki Tribal le 25/8/2002 à 21:51:22 (#2025741)

Waouh :merci: Impressionant... :amour:

ouvrir les yeux ...

Par Ethel Tvar MIP le 25/8/2002 à 22:05:39 (#2025823)

Il l'avait vue en robe aussi blanche que les neiges du matin et s'etait emerveillé . Peu de temps apres , il s'etait rendu compte avec nostalgie que sa nièce etait définitivement devenue une jeune fille aux fins traits . Il savait qu'un jour , elle s'eloignerait de lui et eprouvait un sentiment mélé de peur et de bonheur . De peur , parce qu'elle etait presque la seule famille qui lui restait . Bonheur de voir qu'elle avait si bien tourné ...

Il n'avait reellement osé lui parler , c'etait avec raison . Il s'etait isolé avec Lysanda pour ne pas tout gâcher a son sens ... un sourire et une pensée pour celle qui restera a jamais son adorable nièce et murmura :

Puisses tu toi aussi connaitre un jour le bonheur qu'éprouvent Prophetia et Aloisia en ces temps , en ces lieux !

Par Prophetia Astrae le 26/8/2002 à 17:32:30 (#2031215)

:amour: :amour: :amour:

Merci tout plein Azulynn.
Comme toujours, c'est vraiment magnifique
*en a les larmes aux yeux*
Je te fais de gros bisous

Prophetia *Qui est heureuse d'avoir eut Azu comme témoin* Astrae

Par Maver|ck le 26/8/2002 à 18:04:06 (#2031430)

Arf merde je l'avais pas vu

Pfff j'dis meme pas ce que j'en pense tellement ca me degoute ;p

Zoux Zuzu