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RĂ©cit d'une autre fois

Par Belgalak Awn DC le 22/7/2002 Ă  22:20:45 (#1844681)

Dans des temps lointains et reculés, et perdus à jamais, avait vécu pendant longtemps un être que rien ne semblait vouloir vaincre. Il s’était traîné, sur toutes les terres, à travers tous les peuples, pour se retrouver. Il ne se reconnaissait nulle part, et trouvait étrange les peuples du Jour, qui peuplaient abondamment leurs villes, et dont il avait appris qu’il pouvait se repaître comme bon lui semblait. De quêtes en quêtes, de décennies en décennies, de révélations en révélations, de croyances en croyances, il traversa le temps, l’espace, se nourrissant de la vie, vie qui ne pouvait le déserter, lui, âme sombre et nocturne.

Il avait trouvé des frères qui obéissaient aux mêmes règles que lui, aux mêmes lois physiques occultes, ils s’étaient formés une famille, telles celles qu’on trouve dans les villes. Ils avaient ensuite appris que Ceux-qui-marchent-le-jour pouvaient être rendus à leur image, par un échange de fluide vital périlleux. Leurs rangs s’agrandirent peu à peu, tandis que le peuple des villes s’amoindrissait, et devenait terrorisé. Leurs prêtres eux-mêmes prirent peur.

Puis, le peuple de la nuit s’organisa et se mit à échafauder des plans de conquête, de destruction, et.. d’élevage. Ils levèrent une armée et rabattirent leur troupeau.

Mais les prĂŞtres de Ceux-qui-marchent-le-jour avaient foi en un dieu que le peuple de la nuit ne pouvait combattre. Ils firent se lever les prisonniers du jour et, par lÂ’amour de leur dieu, vainquirent les nocturnes.

Sauf les Premiers.

Les Premiers s’endormirent paisiblement, tandis que leurs enfants étaient morts. Puis ils se cachèrent, longtemps, longtemps, si longtemps que leur existence n’en vint qu’à finir dans les chapîtres Légendes des Erudits.

Puis ils décidèrent de sortir, mais de rester dissimuler, alors ils se fondirent dans les rangs du peuple du jour, ou plutôt dans les rangs du groupe de gens qui vivent parmi Ceux-qui-marchent-le-jour mais travaillent la nuit. Les taverniers et leurs soûlards, les aubergistes et leurs ribaudes, les criminels et les voleurs. Ils en apprenaient beaucoup, et en prenaient quelques-uns, quand la soif les étreignait. Ils en changèrent certains, rarement. Mais chacun des Premiers vivait séparément des autres, désormais, et leur vie coulait sans projet commun, et ils se mêlaient aux humains agréablement, en prenant garde de ne pas trop les rudoyer.

Ils firent chacun leur existence de leur côté, certains moururent, sans que les autres sachent comment, et d’autres furent oubliés. Le Premier, lui, vivait comme un solitaire. Il ne savait pas ce qu’il voulait, trouvait ses pouvoirs impressionants, et les utilisait tant qu’il le pouvait, sur le peuple du jour. Il était plus sage que les autres parfois, plus cruel d’autres, plus pathétique souvent, et plus.. naïf. Après quelques tentatives échouées de vagues conquêtes sur le peuple du jour, il fut étrangement transformé et se perdit dans la nature, comme ses frères. Il se mêla aux humains, s’insinua dans leurs familles, leurs villes, leurs écoles, leurs lignages, leurs histoires. Il se lia d’amitié avec certains humains qu’il jugeait dignes, et n’en fit devenir des semblables que très rarement. Ses appétits s’estompaient, sa naïveté aussi, et son cœur faiblissant finit par être pris, une fois, puis une autre, encore et encore, mais ne fut pas totalement accepté nulle part.

Puis, il se posa un jour sur une femme qui marchait la nuit, comme lui, mais pas de la même manière. Elle le garda. Puis il lui donna sa vie, et elle devint comme lui, elle marchait maintenant la nuit, de la même manière, à ses côtés.
Puis le monde fut fendu, les gens du jour éblouis, ceux de la nuit aveuglés. Le passé disparût et le présent fût altéré. Des gens périrent, d’autres furent étreints par l’Oubli. Les terres n’étaient plus habitées que par des hommes penchés vers l’avant, et incapables de regarder derrière. Les familles se perdirent, d’autres naquirent. Le sang fut mélangé et redistribué. Les liens furent coupés, et autrement tissés. Mais le lien de ces deux nocturnes était resté intact. Si bien que même si leurs souvenirs d’un côté ou de l’autre étaient individuellement évaporés, leur souvenir commun, lui, subsistait encore.

Mais la terre gardait encore en son sein son propre chaos, qui la faisait se battre contre elle-même, qui brisait sa surface, et empêchait les hommes, du jour ou de la nuit, de reprendre leur contrôle, leur vie, leurs rêves, et leurs envies. Ce chaos s’épaississait chaque jour un peu plus, le ciel s’assombrissait encore, et les ombres sur tous les cœurs se portèrent.

Mais personne encore ne sait ce qu’il adviendra, quand la mer se remettra à glisser, le sang à battre, et les pieds à marcher. Le retour si brutal à la vie ne peut-il être pire que la fin ? Les gens ne seront-ils pas perdus, dès lors qu’ils sentiront à nouveau leurs pieds fouler l’herbe ou leur vie s’écouler, inexorablement, vers la fin qu’ils n’ont pas encore connu..

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