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Chroniques du Lac de Cristal, V - Le Joug du Passé

Par Azulynn Sylrus le 12/6/2002 à 15:52:16 (#1642109)


*Chroniques du Lac de Cristal, I - Eternel Silence
*Chroniques du Lac de Cristal, II - Les Couleurs Interdites
*Chroniques du Lac de Cristal, III - Bémols, Dièses, Temps et Contre-Temps
*Chroniques du Lac de Cristal, IV - Jour de Liesse


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Un éclair de lumière éblouissant. Un mouvement de foule de fit instinctivement, vers le bas de la plaine, avant que le contenu du vase ne les fasse s'immobiliser. Le tableau était étrange, une foule aux reflets de perle qu'on eût dit inanimée tant le silence était impressionnant, ou plutôt vibrant de déférence. Les milliers d'yeux d'émeraude tous dirigés dans la même direction ; l'estrade translucide et le vase qui la surmontait. Celui-ci s'était illuminé dans l'éclair, semblant frappé par une foudre aquatique qui fit naître des volutes étranges et tourbillonnantes, s'élevant paresseusement derrière les parois brillantes. Du bleu sans fin d'un ciel nocturne que ce peuple n'apercevait jamais, elles paraissaient animées d'une vie majestueuse. Mille nuances de leur couleur ne cessaient de se disputer les regards de chacune, jalouses ensorceleuses, nobles mourantes à l'issue de leur parcours charmeur dans le haut vase. Chaque année ce cadeau revenait hanter le vase de son chatoiement, mais nulle ne s'en lassait jamais ; il aurait fallu y soustraire son regard pour ne point être pris dans le jeu fascinant de ces arabesques. Mais comment échapper à une volonté divine...

Les enfants destinées au choix, bouquet ingénu et immaculé aux fragrances de crainte, n'avaient elles osé relever leurs grands yeux troublés, conformément à ce qui leur avait été dit par les jeunes femmes qui s'en étaient occupées. Celles-ci avaient reculé dans un bruissement d'étoffe, se fondant parmi les premiers rangs désordonnés. Des milliers d'yeux semblaient clignoter dans le vase, et Danae, perdue parmi ses compagnes, sentit un regard implacable sur ses épaules courbées, qui s'affaissèrent imperceptiblement. Un tremblement incontrôlé l'avait prise, les pensées bouillonnant dans sa tête. Prêtresse ? Ouvrière ? Prêtresse ? Les poings crispés, toute son âme tendue vers la vie qu'elle sentait sur l'estrade, elle priait, les nerfs marqués au fer rouge...

Un léger frisson parcourut l'écharpe des Filles des Eaux, tel une brise venant troubler le calme d'une étoffe. La plaine était toujours aussi silencieuse en apparence, mais une voix résonnait derrière les traits fascinées des vêtues de gris perle.


Je vous salue Femmes... Et vous bénis du travail fidèlement exécuté cette année. Il est plaisant de voir cette oeuvre au service de votre peuple et de son guide.

La grande majorité des femmes avaient incliné la tête, respectueuses et craintives. La vois se tut dans leurs esprits, troublés par celle-ci, divinement intense, comblant en quelques mots les défaillances possibles de leur foi. Les abandonnant, les têtes aux yeux d'émeraude hagards se relevant peu à peu, ce fut au tour des enfants de s'électriser sous le timbre céleste.

Bonjour, jeunes filles. Soyez fières de ce jour où vous contribuerez à l'écriture du destin de votre peuple, quelle que soit votre tâche, elle est un maillon de la chaîne contribuant à la grandeur des Filles des Eaux.

Sans plus attendre, il se mit à appeler chacune. La première fut une certaine Astral, enfant menue à la pâleur de glace et aux yeux apeurés tel un animal acculé. Elle avança à pas tremblants vers l'estrade, manquant trébucher, affolée par les centaines de regards qui vrillaient son dos fin. Une mère, perdue dans la foule, porta une main tremblante à sa bouche, tandis qu'un être immatériel apparaissait un instant aux côtés du vase, brandissant sous le nez de l'enfant un tablier qui, s'il avait été animé, eût rougi de l'attention de la foule compacte. L'apparition du bout de tissu lui causa visiblement un choc intense, elle vacilla un instant, courbée, avant d'attacher l'étoffe à la couleur indéfinissable autour de ses hanches.

Un sanglot troubla un instant le lourd silence de la foule, mais bien peu l'entendirent...

Danae gardait les yeux fixés au sol, éperdue de prières. Si la plaine était silence, elle-même était littéralement étourdie du bourdonnement de ses pensées, dans l'expectative terrible. Elle sentait à peine les changements d'atmosphère suite aux voies tracées pour ses consoeurs, une fugitive pensée de jalousie lorsque l'aura s'apaisait, signifiant visiblement la remise d'un sceptre de prêtresse. Elle crut sentir dix fois la durée de sa courte vie couler dans ses veines frémissantes, avant que la voix ne revienne dans son esprit.


Danae yh Del'ianor.

Elle releva la tête vivement. Une légère hésitation troubla son premier pas lorsqu'elle se fut relevée, mais bientôt elle avança confiante et fascinée, par cet apparition qu'elle vénérait plus que tout, objet d'une chaste dévotion enfantine. Ses yeux d'émeraude semblaient deux pierres précieuses luisantes, et nombreuses furent les spectatrices qui s'y attachèrent aussitôt. Bientôt l'enfant fut face au vase, les yeux mi-clos, presque saoule de l'attention amicale qu'elle ressentait frémissante derrière elle. Face aux volutes indifférentes elle se sentit soudain dénudée, percée au plus profond de son coeur. Sans doute l'Esprit savait-il sa dévotion en ce cas ? Immobile et anxieuse, fleur blanche parmi le translucide divin de l'estrade, Danae attendit.

Un être hyalin apparut à nouveau, une fraction de seconde, laissant dans ses bras qui s'étaient tendus par réflexe une étoffe aux nuances ocres.

Hébétée, elle resta quelques secondes comme statuefiée, quelques secondes qui lui parurent durer une éternité. Elle ne pensait plus, elle ne voyait plus rien que ce tissu aux plis narquois. Non, cela ne pouvait être, elle devait... rêver ? Elle faillit hurler quand les sensations sur sa peau rattrapèrent son esprit fuyant l'idée de la servitude. Mortifiée. Elle sentit monter en elle un haut-le-coeur sanglant. Pourquoi ? N'était-elle pas... Une prêtresse destinée, et reconnue comme telle ? Une méprise peut-être, était-ce bien l'étoffe destinée à Danae yh Del'ianor ? Petite fille de Cyelnae yh Del'ianor ? Fuir, fuir, fuir ce poignard à la lame brillante et rieuse violant sa foi...

Cyelnae, engloutie par la foule abasourdie dont un murmure léger montait par endroits, laissa retomber sa tête aux cheveux argentés. Elle avait suivi chaque mouvement de l'enfant, à cran, sa robe froissée par ses mains indomptables qui ne cessaient de la triturer. Le pressentiment l'avait poursuivi, tel une ironique Faucheuse derrière le bonheur qui aurait dû être promis à Danae. Elle payait pour Lyraèll, celle-là ne cesserait donc de les hanter, combien de vies avant l'apaisement de l'esprit ? De seconde en seconde la vieille femme se décomposait, brisée par cette insignifiante étoffe.

L'enfant, sur l'estrade, s'était raidie, vivant au ralenti. Une force invisible la poussa, et d'un pas incertain, son esprit semblant s'être détachée de ses frêles épaules, elle descendit les marches fines. Des bras secourables l'attendaient à quelques pas de l'estrade, mais dès qu'elle posa le pied à terre, elle s'effondra à terre, inconscient fétu de paille.


A suivre...


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Ecrit en écoutant la BO de And now, ladies and gentlemen, by Patricia Kaas.


http://mavazu.free.fr/azulynn15.jpg

Par Cyran le 12/6/2002 à 20:26:35 (#1643817)

Et le vagabond ne put s'empêcher d'interrompre son errance pour profiter de la douce voix de la conteuse et du charme captivant de son histoire...

Par Eoll le conteur le 12/6/2002 à 20:28:58 (#1643835)

Encore heureux que c'est à suivre! Je la veux la suite moiiii!!

Une nouvelle fois, le texte fait honneur à celle que beaucoup considerent, à juste titre, comme une des meilleures (la meilleure..? ) plume de ce forum.

Bravooo!:)

Par Azulynn Sylrus le 13/6/2002 à 6:17:31 (#1645969)

*remonte discrètement le petit post et remercie Cyran et Eoll* ;)

Par Kyriane Feals le 13/6/2002 à 12:59:43 (#1647637)

Telle cette pétale de rose, arrachée à sa propriétaire, s'envolant, guidée par les vents, vers le ciel infini, un souffle léger se pose sur ce post, le faisant pirouetter à tout-va, pour le mettre là où il devrait être... au firmament.

Par Cyran le 14/6/2002 à 19:14:30 (#1656365)

Provient du message de Azulynn Sylrus
*remonte discrètement le petit post et remercie Cyran et Eoll* ;)


de rien p'tite fée ;)
:eek: j'ai fait remonter le post ? non ! :doute: :ange:

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