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Quand tout sÂ’effondre

Par Acyde le 19/1/2002 Ă  20:06:28 (#745455)

Assise sur le lit, lui très droit sur la chaise. Face à face. Le regard de l’homme est froid, dur. La femme le fuit, livide et désespérée. Il était venu la détruire, et il l’aurait sans doute fait. Mais plus forte que celle de la vengeance, la corde de la compassion, vibrante après les aveux, lui faisait changer d’avis. Et Acyde le détestait d’autant plus, haineuse de savoir qu’il n’irait pas jusqu’au bout.


Elle était rentrée chez elle à la nuit tombée, comme souvent. Comme souvent, elle se glissait dans l’obscurité de la ruelle. Puis elle déverrouillait la porte sans bruit, se faufilant dans sa propre demeure comme l’eût fait un voleur. Elle posait sa houppelande sombre au crochet du mur, silencieuse comme une ombre. Elle ne prenait pas de repas le soir, jamais. Elle gagnait ensuite la chambre. Une chambre plongée dans une froide pénombre. Et une bougie luisait, ce soir-là, au chevet, éclairant fugacement le profil d’un homme.

Il l’avait attendue plusieurs heures, bien qu’il sût qu’elle ne serait là que tard. Cette attente lui avait servi à rester maître de ses émotions, à tout enfouir de la violence de son ressentiment. Le visage qu’il affichait était un masque étrange, à la fois serein et sévère, indiscutablement hostile. La silhouette qui pénétra dans la pièce le considéra sans la moindre attention et se dirigea vers lui le plus naturellement du monde.

Il y avait quelque chose d’anormal dans sa présence. Elle le sentait. Ce n’était pas tant le fait qu’il n’eût jamais dû savoir où elle habitait, ni même cette colère qui émanait de lui comme des effluves qui échappent à tout récipient. C’était lié au Rituel, à son rituel, qu’elle connaissait trop bien pour ne pas s’apercevoir qu’il avait été brisé. Elle le salua d’une voix douce et unie, un sourire exquis sur les lèvres. Les traits de l’homme restèrent de marbre et sa réponse sembla venir de très loin.

- Je doute qu’il s’agisse vraiment d’un bon soir, énonça-t-il de son timbre le plus lugubre.

Immédiatement, l’attitude d’Acyde changea du tout au tout. Ses ailes se déplièrent très légèrement et donnèrent de l’ampleur à sa silhouette fine. Tous les muscles de son visage adoptèrent une expression austère, presque inhumaine dans sa dureté. Elle lui décocha un regard mauvais et ses yeux noirs étaient comme deux poignards chauffés à vif.

- Ne vous mesurez pas Ă  moi, Baron. Vous auriez beaucoup Ă  y perdre.

Sa voix avait perdu son pouvoir de fascination. Elle était froide, calme, menaçante. L’homme restait imperturbable et elle n’attendit pas la riposte. Les mots se précipitaient dans son esprit et s’assemblaient sur ses lèvres dans le murmure d’une complexe formule. Elle se servit de ses deux focus de pouvoir pour investir l’incantation d’un maximum de puissance. Elle n’avait aucun moyen de renouveler l’envoûtement dans l’immédiat, elle se contenterait de le neutraliser physiquement avant qu’il ne tente quoi que ce soit. Elle jeta le sort comme on jette un filet, libérant une vague noire plus sombre que l’obscurité de la pièce, une vague qui déferla sur l’homme comme pour l’engloutir. Mais il ne se noya pas. La robe de cérémonie qu’il portait s’était mise à luire d’une nimbe d’argent sur laquelle les ténèbres ricochèrent. L’attaque revint à pleine puissance sur la néphilim et le choc en retour la frappa de plein fouet. L’homme vit son crâne se rejeter sèchement vers l’arrière et entraîner son corps dans un vol désarticulé de plusieurs mètres, s’achevant sinistrement contre le mur.

Lorsqu’elle reprit connaissance, Acyde était ligotée de manière experte, incapable de bouger un membre. Elle ne sentait plus la présence de ses focus et préférait ne pas savoir ce qu’il en était advenu. L’homme –Gadjio se rappela-t-elle– l’observait en silence, à moins d’un mètre. Elle n’espérait pas avoir le temps d’incanter quoi que ce fût dans ces conditions et se contenta d’attendre avec amertume. Bien sûr, elle ignorait tout des propriétés de la robe de Sawill, tout comme elle n’avait pas connaissance du rituel de soutien opéré par Nisel. Mais elle en avait senti la puissance et compris l’effet. Elle ne demandait plus qu’à en savoir davantage.

La nuit fut longue. Et très différente de celles qu’ils avaient pu passer ensemble. Il comptait lui ôter la vie et ne s’en était pas caché. Elle, elle ne se faisait aucune illusion sur les faiblesses de sa Pierre de Destinée –elle s’était déjà suicidée une fois, par le passé. Et cette fois aucune nécromancie ne la ramènerait à la vie. Elle se résigna. Il voulut tout savoir.

Dehors, la ville était calme et assoupie. Un souffle infime déposait avec délicatesse les flocons blancs à des endroits choisis. La neige assemblait mélancoliquement son linceul, enterrant comme à regret le monde des vivants sous son voile uniforme. La vitre glacée isolait de la paix extérieure la petite chambre où se confessait la haine. Les paroles sourdes d’amertume ne touchaient pas l’invisible beauté de la nuit, et la douceur du paysage enneigé, si pur et si fragile, n’avait rien en commun avec les choses qui furent avouées.

Acyde lui expliqua comment elle s’était servie des ogrimariens pour tromper l’Oracle. Elle expliqua comment elle avait détruit tout ce que les haruspiciens lui avaient confié, jusqu’à l’honneur de leur mémoire. Elle expliqua sa longue quête de la Porte des morts, et l’échec qui s’en était suivi. Elle s’expliqua pour chaque étape de sa destinée si honteuse, dont elle ne tirait qu’indifférence. Son regard se faisait vague tandis qu’elle parlait de sa recherche opiniâtre d’un savoir interdit. Elle ne désirait pas la puissance, non, c’était bien pire que cela. Son désir de connaître et aussi de comprendre n’avait pas de limites avouables et la consumait entièrement. Gadjio voulut savoir le rôle qu’il avait occupé sur son vaste échiquier. Elle lui raconta ses découvertes sur le Linceul de mort, qu’elle avait cru en sa possession. Il sut pour le rituel et apprit ce qu’il n’avait pas encore déduit. C’est lui qui lui avait révélé, à son insu, malgré lui, qui avait récupéré le puissant artefact. Acyde avait dû jouer toutes les cartes qu’il lui restait pour tenter de s’en approcher. Mais elle était mauvaise comédienne, et sa détermination n’avait pas suffi à tromper les syliens. Le récit comportait plus de détails inhumains qu’il n’en aurait fallu pour faire pâlir de confusion le plus impitoyable et sordide des traîtres.


A présent, ses liens sont défaits et ils se regardent, face à face. Elle pourrait se lever et partir. Il pourrait mettre à exécution sa condamnation. Mais ils se regardent, en silence. A aucun moment la voix d’Acyde ne s’est fait vibrante, à aucun moment ses yeux ne se sont voilés d’une larme. Elle reste forte, jusque dans l’échec, même après le coup de grâce qu’il lui a porté. Toute l’énergie qu’elle a déployée pour se rapprocher des syliens, ces conversations aimables avec les êtres qu’elle haïssait plus que tout, la fange dans laquelle elle s’est roulée pour acquérir leur odeur. Tout était vain. Ils n’ont pas le Linceul. Elle repense à toute sa compromission, à ses airs souriants qu’elle se contraignait à prendre, à sa longue enquête pour poursuivre Boreale. Lorsqu’elle reprend la parole, l’amertume au fond de son regard ne transparaît toujours pas dans sa voix.

- J’ai tout trahi, Gadjio. Mon espèce, mes amis, mon ordre, ma nature, mon dieu. Tous ceux qui m’avaient fait confiance, tous ceux qui m’avaient apporté quelque chose. J’ai voulu vendre l’humanité à l’Haruspice. J’ai voulu faire payer leurs hérésies aux ogrimariens. J’ai voulu trahir les syliens. J’ai voulu punir les renégats de Feyd-Ehlan. J’ai voulu combattre les nécromants païens. J’ai voulu exploiter ceux qui m’aimaient et exploiter ceux que j’aimais. J’ai renié Héraut et tout ce que je lui devais pour m’accrocher à mes seules ambitions. Et qu’ai-je obtenu ? Qu’ai-je obtenu ?

Longuement, le silence glacé laisse sa question en suspend. Un silence lugubre, comme la pire des réponses. Les lèvres de la femme tremblent légèrement, son visage à la pâleur de cire évoque la mort. Elle demeure immobile, incapable de bouger, incapable d’assumer maintenant ce qu’elle a toujours évité d’assumer. Son regard se trouble et une perle naît au bord de ses yeux, reflétant par éclats la lueur de la bougie qui agonise. La larme coule lentement, très lentement sur son visage défait. Seule. Elle contient des années de détresse et de désespoir, des années de froideur et de détermination, l’équilibre précaire d’une vie qui s’effondre.

Tremblante, elle se lève, sans que l’homme n’esquisse un geste. Il la suit des yeux jusqu’à la porte, sans un mot, sans bouger plus que la tête. Puis la porte se referme derrière elle, ne laissant plus percevoir que l’apathie de son pas sur le pavé. Détachée de tout ce qui l’entoure, elle se dirige lentement vers le port. A l’aube, un navire l’emmènera. Loin de tous, loin de son passé, là où tout s’achève. Pour disparaître.




http://multimania.com/zimages/acydsign.jpg

Par Henoutsen le 19/1/2002 Ă  20:25:13 (#745604)

*adore* :lit:

Par Bardiel le 19/1/2002 Ă  20:25:53 (#745610)

:lit: wouach! *fan*

Par MortifeR le 19/1/2002 Ă  20:30:51 (#745647)

Sublime.
Mais si Acyde s'en va, je suis pas près de me remettre au RP moi.

Par Azulynn le 19/1/2002 Ă  20:34:27 (#745673)

... Wow :eek: :amour: :amour:
Sans te connaître Acyde, si ceci constitue ton départ tu m'en verras désolée car tes posts RP sont un vrai bonheur... J'aurais aimé te croiser en jeu.
LjD Azu :)

Par Lorme le 19/1/2002 Ă  20:43:53 (#745735)

:lit: ;)

Par Alanis Delyn le 19/1/2002 Ă  22:19:51 (#746296)

Toujours un reel plaisir a lire...

Par Balkis le 19/1/2002 Ă  22:36:03 (#746385)

*es désolé de lire tout les départ*

*aimerais rencontrer plus de monde mais si tout le monde s'en va.....*

Par Snoopy le 19/1/2002 Ă  23:18:54 (#746638)

*adore* ;)

*hop*

Par Arken le 20/1/2002 Ă  1:42:09 (#747627)

*fait un medley des reactions pour son propre compte*
*adore* un fan qui a plaisir a :lit:

Par Acyde le 20/1/2002 Ă  4:41:43 (#748194)

(Merci pour les commentaires, c'est gentil et cela fait plaisir. ;)
C'est bien le départ d'Acyde, vers d'autres horizons, d'autres terres pour tenter de se reconstruire un semblant de vie.
Je manquais de temps pour jouer autant que je l'aurais souhaité, et l'achèvement de la plupart des objectifs que s'était confiée Acyde m'ont poussée à mettre fin à son aventure. Elle n'est cependant pas morte, il en faut plus pour s'en débarrasser, et je ne manquerai pas de la ramener sur vos rivages le jour où l'envie m'en reviendra. ;)

Je suis un peu désolée pour ceux avec qui j'avais encore des histoires entamées et que j'abandonne brutalement, j'espère que nous aurons un jour l'occasion de renouer.

A bientĂ´t. http://forums.cat-the-psion.net/images/smilies/wavey.gif
Acyde.)

Par Conrad McLeod le 20/1/2002 Ă  11:53:23 (#748809)

( Vivement ce jour... )

Par La Main le 20/1/2002 Ă  13:22:44 (#749171)

La Trahison est ma Maitresse
Sa voix est ma volonté
Mon corps est Sa main
Les Lambeaux d'humanité sont ma nourriture
Et la Folie ma Lumière.

Par Subtil le 20/1/2002 Ă  13:33:42 (#749242)

:sanglote:
:merci:

Par Henoutsen le 21/1/2002 Ă  1:07:38 (#754353)

zut moi qui voulait retrouver vite stoneheim et te donner le privilege de tester ma 1ere béné :(
c trop injuste

Par Gabriel Thylin le 21/1/2002 Ă  1:34:57 (#754422)

:lit: Tout a été déja dis dans les reactions précédentes,c'est exquis :)

J'avais deja adoré les précédents et c'est une fois de plus sublime meme si cela marque un départ..

Au plaisir donc :)

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