La parabole de la fourmi

Par Ada le 4/1/2002 à 14:30:38 (#660497)

Dalaï contemplait le chemin terreux devant lui. Les pluies de la veille avaient laissé leurs marques en de vastes flaques boueuses. La pente était raide et la chaleur pesante, malgré l'heure matinale… Il écarta de son bâton quelques gobelins par trop entreprenants et repris sa route. Ses pas le menaient à HavreClair, cette cité où tant de jeunes aventuriers découvraient le monde, ses victoires et ses bonheurs, ses infamies et ses souffrances. Il se disait que bien des cœurs encore purs ou déjà corrompus trouverait la lumière de la licorne, s'il se montrait à la hauteur de la tache. Il fit une pause au sommet et porta son regard sur le fait des maisons au loin. De cet endroit, la ville paraissait paisible et calme. Et pourtant, il savait quel nœud de passion elle abritait en son sein…Comme les braises qui chauffent doucement une maison mais qui brûlent impitoyablement l'imprudent qui les touche. Une ombre passa sur son visage et s'empara de son âme. Il sentit la fatigue venir alourdir ses épaules. La lassitude et la honte l'envahir… Sa vue se brouilla et ses yeux luirent de larmes longtemps contenues…

- Je ne suis qu’un homme ! s’écriat-il en se laissant aller contre une souche fraîchement coupée.

- Je ne suis qu’un homme ! Mes forces et ma volonté sont limitées aux résultats que j’obtiens… Tous les jours de ma vie, je parcours les routes du royaume et les méandres des âmes des hommes… Tous les jours mon cœur se brise mille fois devant la vanité de ma quête… Qui suis-je pour aimer tous les hommes ? Qui suis-je pour vouloir leur bonheur et leur sauvegarde ? J’ai cru pouvoir changer le monde en défiant les cieux ? J’ai cru pouvoir réussir là où les dieux avaient échoué par deux fois déjà ?

Les larmes de l'amertume et du désespoir tracèrent leurs sillons funestes sur son visage. Son corps, alourdit par la peine pesait contre la souche et son bâton de bois, tenu d'une main molle, malmenait une petite fourmilière à ses pieds… Un sommeil d'oubli tomba sur lui…


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CinqPattes retournait à la fourmilière lorsqu'elle vit une masse sombre s'abattre sur celle-ci. Presque instantanément, ses sœurs se déversèrent hors du nid chacune portant tant bien que mal la première chose qu'elle avait pu attraper, qui une brindille, qui une larve, qui un morceau de nourriture. CinqPattes s'élança à l'assaut de cette marée de terre et de carapaces, désireuse à son tour de sauvegarder une parcelle, put-elle sembler infime, de son foyer, de sa patrie…Tout ce qu'elle put saisir de ses mandibules fut une jeune ouvrière à peine éclose, à en juger par la rutilance de sa carapace. Entrainées par l'avalanche, elles se retrouvèrent projetées au bas du petit mont, miraculeusement indemnes. CinqPattes se redressa et entreprit de vérifier qu'il ne lui manquait pas un membre de plus. Cette vérification rassurante terminée, elle redressa la jeune ouvrière qui reprenait ses esprits. Leurs regards se portèrent vers la fourmilière. Ce qui avait été un fier monticule où régnait une agitation ordonnée n'était plus qu'un amoncellement de terre et de gravats d'où émergeaient les objets les plus hétéroclites, le plus inhabituel restant cette immense masse tel un arbre jaillit du nid. Celui-ci était maintenant immobile…Peu à peu une multitude de fourmis apparurent et s'élancèrent sur les ruines, formants progressivement des files de plus en plus régulières… CinqPattes s'apprêtait à les rejoindre lorsqu'elle remarqua la curieuse immobilité de la petite ouvrière.
- Viens, Petite ! Il y a de l'ouvrage pour toi !
-Comment ?
- Ne vois-tu pas le travail que nous avons ? Il faut tout reconstruire au plus tôt ! La nuit ne doit pas nous trouver sans un abri…
- A quoi bon ?
- Pour nous protéger, nous nourrir et perdurer… pour vivre…
- A quoi bon ? Demain, un autre fléau anéantira peut-être nos efforts. Sans que nous sachions comment ou pourquoi !
- Et alors ? Nous aurons passé la nuit en sécurité et nous reconstruirions de même.
- Pourquoi s’évertuer à reconstruire inlassablement ce qui semble pouvoir être détruit si vite et si facilement ?
- Pour vivre et faire vivre… Parce que notre famille existait bien avant que ce fléau ravage notre nid et qu’elle existera bien par-delà. Parce que notre cœur, non le Tien ou le Mien réside dans notre communion lorsque nous travaillons ensemble. Parce que Ta vie ou Ma vie ou Leurs vies est une lumière dont chacune d’entre nous profite équitablement. Parce que tant que la vie nous habite, elle nous construit et que nous ne pouvons rien faire d’autre que construire à notre tour une entité aussi solidaire que possible. Parce que je suis Ta vie et que Tu es la mienne. Parce qu’il n’est pas vain de vivre l’avenir dans ce que nous réalisons aujourd’hui…
- L’avenir… ?
- Oui, l’avenir, fut-il bon ou mauvais, n’est jamais que le résultat des jalons que tu poses aujourd’hui… Ne te leurres pas, tu passeras ta vie, comme je passerais la mienne à œuvrer pour un futur que nous voulons idyllique. Mais même si nous ne voyons jamais ce rêve, qu’importe… Notre âme et notre cœur emplissent déjà les larves à venir et celles qui viendront encore après… et en cela est notre bonheur et notre foi… construire et reconstruire, sans remords, ni vengeance pour notre sauvegarde et la leur…
- Construire… œuvrer pour la vie… toujours… suivre un chemin lumineux…
- Allons ma sœur, mon âme et mon cœur, moi-même, suis-moi, ce chemin est pour le moment bien encombré… CinqPattes s’élança vers le tas de terre jaugeant d’instinct où l’appelait la tache.
- Je te suis ! Mon autre moi-même… murmura la jeune fourmi, empruntant la voie de son aînée…


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Dalaï s’éveilla en sursaut. La tête encore lourde de sommeil et de chagrin il porta un regard incertain vers le ciel et s’aperçu qu’il s’obscurcissait déjà. Puis dans une réminiscence lumineuse il suivit des yeux son bâton et s’arrêta sur un spectacle qui le fit sourire. Le bas de son bâton était emprisonné dans une gangue de terre et de débris tout à fait ordonnés. Quelques rares fourmis s’empressaient d’escalader ce monticule et de se glisser dans d’invisibles interstices. Dalaï se redressa en prenant appuie sur la souche et contemplât l’œuvre de ce petit peuple. Puis il épousseta ses vêtements et instinctivement tendit la main vers son compagnon de route. Brusquement il arrêta son geste avec un sourire.

- A chaque jours suffit sa peine, petit peuple de l’herbe… murmura-t-il dans le vent.

Il se détourna et s’engagea lentement sur le chemin en direction de HavreClair, en pensant que Marknek Sunim lui dégoterait bien un vieux bout de bois à tailler pour poursuivre son chemin lumineux…


Ada

Par Etoile le 4/1/2002 à 15:58:42 (#661022)

Tout simplement superbe!

Par Meduse_Sk le 4/1/2002 à 21:30:12 (#662589)

J'essaierai de lui trouver un autre bâton :)

Et je ferai attention où je marcherai en traversant le camp gobelin :)

Par Anakin le 4/1/2002 à 22:53:44 (#663025)

Vraiment Merveilleux
la beauté de ce texte et son sens resteront longtemps gravé dans ma memoire
Merci

Par Ada le 5/1/2002 à 0:27:00 (#663557)

Merci, beaucoup.
Je n'ai aucun mérite. L'inspiration du Dalaï a guidée ma main et mon coeur.

* refléchie *

Par Ihria PHILOS le 5/1/2002 à 10:19:03 (#665291)

C'est une belle leçon , qui mérite mure reflexion et devrait remettre tous les redempteurs sur la voie, la seule....
La voie de la PAIX et de l'Amour....

Merci....

Par Dry Ashes le 5/1/2002 à 11:05:38 (#665390)

Avec de si beau textes y a moyen de faire de superbe rp ... dans le jeu

Sir Dry Ahses !

Par Ihria PHILOS le 5/1/2002 à 12:19:09 (#665638)

Vos insinuations ne sont à mon avis pas bien dirigées, car Dame Ada fait profiter de ces talents en notre beau pays, en défendant hardement le pouvoir de l'amour et en mettant son corps entre les combattants de batailles futiles qui se déroulent souvent devant le temple de Stonecrest !

Une pure Rédemptrice qui se sent bien seule, face à cette horde de combattants.....

A bon entendeur, Salut....

Très bien mon enfant

Par Sieur Dubourina le 5/1/2002 à 12:31:49 (#665690)

*le vieil homme s'assit sur un nuage*
*il se touche la barbe blanche reflechissant*

Ce texte est magnifique ma chere enfant.
Il me semble l'avoir déjà lu dans un grimoire mais ma vieillesse m'en a fait oublier le nom.

Quoi qu'il en soit, ce message de Paix a été, je l'espere, bien entendu...

*il part sur un autre nuage pour admirer ce monde du ciel, celui qu'il foullait autrefois*

Par Aërandis le 5/1/2002 à 12:35:54 (#665713)

*un pauvre hère débarque à Silversky couvert de poussière et de boue*

Tiens Ada fait encore parler d'elle *entends de la bouche des passants la merveilleuse histoire du Dalaï*

Décidemment, les redempteurs sont un bien pour l'humanité, tant qu'il y aura des gens comme sa, l'humanité ne sera pas perdu.

Encore bravo Ada pour ce merveilleux texte.

réponse à Aërandis

Par Ada le 5/1/2002 à 15:54:06 (#666842)

:D contente :D

Encouragements !

Par Ihria PHILOS le 6/1/2002 à 17:28:01 (#674188)

* fais remonter le post *

Faut aider les gens qui se donne du mal, pour remonter un rp rédempteur inexistant en ce moment sur notre serveur !

Voila, bon courage aux rédempteurs.....

Par Anakin le 7/1/2002 à 1:05:08 (#676538)

Moi je le dit haut et fort du bonheur comme cela doit se trouver en haut du forum (Hop hop fait vite remonter le post)
Vient de lire et de relire le texte, j aurais presque envie de devenir redempteur
:D

Bravo Ada a quand le prochain texte rempli de bonheur ?
:ange: :ange:

Par La Mouette le 7/1/2002 à 15:40:43 (#679290)

:)