Visite intérieure

Par Zephirin le 15/10/2002 à 2:14:28 (#2337391)

"Cela te permettra...de lui parler", lui avait elle dit, sans paraître sûre d'elle...
Il avait accepté de boire sa décoction, et avait cédé à l'extase qui s'en suivait... Une extase brûlante, qui avait amené son désir à son paroxysme...

Puis il sombra doucement, alors qu'elle le berçait... "Je sais que tu peux y arriver" étaient les dernières paroles qu'il avait entendu...

Le jeune saltimbanque avançait seul, dans le noir complet...Pourtant, et peut être pour la première fois de sa vie, il n'avait pas peur...Cet inconnu ne pouvait vraiment l'effrayer, car il s'agissait de SON inconnu...

Puis, la lumière vint...une lumière blanche, devant lui...Les contours d'une montagne recouverte par la neige se dessinaient dans son esprit...
La montagne était immense... Plus grande que tout ce qu'il était capable d'imaginer...Pourtant n'était il pas dans son imagination ?
Il vit le sentier, et posa le pied dessus... Ce ne fut que quelques seconde plus tard qu'il atteignait le sommet... Il se rapellait pourtant de chaque pas de son ascenscion. Le temps avait il une quelconque prise en ce lieu ?
Il fit rapidement le tour du col... Sans savoir ce qu'il cherchait, il savait comment s'y rendre... Et pourquoi le froid ne le génait en rien ? Comment etait ce possible ?

L'entrée de la grotte était là, devant lui, véritable bouche démoniaque taillée dans le glacier. Et la peur ne venait toujours pas... Pas de boule dans l'estomac... Il pénétra à l'intérieur...

Le soleil radieux de l'extérieur se refletait dans la glace recouvrant les parois des boyaux interminables de la grotte...
Encore une fois, Zephirin avait la conviction d'avoir marché plusieurs kilomètres... Mais il était là, quelques instants après avoir pénétré dans la gueule du démon...

La salle était baignée dans cette lumière iréelle, plus douce que dans les boyaux... Des piliers de glace semblaient sculptés en spirales, et le plafond arborait une fresque taillée à même la glace : une scène de bataille, un guerrier aux traits familiers chargeant vers une troupe de monstres apocalytiques... La violence de la scène aurait dû être insoutenable pour le saltimbanque si attaché à la paix... et pourtant il n'en détourna pas les yeux... Son regard descendit enfin sur Lui...

Assis sur un trône de glace, l'homme, ou plutôt le jeune homme, semblait dormir...
Zephirin réalisa avec horreur qu'il se contemplait lui-même... Ou presque... C'était son visage, jeune et harmonieux...mais la peau était pâle... tel une porcelaine... Ses cheveux étaient blancs...
Il portait une armure faite d'emboitements d'acier poli et de cristal taillé... Appuyées contre le trône, différentes armes semblaient elles aussi faites de cristal et d'acier.

Zephirin s'approcha de lui même...plus près...plus près...
Il se détailla... Et osa même se toucher... Le doigt posé sur l'armure, il aurait juré que le froid de celle-ci l'aurait brûlé s'il n'avait pas été dans ce monde onirique...
Puis, il osa enfin parler...

"Tu es...Blizzard, c'est cela ?"
Pas même un souffle ne faisait bouger sa statue.
"Je...enfin...elle...m'a dit de te parler... Je sais que tu me hais...et que nous n'avons rien à voir l'un avec l'autre... Je t'avouerais même que moi aussi, je te hais..."
Il prononçait ses dernières paroles en se rendant compte que pour la première fois de sa vie, il admettait qu'il pouvait haïr...
"Mais...si j'ai bien compris...tu es venu pour..."
La statue ouvra soudainement les yeux, les paupières découvrant deux aigues marines glaciales à la pupille rubis desquelles semblait émanait de la haine pure.
Une voix sépulcrale resonna partout dans la grotte, sans même que la statue n'ouvre la bouche... Zephirin pouvait jurer que si il n'avait pas été dans cette non-réalité, son coeur aurait arrêté de battre...
"_Nous sommes venus pour cela.
_Oui, admit le saltimbanque, Nous...
_Et tu viens pour que nous nous unissions, c'est cela ?
_Je...oui, souffla doucement Zephirin. Si notre destin est vraiment d'aider les hommes par ce combat, alors je crois que ne devrions pas nous déchirer... Enfin, elle le croit, et je lui fait confiance...

Zephirin se serait attendu à ce que cet autre lui se lève et le frappe, le tue, et prenne sa place dans sa conscience à ses paroles...
Il aurait imaginé la voix tonner et une des lames le tuer sur le champ...

Au lieu de cela, il vit autre chose... Il ressentit autre chose...
L'autre, ce Blizzard, à mi-chemin entre Dieu et Démon, avit aussi peur de Zephirin que Zephirin avait peur de lui...

Et les deux réalisèrent en même temps qu'ils n'étaient pas deux entités différentes... Ils étaient une seule et même entité, et eux même étaient incapable de l'admettre... L'un comme l'autre, unis dans cette faiblesse qu'était leur propre image, leur propre potentiel...

"_Je...
_J'ai besoin de temps, se repondit il...
_J'ai...
_Une vie à vivre...
_Avant celle ci...
_Je...
_Me soumettrais...
_en temps voulu...
_Je vais...
_Avoir...
_Vingts Ans...
_Dans un peu plus...
_D'un Mois.
_Je reviendrais...
_Me voir...
_Bientôt."

Les yeux de Blizzard se refermèrent. Zephirin tourna les talons, et se réveilla dans le même temps, dans les bras de sa douce...servante ? Amante ? Amie ? Soeur ? Pretresse ? Mère ?
Peut être tout cela...

Par Zephirin le 15/10/2002 à 12:43:24 (#2338883)

Apparemment celui la est passé à trav' alors je lui donne une seconde chance...

Par Iwakura Shin OS le 15/10/2002 à 13:33:25 (#2339183)

Iwakura avait remarqué les larmes qui se transformait instantanément en glace. Il n'avait encore pu revoir le jeune saltimbanque pour en parler avec lui. Il le ferait le plus vite possible.

Par Sombre Lune le 15/10/2002 à 13:51:48 (#2339300)

Le moment des choix était venu, avec son cortège de doutes, les choix pour elle, pour sa vie future, les choix quand à sa propre mort, sa propre chute. Ce soir était l'heure d'un choix particulier, le choix qui allait impliquer une autre personne qu'elle même.
Elle aurait aimé ne pas avoir à prendre cette décision, ne pas intervenir dans cela, mais il ne semblait pas être conscient du danger, ni de l'importance de ce qu'Il était.

Soit. Elle l'aiderait. Il ne fallait surtout pas qu'il panique, sinon, si la nouvelle lui était annoncée brusquement, il serait capable de mettre fin à ses jours... la pire des choses à faire ! Elle devrait essayer de l'amener à réfléchir à la dualité qui est en chacun de nous, à nos propres contradictions, à tout ce qui fait que les humains sont ce qu'ils sont, mélange de bonté ineffable et de cruauté sans limite.
Ils avaient longuement parlé, du destin des hommes condamnés à être jugés pour leurs actes, de la venue si proche du Juge, dont on ressentait de plus en plus les signes. Elle avait tenté de lui ouvrir les yeux sur lui-même, surtout, sur cette dualité cachée qui l’habitait et qu’il refusait même d’imaginer. Elle lui avait dit avoir peut être un moyen, une sorte de rituel. Il avait fini par accepter.

Alors, dans la tiédeur feutrée de son refuge, elle avait préparé ce qui lui permettrait peut être de voir en lui, de Lui parler. Enfin... Quelle présomption ! Elle ne savait aucunement ce que cela aurait comme effet sur lui, lui si différent de nous tous, par l’essence même qui l’anime. Mais il fallait qu’il soit en paix avec lui-même, que le jeune homme accepte de prêter allégeance à Celui qui vivait en lui, sinon, tout deux se détruiraient , se dechireraient, et tout espoir serait vain. Tout en lui parlant, elle concoctait la mixture qui, elle l’espérait, lui permettrait de Le voir, de Lui parler.

Le rituel s’accomplit. Il était là, entre ses bras, semblant endormi, ou bien, peut être semblant rêver. Elle le berçait, essayait de rassurer son corps tandis que, l’espérait elle, son esprit voyageait. Le temps passa. Il revint finalement à lui. Elle le trouva changé. Plus sur de lui, moins de doutes, il semblait savoir ce qu’il désirait, ne plus être apeuré par ce qui l’habitait. Elle pria pour avoir eu raison tandis qu’elle le regardait s’éloigner dans le jour levant.

Par Syndrael le 15/10/2002 à 14:21:52 (#2339465)

:lit: :)

Il est vrai qu'il ne méritait pas de couler si vite. Intriguant et bien écrit.

Par Sombre Lune le 16/10/2002 à 12:58:57 (#2345021)

Elle l’avait revu. Il semblait encore différent, moins … enfantin, plus mur, plus sur de lui. Elle l’attendait devant la caverne, assise sous l’arbre. A son arrivée, l’écureuil avait pointé le bout de son nez; au moins un signe que le petit animal furtif reconnaissait bien l’homme qui l’avait apprivoisé. Ils étaient ensuite allés chez elle, à sa demande. Pour la première fois, il avait refusé de prendre sa main. Etonnement.

Il désirait Lui parler à nouveau, il la pressait de recommencer le rituel. Sachant qu’il en avait émis le désir, elle était retournée quelques jours auparavent chercher en lieu sûr l’ingrédient principal, si rare, si puissant. La petite fiole miroitait d’un éclat carmin, un reflet à la fois doux et inquiétant au creux de sa main. Elle recommença les gestes habituels. Broyer les herbes, sortir les différents éléments nécessaires, agir avec parcimonie, et surtout, réfléchir.
Réfléchir au danger qu’impliquait le renouvellement trop proche du rituel. Enfin, après tout, nul danger pour lui. Pour un autre, qui sait ce qui serait advenu, mais lui, c’était différent…

Elle lui annonça que tout était prêt, qu’il pouvait boire afin de Le rencontrer à nouveau. Mais il demanda alors de répéter exactement la même chose que l’autre fois, lui assurant qu’elle devait boire aussi. C’était impossible! Elle ne pouvait encore goûter à l’extase, trop peu de temps c’était passé depuis la dernière fois, elle risquait … elle ne savait pas quoi, mais l’enjeu était très grave, cela, elle en était sure.
Il insista… lui proposant de commencer par lui afin d’atténuer les effets. Elle ne savait que faire. Il devait savoir, après tout. Et elle devait l’écouter. Son regard d’améthystes croisa les perles verte et aigue-marine. Elle se plia à sa volonté, et but.

Encore cette frénésie, cette chaleur qui emporte tout, les doutes, les regrets. Cette passion qui saisit les corps, ce désir que jamais ne s’arrête ce moment de communion ultime avec Lui. Puis, un froid intense, un étau qui enserre son cœur comme voulant en interrompre tout battement. Elle suffoque. Il ne réagit pas, pensant sûrement que c’est l’extase qui la rend ainsi vulnérable, faible, poupée de chiffon entre ses bras. Elle gît là, sur le lit, inanimée, ses ailes de nuit et de sang faisant une parure funèbre à l’opale de sa peau.

Il ne peut sortir de sa demeure.
Il est seul, enfermé, étendu à ses cotés, connaissant lui aussi la transe.

Par Sombre Lune le 16/10/2002 à 13:05:23 (#2345090)

Tiens, étonnant, ma reponse n'a pas remonté le post ... :doute:

Par Zephirin le 16/10/2002 à 19:11:31 (#2347693)

Ce liquide était toujours aussi écoeurant... Non... Ce qui l'écoeurait, c'était d'aimer ça... Boire du sang... Se soumettre à des rituels du domaine du chaos... Non seulement il ne le redoutait plus, mais il le désirait... Et pas uniquement pour le résultat...

Il avait voulu qu'elle recommence, avec lui... Pour la protéger par ce lien sentimental artificiel... Il savait désormais que ce qui arrivait à l'un arrivait à l'Autre...

L'extase était encore plus forte que la dernière fois... Le désir entéléchique l'avait pratiquement transformé en bête assoifée de chair. Lorsqu'elle devena inerte sous son corps, il parvint à reprendre un semblant de contrôle sur lui même... Il ne comprenait pas ce qui pouvait arriver à celle qu'il chérissait jusqu'à en avoir mal en cet instant... Puis les ténèbres l'envahirent... Il utilisa ce qui lui restait de lucidité pour s'allonger à ses cotés, en une étreinte qui pouvait sembler cadavérique...

Cette montagne... Le soleil qui l'illuminait la dernière fois était voilé par de lourds nuages... "Ma récente peine" murmura t'il...
Prennant son souffle, il entreprit l'ascencion du titan de pierre...

Il neigeait au sommet... Une véritable tempête... "Un Blizzard" dit il dans un sourire... Pourtant, il retrouva l'entrée de la grotte sans encombre dans le glacier... Malgré l'absence de lumière, le saltimbanque voyait parfaitement dans les boyaux de la grotte... Non, dans les boyaux de son esprit...

Il pénétra dans la salle où il reposait. Toujours ces piliers de glace torsadés... Et cette fresque au plafond... Zephirin sursauta presque en constatant qu'elle avait changé : le guerrier n'était plus seul... Derrière lui se tenait une jeune femme, semblant le soutenir magiquement... Ses yeux le regardait avec une espèce de fierté...

Puis, Zephirin regarda le trône... Il était là, assis, il n'avait toujours pas bougé, mais semblait éveillé, ses yeux glacials le fixant. Un second trône, identique, faisait maintenant face à lui. Le regard de Blizzard l'invita à s'installer dans celui-ci... Zephirin prit place, ne quittant pas le regard de son autre lui-même...

"Tu m'as fait un cadeau... interessant..." tonna la voix sépuchrale
"Tu fais allusion à Nolwen ?" répondit Zephirin
"Oui... Tu éradiques tes relations pour ne rien me laisser à détruire, et tu ne gardes que notre...servante en nous la liant pour que je ne puisse lui faire du mal... C'est intelligent, et en même temps pathétique... Tu agis comme si tu avais déjà perdu face à moi..." ironisa la statue.
"Peut être... ou peut être fais simplement un pas en avant pour te prouver ma bonne foi... Je te l'ai dit... Je te hais autant que tu me hais... Mais il nous faudra agir ensemble, notre combat sera vain si nous luttons en même temps l'un contre l'autre dans notre esprit..." Lui répondit calmement le saltimbanque.
"Je te balayerais de cette esprit en me réveillant totalement...bientôt..." répondit le guerrier glacial.

Le corps du saltimbanque fut pris d'une secousse... Qui se transformant en éclat de rire cristallin. Les yeux verts émeraudes fixèrent les aigues-marines. "Et qu'est ce qui te fais croire que je suis si faible, comparé à toi ? Est-ce parce que toi tu acceptes d'être uniquement la haine et moi l'amour ? Tu ne comprends pas plus les voies du Maître que moi alors... Le chaos est constitué des deux, que nous le voulions ou non..."

Les yeux de Blizzard brillèrent de peur...

"De plus, ajouta Zephirin avec une voix chargée de menace, tu te tiens à peine éveillé en ce moment, et c'est uniquement grâce au sang de notre Père qu'elle nous a procuré... Je pourrais aussi bien mettre fin à ton existence ici et maintenant !" A ces mots, il saisit une épée de cristal qui était appuyée contre le trône de son alter ego et la pressa contre le cou de celui ci.

Celui ci éclata à son tour de rire... "Tu te tuerais ? Tu anéantirais toute chance de réaliser notre ambition en te privant de la moitié de toi même ?"

Zephirin sourit en coin... "Tu as raison... Je ne ferais les choses qu'à moitié..."
"Tu détruirais notre corps dans la réalité ? Permets moi d'en douter... Tu n'as jamais été doté du moindre courage..." se moqua le tonerre.
"Figures toi que je m'enrichis beaucoup à ton contact" ironisa Zephirin.

Il n'avait plus le choix. Il devait s'accepter, lui aussi. Les deux faces d'une même pièce.

"Je reviendrais... A vrai dire tu me manques déjà..." dit Zephirin en souriant.
"Une dernière chose...fit la voix devenant lointaine, la fatigue la regagnant lentement l'esprit de la haine, ne donnes plus du sang du Maître à notre servante. Elle ne le supportera pas..."
"Et pour la réveiller ? Comment je fais ?"
"Comment le saurais je ? Je suis né pour détruire, pas pour sauver."
"Je trouverais alors, je ne suis pas la destrustion, moi."

A ces mots, Zephirin se reveilla aux cotés de sa compagne. Elle dormait toujours profondemment, le corps glacé.
Il se leva et se frotta les tempes... Puis il se mit en quête de grimoires ou de quoi que ce soit d'autre pour y trouver la connaissance qui lui manquait.