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L'anniversaire de Tenessia

Par Tenessia le 16/9/2002 à 20:14:16 (#2169520)

Un an... père... aujourdhui, cela fait un an que vous mavez quittée...

Tenessia, ce matin, erre dans létroite chambre de lauberge, quelle occupe... depuis un an. Ce matin est le matin de son anniversaire, ce matin elle a vingt et un an. Ce matin, elle est triste, ce matin, elle est seule, ce matin, elle pleure, silencieuse.

- Tenessia, lorsque le chagrin vous accablera, certains soirs, certains jours... ne vous laissez pas gagner par lui, ne le laissez pas prendre toute place en vous, éconduisez-le ou circonscrivez-le en une petite place de votre esprit afin quil nait pouvoir dagir. Ceci nest queffort de volonté... et pour y parvenir, confiez-vous toute entière à vos habitudes, appuyez-vous sur chacun de vos humbles gestes quotidiens, ils seront les béquilles qui vous permettront de marcher...

Alors, Tenessia, obéissant, toujours, aux enseignements de son père, shabille et elle se coiffe, et elle plie ses affaires de nuit, et elle les range sous loreiller de crin, et elle fait son lit, et... elle seffondre sur son lit, en larmes...

- Tenessia, se rendre à la douleur est indigne aussi longtemps quil vous restera une tâche à accomplir... Vous ne pourrez rendre les armes quune fois tout devoir accompli, quune fois toute chose à sa place, quune fois que lespoir lui-même aura déserté votre coeur...

Le devoir... Tenessia se relève, honteuse. Non, tout devoir nest pas accompli, dehors un soleil nouveau éclaire un nouveau jour sur la cité... Elle doit consulter le tableau de service, elle doit assurer ses tours de patrouille... Et lespoir... Dehors, un soleil nouveau éclaire un nouveau jour en son coeur... des amis lattendent...

Père... il y a un an... vous décidiez que votre tâche était accomplie...

- Courrez vers le sud, Tenessia, courrez vers vos semblables... faites vos choix...

Père... vous me manquez tellement... aviez-vous vraiment accompli votre devoir ? Pourquoi mavoir condamnée à marcher, seule ? Eternellement seule, me semble-t-il...

- Tenessia, ne laissez jamais le chagrin pervertir votre vision du monde, cela nest pas digne dune âme noble...

Tenessia relève le menton dans un mouvement désespérément volontaire. Non, je ne suis point seule... Le monde est à moi si je le décide...

- Tenessia, le sentiment de solitude est un piège... Nous léprouvons tous parce que nous percevons intimement notre différence, notre unicité... mais ne tombez pas dans le piège, ne vous livrez pas à ce sentiment pour vous apitoyer sur vous-même, au contraire, saisissez le sentiment de votre différence pour accomplir des actes que vous seule pouvez accomplir. Ainsi, vous progresserez, ainsi vous avancerez. Seuls les pleutres pleurent sur eux-mêmes.

Et Tenessia enfile son bracelet, noue sa ceinture, saisit son bâton.

Oui... Père... votre tâche était accomplie... vos préceptes aujourdhui maccompagnent, votre amour me guide... je ne suis point seule, mes souvenirs maccompagnent, et je veux marcher la tête haute vers mon destin, dans lhonneur, grâce à vous !

Il y a un an, Père, lespoir nayant plus place en son coeur, partit pour les montagnes... pour laisser les monstres le déchirer, pour rejoindre dans la mort lépouse quil aimait, ayant accompli sa tâche : élever leur enfant, Tenessia.

Aujourdhui, Tenessia a vingt et un an. Le front apparemment paisible, elle quitte sa chambre et part en direction de la capitainerie consulter le tableau de service.

Par Millenia le 16/9/2002 à 20:43:17 (#2169726)

C'est beau mais c'est triste. :sanglote: :sanglote:
:lit: Mais c'est bien écrit. :)

Par Arilys le 16/9/2002 à 22:02:19 (#2170310)

:lit:

*Sniffff* Vi c'est triste...Mais c'est tres joliement ecrit... J'suis fan ^^

Par Alanis Lyn le 17/9/2002 à 3:26:36 (#2171596)

La Baronne sourit a la Milicienne en la voyant s'approcher de la capitainerie. Aujourd'hui encore, le visage que Tenessia lui offre est volontaire, celui du devouement sans faille a son devoir. Et sur son visage, elle ne lit pas son chagrin, elle ne lit pas sa solitude, elle ne lit pas ses larmes.
Chacun garde en soi ses douleurs et ses fantomes du passé. Chacun trouve a sa maniere la force de les surmonter.

Par Tenessia le 19/9/2002 à 19:21:35 (#2190511)

La lune fait un chemin dargent sous les pieds de Tenessia et son coeur bat au rythme vif de ses pas, tandis quun sourire involontaire erre sur ses lèvres.
Ce matin le coeur en peine, ce soir le coeur en fête...

Tenessia regagne lauberge, serrant contre son coeur, les deux présents quelle a reçus. Et tandis quelle chemine chaque souvenir de cette journée lui revient en mémoire.

Première surprise et première joie, attendue depuis de longs jours, le nouveau capitaine était enfin rentré de voyage et avait pris ses quartiers à la capitainerie. Tenessia ne peut se faire encore une idée sur ce nouveau capitaine. Elle espère beaucoup de lui, souhaitant quil mette autant dardeur à replacer la milice en position de force quil en met à faire craquer ses os. Ce qui avait le plus frappé Tenessia était son regard, un regard vif, impatient, mais surtout empli dune lueur taquine sous lequel elle sétait sentie un peu maladroite, un peu inexpérimentée. Mais lhomme doit être bon, sous lamusement de ces yeux là, on ne se sent pas ni jaugé ni mal à laise.
Tenessia se demande comment le capitaine Bardiel va assurer la difficile succession dArken... Faire ses preuves après un homme tel quArken ne sera pas chose aisée, songe-t-elle... Mais ce soir est un soir de fête, elle hausse les épaules, insouciante, sous la lune rieuse : après tout la Baronne a nommé ce gentilhomme... et la Baronne ne peut se tromper.
Tenessia sarrête un instant. Les rues sont désertes, elle a quitté tard la capitainerie.

Elle se remémore sans se lasser le merveilleux instant où Arken lui a offert son cadeau danniversaire. Il sétait souvenu de cela ! Il avait pris note dans le dossier de Tenessia de ce jour insignifiant. Et Tenessia, débordante de reconnaissance avait reçu des mains de son ancien capitaine le petit coffret de bois ouvragé quelle tient à présent contre son coeur. Les détails de la sculpture lavaient confondu de bonheur. Une petite maison comme protégée par un arbre à feuilles roses... il sétait souvenu dune confidence dun soir... Sur les quatre cotés du coffret, en lieu et place de lindication des points cardinaux, il avait gravé les quatre mots qui sont depuis laube dans la vie de Tenessia, et que Père aurait pu dicter : Honneur, courage, devoir, humilité. Et luvre délicate avait surgi des mains de larcher. Son ciseau avait taillé le bois avec une somptueuse finesse. Arken nest pas seulement un soldat, mais aussi un merveilleux et humble artiste ! songe-t-elle.

Il était dit que cette journée serait une sorte dapothéose de lannée écoulée, puisque, déjà comblée, Tenessia avait encore reçu un présent des mains de Kehldarin. Un présent, pour linstant abrité dans le coffret.

Tenessia se trouve à présent devant la porte de lauberge. Elle entre vivement, impatiente de se retrouver dans sa chambre, impatiente détaler sur la table ses trésors, impatiente de les contempler encore et encore, impatiente de détailler dans sa mémoire chaque instant vécu, de les revivre infiniment...

Mais dans la salle vide, Geena, affalée derrière le comptoir, se redresse brusquement et linterpelle :
- Demoiselle !
Tenessia, surprise de voir Geena encore debout, la regarde interrogativement, en dissimulant son impatience.
Je ne suis plus de service... songe t elle, et lhomme de garde est là...
Mais Geena brandit vers elle un petit paquet :
- Un vieil homme est venu et a porté cela pour vous, avec pour instruction de vous le remettre aujourdhui sans faute... Je ne savais pas que vous alliez rentrer si tard... mais lhomme ma grassement payée pour que je veille sil le fallait...
Geena esquisse un sourire entendu qui éclaire ses joues un peu pâles de fatigue.

Tenessia sapproche sans comprendre et prend le petit paquet des mains de Geena. Sur le papier brun, une main nerveuse a tracé : Demoiselle Tenessia de Sevenroads. Tenessia ne connaît pas ce nom, mais elle ne doute pas un instant que le paquet soit pour elle. La main qui a tracé ces mots est celle de Père. Tenessia reconnaîtrait entre mille lécriture de son père.

Par Tenessia le 20/9/2002 à 8:19:16 (#2193319)

Chère Tenessia, Chère Enfant,

Je confie à un très vieil ami le soin de vous remettre cette lettre le jour de votre prochain anniversaire, le jour du premier anniversaire que vous passerez loin de moi, ayant quitté pour toujours le jardin de lenfance.
Je crains que ce jour-là les regrets vous assaillent, et jimagine quau coeur de la solitude vous vous poserez bien des questions...

Je ne doute pas que vous aurez mis à profit cette année écoulée pour jeter les bases de votre nouvelle vie, et que vous aurez su aussi vous faire des amis, je connais votre coeur... Peut-être, aurez vous également connu les premiers troubles de lamour...

Je vous ai élevé dans lignorance de vos origines afin de former votre esprit en toute indépendance et afin que vous appreniez à toujours vous déterminer par rapport à vous-même, et à vous seulement.
Il est juste cependant que vous sachiez aujourdhui qui étaient vos parents.

Je suis né dans une famille noble et puissante. Elevé dans lopulence, mes moindres désirs denfant, puis dadolescent furent toujours satisfaits par une cohorte de serviteurs craintifs et formés à obéir au moindre claquement de doigt, au moindre regard, ainsi jappris lorgueil, ainsi jappris le mépris envers les faibles, les démunis. Ma famille, depuis des générations honorait Ogrimar et les meilleurs maîtres de la magie noire se succédèrent auprès de moi pour menseigner les sciences noires. Javais un jeune frère que jaimais, je ne sais ce quil est devenu, jimagine quaprès que mon père mait renié il a pris la succession à la tête de notre famille. Nous étions très liés, il me suivait partout, singeant toutes mes attitudes dans ladmiration quil éprouvait pour moi, son aîné. Hélas, de cette vie de luxe, dinsouciance, le coeur empli seulement dun vain et vil sentiment de supériorité, cest le seul être que je nai jamais regretté, et jai le coeur serré à la pensée quune fois séparé de moi il a dû poursuivre sa route sur la voie de lombre...

Très tôt, je manifestais un goût puissant pour létude plutôt que pour la guerre. Je vous rassure, je ne participai à aucune séance de torture, non point par compassion, mais par profond mépris pour les suppliciés qui nétaient à mes yeux que larves gémissantes, indignes seulement dun regard. Leur sang, leurs larmes, leurs cris ne faisaient naître en moi que dédain et mépris, et je préférais me retirer loin de la puanteur des geôles dans le silence empli de sens de la bibliothèque de notre castelet. Mon jeune frère sasseyait en tailleur à mes pieds et feuilletait des livres dimages. Parfois, jinterrompais ma lecture et je lautorisais affectueusement à se rendre dans les geôles. Il se levait dun bond, lair heureux, et courrait sur ses petites jambes vers un lieu quau contraire de moi, il semblait fort apprécier...
Le temps venu, je prêtai serment à Ogrimar, par respect pour la tradition familiale, plutôt que par foi réelle. Mais cette voie était la seule acceptable pour moi, de toute façon.

Ainsi ai-je vécu, à labri du monde, lesprit seulement occupé par létude. A lâge de 35 ans, jétais devenu fort savant mais je navais rien fait de concret de ma vie. Je navais connu de lamour que des courtisanes au coeur froid sous une chaude écorce et cela me convenait. Mon jeune frère, pour sa part, sétait engagé dans larmée du Sombre et je le voyais moins souvent, à mon plus grand regret.

Mon père me pria un soir de quitter ma chère bibliothèque quelques temps et de me rendre dans une bourgade lointaine, peuplée de manants crotteux. Il me confia la mission de rencontrer dans le plus grand secret lun de ses espions et de lui apporter un pli contenant des instructions si importantes quil ne voulait les confier à personne.

- Je deviens vieux, me dit-il, et votre frère est en mission par ailleurs. Je pense également quil sera bon que vous participiez un peu à la vie du monde. Vous prendrez un jour la tête de notre maison, et nous avons besoin autant dhommes daction que de lettrés, aussi savants soient-ils...

Jobéis donc à mon père. Je fis mes bagages et pris le bateau pour lîle dArrakas sur laquelle se trouvait la misérable bourgade que je devais rejoindre. Mon père vint sur le quai assister à mon départ et sourit, voyant le nombre de malles emplis de livres, de robes, de bijoux, de parfums, donguents et autres objets indispensables à la vie courante dun fat. Mais il ne fit aucun commentaire.

Lunivers sétait ouvert en deux devant Tenessia lorsquelle avait reconnu lécriture de son père. Livide, elle avait rejoint sa chambre, le coeur et lesprit débordant de pensées contradictoires et confuses. Le bonheur, la douleur, langoisse, la curiosité, tous les sentiments se mêlaient en elle, troublant jusquà sa marche vers sa chambre. Fébrile, elle avait ouvert le paquet. Il contenait une longue lettre et deux petits sachets de toile brune quelle posa sur la table, à côté de la boite dArken, avant de se plonger dans la lecture de sa lettre.

Par Alanis Lyn le 20/9/2002 à 9:33:07 (#2193550)

*attend la suite avec impatience*

Par Bardiel Wyld le 20/9/2002 à 11:10:05 (#2193936)

:lit: :eek: Ouh la cachottière :doute: à quand la suite? ;)

Par Kehldarin Osten le 20/9/2002 à 14:19:59 (#2195008)

On ne peut faire le bien qu'après avoir connu le mal, après avoir renoncé à sa facilité et renié son passé du plus profond de son âme. Mais c'est là qu'est la vraie valeur : c'est ainsi qu'on peut guider certains sur des sentiers droits et ensoleillés, qui pour soi sont ceux de la rédemption, et pour les autres ceux de la paix intérieure, de la félicité et de la fidélité. La pureté absolue n'est pas de ce monde, c'est un idéal. Et sans des qualités de coeur elle est même dangereuse.

Que les miracles d'Artherk guident votre coeur, Tenessia.


(*comme les deux autres, au-dessus, pour la suite*)

Par Tenessia le 21/9/2002 à 9:17:07 (#2200127)

Deux semaines plus tard, le bateau accosta dans la capitale dun duché de moindre importance. Je me trouvai sur les terres royales et donnai donc un nom demprunt à la misérable auberge du lieu.
Je neus aucun mal à trouver des manants pour y transporter mes malles, en revanche laubergiste jeta sur elles un regard ahuri et les fit très sottement empiler dans une chambre si exiguë quelle ne maurait pas servi en temps ordinaires seulement de placard à chaussures.
Cétait, daprès lui, sa meilleure chambre. Je compris à son attitude quil me faudrait renoncer au confort le plus sommaire lorsque, linterrogeant avec surprise sur labsence dune salle de bain, il répondit laconiquement que la mer nétait pas loin.
Je haussais les épaules et ne fit déballer quune malle, décidé à en finir au plus vite.

Je menquis donc du lieu-dit Lighthaven, où je devais retrouver lespion de mon père. Un guerrier, buvant je ne sais plus quelle boisson interdite à ce que je compris par la façon dont le tavernier et lui se comprirent par signes et hochements de tête, sy rendait justement. Il se proposa jovialement de my accompagner, et comme je sortais ma bourse, les yeux brillants, il me demanda minablement quelques centaines de pièces dor, que je jetais négligemment sur la table. Voyant cela, le guerrier réclama en outre ma protection pour le voyage. A dire vrai, je fus surpris de la requête. Je pensais naïvement à lépoque que les guerriers mettaient un point dhonneur à livrer combat avec leur propre force, cependant, en cette province reculée, je songeais quil ne faudrait sétonner de rien et jaccèdai à sa requête, lui signifiant toutefois que ma science nétait guère à guérir. A mon sourire narquois, il acquiesça et me pria humblement déloigner seulement les monstres que nous pourrions croiser durant notre périple.

En nos terres, je neus même pas adressé la parole à cet homme ou laurait mis entre les mains des nettoyeurs de mon père pour avoir osé madresser la parole. Mais jétais en territoire ennemi, avec une mission à remplir et il fallait en passer par là... Je pris donc mon mal en patience et acceptai cette ignoble compagnie.

Afin daller vite, je ne pris quasiment rien avec moi, javais compris, dès mes premiers pas dans le port, à lattitude servile de la populace, que lor obtenait toute chose en ces lieux. Souriant intérieurement et songeant que le Maître en ses terres connaissait une toute autre monnaie déchange, je pris la route, la bourse bien rempli et décidé à acheter manteaux et robes, parfums et onguents dans la cité même ou je devais me rendre. Jécartais mon inquiétude quant à la qualité des produits qui me seraient fournis, la tâche à accomplir ne serait pas ardue, et très vite je pourrais regagner notre castelet... et je me pris à remercier intérieurement mon père de mavoir fourni lopportunité de voyager en terres royales. Ce serait puant, certes, mais finalement amusant dans la simplicité.

Le guerrier était fort piètre guerrier. Les monstres fort piètres monstres. Nous arrivâmes au lieu-dit Lighthaven. Le guerrier sentait fort mauvais davoir transpiré. Avant de me quitter, les yeux emplis de respect, il me demanda si je navais par hasard je ne sais plus quel bouclier en mes bagages. Je lui montrai mes bagages qui consistaient surtout en une bourse si lon excepte la modeste malle quil avait porté tout le long de notre voyage et qui était cause de son excès sudatoire. Il comprit à mon signe que je ne possédais pas le bouclier quil convoitait et me donna humblement son prix, dans lespoir manifeste que je lui donne la somme afin de lacquérir par ailleurs. Mais décidément, ce guerrier sentait trop la sueur, et, du Geste et du Mot, je fis briller sa pierre, puisqu'il ne m'était plus d'aucune utilité.

Je me trouvai donc à labord dun pont enjambant assez prétentieusement un misérable cours deau quun enfant aurait traversé à gué, ma malle à terre, les bottes du guerrier encore fumantes à mes pieds. Je constatai, regardant négligemment ces bottes que mes propres sandales de cuir avaient souffert du voyage. Je levai donc les yeux dans lintention de menquérir dun cordonnier et pris conscience que jétais le point de mire dun groupe très hétéroclite de paysans et de gentilshommes à lallure plus ou moins nobles. Il y avait même un néphilim, un frère de culte probablement, légèrement en retrait. Tous mobservaient curieusement. Je haussai un sourcil interrogatif à la ronde, lorsquun garde royal minterpella.

Linsigne quil arborait ne laissait aucun doute sur sa qualité, et je dus maîtriser un sourire. Je connaissais parfaitement cet insigne par les tableaux que nos artistes représentent dans leurs allégories satiriques. Cependant, ici, il me fallait agir avec prudence et discrétion. Je songeai que jusquà présent, je men étais bien tiré, et quil fallait continuer.
- Monsieur ?
La voix du garde royal était un peu haut perchée à mon goût.
- Oui... ?
Cette réponse ne mengageait à rien. En terre inconnue, il faut observer avant dagir, songeai-je

- Au nom du Roy, je vous arrête pour homicide !
Le garde avait dit cela dune voix fanfaronne comme si tout lui était permis.
Je le regardai et observai sa piètre allure. Heureusement quil avait un insigne. Cela lui donnait au moins une ombre de crédibilité, car je doutais quen dehors de sa fonction il existât seulement.
- Quel homicide ?
Javoue avoir fait preuve de naïveté. Je ne voyais réellement pas de quoi parlait le garde.
- Vous venez, devant témoins qui dailleurs témoigneront au nom du Roy et de la Baronnie, sous nos yeux ici présents, et qui signeront de leur nom, dattenter à la vie dun guerrier qui est mort. Les yeux ici présents le diront et signeront.

Il me fallait gagner du temps. Jétais tombé sur un garde bavard et sûr de lui, mais je ne voyais vraiment pas de quoi il parlait. Soudain, je songeai au guerrier dont je venais de faire briller la pierre. Lidée était absurde. mais sur les terres du Roy, après tout... labsurde est une comédie parmi dautres...

- Ho ! Je suis vraiment désolé ! dis-je
- Ha ! Cest bien ça ! que vous êtes désolé ! déclara très fort le garde royal.
Il regardait autour de lui comme cherchant dans la foule approbation.
Quelques manants répondirent :
- Vi ! ! ! c bien ! ! ! tas pas 10 K ?

Mes lectures mavaient porté y compris à lapprentissage des langues primaires. Et je comprenais le bas-Althéen. Je sortis donc ma bourse et lancai quelques milliers de pièces dor dun air souriant. Jespérais surtout quun manant se proposerait à porter ma malle jusquà lauberge de cette ultime étape.

- Je vous arrête au nom du Roy, déclara le garde
- Bien sur ! répondis-je aussitôt
Il mimportait de passer inaperçu, je devais rencontrer cet espion, cétait la mission que mon père mavait priée de remplir. Je ne pouvais donc me permettre de faire briller la pierre dun garde royal. Cependant, ne voyant toujours pas où était mon crime, je répondais du tac au tac, dans le but de satisfaire cette misérable boite à gérer les consignes.

Le garde était en effet un guerrier, et je réprimai un sourire, car le soir était chaud et je préférai intérieurement ma robe légère à son armure.
- Parfait ! Veuillez me suivre dans les geôles de la Baronnie !
Cela devenait compliqué et surtout perte de temps. Je voulais en finir.
- Bien sur ! Mais veuillez éclairer un humble contrevenant... Les prisons de la Baronnie ? Pourquoi ne me conduisez-vous pas dans les geôles royales.
- - Oui, mais là on est sur la Baronnie...
- Ha ? Ce pont et les terres alentours appartiennent à la baronnie ? Je lignorais... La baronnie est donc vaste ?
- Pas tellement... Le soldat du Roy esquissa un sourire assez méprisant... non pas tellement, mais le baron fait un patacaisse de leurs terres donc nous surveillons, puisque de toute façon cest les ordres !

Le garde avait repris un air volontaire et professionnel.
Mais en quelques mots, javais compris.
- Et bien, Monsieur le Garde, javoue tout ! Pouvez vous me dire combien je vous dois ?
- En fait, vous me devez lamende de la mort, disons, 100 k, plus que le baron vous juge, mais ça... ça prend du temps...
- Très bien... voici les pièces dor de lamende, mais ne peut-on me juger sur linstant ? je regrette... je donnerai à la veuve, à lorphelin du père, et bien entendu à son père, sauf sil est prouvé quil y a consanguinité, vous comprendrez cela... pensez-vous quil faut aussi faire une rente à la sur chauve ? Après tout son chauvinisme est peut être du à labsorption de boissons litigieuses ? Ha ! Combien je regrette ce geste inconsidéré ! Voyez ! En partant au temple, ce pauvre cher guerrier na laissé de lui quune chose : ses bottes ! Combien je suis ému à la vue de ces chères bottes ! Ce terrible accident, il me faudra donc jusquà la fin de mes jours le porter dans mon coeur ! Il y a tous ces témoins ! Mais le seul témoin, cest moi ! Cest le Roy ! Car le Roy est là ! Puisquun merveilleux garde est là !

Tout en me demandant intérieurement si je nen faisais pas trop, jobservai autour de moi les réactions des personnes présentes. Comme ma main se tenait toujours en suspens au-dessus de ma bourse, plusieurs fois généreuses durant mon discours, je vis clairement que le discours importait peu, il suffisait dy mettre le prix.

Je connus presque un instant de compassion lorsque le garde, voyant la foule autour de lui, ivre de mes menus dons, tenta de conserver quelque dignité.
- Monsieur, je contacte le guerrier qui a beaucoup perdu par votre faute et jenregistre sa plainte...
- Bon... on voit que tu regrettes ! Spa grave ! tu donnes au guerrier son bouclier, ok ?
Cétait ce que jai saisi de ce quen bas-Althéen les manants murmuraient autour de moi.

- Bon, reprit le garde. Ca ira pour le guerrier, mais il faut lui donner un million.

Jenregistrai donc qu'un guerrier valait un million en ces terres et payai, le coeur serein. Je souris intérieurement. Certes, javais prononcé mes vux dallégeance sans véritable ardeur au Maître, mais aujourdhui, pour la première fois, jadmirai et jaimai notre Maître. Son monde nétait pas dirigé par lor, facile, non...

Le garde fit très minablement les choses dans les règles. Le guerrier, sauvé par sa pierre, revint sur les lieux du drame. Je me retins de le renvoyer au temple, parce quil sentait toujours la sueur. Ma clémence nétait point due à la crainte de perdre un autre million, mais au souci de passer inaperçu et à lurgent souhait de prendre un bain. Il me semblait que, pour la première fois de ma vie, je sentais moi-même la sueur...

Et Tenessia songe que Père, en lui confier tous ces détails, a voulu lui présenter le père inconnu d'elle, le père objet d'une future et nécessaire rédemption.

Par Hatonjan le 21/9/2002 à 13:50:48 (#2201546)

*voit message de tenessia, voit "centrale 2001 mathematiques II*
choixvite fait, ... mais tenessia dit :) tu pourrais pas etre un peu moins ... car je me sens minable :p

Par Tenessia le 21/9/2002 à 16:28:55 (#2202317)

Provient du message de Hatonjan
*voit message de tenessia, voit "centrale 2001 mathematiques II*
choixvite fait, ... mais tenessia dit :) tu pourrais pas etre un peu moins ... car je me sens minable :p


Spa du tout le but Hatonnou :sanglote:
Mmmm tu dirais pas ça pour avoir un bisoux toi ? *méfiante*
Bon allez : bisouxxxxxxxxx et ouste à tes maths ! non mééééé !

Par Arken le 21/9/2002 à 17:51:39 (#2202748)

rah c'est pas du jeux en voyant Tenessia dans "Dernier message" je m'attendais à la suite, mais non, c'est pas la suite :(

Par Alanis Lyn le 22/9/2002 à 0:07:12 (#2205362)

Hilarant, excellent. Et on attend... la suite !

Par Hatonjan le 22/9/2002 à 0:13:57 (#2205413)

Provient du message de Tenessia
Spa du tout le but Hatonnou :sanglote:
Mmmm tu dirais pas ça pour avoir un bisoux toi ? *méfiante*
Bon allez : bisouxxxxxxxxx et ouste à tes maths ! non mééééé !

*rougit, heureu de ce bisous inespéré* Non je suis fier, nul volonter de ce bisou qui me vient comme un don du titania a travers une de ses si belles filles

Par Aina HarLeaQuin le 22/9/2002 à 0:36:02 (#2205581)

La suite? :)

Par RedEye Galliano le 22/9/2002 à 2:40:49 (#2206238)

Excellent Tenessia!

Bientôt une suite ? :amour:

Par Tenessia le 22/9/2002 à 8:45:43 (#2207073)

Voilà, Tenessia, qui était votre père au moment où il allait rencontrer la seule femme que jamais il aimât. Un homme qui en dépit de ses connaissances nétait quun fat au coeur vide, un pantin formé par son milieu, sans rébellion parce que sans imagination, une coquille emplie de néant préoccupé par lui-même... Je nai pas souhaité vous épargner ces détails parce que je sais que vous vous sentirez concernée directement puisquil sagit de lhistoire de votre père et quà travers cette histoire vous comprendrez que la voie du sage nest pas toujours une route droite. Je vous ai placé directement sur cette route, votre nature même my a aidé, mais vous manquez de lexpérience qui éclaire de lintérieur. Puissé-je vous transmettre cette expérience par le récit de ma propre vie, vous épargnant davoir à la connaître. Le savoir est lettre morte sil nest pas alimenté par lintelligence du coeur, et le chemin de la lumière, hélas, pour certains, ne satteint quaprès un long périple au coeur de lombre la plus abjecte.

Tenessia interrompit un instant sa lecture. Elle ouvrit le coffret ouvragé dont elle sortit le diamant et la chaînette dargent offerts par Kehldarin et les posa sur la table, entre le coffret et les sachets de toile brune, lair pensif. Lhomme quelle aimait aurait pu prononcer mot pour mot ces paroles. Le front pâle, elle revint à sa lecture.

La malle quavait transporté le guerrier ne contenait que des livres, je navais pris que lindispensable. Jacceptai la chambre rudimentaire qui me fut proposée à lauberge, sans faire de commentaire. Jétais las de ne trouver devant mes plus élémentaires interrogations que front buté de paysan et incompréhension. Les boutiques de la ville ne vendaient que des vêtements de laquais et objets de garçons de ferme, je me résolus donc à acheter une robe à un marchant ambulant qui me la présenta très prétentieusement comme un objet rare.
Lherboristerie, étrangement, était fort mieux achalandée et je pus me fournir en onguents pour ma toilette et en herbes odorantes dont jemplis ma chambre puante.

Je menfermai dans mon réduit pompeusement nommé chambre, y prenant même mes repas et attendis le signal, heureux de me replonger enfin dans mes chères lectures. Deux jours plus tard, la servante, le visage toujours flanquée de son sourire niais, mapporta le message que jattendais. Le rendez-vous était pour le soir même. Je mémorisai les indications et brûlai le message, songeant avec soulagement que demain je serai parti. Ma décision fut prise sur linstant, jabandonnerai mes malles et ferai une partie du voyage au moyen de parchemins. Jétais décidé à fuir ces lieux inhospitaliers dès ma mission remplie.

Lheure enfin venue, je me glissais sous la lune et me dirigeai vers le lieu du rendez-vous. Je neus aucun mal à trouver la grotte. Je mengageai entre les parois humides et suivis les indications que javais mémorisées. Je perçus bientôt la lueur dune torche éclairant une obscure cavité, jétais arrivé. Je mapprochai et un homme surgit devant moi. Un homme ? non... une caricature dhomme.

Nous échangeâmes les signes convenus et je sortis dune main le message de mon père, tandis que de lautre je portais à mes narines le petit flacon de parfum qui ne me quittait plus depuis mon arrivée sur cette île. Lhomme sempara du message et je frémis au rapide contact de ses doigts crasseux et ignoblement pourvus dongles noirs et longs. Peut-on nommer sourire la vision quil moffrit de ses dents avariées ? Il sinclina avec servilité devant moi et murmura :
- Merci, Maître... Avant de repartir, voulez vous vous divertir un instant ?

Je haussai un sourcil interrogateur, sans répondre, le coeur retourné par son haleine fétide. Il me fit un clin dil salace et sil neut été espion de mon père jaurais fait briller sa pierre sur linstant. Dun signe, il minvita à le suivre, désignant lendroit où brûlait la torche et quun rocher dissimulait en partie. Je le suivis, voulant en finir au plus vite.

Derrière le rocher, une jeune fille gisait, les membres brisés de ce que je compris à la vue de leur position, les vêtements arrachés, le corps ensanglanté. Je mapprochai au-dessus delle et regardai le corps disloqué avec mépris, songeant que ce prétendu divertissement nétait bon à présent quà jeter aux cochons. De toute façon, je ne me livrai pas à ce genre de divertissement... trop bruyant et malodorant...

Je mappretai donc à incanter pour quitter ces lieux lorsque la jeune fille émit un gémissement et entrouvrit les yeux. Sous la torche, leur clarté céleste ouvrit le territoire dune inhumaine horreur. La foudre frappa mon esprit et pour la première fois de ma vie je marchais dans la conscience de lhorreur. Je crus que jallais défaillir.
- Je me suis un peu amusé... murmura la caricature humaine près de moi... Mais vous pouvez la finir...

Jétais glacé. Il me semblait que ce froid qui avait pris possession de mon corps ne me quitterait plus. Il me semblait que je devrai désormais et jamais marcher dans lenfer dun insupportable froid.
- Je naccepte pas les restes, parvins-je à répondre. Du Geste et du Mot, jenvoyai le bourreau rejoindre les terres infernales du Maître, car lincantation que je prononcai fut celle de la Privation, cette incantation qui brise la pierre de destinée et ôte la vie sans retour. Peu de mages connaissent cette incantation. Je la connaissais.

Le corps qui nétait que douleur à mes pieds émit un nouveau et faible gémissement. Je me baissai doucement vers lui et perçus du regard une nouvelle et insupportable bouffée dhorreur que mon mouvement avait provoquée. Mais la jeune fille sombra dans une bienheureuse inconscience et je pus lexaminer.

Ma connaissance des soins était fort limitée à lépoque. Suffisamment cependant pour comprendre que la jeune fille était intransportable. Jinvoquai une bulle dinvisibilité. Linconscience de la jeune fille me permit de repositionner ses membres mais il me faudrait poser des attelles, il me faudrait des onguents pour les plaies et brûlures dont elle était couverte, et surtout des potions pour endormir la douleur... Je songeais à tout cela, très vite, lesprit empli de la plus grande confusion. Je couvris son corps de ma cape et, toute la nuit, j' incantai afin quelle demeure en vie sous la protection de mes faibles soins, me maudissant davoir négligé cette science.
Alors commença la plus intense et étrange période de ma vie. Lépoque de ma rédemption.

Les larmes qui coulent sur les joues de Tenessia, elle ne songe pas à les essuyer.

Par Arken le 22/9/2002 à 8:57:41 (#2207106)

l'avantage de l'impossibilité de jouer c'est que Tenessia va pouvoir avancer son recit ;)

Par Tenessia le 22/9/2002 à 17:57:46 (#2211255)

Je sentis laube poindre, au dehors, très loin, parce quelle glissa parmi les cheminements tentaculaires de la grotte comme un souffle plus tiède. La jeune fille était dune pâleur spectrale sous la lumière sourde de la torche finissante. Je courus vers ce qui était un monde nouveau pour moi. Il me fallait de laide. Pour la première fois de ma vie javais besoin daide.

Déjà, en dépit de lheure matinale, un petit peuple de servantes et de laquais sagitait. Ma tenue me valut de me faire arrêter par des mendiants en quête de menue monnaie. Je parvins finalement à ma chambre et appelai la servante. Elle vint à son rythme, qui fut une éternité pour moi.
- Je vous prie de me fournir une tenue de toile, la priai-je

Comme ma requête sembla la surprendre, je me mis en devoir de lui expliquer, avec force détails, que je comptais faire une bonne farce à un vieil ami dont jattendais la venue, sans savoir précisément quand il arriverait. Empêtré dans mes explications, je vis que sous le sourire dont elle ne se départissait pas, la servante ne croyait pas un mot de mon histoire mais quelle avait saisi le sens principal : obéir et se taire. Sous ce sourire quhier encore je trouvais niais, se cachait lintelligence dune femme humble mais habituée à la discrétion et sur laquelle je sentis avec le plus grand étonnement que je pouvais compter. Elle fut prompte, comme si elle avait senti lurgence dans laquelle je me trouvais. Comme je mettais promptement ma main à la bourse lui payer lhabit, elle marrêta dun geste.

- Messire, sil vous convient de passer inaperçu, laissez un peu en repos votre bourse... Vous mavez déjà payé si grassement pour chaque seau deau chaude que je vous ai fourni pour vos toilettes, que je suis prête à me retirer pour vivre de mes rentes. Ne me trouvez-vous pas trop jeune pour prendre ma retraite ?
Je fus saisi par le langage de cette servante, saisi par son humour et par lironie quelle laissait soudain poindre à mon égard. Elle perçut ma surprise, car elle ajouta, sur le pas de la porte :
- Messire, nous recevons ici de biens humbles personnes, mais aussi de nobles seigneurs, aussi je sais parler autre chose que le langage de ferme, contrairement à ce que vous avez pu penser de ma personne. A son il ironique je compris quelle se vengeait, sans méchanceté, du ton dépourvu considération avec lequel je lui avais donné mes ordres depuis mon arrivée.
- Sachez également que la discrétion est de mise en notre établissement, dit-elle en claquant la porte derrière elle.

Je me vêtis hâtivement de toile, sans souci daucune autre toilette, jenlevai tous mes bijoux et les enfilai dans une chaînette dargent que je placai à mon cou, dissimulant le tout sous la veste grossière. Jaspergeai ma chevelure deau et lessuyai presque avec rage afin den ôter toute trace dhuile parfumée, je raclai le parquet de mes ongles pour les casser et les enduire de poussière. Et je sortis vivement. Dans la salle, je croisai le regard de la servante, rien en elle ne manifesta aucune surprise, elle me salua dun claironnant :
- Bonjour, Monsieur ! au lieu du respectueux : Messire, quelle moctroyait dordinaire.
Je notais que cette servante était dintelligence et de confiance. Jaurais certainement besoin delle.

Lherboristerie était ouverte.
Mon enfant, je vais passer à présent sur les détails, ceci est la dernière lettre quavant de mourir je vous adresse, et non le roman de ma vie. ( :p )

Sachez que je trouvai à Lighthaven, parmi les plus humbles et les plus anonymes, laide qui me permit de sauver la jeune fille.

Lherboriste me fournit à la rocambolesque description dune malade piétinée par un troupeau de vaches qui avait traîné son corps dans un feu de camp (à lépoque je ne croyais pas encore en la vertu des choses dites simplement) tous les onguents nécessaires à la cicatrisation de plaies et brûlures diverses et surtout de drogues propres à endormir la douleur.

Comme je croisai le garde royal avec lequel javais eu un différend à mon arrivée, il marqua vivement sa surprise à ma tenue. Je souhaitais passer inaperçu mais il sesclaffa bruyamment :
- hé ! Messire ! Je vous reconnais ! Alors ? vous avez changé dactivité ? Plutôt que de faire briller les pierres, vous faites briller les bottes ?
Il riait aux larmes au milieu de la rue, heureux de sa propre plaisanterie.
A Lighthaven, le moindre propos dit hautement provoque aussitôt les questions de curieux. Nous allions frôler lattroupement.
- Quelles bottes ? de lézard ?
- Ya un pk ?
- Tin ! il me manque que les gants pour mon océane !
- Att ! g un pote qui a têtre les bottes !
- Tu le whispe ?
- K
- Arf moi c les gant pas les botes
- Et le home tu fais reluire ?
- Tas pas 10 k ?

Jattirai vivement le garde à lécart, tandis que les passants étaient déjà lancés en tractations diverses.
- Nan ! je sors pas ma mule ça rentre pas !
- - Spa juste, oinnnnnnn
Enfin cette sorte de dialogues dont, en dépit de mes connaissances des langues primitives, je ne saisissais pas à lépoque tout le sens.

Le garde royal me suivit, curieux de renseignements à glaner, peut-être.
- Messire le garde, je souhaite garder lanonymat ! Si vous me voyez ainsi vêtu, cest pour la bonne cause !
Le regard brillant, le garde se fit soudain discret et murmura :
- Vive le Roy !
- Vive le Roy ! répondis-je
Il fit un signe et un clin dil entendu.
- Vous avez un problème, on dirait ? Pourquoi êtes vous tout déguisé ?
- Je ne suis pas déguisé, jai tout perdu au Lot Tout
- Ho
Il enleva son heaume pour se gratter la tète.
- Cest quoi, au fait, le Lot Tout ?
- Un pari
Javais dit nimporte quoi pour me sortir daffaire et jespérai que le soldat ne men demanderait pas davantage. Hélas, à présent, il insinuait sa main sous sa cotte de ferraille pour se gratter le ventre.
- Jamais entendu parler cest autorisé au moins ?
- Bien sûr ! mexclamais-je, en espérant quil naurait pas besoin de se gratter plus loin
- Et ben, jy jouerai pas au Lot Tout ! conclut-il, à mon plus grand soulagement

Jallais méloigner vivement, lorsquil me dit :
- A part ça ? Ca va ? Sauf que je veux pas vous faire preuve de la désobligeance, vous êtes pale et on dirait que ca va pas
- Ho rien un ami qui me donne du souci.
- - Ha bon ?
Je vis dans le regard du garde briller une lueur dintérêt. La perspective dun rapport susceptible dintéresser un sous-lieutenant, ou un sergent, peut être
- Un ami à moi fut piétiné par un troupeau de vaches je me fais du souci cest tout !
A ma grande surprise, le garde eut en ma direction un regard empli de compassion
- Ho ! Je connais un rebouteux aveugle, mais il est sur la Maudite, je vais appeler loncle de ma belle-sur qui pourra le joindre par la cousine de sa fille, ca vous intéresse ?
Un peu sonné, je dis, simplement :
- oui

Un soir, je pus ainsi conduire un rebouteux aveugle auprès de la jeune fille, il fit les attelles, reconnaissant chaque os atteint au simple toucher. En me quittant, il dit :
- Il y aura des séquelles mais vu létat de lenfant, je ne pense pas que lon puisse faire mieux. Ces séquelles ne seront rien que vous ne puissiez panser avec votre amour.

Javais enfin beaucoup compris de notre monde. Je métonnais de moins en moins, je ne métonnai donc pas quil ait compris en dépit de sa cécité quil sagissait dune très jeune fille, quil sagissait de mon unique amour.

(lol Arken :) Arf, je voulais faire plus simple moa :rasta: Ce père il en finit pas de crever :ange: )

Par Syndrael le 22/9/2002 à 18:47:00 (#2211657)

:lit: :hardos: :amour:

Raarglou, j'avais du retard mais je l'ai comblé. Ca valait vraiment la peine ^^ Les cassures de ton sont adroitement placées pour briser l'austérité, c'est très chouette :)
Comme dirait tout le monde : La suiteuuh !

Par Alanis Lyn le 23/9/2002 à 5:57:54 (#2214438)

*espere que la lettre est encore tres longue* :)

Par Hôte des Songes le 23/9/2002 à 10:43:49 (#2215083)

Excellent ;)

Et sinon:


- Quelles bottes ? de lézard ?
- Ya un pk ?
- Tin ! il me manque que les gants pour mon océane !
- Att ! g un pote qui a têtre les bottes !
- Tu le whispe ?
- K
- Arf moi c les gant pas les botes
- Et le home tu fais reluire ?
- Tas pas 10 k ?

:mdr: :mdr: :mdr: :mdr:

Par Tenessia le 23/9/2002 à 19:56:09 (#2218927)

Je passais de longues heures auprès de la jeune fille, ne la quittant que pour lindispensable. Je craignais quen dépit de la bulle dinvisibilité, on ne la découvre. Javais réussi à protéger la cavité grâce à un amas de petits rochers que les monstres ne franchirent jamais. Elle ouvrit enfin les yeux et me regarda. Jétais sale, hagard, épuisé par la veille... mais lhorreur de son regard ne venait pas de cela. Jétais associé définitivement à son martyre. La vie même était horreur en ce regard. Elle accepta mes soins sans un geste, inerte, poupée de chiffons insensible à toute chose. Son âme navait pas refusé de vivre, mais son âme avait choisi de ne plus participer à rien. Je ne lui dis pas un mot, elle ne me dit pas un mot. Je la pansais, lavais les plaies, lui donnais à boire goutte à goutte, les heures sécoulaient, le grésillement de la torche et les grognements des monstres tout proches seuls habitaient le silence.

Ce soir-là, comme je revenais la besace chargée de gourdes deau pour la toilette de la jeune fille jentendis un bruit suspect alors que jétais à portée de voix déjà de lendroit où je lavais dissimulée. Je mapprochais lentement et vis un guerrier, ce qui me rassura légèrement. Les guerriers perçoivent rarement linvisible et celui-ci à sa tenue ne devait guère être puissant.

Je compris à son manège quil cherchait à dissimuler quelque objet précieux pour lui, et cétait la raison de sa présence ici. Derrière les rochers, la jeune fille gémit. Le guerrier se figea et sous sa torche tourna vivement la tète, explorant les lieux du regard, fouillant la pénombre de toutes parts. Je le reconnus alors. Cétait le guerrier qui avait porté ma malle et dont javais fait briller la pierre le jour de mon arrivée. La jeune fille gémit à nouveau et cette fois, le guerrier se dirigea promptement en direction de la cachette. Je me révélai alors. Il se retourna au bruit que fit ma bulle dinvisibilité en se dissolvant. Nous nous sommes regardés une longue minute. Il examinait ma tenue, il examinait ma main levée en un geste apaisant.

Je finis par me diriger vers la cachette, inquiet, escaladant les rochers et il me suivit.
Il me regarda magenouiller près du pauvre corps, prendre de leau dans un torchon propre que je tirai de mon sac et goutte à goutte en verser entre les lèvres de la jeune fille. Elle avait gémi dans son sommeil, leau sur ses lèvres sembla la calmer.

Je ne sais ce que le guerrier comprit de ce quil vit, mais je me souviens de sa voix grave :
- Il faudrait la transporter ailleurs...
- Oui... cela doit être possible... à présent...
Je lui avais répondu comme dans un rêve. Jétais désespéré. Je ne savais où emmener cette jeune fille, je nacceptai pas lidée de la confier à qui que ce soit, la pensée de la perdre métait enfer et je préférais lenfer de son dégoût de moi, sachant que dès quelle serait libre de marcher, je la perdrai à jamais. Je ne voulais que retarder ce moment où jallais entrer dans lenfer de la solitude et du bonheur impossible.

- Attendez-moi, je vais revenir, dit le guerrier.
Je levai les yeux vers lui. Il était droit sous la torche que javais rallumée, il avait un regard clair et naïf. Il sapprêta à escalader les rochers, mais il se retourna vers moi un instant :
- Je mappelle Beldéron, dit-il et il partit sans attendre que je me nomme, comme sil avait compris que je le ferai pas.

Voilà, Tenessia, le guerrier revint quelques heures plus tard avec une charrette. Il maida à y transporter ta mère, car la jeune fille était ta mère, mon enfant, et la nuit durant il nous conduisit sous la lune en un lieu fort reculé, un lieu qui avait abrité son enfance... Une humble maisonnette, celle ou tu as vécu soffrait là à tous vents.
- Cest tout ce que mes parents mont laissé à leur mort, dit-il en sautant de la charrette. Personne ne vient dans ce coin perdu... Et la maison tombe à labandon... Jaimerais bien la vendre...
Il me regarda.
- Combien en voulez-vous ? répondis-je
- Vos malles laissées à Hurlevent...
- Cest entendu, je vous fais une donation manuscrite.

Le guerrier était satisfait, il avait conclu laffaire de sa vie. Jétais satisfait dobtenir un répit.
On entendait le bruit de la mer, pas très loin, mais dissimulée par des légères montagnes.

Par Syndrael le 23/9/2002 à 20:44:23 (#2219302)

:lit: :) *Ne rate pas un épisode*

Par Alanis Lyn le 24/9/2002 à 5:52:13 (#2221051)

*miam*

Par Tenessia le 25/9/2002 à 8:32:12 (#2227389)

Dans les années qui suivirent le guerrier devint mon ami. Un ami des plus discrets et des plus utiles.
Ce jour-là, il maida à transporter la jeune fille dans lune des deux petites chambres puis il me laissa procéder à ses soins et se mit à vaquer autour de la maison.
Ce refuge inespéré était resté une année durant à labandon, mais, perdu comme il était, il avait été épargné par les pilleurs. La maison possédait le minimum, mais elle possédait lessentiel.

- Demain, jirai à Hurlevent, régler notre affaire, dit Beldéron.
Le soir était tombé. Nous étions attablés devant un repas frugal quil avait tiré de son sac.
- Comment se nomme-t-elle ? Ajouta-t-il en désignant du menton la chambre dans laquelle dormait la jeune fille.
- Lilas, répondis-je.
Ce nom métait spontanément venu aux lèvres dans lurgence de satisfaire la curiosité de Beldéron. Ainsi ta mère fut-elle renommée par mes soins, car je nai jamais su qui elle était, et en dépit de longues années de recherche, je nai jamais pu savoir qui était sa famille.
- Elle est de votre famille ?
- Non... la fille dun ami...

Beldéron dut sentir que ses questions étaient malvenues. Il prit sa cape et, lenroulant autour de lui, se coucha à même le sol devant lâtre. Durant le jour, il avait coupé du bois quil avait empilé près de la cheminée et un feu bienveillant chassait lentement ce froid humide qui caractérise les pièces jamais ouvertes. Sur la pierre dévier, il y avait un seau deau pure tirée du puits du jardinet.
Jen versai dans une bassine et allai veiller Lilas. Dans son sommeil, elle me parut aller mieux. Cette nuit là, une seule fois jeus recours aux compresses deau fraîche sur son front. Elle dormit presque paisiblement.

Beldéron revint une semaine plus tard. Il sauta de la carriole dun air heureux. Il avait vendu mes malles et apparemment bien vendu. Il men rapportait cependant quelques robes et un coffret de bijoux. Ces robes et bijoux quun jour, je tai montrés, Tenessia... Son geste me surprit et je len remerciais.

- Vous savez, si je vous ai demandé de lor et de laide, le jour de notre rencontre, cest parce que je veux devenir rapidement un paladin puissant pour combattre le mal... Ce nest pas par manque de courage. Les forces du bien ont besoin de bras solides !
Il regardait mes ailes noires curieusement. Intérieurement, je regrettais amèrement le mépris avec lequel je lavais traité. Ce guerrier était un homme de valeur. Il sentait les choses, il avait peu demandé et beaucoup compris. Tels sont souvent les guerriers, cest ce quenfin je comprenais. Ils nont pas lintelligence du Livre mais possède lintelligence du Coeur. Et lintelligence du Livre ne mavait menée quà cette impasse... Il me fallait à présent acquérir longuement celle du Coeur.

- Un néphilim ma posé beaucoup de questions sur vous, tandis que je vendais le contenu de vos malles...
Mon coeur se serra dangoisse.
- Quavez-vous dit ?
- Des mensonges...
Il me regarda dans les yeux.
- Je crois que vous êtes un néphilim renégat... Je crois que vous voulez sauver Lilas de quelque chose de mal... Je crois que vous souhaitez vous cacher...

Il lui avait suffit dobserver, en quelques mots il résumait ma situation, et se satisfaisait de ce quil avait compris pour trouver motif de me venir en aide. Mon coeur semplit de reconnaissance, un sentiment neuf qui venait adoucir mon sentiment intime de désespoir.

- Le néphilim ma parlé dun adepte dOgrimar... Beldéron cracha sur le sol. Un seigneur très puissant qui vient de renier son fils... Il parait que son fils la trahi dans une mission importante... Un message qui ne serait pas parvenu à temps... Ce seigneur a mis à prix la tête de son propre fils... Vous vous rendez-compte !

Jécoutai, sur le qui-vive. Les nouvelles que mapportait Beldéron nétaient pas innocentes. Il avait écouté et appris, il avait fait les liens, il me rapportait ces informations, sachant quelles me seraient de la plus grande utilité.

- Méfiez-vous quand même... ce néphilim qui ma posé tant de questions sur le propriétaire de mes malles est celui-là même qui se trouvait au pont des Gobelins le jour où... enfin le jour où je suis devenu millionnaire !
Il sourit de son propre humour, avec une touchante simplicité, et je me mordis la lèvre au souvenir quil évoquait.

- Il na pu me suivre, conclut-il, même en état dinvisibilité. Les animaux sentent linvisible, et le guerrier comprend les signes des animaux. En outre, jai vécu ici... et au carrefour des sept chemins, je sème qui je veux.
Il prit un air satisfait et se mit à décharger la carriole. Il avait apporté par couples des cochons, des volailles, mais aussi des sacs de graines, des outils quil avait dû voir nécessaire de remplacer, un peu de linge de linge de maison...

- Je reviendrai dans quelques mois... si vous avez toujours besoin de vous cacher... A présent, je dois repartir mentraîner pour devenir un grand paladin !
- Une dernière chose... Jétais confus de lui demander ce dernier service.
- Oui ?
- La malle de livres que jai abandonnée à lauberge de Lighthaven, pourriez-vous demander à la servante de me la garder... quelque temps ?
- - Ha ! Cétait des livres ! Cest pour cela que cétait si lourd ! dit-il en éclatant de rire. Ce sera fait ! promit-il sans avoir lair de remarquer ma confusion.
Il sen fut aussitôt, sur un signe de la main, lair joyeux, et lança sans se retourner :
- Je vous laisse la carriole et le cheval, cela pourra vous servir !

Je le regardai partir et lorsquil eut disparu au détour dun chemin, je revins auprès de Lilas subir dans le silence le plus glacial la punition sans fin de son regard.


(lol pour ceux qui lisent encore, normalement il ne reste que 2 épisodes, enfin, j'espère... ;) )

Par Alanis Lyn le 25/9/2002 à 10:16:37 (#2227762)

C'est touuuut ? On en veut plus, nous ! :)

Par Arken le 25/9/2002 à 13:23:33 (#2228801)

ouais on en veux bien plus (et on les veux vite :p)

Par Tenessia le 25/9/2002 à 20:59:29 (#2231960)

Enfant, je vais à présent laisser un blanc dans mon récit.
Le froid ne ma jamais quitté durant ces douces années où je télevais, tu fus la seule flamme qui me permit de survivre... Près de toi seulement le froid sestompait un peu, rendant toute chose vivable, toi et ma harpe. Toutes deux mes compagnes, toutes deux le répit dans mon interminable marche pour lexpiation. Je dois entreprendre de te faire souffrir, et pardonne ma faiblesse, en cet instant de tasséner ce coup, si je recule encore et je passe sur certains événements... Voici les circonstances de la mort de Lilas, mon épouse bien-aimée, ta mère.

A la voir, on lui donnait 16 ans à peine. Elle était belle de cette beauté qui appartient aux choses vraies. Ses yeux étaient mon ciel, son sourire le parfum de la mer. Elle me regardait avec la tendresse soucieuse dun enfant inquiet de bien faire. Son esprit sétait réfugié dans les limbes des innocents.

De son martyre, elle avait perdu lusage dun bras et celui de la parole. Elle boitait également, gardant son ancienne grâce, son ancienne fraîcheur, que je navais pas connues, mais que jimaginais fort facilement, la voyant rire silencieusement sous larbre à feuilles roses de notre jardinet. Nous nous comprenions dun geste, dun regard, dun sourire et je riais avec elle, tandis quen moi, toujours plus vaste, se creusait la conscience du malheur.

Ne pouvant parler, elle sifflait sans cesse. A ses sifflements, mélodieux, ou moqueurs, ou joueurs, les oiseaux répondaient. Elle avait un don... que tu as pris en héritage de façon naturelle, puisque tout le temps où tu as grandi en elle, tu as entendu ses longs dialogues avec les oiseaux.

Un soir, Beldéron vint nous rendre visite. Je ne lavais pas revu depuis des mois. Il possédait à présent une puissante musculature mais son visage conservait la naïve séduction dun être simple et profondément bon. Sa force et ses connaissances ne lavaient point écarté du chemin quil avait choisi. Il nous apportait un présent : une harpe, portée par le vieux cheval que tu as tant pleuré, te souviens-tu ? Tu navais alors que quatre ans...

Voyant Lilas, toute ronde dans sa robe, il eut un sourire et me regarda dun air heureux.
- Messire, suis-je le premier à vous féliciter ?
Je répondis à son sourire :
- Je suis heureux que vous soyiez effectivement le premier...

Ce soir-là fut un soir de fête. Jétrennais avec joie ma harpe et Lilas siffla à nous couper le souffle. Je proposais à Beldéron de rester quelques jours avec nous, ce quil accepta promptement. Il avait visiblement besoin dune pause. Le lendemain, je profitais de lopportunité de sa présence pour lui demander sil accepterait de veiller sur Lilas, le temps que jaille chercher ma malle de livres à Lighthaven et de vider mon compte. Le terme pour Lilas approchait et je voulais discrètement avoir les moyens de subvenir à toute exigence. Le don merveilleux que Lilas portait, je redoutais de ne pouvoir en assurer la charge si un malheur nous frappait... Je souhaitais avoir les moyens de toujours réagir. Lor est un moyen... parmi dautres...

Il accepta, fier et heureux de la confiance que je lui témoignais.

- Avant mon départ, Beldéron, accepterez-vous de nous marier ?
Il marqua à peine sa surprise :
- Cest que je ne suis que paladin...
- Un mariage na besoin que dun témoin et dun dieu. Soyez notre témoin, la lune fera le reste...
Cest ainsi, très simplement, que Lilas devint mon épouse, à jamais. Douce fleur sous les étoiles, lilas blanc en mon coeur et pour léternité.

Mon voyage fut très rapide. Le banquier me remit mon argent, sans rien laisser paraître de ses sentiments, sil en avait. Quant à la servante, elle avait effectivement mis ma malle à labri et elle me la remit, lesprit ailleurs. Sa sur, veuve depuis deux mois, venait de perdre son enfant tout juste né. Dans cette humble famille, une mort venait de succéder à une mort plus cruelle encore... La servante fut aussi affable que lon puisse être en de si pénibles moments. Je la remerciai sans songer à lui offrir de lor cette fois. Cette servante était bonne, elle eut été offensée.

Je chargeais donc la malle sur le cheval que mavait confié Beldéron et qui déjà avait porté la harpe, et revint en hâte.

Pardonne-moi, mon enfant bien aimée, pardonne-moi si je te conte sèchement mon retour. Les mots me manquent...

Beldéron était là, grièvement blessé, tu étais là, en avance... Beldéron me conta que, quelques heures après mon départ, Lilas fut prise des premières douleurs de ta venue prématurée. Je pensais que nous avions encore une vingtaine de jours à attendre, mais peut-être me suis-je trompé... Il emmena Lilas dans la carriole vers Hurlevent, beaucoup plus proche que Lighthaven où cependant il aurait pu me retrouver. Beldéron, toutes les années qui suivirent, et aujourdhui encore, je le sais, se reproche ce choix... Un choix de jeune guerrier affolé par la venue au monde dun enfant, pressé de sen remettre à des mains compétentes...

Il fit à Hurlevent une entrée fracassante, surgissant, pris de panique, dans lauberge, et demandant à tout va lurgence dun secours pour une jeune femme qui allait mettre au monde un enfant.

Lauberge était ce soir là emplie daventuriers, et Ogrimar noublie jamais les siens. Lilas posait tout juste un pied à terre que la carriole fut entourée dun groupe dhommes hurlant à la sorcière. Beldéron ne comprenait pas comment tout si vite avait été décidé et joué... et perdu... Les pierres jaillirent, surgies comme surnaturellement dans la main des agresseurs, elles plurent sur Beldéron qui tentait de protéger Lilas et sur Lilas qui protégeait désespérément son ventre. Beldéron massura quune pierre très vite atteint Lilas à la tempe et quelle sombra dans linconscience. Juste avant de sévanouir lui-même, il vit au-dessus de lui le visage dun homme, un néphilim, quil reconnut comme étant celui qui dabord avait assisté à mon arrivée à Lighthaven et lavait plus tard beaucoup questionné sur la provenance de certaines malles.
Le visage était empli dune joie malsaine, et Beldéron crut entendre, avant que la nuit fasse uvre dans son esprit :
- Ogrimar est patient... Et ce nest que le premier rendez-vous...

Il se réveilla au temple. Un enfant près de lui dont les prêtres pensaient quil était le père. Au bruit de lémeute, les Walkyries étaient accourues, avaient dispersé le groupe malfaisant, puis avaient porté la jeune morte et le guerrier en sang au temple. Les prêtes avaient ouvert le ventre de la mère, sauvant lenfant...

Beldéron, nécoutant rien sur son propre état, prit lenfant et courut vers la cabane des sept chemins où quelques heures plus tard, jarrivais. Il avait une indescriptible peur du deuxième rendez-vous... non pour lui... mais pour lenfant.
Il le remit entre mes bras. Jétais anéanti.

Par Gabriel Thylin MSF le 25/9/2002 à 22:51:04 (#2232750)

:lit: *rattrape son retard et adore toujours autant* :amour:

Par Syndrael le 26/9/2002 à 2:08:32 (#2233448)

:lit: :)

Euh... up ? Oui up, c'est bien ça. *sans inspiration pour les commentaires*

Par Aina HarLeaQuin le 26/9/2002 à 2:23:43 (#2233480)

*a rattrapé son retard aussi, vraiment pressée de lire la fin de la lettre*:eek: :amour:

Par Alanis Lyn le 26/9/2002 à 2:26:53 (#2233484)

*glups*

Par Tenessia le 26/9/2002 à 7:42:56 (#2233914)

Cette nuit là, jai remis à plus tard mes larmes et lexploration de ma douleur. Réfléchissant très vite, je portai les premiers secours à Beldéron, et je repartis aussitôt vers Lighthaven. Mon enfant, sans sa mère, allait mourir. Jarrivais au matin et jallai trouver la servante de lauberge. Je lui parlai de mon enfant et la suppliai dobtenir de sa sur quelle accepte de nourrir ma petite fille. Emi, cétait le nom de cette jeune mère que le destin venait de frapper si cruellement, accepta que son lait ne se tarisse pas en vain. Elle fut ta nourrice deux années durant, tu ne dois pas te souvenir delle... Je lai établie à Ravens Dust, lui faisant jurer le secret, et, frappée par le sort comme elle le fut, je ne doute pas quelle mourra avec son secret. Elle tapporta une affection vraie et les caresses dues à un enfant, tu étais le baume qui lui permit de surmonter sa terrible perte.

Mon enfant tant aimée, voici à présent le coup que je dois te porter. Mon coeur défaille mais ma main ne tremblera pas. Nulle existence ne se bâtit sur un mensonge, en dépit de tous mes vux, je ne puis tépargner.

Lorsque nous fûmes installés dans la maisonnette de Beldéron et que Lilas se rétablissait lentement, je compris à son regard quelle nen finirait jamais dexplorer la terreur. Son martyre avait atteint son âme, et son esprit reculait encore linstant de sombrer dans la folie, mais je pensais quelle ne résisterait pas longtemps. Je me livrai alors au Rituel de la Charge, un rituel très ancien que seuls quelques savants connaissent. Ma vie doisif prenait enfin sens, peut-être était-ce mon destin que mes longues recherches parmi les Livres Antiques me servent pour libérer Lilas.

Le Rituel de la Charge permet le transfert des souvenirs dun esprit en un autre. Je pris donc des souvenirs de Lilas celui de la nuit de son martyre et men chargeai. Depuis ce jour et jusquà aujourdhui, il ne fut pas de nuit, il ne fut pas de jour où je ne nendurai sa terreur, son horreur, sa douleur. Je néprouvai de repos quauprès de ma harpe et dans tes babils denfant, dans tes rires, dans ton regard aimant. Mais Lilas fut sauvée. Le Rituel affecta la plupart de ses propres souvenirs, elle retourna dans les bienveillantes illusions de lenfance et maima avec la naïveté dune enfant.

Jamais je nai touché ta mère, je laimais avec passion mais respectais trop son innocence pour me livrer à la manifestation de ma passion. Sans doute pensa-t-elle que ta venue en elle était le fruit des purs baisers quelle me donnait, petit corps meurtri et tendrement blotti contre moi, de longs après-midi silencieux sous larbre à feuilles roses.

Tenessia tu es ma fille par le puissant lien du choix daimer. Combien de fois ai-je regretté de ne pas te prendre tendrement entre mes bras pour te couvrir des douces caresses quun père apporte naturellement à son enfant ! Mais je songeai quun jour il me faudrait te rendre cette mémoire que javais prise à ta mère.

Je redoutais qualors tu repenses à ces instants de tendresse avec répulsion, sachant qui javais été, autrefois... Je tai donc élevée et formée pour avoir la force dâme de supporter la vérité. Non... rien de véritable ne se construit sur le mensonge, puisses-tu construire ta vie dans lhonneur et la paix du coeur ! Tu es le fruit dune douce fleur tombée un soir dans lépouvante, mais songe que tu es le fruit de cette fleur et que le reste ne compte pas. Le reste est mort, emporté à jamais.
Notre vie nous appartient. Ta vie tappartient, elle nest faite que de ce que choisiras dy mettre.

Demain, je confierai cet aveu à Beldéron avec pour charge de te la remettre dans un an. Sache quil veillera sur toi, dans lombre, car tel fut notre choix une nuit, alors que tu dormais paisiblement, toute jeune enfant. Il accepta de devenir ton protecteur, sous la tutelle de lombre et du secret, si quelque chose devait marriver.

Demain, jirai dans les montagnes et laisserai les monstres faire sur mon corps uvre de destruction. Non pour retrouver ta mère dans la mort, mais parce que je ne supporterai pas ton regard sur moi le jour venu de tinfliger ce que je tinflige aujourdhui. Si je te donne une année de répit, cest que je songe que ta formation nest pas tout à fait terminée, et que cette année loin de moi te permettra de construire ta propre expérience.

Je joins deux sachets à ma lettre, lun contient une larme du Premier Arbre et lautre un peu, très peu hélas, de la Poussière de lEtoile Morte. Je tai conté la légende du premier mage. Tu sauras le pouvoir de ces objets magiques. Puissent-ils tapporter secours ! Ogrimar noublie jamais les siens. Pour me frapper, ses adeptes ont dabord frappé ta mère, ils voudront te frapper pour matteindre jusque dans la mort. Je te donne le moyen de leur échapper. Je fus Ogrimarien, je connais leur magie...

Ma douce, ma tendre, ma Tenessia, mon coeur déborde damour pour toi. Pardonne-moi et je dormirai en paix ! Jai expié des années durant mais pour ma rédemption, il me manque ton pardon, il me manque ton amour dans la pleine connaissance de la vérité.

Le jour point sur Tenessia, livide. Durant cette longue nuit, occupée à lire sa lettre, elle a vieilli en effet, en son coeur. Mais aucune larme ne coule plus sur ses joues. Elle est la fille de son père, celui qui lui a enseigné le courage, celui qui a trempé son âme dans la meilleure eau.

Elle porte la lettre à ses lèvres et y dépose le plus tendre baiser. Quelques mots séchappent de ses lèvres, brisant le silence où les morts bien-aimés patientent :

- Père, je nai plus rien à vous pardonner que vous nayiez expié. Dormez en paix auprès de votre épouse, ma mère. Je vous aime, mon père, mon seul père, par choix daimer.

Par Alanis Lyn le 26/9/2002 à 8:29:15 (#2234014)

Et bien... que dire... c'est magnifique...

Merci.

Par Arken le 26/9/2002 à 18:28:40 (#2237945)

*a les larmes aux yeux* c'etait tres beau *en veux encore*

Par Syndrael le 28/9/2002 à 20:26:23 (#2250895)

:lit: :chut:
Terrible, drôle et émouvant, voilà qui méritait lecture attentive et assidue.

Par Hatonjan le 28/9/2002 à 21:13:42 (#2251035)

Vas t elle s'arreter ? *espere que non*
Douce Tenessia tes ecrits sont presque aussi beau que ton personnage ...
Tu va finir par me faire aimer les rp sur les fora toa :)

Par Leylia le 3/11/2002 à 16:46:21 (#2470198)

:lit: *Remonte ce magnifique texte*
Et dire que je suis passée à coté de cette sublime histoire, merci Syndrael de m'avoir donnée le lien et un gros merci Tenessia pour ce petit bijou de lecture riche en émotions et parsemé d'humour :merci: :merci:

Par Drazhar Ul'Gar le 3/11/2002 à 16:57:30 (#2470276)

Tous ces textes sont admirables, bravo.

Par Falhorn Aust le 3/11/2002 à 16:59:29 (#2470296)

*reste bouche bée*:amour:
Que dire d'autres... c'est magnifique

Par Azulynn Tvar le 3/11/2002 à 17:02:54 (#2470334)

*N'avait pas fini la lecture..* Tout simplement sublime, merci Tenessia.

Par (Gadjio) le 3/11/2002 à 20:01:50 (#2471995)

*Le guettait en haut de la deuxième page.*
Où tu vas, toi ? http://membres.lycos.fr/zimage/smile/grr.gif

Somptueux récit, à placer dans les incontournables.
Une nouvelle fois : c'est long mais c'est bon (maxime futé).

*Laisse une foule de souriards en folie pour exprimer une once de son admiration.*
:) ;) ;) :) :merci: :merci: :amour: :) ;)

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